Sont aujourd'hui inscrites à notre ordre du jour deux communications successives des rapporteurs spéciaux de la mission « Cohésion des territoires », l'une sur la politique d'hébergement d'urgence, l'autre sur le financement de la lutte contre les algues vertes.
Les travaux de contrôle budgétaire de notre commission seront fortement marqués, cette année, par l'examen des conséquences de la crise sanitaire. Le secteur que j'ai choisi de suivre, l'hébergement d'urgence, fait sans doute partie de ceux qui font l'objet d'une attention plus particulière, eu égard aux conséquences financières importantes de la crise, et ce dès l'annonce du premier confinement le 16 mars 2020.
Je vous propose en préambule un petit retour en arrière de cinq ans, date de mon précédent contrôle budgétaire sur le sujet. J'avais pointé à l'époque une sous-budgétisation chronique ayant des effets sur les opérateurs et la nécessité d'un véritable « rebasage » des crédits, assorti d'une meilleure territorialisation de leur affectation tenant mieux compte des réalités locales. J'avais également appelé à une maîtrise des coûts plus efficace, grâce à des contrats d'objectifs et de moyens (COM) et à la mise en oeuvre de la convergence tarifaire. J'avais souligné le recours excessif aux nuitées hôtelières et l'incapacité à inverser l'évolution de la courbe. J'avais aussi préconisé la clarification de l'usage des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui finançaient aussi de manière substantielle les demandes d'asile. J'avais appelé à une meilleure connaissance des publics concernés par la demande d'hébergement d'urgence. À cet égard, les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) et leur système d'information (SI-SIAO) étaient déjà d'actualité, ainsi que la nécessité d'une nouvelle enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Enfin, j'avais appelé à une amélioration du pilotage de la politique de l'hébergement d'urgence, qui était écartelé entre plusieurs ministères.
Qu'en est-il cinq ans plus tard ?
Certes, les choses se sont améliorées, mais il y a encore beaucoup à faire. On s'interroge parfois sur l'utilité de ces contrôles, mais il est au moins une de nos préconisations de 2016 qui a été mise en oeuvre - cinq ans après, un peu en catimini et en pleine crise sanitaire ! -, puisque la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) a pris les rênes du pilotage de cette politique. Pour le reste, il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont cette politique est mise en oeuvre.
Si c'est l'État qui finance en grande partie ces missions, ce sont des associations et des organismes qui les mettent en oeuvre ; privés au début de la crise de toute aide et même d'équipements de protection, ceux-ci ont dû poursuivre leurs tâches dans les centres d'hébergement comme dans la rue, au contact des personnes sans abri, en élaborant au jour le jour de nouveaux modes d'intervention.
Il faut cependant reconnaître que les pouvoirs publics ont pris des décisions fortes en décidant la mise à l'abri de manière plus généralisée que d'habitude des personnes sans abri. De nombreuses places temporaires ou exceptionnelles d'hébergement ont été ouvertes : on en compte aujourd'hui 18 500 environ. Surtout, le nombre de places d'hébergement en hôtel, qui était inférieur à 50 000 avant la crise sanitaire, est aujourd'hui supérieur à 74 000. C'est ainsi de l'ordre de 40 000 places d'hébergement qui ont été ouvertes depuis le début de la crise sanitaire. Si l'on ajoute le parc pérenne des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et des centres d'hébergement d'urgence (CHU), qui existait pour l'essentiel avant la crise, le parc d'hébergement atteint aujourd'hui un niveau considérable avec 200 000 places environ. Ces chiffres ont été confirmés par la ministre, qui a également annoncé, juste après son audition par notre commission, la pérennisation de ces places jusqu'à la fin de la crise sanitaire, c'est-à-dire au moins jusqu'à la fin de 2021, ainsi qu'une ouverture de crédits importante dans le prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Ces décisions ont eu des conséquences sur le budget du programme 177, qui fait l'objet de ce rapport. Alors qu'il avait été prévu en début d'année 2020 à un niveau de 1,991 milliard d'euros, ce programme a reçu en cours d'année 449 millions d'euros supplémentaires dans le cadre des troisième et quatrième lois de finances rectificatives, soit une croissance des crédits de plus de 20 %. Ces sommes importantes n'ont pourtant pas été suffisantes, et mes premières observations porteront sur la gestion budgétaire de cette politique.
