Nous examinons ce matin, conjointement avec la commission des lois, le rapport d'information de nos collègues Jean Sol et Jean-Yves Roux sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale. Je salue nos collègues de la commission des lois et ceux qui participent à notre réunion à distance.
Décidé par le bureau de nos deux commissions l'an dernier, ce travail commun a subi les vicissitudes de la crise sanitaire et a dû être reporté. Notre collègue Nathalie Delattre qui en était à l'origine et avait été désignée rapporteure n'appartient plus à la commission des lois et c'est donc un binôme différent qui nous présente ses travaux ce matin.
Comme nous avons pu le constater avec la crise, le recours à l'expertise est d'un maniement difficile. Les experts ne sont pas forcément unanimes, ce qui peut créer de la confusion et ils ne dispensent en rien de décider et de porter une responsabilité pour les décisions prises. C'est tout l'enjeu de bien préciser leur positionnement et les conditions de leur intervention.
C'est ce que nous allons examiner ce matin en matière psychiatrique et psychologique.
Je tiens à excuser l'absence de François-Noël Buffet, retenu par une réunion avec le président Larcher, et à remercier nos deux rapporteurs, Jean-Yves Roux et Jean Sol pour leur important travail.
Fruit d'une réflexion de longue haleine, nos travaux ont été rejoints par une actualité tragique, dont les conséquences judiciaires ne sont pas achevées : je veux bien entendu parler du meurtre de Sarah Halimi, dont l'examen par la Cour de cassation a débuté mercredi 3 mars dernier. Tout en l'intégrant à notre réflexion, nous avons cependant tenté de prendre le recul nécessaire à l'appréciation sereine du problème auquel nous faisons face.
Ce problème est celui de la relation entre le magistrat et l'expert chargé de l'éclairer par son savoir scientifique dans un domaine particulièrement sensible, celui de l'état mental d'une personne accusée d'un crime ou d'un délit. Paradoxalement, alors même que la scientificité de l'expertise psychiatrique connaît encore des détracteurs, on lui demande de plus en plus de se prononcer sur des questions graves, susceptibles de déterminer le sort de l'accusé et la perception de la justice rendue par les victimes et leurs familles. On a tendance aussi à la confondre avec ce qu'elle n'est pas, notamment l'expertise criminologique quand il s'agit de déterminer le risque de récidive ou la dangerosité.
Avant de laisser la parole à Jean Sol, je me concentrerai sur le nombre de sollicitations d'expertises et sur la question fondamentale du discernement.
Je souhaite tout d'abord rappeler le principe énoncé à l'article 427 du code de procédure pénale : c'est le juge qui décide, nul ne peut se substituer à lui et il ne peut se défausser sur personne de cette obligation qui lui est faite de rendre justice.
Si le juge peut recourir à des experts pour l'aider dans sa tâche, dans quelque domaine que ce soit, il n'est pas tenu par leurs avis - la jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point. Le juge peut aussi choisir librement un expert, au-delà des listes établies par les cours d'appel ou la Cour de cassation.
Le lien de confiance entre le juge et l'expert est donc essentiel, ce qui explique pourquoi les magistrats préfèrent travailler avec certains experts, dont ils partagent les analyses en matière de responsabilité pénale. La psychiatrie est en effet partagée en écoles scientifiques et théoriques, qui peuvent peser sur l'appréciation du discernement ou du risque de récidive.
Comme l'a souligné la Chancellerie lors de son audition, les fondements permettant de recourir à une expertise psychiatrique en matière pénale sont multiples - compatibilité de l'état de santé d'une personne avec une mesure de garde à vue, détermination de la responsabilité pénale au sens de l'article 122-1 du code pénal, recueil d'éléments de personnalité et, en « post-sentenciel », évaluation de la dangerosité d'une personne condamnée et des risques de récidive, etc.
De surcroît, en dehors des hypothèses dans lesquelles l'expertise est obligatoire, la juridiction de l'application des peines peut toujours diligenter une expertise si elle l'estime utile.
La Chancellerie a insisté sur le nombre finalement réduit d'expertises obligatoires dans la masse des expertises conduites, et sur une forme de sur-sollicitation des experts par les magistrats et les parties. Clairement, une mise à plat doit intervenir et conduire à la définition de bonnes pratiques dans une circulaire du garde des sceaux, pour éviter tout recours excessif. Un équilibre doit être trouvé entre la multiplication des avis et la nécessité de juger.
