La commission a procédé à l'audition de M. Bertrand Meheut, président du directoire du groupe Canal +, sur le projet de loi n° 467 (2005-2006) relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
a indiqué que l'arrêt de la diffusion analogique était nécessaire au développement des nouveaux services de communication audiovisuelle tels que la haute définition et la télévision mobile personnelle.
Après avoir souligné que ces deux technologies étaient particulièrement adaptées aux nouveaux modes de consommation du média audiovisuel, il a rappelé que leur lancement était conditionné par la mise en place d'un nouveau cadre législatif.
Il a souligné que l'arrêt de ce mode de diffusion était d'autant plus important, pour Canal +, que deux millions de ses abonnés recevaient encore une offre télévisée analogique. Dans ces conditions, il a estimé qu'il était essentiel pour l'équilibre économique du groupe d'assurer la migration de ces derniers vers des offres numériques en général et vers la télévision numérique terrestre en particulier.
Il a rappelé que cette transition vers le numérique nécessitait des investissements considérables pour le groupe Canal +. Aux frais engendrés par la double diffusion des signaux en mode analogique et en mode numérique s'ajoutent en effet ceux liés à la mise à disposition de chaque abonné d'un décodeur numérique.
Considérant que le dividende numérique dégagé par l'extinction de l'analogique serait limité, il a estimé qu'il devait être prioritairement utilisé pour la diffusion des services innovants.
S'agissant de la télévision mobile personnelle, il a considéré que son développement répondrait à la demande de plus en plus individualisée de la part du grand public en matière audiovisuelle.
Il a souligné que ce type de réception avait l'avantage de permettre à chaque individu d'un même foyer de regarder séparément ses programmes favoris et de garantir aux utilisateurs la continuité du service lors des déplacements personnels ou professionnels.
A cet égard, il a indiqué que la norme DVB-H paraissait particulièrement adaptée à la réception mobile compte tenu de sa faible consommation énergétique.
Un débat s'est ensuite engagé.
a interrogé le président de Canal + sur le calendrier d'extinction de l'analogique et sur le coût de la couverture du territoire. Il a également évoqué la vente de téléviseurs numériques, souhaitant à cet égard une meilleure information du consommateur et une visibilité sur les évolutions technologiques en cours.
a estimé que compte tenu de son nombre d'abonnés, Canal + devrait débourser environ 200 millions d'euros pour équiper ses clients de nouveaux décodeurs. Il a souhaité savoir à combien le groupe évaluait les économies susceptibles d'être réalisées du fait de l'extinction de l'analogique et en combien de temps elles seraient amorties. Il a également demandé des précisions sur la date d'attribution de la chaîne supplémentaire prévue par le projet de loi, sur le problème de la reprise des décrochages régionaux de France 3 et s'est plus généralement interrogé sur la politique de Canal + à l'horizon 2012, s'agissant notamment des contenus.
s'est interrogé sur le maintien de transmissions hertziennes, alors que le satellite répond parfaitement à la couverture du territoire. Il a également souhaité connaître le choix retenu par nos voisins européens dans ce domaine.
a demandé si l'arrêt de l'analogique conditionnait le démarrage de la télévision mobile et si la chaine bonus serait une fréquence destinée à la mobilité.
Evoquant les villes câblées, Mme Annie David s'est interrogée sur la nécessité d'une adaptation des technologies du câble pour recevoir la TNT.
En réponse aux intervenants, M. Bertrand Meheut a apporté les précisions suivantes :
- les téléviseurs actuellement proposés sur le marché sont quasiment tous numériques et équipés pour recevoir la TNT via un décodeur intégré ou un adaptateur ; mais tous ne sont pas équipés pour recevoir la haute définition et il est vrai que l'on offre actuellement au consommateur des appareils « HD Ready » qui ne sont pas tout à fait aptes à recevoir la haute définition et des appareils « Full HD » adaptés à cette technologie, mais encore très coûteux ;
- l'offre de haute définition sur Canal +, aujourd'hui limitée au satellite, représente environ 6 heures de programmes hebdomadaires réparties sur trois soirées, pour le match du dimanche, un film le lundi et une série le jeudi ; elle est encore insuffisante et il est nécessaire que les éditeurs investissent dans les contenus haute définition. La loi est indispensable pour diffuser des programmes en haute définition sur le réseau hertzien ;
- à ce stade, les diffuseurs n'ont pas pris la décision de couvrir plus de 85 % le territoire : la couverture totale en télévision numérique terrestre passera obligatoirement par une combinaison hertzien/satellitaire, certaines zones ne pouvant être atteintes par le hertzien en numérique ;
- l'arrêt de l'analogique contraindra Canal + à faire migrer ses abonnés vers une offre numérique, car les perdre serait catastrophique économiquement ; mais l'expérience récente prouve que la tâche n'est pas aisée ; c'est donc un coût supplémentaire et un risque pour la chaine ;
- il serait certes idéal que tous les Français soient raccordés au satellite ; mais il s'agit d'une hypothèse peu réaliste, compte tenu de la difficulté de pénétration des paraboles, notamment en zone urbaine, qui tient tant à notre sociologie qu'aux difficultés d'installation liées aux réticences des copropriétés ;
- il faudra simuler région par région et au cas par cas, notamment dans les zones frontalières, les conséquences de l'extinction de l'analogique ; mais c'est une responsabilité collective des éditeurs, du régulateur et de la puissance publique, qui dépasse la seule responsabilité de Canal +. Le groupe n'est pas un opérateur du satellite : il existe deux sociétés Astra et Eutelsat auxquelles Canal + achète des capacités, comme d'autres opérateurs ;
- avec la fusion des deux plateformes satellitaires Canal + et TPS, il n'y aura vraisemblablement plus à terme pour le consommateur qu'un seul satellite et une seule parabole ; il serait souhaitable qu'il n'y ait en France, comme dans tous les pays européens, qu'un seul satellite ;
- la diffusion des décrochages régionaux de France 3 en application du « must carry » représente certes un coût significatif pour France Télévisions, mais ce coût est légitime et des propositions commerciales ont été faites au groupe public par les plateformes satellitaires ;
- on ne peut faire de la mobilité en matière de télévision que par l'intermédiaire de la norme DVB-H ; le démarrage de la télévision mobile serait cependant possible avant l'extinction de l'analogique sur le multiplexe R 25, si l'on faisait le choix de l'attribuer à ce mode de diffusion ;
- les exemples étrangers offrent une grande variété de situations : on compte environ 10 millions de foyers abonnés au satellite en Grande-Bretagne avec une part importante de hertzien, alors que l'Italie et l'Espagne ont beaucoup de hertzien et que l'Allemagne offre surtout de la télévision par câble et peu de hertzien ;
- Canal + joue un rôle important dans le financement de la production des oeuvres, notamment cinématographiques dans le cadre de la convention signée en mai 2004 avec les organisations professionnelles du cinéma : plus le nombre d'abonnés progresse et plus sa contribution au compte de soutien augmente, représentant actuellement près de 12 % de son chiffre d'affaires. Le rapprochement Canalsat/TPS devrait favoriser la poursuite d'une politique d'acquisition riche et diversifiée.