Je le redis, j'avais déjà critiqué en 2016 la sous-budgétisation chronique du programme 177. Les efforts consentis dans les budgets de 2017 et surtout de 2018 ont corrigé quelque peu cette tendance en procédant à un « rebasage », par un examen précis des activités couvertes par le programme permettant de déterminer un budget plus sincère. Force est de constater que les difficultés de gestion sont très vite revenues. Au cours des années suivantes, les crédits proposés en loi de finances initiale étaient à nouveau inférieurs aux crédits réellement consommés les années précédentes, alors que les besoins, eux, ne diminuaient pas. Avant même la crise sanitaire, la crise migratoire était l'une des raisons de l'augmentation continue de la demande.
Dès le début de l'année 2020, une sous-budgétisation de plus de 100 millions d'euros était patente. Puis, la crise sanitaire a entraîné des dépenses nouvelles, notamment par l'ouverture de places nouvelles d'hébergement, le desserrement des centres existants afin de respecter les contraintes sanitaires et la distribution de « chèques services » permettant aux personnes sans abri de pourvoir à leurs besoins essentiels.
En 2020, les 449 millions d'euros ouverts par les collectifs budgétaires successifs n'ont pas suffi, et certains organismes m'ont expliqué qu'ils avaient dû en fin d'année, comme en 2016, puiser dans leur trésorerie pour financer les dépenses indispensables : 10 millions d'euros pour la Croix-Rouge française, ce qui n'est pas négligeable, et 20 millions d'euros pour le Samu social de Paris, qui a dû souscrire un emprunt bancaire.
L'année 2021 ne se présente pas mieux, et il manquera plusieurs centaines de millions d'euros de crédits, avant même les annonces de la ministre sur la pérennisation des 200 000 places - nous verrons ce qui sera inscrit en PLFR -, aussi bien pour régler les arriérés de 2020 que pour les dépenses supplémentaires causées par la crise.
Je formulerai donc plusieurs recommandations.
Il convient de procéder à un nouveau « rebasage » des crédits, en instaurant des règles permettant de mieux apprécier l'évolution des coûts d'année en année. Les 2 milliards d'euros de crédits budgétaires devront, à mon avis, être augmentés de plusieurs centaines de millions pour éviter cette gestion au fil de l'eau et régler les difficultés des opérateurs en fin d'année. C'est le chiffre que nous a donné la Dihal, et le fait que la ministre ne se soit jamais prononcée sur le sujet peut augurer des discussions compliquées avec Bercy. Parviendrons-nous à l'automne, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances pour 2022, à un véritable « rebasage » ? Je le souhaite, mais j'en doute.
Il faudrait ensuite accélérer les versements aux associations et organismes gestionnaires de centres d'hébergement.
Je préconise également de supprimer ou de limiter à 0,5 % la réserve de précaution. En effet, celle-ci n'a pas de sens pour des dépenses qui sont largement contraintes ; ce ne sont pas des dépenses de guichet comme les aides personnelles au logement (APL) qui doivent être inscrites par l'État. La diminution de cette réserve de précaution favoriserait la fluidité en cours d'année, sans entraîner aucune dépense supplémentaire car elle est de toute manière dégelée en fin d'année.
La politique d'hébergement ne peut toutefois être mise en oeuvre sans une connaissance du public auquel elle s'adresse. Il faut à cet égard souligner une nouvelle fois la nécessité de mener une nouvelle enquête « Sans-abri », comme celle qu'a conduite l'Insee en 2001 puis en 2012 - cela se produit tous les dix ans. Cela ne veut pas dire que rien ne s'est produit entretemps. Par exemple, la Nuit de la solidarité, mise en place régulièrement depuis quelques années dans les grandes villes, consiste à effectuer des maraudes pour compter les personnes à la rue. Néanmoins, les informations de l'Insee sur la diversité de la population sans abri et ses besoins sont indispensables et complètent ces comptages ponctuels.
En outre, au coeur des parcours d'hébergement se trouvent les SIAO, qui répondent au numéro d'urgence 115 et orientent les personnes sans abri soit vers un hébergement, soit vers un logement. Ils sont organisés depuis peu à raison d'un SIAO par département, mais la bonne échelle pourrait même être interdépartementale dans des territoires très intégrés comme sur le périmètre de la métropole du Grand Paris. L'efficacité de ces services est malheureusement limitée par une connaissance parfois insuffisante du parc de logements disponibles ; ils ont en outre été victimes, depuis l'automne dernier, d'un changement de version de leur système d'information qui s'est très mal passé, alors que l'idée était au contraire de généraliser le même outil pour tous les SIAO. On a déploré un manque de fonctionnalité, des pertes de données personnelles - Emmanuelle Wargon a indiqué qu'elles avaient été récupérées. Voilà encore un exemple d'un grand projet informatique qui conduit à des difficultés plus grandes pour les utilisateurs.