Depuis 2008, le nombre de cas où le juge se voit imposer l'obligation de recourir à une expertise a augmenté. Or aucun bilan n'a été fait de ces mesures, qui touchent pourtant aux limites de ce que peut la psychiatrie : prédire le comportement à venir. De nombreux experts auditionnés nous ont indiqué que ce travail serait sans doute mieux fait par d'autres professionnels que les psychiatres. Nous souhaitons donc qu'un bilan de ces expertises obligatoires en matière de dangerosité puisse être conduit par les inspections des ministères.
A minima, les expertises obligatoires posent d'importantes difficultés si elles ne sont pas conduites dans des délais raisonnables, et lorsque la réalité des faits ne correspond pas aux conclusions de l'expertise. C'est ce bilan précis qui nous manque.
J'en viens à la raison historique du recours à l'expertise psychiatrique en matière pénale, la détermination du discernement. Je rappelle que l'article 122-1 du code pénal prévoit deux cas dans lesquels le discernement entraîne une absence totale ou partielle de sanction pénale : l'abolition du discernement, qui interdit la condamnation, et son altération, qui entraîne une réduction de peine.
Nos deux commissions se sont penchées il y a plus de dix ans sur cette question et le rapport de nos collègues de l'époque reste malheureusement d'actualité. Trop de personnes atteintes de troubles mentaux sont en prison. À l'inverse, l'assassinat de Mme Halimi a montré que, malgré les réformes de procédure mises en place en 2008 pour que le prononcé de l'irresponsabilité ne puisse être assimilé à une exonération, un important travail reste à conduire pour que les parties civiles ne s'estiment pas trahies quand une décision d'abolition du discernement est rendue.
La décision d'irresponsabilité rendue en première instance et en appel dans l'affaire Halimi est pendante devant la Cour de cassation. Elle pose une question de droit, que notre collègue Nathalie Goulet avait soulevée en février 2020 lors d'un débat en séance publique. Dans quels cas l'utilisation de psychotropes est-elle une circonstance aggravante ? Dans quels cas au contraire est-elle une cause d'abolition du discernement ? La question de droit est celle de la lettre de l'article 122-1, qui reconnaît le « trouble psychique ou neuropsychique » comme seule cause de l'abolition du discernement. Or l'intoxication peut provoquer des bouffées délirantes en dehors de toute pathologie. Si l'intoxication est volontaire, on peut considérer qu'il y a été procédé en connaissance de cause.
Toutefois, si les conséquences psychiatriques de l'intoxication ont été subies involontairement, l'abolition nous paraît possible. Nous souhaitons donc contribuer au débat actuel en formulant une proposition de rédaction en ce sens. Concrètement, l'intoxication peut avoir été recherchée pour commettre une infraction, mais il peut aussi exister des cas dans lesquels cette intoxication a eu des conséquences psychiques que l'auteur de l'acte ne pouvait anticiper. Il nous paraît important que le juge puisse prendre en compte cette réalité.
Il s'agit à l'évidence d'un sujet complexe, sur lequel les débats doivent se poursuivre. La frontière entre altération et abolition reste et restera particulièrement difficile à déterminer. C'est pourquoi l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale demeure essentielle. Il nous paraît donc indispensable de la recentrer sur ce point et d'oeuvrer pour que les relations entre magistrats et experts soient les plus efficaces possible, au service de la justice.
Permettez-moi avant toute chose d'adresser des remerciements particuliers à Mme Nathalie Delattre, à qui revient l'initiative du travail que nous vous présentons. Étalé sur plus d'une année et temporairement suspendu en raison du contexte pandémique, le groupe de travail commun à nos deux commissions a tenté de mettre à profit ce délai rallongé pour approfondir sa réflexion et rencontrer de nombreux acteurs qui se sont penchés sur cette question ancienne, délicate et à notre sens non tranchée de la responsabilité pénale du criminel lorsque le crime est commis en l'absence de discernement.
Notre rapport s'inscrit dans le contexte douloureux du meurtre de Mme Sarah Halimi, survenu dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, de la main d'un individu ayant agi sous l'emprise de psychotropes. L'information judiciaire qui a suivi ce drame s'est offerte au grand public, légitimement ému de cette affaire, comme la chronique désarmante d'une justice tributaire d'expertises aux avis inexplicablement divergents.
Pour vous en livrer brièvement le résumé, l'auteur des faits a successivement été soumis à trois expertises ayant chacune livré des conclusions différentes. Alors que la première, conduite par un expert seul, évoquait une altération du discernement et, par conséquent, un maintien de la responsabilité pénale du commettant, les deux suivantes, collégiales, ont pour leur part identifié une abolition du discernement, conduisant à son irresponsabilité pénale.
