Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 1er février 2023 à 9h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous examinons deux notes scientifiques de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), l'une sur le déclin des insectes, l'autre sur la pollution lumineuse.

Les insectes : un sujet d'infime dimension à l'échelle du règne animal, mais d'une extrême importance écosystémique, inversement proportionnelle à sa taille. Ils sont le versant mal-aimé de la biodiversité, car l'imaginaire collectif éprouve de la répugnance pour les invertébrés et réduit bien souvent les insectes aux maladies dont ils sont parfois porteurs et aux dommages qu'ils peuvent causer aux cultures végétales. Il est indéniable que le « capital sympathie » dont bénéficie un ours polaire ou un grand mammifère terrestre en voie d'extinction est sans commune mesure avec celui des insectes, excepté peut-être les abeilles et les papillons.

L'importance de leur rôle écologique est cependant largement sous-estimée. Il existe un consensus scientifique sur le fait que leur déclin est une mauvaise nouvelle pour la biodiversité et les activités humaines. Les insectes, premiers maillons de la chaîne alimentaire de nombreux vertébrés, offrent des services écosystémiques considérables, à travers notamment la pollinisation, le recyclage de la matière organique, la régulation des ravageurs ou encore la fourniture de produits commercialisables ; je pense au miel et à la soie, mais également aux pays où ils constituent une source de protéines et de vitamines...

Leur déclin est difficilement mesurable, mais toutes les études scientifiques l'attestent. Qui plus est, chaque automobiliste d'un certain âge en a déjà fait l'expérience de manière empirique, par l'observation de son pare-brise ou sa plaque d'immatriculation au terme d'un trajet d'une certaine longueur. Les facteurs qui expliquent la chute du nombre d'individus, mais aussi d'espèces, sont identifiés par un nombre croissant d'études scientifiques. Comme souvent en matière de biodiversité, plusieurs facteurs contribuent à ce déclin, au premier titre desquels figurent les pressions anthropiques, à travers les pollutions en tout genre, le développement de l'agriculture et son intensification, la fragmentation des habitats, etc.

Une étude parue en décembre 2022, coordonnée par l'université d'Harvard, a montré qu'à l'échelle mondiale, l'incidence du défaut de pollinisation des cultures serait responsable de plus de 427 000 morts prématurées par an. La pollinisation sauvage affecte le rendement des cultures de manière plus importante encore que les scientifiques ne le pensaient. La lutte contre le déclin des insectes répond ainsi à un enjeu de souveraineté alimentaire. Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le GIEC de la biodiversité, l'alimentation et les revenus de 20 % de la population mondiale dépendent des espèces sauvages, animales et végétales. Petite cause, grand effet : nous sommes ici en présence d'un « effet papillon » - un autre insecte sur le déclin...

À ce titre et en vertu de l'attention que notre commission porte à la biodiversité, nous sommes parfaitement fondés à nous intéresser à cette question. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous nous intéressons aux insectes : en février 2017, nous avions consacré une table ronde aux pollinisateurs, puis en juin 2018 nous avions fait une audition sur les produits phytosanitaires, et nous nous y sommes intéressés aussi au cours de l'examen de plusieurs projets de loi, en particulier sur la biodiversité.

Nous accueillons donc notre collègue Annick Jacquemet, auteur au nom de l'Opecst d'une note scientifique sur les insectes ; nous en espérons des informations sur l'état de la recherche scientifique à propos du rôle, des bénéfices et des inquiétudes concernant les insectes, ainsi qu'une analyse des leviers d'action pour inverser la tendance en matière de biodiversité entomologique.

J'aurai deux questions liminaires : le Gouvernement a-t-il pris la mesure de ce déclin, à travers notamment l'action de l'Office français de la biodiversité (OFB) sur le terrain ? Comment renforcer le plan national d'actions « France, terre de pollinisateurs » pour enrayer ce déclin, en accompagnant l'agriculture vers des pratiques favorables aux insectes pollinisateurs, afin de créer un cercle vertueux ?

Second thème, ensuite, et seconde note scientifique que notre collègue Annick Jacquemet nous présente au nom de l'Opecst : la pollution lumineuse, un thème sur lequel nous avons déjà travaillé - en particulier lors de l'examen de l'article 18 de la loi du 22 août 2021 « Climat et Résilience », qui ouvre aux élus locaux la possibilité de prévoir, via leur règlement local de publicité (RLP), des prescriptions techniques à respecter pour les publicités lumineuses et enseignes lumineuses situées à l'intérieur des vitrines. Ces prescriptions pourront porter sur les horaires d'extinction, la surface, la consommation énergétique et la prévention des nuisances lumineuses. Le Sénat a aussi enrichi la loi « pouvoir d'achat » du 16 août 2022 (« MUPPA ») d'une disposition pour interdire les panneaux publicitaires lumineux en cas de pénurie d'électricité, durant les périodes pendant lesquelles le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE émet un signal « Écowatt rouge ». En octobre, un décret a interdit, y compris en l'absence de tensions sur le réseau d'approvisionnement en électricité, des publicités lumineuses la nuit entre une heure et six heures partout en France, à l'exception des aéroports, gares ou stations de métro.

