Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 se réunit au Sénat le mercredi 20 juillet 2022.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Claude Raynal, sénateur, président, de M. Éric Coquerel, député, vice-président, de M. Jean-François Husson, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Jean-René Cazeneuve, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
Je veux d'abord dire le plaisir que nous avons toujours à rencontrer de nouveaux parlementaires lors des commissions mixtes paritaires (CMP) et à les accueillir pour la première fois dans la salle de la commission des finances du Sénat. Je salue également nos collègues députés plus expérimentés.
En application de l'article 45 de la Constitution, nous voici réunis en commission mixte paritaire afin de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 restant en discussion.
Le Sénat a marqué son mécontentement quant au report du dépôt du projet de loi. Si celui-ci est traditionnel lors des années d'élections, il a été particulièrement important cette année. C'est d'autant plus regrettable que la majorité gouvernementale n'a pas changé depuis la fin du mois d'avril. En disposant des documents au mois de juin, nous aurions pu travailler dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) révisée - le rapporteur général du Sénat et moi-même l'avions approuvée, même si toutes ses dispositions ne nous paraissaient pas d'une utilité parfaite -, c'est-à-dire en nous donnant du temps pour analyser les choses. Au lieu de cela, nous avons eu une demi-journée... Nous espérons sincèrement que c'est la dernière fois que les choses se passent ainsi.
Le projet de loi initial comportait 8 articles, dont l'article liminaire, tandis que le texte adopté par l'Assemblée nationale en comptait 9. Le Sénat l'a, quant à lui, rejeté. Tous les articles restent, par conséquent, en discussion.
Dans ces conditions, nos rapporteurs devraient pouvoir nous dire rapidement s'il est envisageable de parvenir à un accord...
Je suis très heureux de participer à cette première CMP depuis le début de la législature. Je remercie le Sénat de son accueil.
Je partage votre préoccupation concernant la LOLF et la question du respect des délais.
Nous aurons l'occasion de nous retrouver prochainement, au début du mois d'août, pour la CMP sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, pour laquelle nous vous accueillerons à l'Assemblée nationale, conformément à la règle de l'alternance entre nos deux assemblées.
Je laisse la parole à nos rapporteurs respectifs. Je pense que nous serons rapidement fixés sur la possibilité d'un accord...
Je m'associe aux mots de bienvenue du président.
Le résultat des votes est sans appel.
Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles le texte nous a été transmis. Je veux dire quelques mots sur les raisons qui nous ont conduits à le rejeter, malgré de bons résultats économiques, même si nos performances sont plutôt moins bonnes que ce que dit le Gouvernement et, en tout état de cause, moins bonnes que celles de nos partenaires européens.
Ce rattrapage économique a eu un coût par ailleurs : celui de la dégradation significative des comptes publics. Je ne rappellerai pas les chiffres : nous les avons tous en tête.
Rétrospectivement, on peut observer que l'année 2021 a préfiguré un certain nombre des chocs économiques que nous subissons en 2022 : choc d'approvisionnement en matières premières, choc sur l'évolution des prix, choc sur les marges des entreprises et choc sur le coût de financement de la dette.
Dans ce contexte, la situation de nos finances publiques est la suivante. Les recettes publiques ont été sous-évaluées lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin de gestion 2021. On évoque aujourd'hui une « manne » de 30 milliards d'euros supplémentaires, mais la prévision de croissance du Gouvernement pour 2021 était de 6,25 %, quand on savait que, mécaniquement, elle s'établirait à au moins 6,6 %. Si les dépenses publiques sont inférieures de 10 milliards d'euros à la prévision retenue dans le PLFR de fin de gestion, leur montant nous éloigne encore fortement des objectifs inscrits en loi de programmation des finances publiques.
Notre déficit est principalement supporté par l'État, tandis que les collectivités locales parviennent quasiment à l'équilibre et que les administrations de sécurité sociale ont divisé leur déficit par plus de deux. Quant à notre endettement public, il reste à un niveau très élevé en comparaison européenne, puisqu'il est de plus de 40 points supérieur à celui de l'Allemagne.
S'agissant du budget de l'État, je rappellerai juste que le déficit s'établissait, en 2021, à plus de 170 milliards d'euros.