Les motifs de la troisième expertise ont suscité les plus grandes interrogations : l'abolition du discernement y était retenue, non sur le fondement d'une pathologie mentale préexistante dont la substance psychoactive aurait aggravé les effets, mais sur le fondement déconcertant d'une ignorance initiale du commettant quant à ces mêmes effets.
Au cours de l'examen du pourvoi de la famille de la victime par la Cour de cassation mercredi dernier, le parquet général a explicitement déploré un état du droit insatisfaisant, qui ne permet pas de trancher le débat sur l'impact de la « faute antérieure », autrement dit le geste accompli en conscience qui prépare l'éclipse du discernement. C'est là, à notre sens, que la loi présente une lacune et que l'intervention du législateur, désormais éclairée par de nombreux débats, est attendue.
En plus du problème de fond soulevé par cette affaire, rappelé par Jean-Yves Roux, les suites judiciaires du meurtre de Mme Halimi sont une illustration éloquente des heurts auxquels expose le recours itératif aux expertises et contre-expertises.
Reconnaissons, mes chers collègues, que le code de procédure pénale, légitimement soucieux d'augmenter la place du contradictoire dans l'expertise pénale présentencielle, a conduit à une multiplication parfois dommageable des interventions d'experts.
Non seulement cette multiplication est susceptible d'allonger la procédure, mais elle fait en plus intervenir l'expert à des moments différents de l'instruction ou du jugement, alors que les professionnels font unanimement dépendre la fiabilité de leur travail de sa précocité après les faits.
Les vingt propositions figurant dans notre rapport esquissent un début de régulation de la demande d'expertises par le magistrat. Nous suggérons ainsi de limiter la possibilité ouverte aux parties de demander une contre-expertise à deux stades différents de l'instruction, parfois très éloignés dans le temps.
De façon plus générale, nous pointons le danger qui guette une justice dont la demande d'expertises connaît un dynamisme important, dans un contexte de diminution constante du nombre d'experts disponibles.
Cet effet de ciseaux, relevé par l'ensemble des professionnels auditionnés comme préjudiciable à l'indispensable qualité de l'expertise en matière pénale, est le produit de trois causes : l'absence totale de contrainte limitative énoncée par la loi à l'égard des juges demandeurs ; la technicisation accrue des actions judiciaires et leur exposition médiatique ; enfin, l'objectif de réinsertion sociale des anciens détenus, qui contraint les juges d'application des peines à solliciter des avis et des compétences extérieurs afin d'anticiper au mieux le parcours post-carcéral.
De la loi Guigou de 1998 relative au suivi sociojudiciaire à la loi Dati de 2008 relative à la rétention de sûreté, les demandes d'expertise ont en effet connu une véritable prolifération, reflet du souci croissant et légitime de prévenir et d'évaluer le risque de récidive d'un prévenu ou d'un détenu arrivé au bout de son parcours pénitentiaire. Cette mission mobilise de plus en plus intensément les experts psychiatres, qui sont unanimes à questionner l'utilité de ces sollicitations, non régulées et jugées dans leur majorité redondantes et chronophages.
Cette dérive confirme un mouvement préoccupant, à savoir l'attribution d'une mission prédictive de dangerosité à un professionnel de santé chargé de la détection des pathologies psychiatriques.
Cette attention accrue portée au risque de récidive a fini par déteindre sur l'expertise présentencielle, témoignant d'un glissement problématique de la mission du magistrat, moins soucieux de l'accessibilité du prévenu à une sanction pénale que de l'utilité de cette dernière.
Ce mouvement doit être replacé dans le contexte de ces dernières décennies, qui a alternativement connu la « disqualification » de la peine d'emprisonnement au profit de mesures de réinsertion du délinquant, et, a contrario, la volonté politique de renforcer la peine par des mesures de rétention en cas de dangerosité avérée.
Sans contester l'opportunité de l'une ou l'autre de ces inflexions, nous nous devons de rappeler qu'elles n'ont pas pour autant fait disparaître du code pénal l'absolue nécessité pour le juge de fonder prioritairement la peine sur l'acte commis, et d'envisager la réinsertion ou la rétention du délinquant dans un temps distinct.
En matière post-sentencielle, l'évaluation du risque de récidive par un expert peut venir directement concurrencer celle des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, l'absence totale d'articulation entre ces travaux pouvant conduire à des résultats contradictoires susceptibles de compliquer l'office du juge de l'application des peines.
À mesure que se diffuse la formation criminologique des SPIP au risque de récidive, il nous semble parfaitement envisageable que la nécessité de l'expertise post-sentencielle se réduise nettement d'ici dix ou vingt ans.