L'hébergement recouvre plusieurs catégories d'établissements. Les plus stables sont les CHRS, qui visent l'hébergement, mais aussi la réinsertion sociale progressive des personnes accueillies. Ces centres sont engagés dans un processus de signature de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (CPOM) - je vous en parlais déjà en 2016 -, qui a pris du retard, mais mérite d'être encouragé, dans l'intérêt à la fois des gestionnaires de centres, qui y gagnent en visibilité, et des finances publiques grâce à une meilleure maîtrise des coûts par rapport aux prestations apportées - la fameuse « convergence tarifaire » dont la mise en oeuvre est délicate.
Les centres d'hébergement d'urgence sont en fort développement, notamment depuis la crise sanitaire. Les plus anciens doivent poursuivre leur rénovation pour qu'il soit mis fin aux grands dortoirs qui ne correspondent plus aux normes d'hébergement actuelles et ne facilitent pas la réinsertion. Par ailleurs, des centres plus spécialisés se sont développés, tels que l'hébergement des femmes victimes de violences, pour lesquelles le nombre de places a augmenté de 70 % depuis 2015, ou les centres d'hébergement spécialisés (CHS), créés au printemps dernier pour accueillir des personnes sans abri malades du covid. La promiscuité au sein de ces structures aurait pu laisser craindre une propagation importante du virus, mais la situation s'est plutôt bien passée. La capacité de ces centres a donc été sous-utilisée.
J'en viens aux nuitées hôtelières. En 2007, moins de 10 000 personnes étaient hébergées en hôtel ; en 2019, avant la crise sanitaire, elles étaient près de 50 000, et aujourd'hui, elles sont 74 000. Les efforts - toujours annoncés, mais jamais réalisés - pour limiter cette expansion se sont heurtés à la facilité que représente cette solution pour répondre à des situations d'urgence, avec la reconversion d'hôtels bas de gamme. De fait, la chute de l'activité hôtelière depuis le début de la crise sanitaire a poussé à les utiliser de manière massive pour l'hébergement des sans-abris : c'était aussi une opportunité pour les hôteliers eux-mêmes. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? On peut imaginer que certains hôteliers, craignant que le tourisme ne continue à stagner, décident de reconvertir leur établissement. C'est plausible, mais ce n'est pas une certitude. Le problème devrait plutôt se poser au début de l'année 2022. En tout état de cause, la solution actuelle ne saurait perdurer, car l'hébergement en hôtel est la solution la moins adaptée : elle ne permet pas aux personnes ainsi logées de se nourrir correctement ni de bénéficier d'un suivi et d'un accompagnement adaptés.
Enfin, la politique d'hébergement n'est pas une politique isolée. La crise sanitaire a renforcé le constat de la nécessité de mieux coordonner l'hébergement et l'action sanitaire et sociale, afin de prendre en compte d'une manière globale les besoins des personnes sans abri.
L'hébergement reçoit aussi, en application du principe d'accueil inconditionnel, des demandeurs d'asile et des réfugiés qui devraient plutôt relever du dispositif national d'accueil : ce phénomène s'est encore accru pendant la crise avec la fermeture des guichets pour les demandeurs d'asile. Cette situation doit être clarifiée, je le disais déjà en 2016, et j'appelle à l'établissement d'un bilan des dépenses supportées par le programme 177 alors qu'elles auraient dû, en principe, être imputées à d'autres budgets.
Pour conclure, l'hébergement n'est pas une fin en soi : il ne devrait constituer qu'une étape, l'objectif étant que chacun dispose des moyens et notamment du logement permettant de répondre à ses besoins de manière autonome. Il est donc nécessaire de poursuivre l'effort d'orientation des personnes en précarité vers le logement, ce qui passera nécessairement par une relance de l'offre de logements, en particulier sociaux. Sur ce point, nos inquiétudes sont toujours aussi grandes.
Merci de votre communication. Nous abordons régulièrement ce sujet qui touche de près la vie de nos concitoyens.