Au total, le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur aux sommes qui avaient été mises en oeuvre lors de la crise financière de 2008 à 2010.
Enfin, nous déplorons le montant très élevé des reports de crédits : ils se sont élevés à plus de 36 milliards d'euros de 2020 sur 2021, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le montant des crédits reportés chaque année avait toujours été inférieur à 3,8 milliards d'euros.
Convenez qu'il soit difficile, dans ces conditions, de considérer qu'il y a là « bonne gestion »... Je regrette que le Gouvernement s'exonère des règles de la loi organique - je pense notamment aux principes de spécialité et d'annualité -, tout en appelant à la rigueur des comptes.
Au regard de ces constats, le Sénat n'a pas adopté le présent projet de loi de règlement. Par ailleurs, je rappelle qu'il n'avait pas voté le projet de loi de finances initiale pour 2021, qu'un certain nombre de libertés ont été prises au cours de l'année par rapport aux objectifs et que nous avions également exprimé notre forte opposition au versement d'une indemnité inflation lors du second projet de loi de finances rectificative pour 2021, opposition qui avait été balayée d'un revers de main à l'Assemblée nationale.
Notre rejet du projet de loi de règlement a été massif : seule une cinquantaine de sénateurs l'ont voté. Je dois cependant dire, par honnêteté, que les raisons de ce rejet ont été diverses.
Monsieur le rapporteur pour le Sénat, je partage votre constat sur la dégradation des comptes publics en 2021. Chacun en connaît les causes principales : une pandémie, qui a coûté cher en crédits d'urgence ; un plan de relance substantiel, pour lequel l'année 2021 a été la première année de plein décaissement ; un début d'envolée des prix, qui a conduit à de premières mesures de protection des Français ; une mise en oeuvre des lois de programmation fidèle au vote des parlementaires.
Je vous trouve un peu sévère, car le rebond de notre économie a été bien meilleur que dans la majorité des autres pays. Nous faisons partie des pays qui s'en sortent le mieux par rapport à 2019.
Tous les choix budgétaires que j'ai évoqués étaient justifiés selon moi. Je rencontre peu de parlementaires qui estiment qu'il n'aurait pas fallu prendre telle ou telle mesure... Je crois qu'il y a au contraire une certaine unanimité sur les dispositions qui ont été prises pour essayer de préserver notre économie et nos concitoyens dans la crise.
Vous avez parfaitement raison, les collectivités territoriales ont très bien passé cette crise. Il faut dire que nous avons mis les moyens pour les soutenir ! Elles terminent l'année 2021 très correctement.
L'année 2021 est une année hors norme. Par définition, on ne peut pas demander à cet exercice d'être le reflet d'une politique budgétaire de rétablissement des finances publiques, que j'appelle moi aussi de mes voeux.
Vous avez fait valoir les pratiques budgétaires, comme celle des reports massifs, qui atténuent la portée de l'autorisation budgétaire votée par le Parlement. Je la regrette également, mais il faut reconnaître qu'il s'est passé, en 2020 et 2021, un certain nombre d'événements qu'il était très délicat de prévoir à l'avance.
Le texte qui nous est soumis se borne à prendre acte des résultats comptables de l'année 2021. Ne nous trompons pas d'exercice : il ne s'agit en aucune manière d'approuver la gestion du Gouvernement. Il faut remonter au milieu du XIXe siècle pour trouver une loi de règlement qui n'ait pas été adoptée...
En outre, je ne crois pas qu'il soit de bonne pratique de priver le pays et son administration, face aux observateurs et investisseurs internationaux, du texte qui grave ces résultats dans le marbre législatif.
L'Assemblée nationale a voté ce texte ; le Sénat l'a rejeté. Chacun l'a compris, nous ne nous mettrons pas d'accord. Je vous propose d'en prendre acte sans délai supplémentaire.
Au demeurant, il est arrivé, dans les années passées, que le Sénat rejette le projet de loi de règlement sans que cela empêche des CMP conclusives sur les PLFR durant l'été... C'est une note d'espoir pour notre prochaine rencontre !
Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n'a pas voté le projet de loi, c'est pour des motivations différentes de celles qu'a exprimées le rapporteur pour le Sénat. Nous avons pu développer les raisons de notre rejet lors de l'examen du texte en séance publique.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
La réunion est close à 17 h 45.