J'évoquerai à présent quelques éléments ayant trait à la pratique de l'expertise et aux difficultés concrètes rencontrées par les experts.
La première d'entre elles tient bien évidemment à leur rémunération. L'article R. 117 du code de procédure pénale, issu d'un décret du 27 février 2017, prévoit explicitement de ne pas appliquer de grille tarifaire uniforme aux actes d'expertise, pour tenir compte de la nature et de l'étendue des actes prescrits. Toutefois, la grille tarifaire adoptée dans un arrêté du même jour ne prévoit aucune variation selon le nombre d'examens requis par l'autorité judiciaire, et ne tient que très partiellement compte de l'intensité du travail fourni...
Une expertise réalisée par un praticien hospitalier est invariablement tarifée à 312 euros, que cette dernière porte sur un cas clinique simple ou sur un dossier étoffé aux incidences pronostiques majeures. Outre la réévaluation de la tarification des actes de psychiatrie et de psychologie légales, il paraît indispensable de prêter une attention particulière à la modulation de la rémunération en fonction de l'ampleur de l'affaire et de l'investissement requis de l'expert.
C'est toutefois en matière d'assujettissement au régime général de la sécurité sociale que les modalités de rémunération des experts pénaux ont été le plus vivement critiquées.
Jusqu'en 2015, le ministère de la justice, pourtant employeur des experts, ne retenait aucune cotisation sociale de la rémunération qu'il leur versait ! C'est un décret du 2 juin 2016 qui a posé le principe d'une affiliation de l'ensemble des experts collaborateurs occasionnels du service public au régime général, régularisant enfin leur situation sociale. Les augmentations de crédits budgétaires consacrées à la couverture de leurs frais doivent donc essentiellement se comprendre comme des mesures de compensation destinées à couvrir les cotisations sociales désormais mises à la charge de l'État, et non comme des mesures de revalorisation de leur tarif.
Le passage pour l'expert d'une rémunération nette à une rémunération brute peut parfois dissimuler des phénomènes de perte sèche : si le projet élaboré en 2019 par le ministère de la justice avait été mis en oeuvre, la déductibilité directe des cotisations sociales du montant versé à l'expert se serait traduite par une amputation d'environ 7,5 % de sa rémunération, compensée par une augmentation tarifaire de 5,45 % seulement, soit une perte nette de près de 2 %. Il est urgent que les pouvoirs publics adoptent un pilotage plus précis de cette dépense, essentielle à l'attractivité de la mission.
Au terme de ce travail, nous avons acquis la certitude que le sujet de l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale ne peut plus faire l'économie d'une réforme dédiée. Jusqu'à présent traité de façon incidente, au gré des grandes lois pénales par lesquelles tous les gouvernements ont souhaité imprimer leur marque à notre appareil répressif, l'expert souffre aujourd'hui de n'avoir jamais été considéré en tant que tel.
À cheval entre justice et santé, sa mission croise différentes traditions de l'action publique. Nous espérons que notre rapport clarifiera les zones d'ombre qui entourent son action et ouvrira la voie à d'éventuelles traductions législatives.
J'appelle également de mes voeux un débat parlementaire qui pourrait traiter frontalement de ce sujet, si possible à l'occasion d'un projet ou d'une proposition de loi.
Cette histoire d'intoxication est vraiment très complexe. Où commence et où finit la responsabilité individuelle ? Imaginons un crime commis par une personne après une forte consommation de drogue : on peut considérer que son état la rend irresponsable, ou estimer au contraire que la prise répétée de stupéfiants ayant préparé la commission de l'acte relève de la volonté personnelle.
Je vois également une contradiction dans l'idée de limiter les contre-expertises, sans toutefois parvenir à la résoudre. Évidemment, plus les expertises sont proches des actes, plus elles ont une chance d'être pertinentes. Toutefois, pour les procès qui durent des années, voire des décennies, comment restreindre le droit à la contre-expertise sans porter atteinte au principe du contradictoire ?
Lorsque nous visitons des prisons, nous voyons en effet que beaucoup de détenus relèvent de la psychiatrie. Il faudrait suffisamment de places dans des établissements adaptés, mais aussi plus de psychiatres dans les prisons.
Mon intervention soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. J'en ai bien conscience !
J'habite à dix kilomètres de l'unité de malades difficiles de Cadillac. Ne nous faisons pas d'illusions : même si des soins y sont dispensés, il s'agit d'un milieu carcéral. Je ne suis donc pas sûre qu'il soit plus facile d'être placé dans ce genre d'établissements, en cas d'irresponsabilité, que de passer plusieurs années dans une prison traditionnelle.