Je remercie le rapporteur spécial de son exposé. La situation s'est fortement dégradée en dix-huit mois, puisque le nombre de personnes accueillies en place d'hébergement à l'hôtel est passé à 74 000. L'hébergement d'urgence débouchera-t-il sur de vraies offres de logement ? Comme l'a dit le rapporteur spécial, la politique d'hébergement devrait être plus transversale en prenant en compte les différentes problématiques relatives à la santé, aux conditions d'hébergement ou encore à l'insertion. Quelle est la meilleure solution pour que cette prise en charge soit réalisée de manière parfaitement coordonnée entre les différents organismes ou les lignes budgétaires susceptibles d'être mobilisées ? L'objectif est de parvenir à un acteur unique dont l'action permette la diminution du nombre de personnes accueillies en hébergement d'urgence, en proposant d'autres solutions plus pérennes et satisfaisantes. On ne peut se satisfaire d'une telle dégradation de la situation, liée à l'augmentation des inégalités de toutes natures. Il faut affirmer une volonté plus forte au regard de progrès insuffisants réalisés depuis cinq ans.
Nous sommes confrontés, et cela ne date pas d'hier, à une embolisation du système. Si nous ne parvenons pas à redonner de la fluidité à l'ensemble de la chaîne jusqu'à l'attribution d'un logement pérenne aux publics concernés, nous n'avons aucune chance de régler les problèmes et serons condamnés à créer toujours plus de places d'hébergement d'urgence.
Puisqu'il est question de la crise migratoire, entre 40 et 60 % des personnes qui sont accueillies dans les centres d'hébergement sont dites « à droits incomplets ». Autrement dit, il s'agit de sans-papiers qui ne pourront pas obtenir de logement stable et, donc, sortir du système. La clarification budgétaire, si elle est nécessaire, ne changera donc pas les données du problème : nous avons été incapables jusqu'ici de faire face à la hausse de la demande.
Ce qui me frappe le plus, c'est l'augmentation du nombre de nuitées d'hôtel : entre 2009 et aujourd'hui, il a été multiplié par huit, pour atteindre 74 000 places occupées. En d'autres termes, le recours aux nuitées d'hôtel s'est pérennisé. Or la spécialisation de certains hôtels dans l'hébergement d'urgence ne va pas sans poser de problèmes : précarisation des quartiers dans lesquels ils se situent, manque d'accompagnement des publics concernés, manque d'insertion dans le tissu urbain...
L'État entend-il mener une réflexion sur le pilotage de l'hébergement hôtelier et l'accompagnement de ces publics ? Sans cela, on risque de créer des réfractaires aux politiques d'hébergement des personnes vulnérables.
L'échec relatif de l'accompagnement de ces publics vers un logement stable et pérenne s'explique-t-il seulement par l'insuffisance de l'offre ou est-il également dû au manque de coordination des services ou au manque de fluidité du système ? Combien faudrait-il construire de logements sociaux supplémentaires pour apporter une réponse satisfaisante à cette problématique ?
S'agissant des femmes victimes de violences, il faut distinguer les places disponibles dans les centres spécialisés où l'on ne trouve que des femmes de celles réservées dans certaines structures polyvalentes dans lesquelles le niveau de sécurité et les modalités d'accueil sont très différents.
Le chiffre de 74 000 nuitées tient naturellement compte des publics pris en charge par l'État, c'est-à-dire les majeurs, mais il ne reflète pas l'étendue du problème, dans la mesure où il faut également prendre en considération les nombreux mineurs non accompagnés que les départements sont obligés d'adresser à ces structures.
Depuis des années, la politique d'hébergement d'urgence est sous-financée. Comment le système a-t-il fait pour tenir ? Cette réalité budgétaire s'est-elle plutôt traduite par un manque de places, un manque de personnels ou des prestations dégradées ?
Un certain nombre d'hôtels se sont spécialisés dans l'accueil d'urgence, qui peut s'avérer une activité particulièrement lucrative : l'État dispose-t-il d'un interlocuteur dans le secteur de l'hôtellerie pour réfléchir aux modalités d'un retour à la normale ?
Comme il se doit, la commission des finances examine le volet financier de cette question, mais, en réalité, le problème est avant tout social et humain.