En effet, le nombre de psychiatres est insuffisant. Il manque aussi une formation en criminologie au cours des études de médecine. À l'inverse, les juristes sont sans doute formés à la criminologie, mais peut-être pas à des notions de psychiatrie.
Il est difficile d'examiner cette problématique sans se pencher sur l'état très critique de la psychiatrie dans notre pays.
Quand nous visitons les prisons, nous constatons en effet que certains détenus auraient besoin de recevoir des soins psychiatriques.
J'ai participé, avec Brigitte Micouleau, à une mission sur les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) : nous nous sommes posé beaucoup de questions sur la prise en charge des patients, parfois sous camisole chimique. Je n'ai pas vraiment de solutions, mais le problème doit être considéré dans sa globalité.
Le syndicat de la magistrature s'est récemment inquiété d'une surpénalisation de la maladie mentale. Cela doit nous interroger.
Nous avons vraiment besoin d'une formation psycho-légale approfondie des internes en psychiatrie. Il faut aussi revisiter la rémunération des experts et leur reconnaissance par l'État.
Nous sommes tous conscients de la complexité de la maladie mentale. Il est très difficile de comprendre ce qui peut se passer dans la tête d'une personne atteinte d'un trouble psychiatrique.
On peut s'interroger sur la responsabilité individuelle, certes, mais il est difficile d'expliquer, par exemple, pourquoi telle personne va ressentir le besoin de se noyer dans l'alcool.
Je pense enfin qu'il est encore difficile d'évaluer toutes les conséquences de la pandémie en termes de déprogrammation de soins psychiatriques.
Le but de ce rapport est évidemment qu'une proposition de loi soit déposée le plus rapidement possible.
En pratique, aujourd'hui, c'est le juge qui décide si une intoxication aux stupéfiants peut conduire à une altération ou à une abolition du discernement. Doit-on préciser le code pénal sur ce point ? Nous le pensons.
La place des personnes atteintes d'un trouble mental n'est pas en prison. Un rapport réalisé par nos deux commissions en 2010 pointait déjà cette triste réalité.
Enfin, je suis bien entendu favorable au renforcement de la formation des psychiatres, un problème qui est ressorti des auditions que nous avons menées.
Nous proposons d'ajouter un critère légal à l'irresponsabilité pénale, fondé sur le caractère involontaire de l'intoxication. Autrement dit, si une faute antérieure du commettant a conduit à son manque de discernement, la responsabilité pénale de ce dernier me semble devoir être maintenue.
La restriction du principe de contre-expertise doit selon nous être inscrite dans la loi pour être valable. Elle doit bien entendu respecter l'égalité des armes entre les parties.
Notre rapport contient plusieurs propositions sur les UHSA, dont il convient de revoir les missions et de renforcer les moyens.
Pour combler le déficit de formation des psychiatres, nous proposons d'ajouter une option nationale en psychiatrie ou psychologie légale à l'issue des formations de médecine ou de psychologie.
Enfin, d'après de nombreux professionnels que nous avons auditionnés, le problème de l'emprisonnement de personnes atteintes de troubles psychiatriques provient de décisions judiciaires ayant conclu à l'altération, et non à l'abolition de leur discernement. Sans doute est-ce là le reflet d'une demande de la société de voir les criminels enfermés, quel que soit leur état mental.
Lors de la bien triste affaire d'Outreau, l'affrontement des experts fut désastreux. En revanche, le fait que la contre-expertise ait été espacée du pic de médiatisation de l'affaire a plutôt été bénéfique. À cette occasion, de nombreux experts ont également alerté sur leur faible rémunération.
J'ai enseigné dans un institut d'études judiciaires et un institut de criminologie. Des formations de psychiatrie légale y sont dispensées, essentiellement tournées vers l'enquête. Mais elles sont réservées aux étudiants qui souhaitent passer les concours de magistrats et de commissaires de police. Il faudrait une formation plus générale pour les juristes.
Du côté des études de médecine, je ne sais pas en revanche si la formation de médecine légale est bien assurée.
Après l'affaire d'Outreau, le rapport Houillon avait soulevé le problème des liens d'intérêts des experts psychiatres ou psychologues.
Nous proposons dans notre rapport de renforcer la déontologie des experts, notamment au moyen d'une déclaration obligatoire de leurs liens d'intérêts.
Il me reste à vous demander l'autorisation de publier ce travail sous la forme d'un rapport d'information.
La commission des affaires sociales et la commission des lois autorisent la publication du rapport d'information.
La réunion est close à 9 h 50.