Je m'interroge sur les publics hébergés dans les structures d'urgence : beaucoup de personnes sont certes accueillies pour des raisons conjoncturelles, mais on y trouve aussi des réfugiés ou des sans-papiers, qui relèvent davantage de la politique migratoire et du droit d'asile. Je pense aussi aux individus, de plus en plus nombreux qui, ayant perdu leur logement, sont frappés par la grande précarité. Pour toutes ces populations, il serait peut-être moins coûteux pour l'État d'arrêter sa politique de Gribouille et de réfléchir à des solutions pérennes, comme la hausse du nombre des logements dans le parc social.
Aujourd'hui, nous sommes face à un paradoxe : le manque de logements est criant, mais on fait peser des contraintes de plus en plus lourdes sur les collectivités locales en matière de construction et d'urbanisme.
Cette politique est très préoccupante, et d'une certaine manière, assez culpabilisante, malgré l'important effort budgétaire de l'État dans ce domaine : les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence sont en effet passés de 1,7 milliard d'euros en 2017 à 2,4 milliards d'euros en 2020.
Je m'inquiète notamment de la part déterminante que joue l'augmentation du nombre d'étrangers non ressortissants de l'Union européenne dans la hausse significative du nombre de places d'accueil.
Les pouvoirs publics prévoient-ils de lancer des appels à projets pour l'ouverture de centres d'accueil sur le territoire national ? L'État est-il encore le plus à même de traiter cette question ? Un opérateur local ne serait-il pas mieux placé pour apporter une réponse efficiente, au plus près du terrain ?
Le rapporteur spécial a relevé les insuffisances de la politique d'hébergement d'urgence et des diverses politiques d'accompagnement de ces publics fragiles. Je pense évidemment aux sans-abri, aux demandeurs d'asile, mais on oublie trop souvent les populations vivant dans les squats, sorte de microsociétés dans la société, qui se développent dans une grande précarité et dans une grande violence.
Le recours aux nuitées d'hôtel est évidemment la moins bonne solution, même si un certain nombre d'efforts ont été réalisés pour mieux accompagner les publics accueillis. Je précise à ce sujet que, depuis que l'État l'a encadré, le coût d'une nuitée d'hôtel s'élève à environ dix-sept euros.
Le fait que certains hôtels se spécialisent dans l'accueil des personnes en situation d'urgence peut en effet poser un certain nombre de difficultés dans les quartiers. Il faut veiller à ne pas ajouter de la précarité dans des territoires où les problèmes sont déjà importants.
Pour répondre à Bernard Delcros, il faudrait probablement proposer 200 000 logements par an pour satisfaire les besoins. Ce chiffre est à comparer aux 100 000 places financées chaque année en logement social pour absorber la demande dite « classique ». On le voit, l'objectif est donc loin d'être atteint. Cela étant, je le répète, le problème principal reste que les personnes en situation irrégulière ne peuvent pas accéder à un logement pérenne.
Arnaud Bazin a évoqué les centres spécialisés dans l'accueil des femmes victimes de violences : ils sont évidemment indispensables. Sur la base de mon expérience personnelle, je regrette que, malheureusement, la politique des services de l'État en la matière diffère selon les départements.
À mon sens, mieux vaut tout de même que l'État continue de piloter ces politiques : je ne vois pas un président de conseil départemental se porter candidat pour assumer cette compétence, surtout compte tenu de son coût budgétaire.
Comment a-t-on pu tenir ? Grâce aux opérateurs et aux associations, qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Beaucoup de ces associations n'ont aucune visibilité en matière de financements. Quand les températures chutent tout à coup, quand une crise sanitaire survient, le ministre annonce des créations de place en urgence : les associations finissent par trouver des solutions en recourant aux CDD ou aux contrats précaires, ce qui n'est pas satisfaisant. On l'avait déjà pointé en 2016 : il faut mener à son terme la convergence tarifaire, qui a été suspendue pendant la crise. Les services de l'État doivent mieux calibrer ce que l'on attend des différents types d'hébergement ; en contrepartie, il faut donner de la visibilité aux opérateurs.
Par définition, les squatteurs ne sont pas comptabilisés parmi les personnes à la rue : ils ont un toit, même si ce n'est pas le leur. Budgétairement parlant, ils échappent à cette problématique.
J'y insiste, en la matière, on est toujours dans l'urgence. C'est sur ce point que doit porter l'effort d'amélioration : honnêtement, on n'y est pas encore.
La commission autorise la publication de la communication du rapporteur spécial sous la forme d'un rapport d'information.