Cette actualité législative et réglementaire démontre que l'éclairage de nuit occupe une place croissante dans le débat public, même si le sujet est abordé sous l'angle énergétique et très peu sous l'angle de la prévention des risques. Or, la note scientifique met en évidence les nombreuses conséquences négatives de la pollution lumineuse : en perturbant les cycles naturels de lumière et d'obscurité qui structurent le monde vivant et en fragmentant spatialement et temporellement les habitats, la lumière artificielle nocturne participe, au même titre que d'autres pressions anthropiques, au déclin de la biodiversité. En outre, elle soulève de réelles préoccupations en matière de santé publique.

J'aurai, ici aussi, une première question : en quoi est-il essentiel d'aborder la question de la pollution lumineuse sous d'autres angles que celui de la sobriété énergétique ?

Annick Jacquemet, rapporteure de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. - Merci pour cette invitation à vous présenter le fruit de mes travaux menés au sein de l'Opecst : une note sur le déclin des insectes, rédigée l'an passé, et une autre sur la pollution lumineuse, publiée la semaine dernière.

Apparus sur terre il y a 400 millions d'années, les insectes représentent 80 % des organismes vivants et leur biomasse est supérieure à celle des humains ; ils sont très divers, relevant de 28 ordres, dont 5 représentent les quatre-cinquièmes de l'ensemble. Leur déclin est massif et il est désormais établi scientifiquement, même s'il est difficile de produire des données précises - le déclin de certains insectes comme les papillons et les abeilles est mieux documenté, en raison d'un nombre plus important d'études en Europe et en Amérique du Nord. Ce déclin est calculé de différentes façons : en abondance (selon le nombre d'individus), en richesse (le nombre d'espèces) et en biomasse ; sur ces trois paramètres, on constate une forte diminution. Le déclin en richesse est estimé à 40 %, deux fois plus que pour les vertébrés, et les deux-tiers des espèces d'insectes seraient menacées ; on estime que 1 % des espèces est menacé chaque année, représentant 2,5 % de la biomasse des insectes. Toutes les espèces ne sont pas en déclin, les espèces univoltines, qui ne se reproduisent qu'une fois par an, sédentaires et spécialisées, sont plus touchées que les espèces plurivoltines et nomades.

Ce déclin a commencé au début du XXe siècle et s'est accéléré depuis les années 1950 avant de connaître une progression massive depuis 20 ans - vous l'avez dit, Monsieur le président, on le constate sur nos voitures après un trajet... Les causes de ce déclin sont nombreuses et l'agriculture intensive constitue le premier facteur explicatif, d'abord parce qu'elle a contribué à faire disparaître certains habitats des insectes, en particulier les zones humides, les prairies et les haies. En quelques décennies, l'habitat des insectes a été fortement réduit, 70 % des prairies et quelque 600 000 kilomètres de haies ont disparu dans le cadre de l'aménagement des paysages induit par l'agriculture intensive. Parmi les causes, il y a aussi la déforestation, l'urbanisation, la pollution, le changement climatique - non seulement parce que les températures augmentent, mais aussi parce que le changement climatique décale la période de butinage et la floraison, occasionnant une perte de nourriture. Les invasions biologiques jouent aussi un rôle important, la pyrale du buis venue de Chine l'a montré il y a quelques années.

Je veux le souligner : on parle aujourd'hui du rôle des agriculteurs, mais il faut bien se rappeler qu'ils ont été formés dans un cadre conceptuel promouvant l'agriculture intensive. Car c'est bien cette agriculture que la société leur demandait de pratiquer il y a quelques décennies. On constate aujourd'hui les effets négatifs de cette agriculture intensive, mais il serait injuste d'accabler les agriculteurs, c'est la société tout entière qui est responsable et le monde agricole est bien conscient des conséquences de certaines pratiques du passé. Nous savons aussi que les insecticides, les fongicides et les engrais ont des incidences sur la biodiversité.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), en interdisant les dérogations aux États-membres en matière d'interdiction des néonicotinoïdes, a remis en lumière ce sujet. Des solutions sont aujourd'hui recherchées avec les betteraviers. Le problème avec les insecticides, c'est qu'ils tuent tous les insectes sans cibler ceux qui ravagent les cultures. Et parmi les insecticides, les néonicotinoïdes, mis sur le marché dans les années 1980, ont pris beaucoup d'importance : ils représentent 40 % des insecticides à l'échelle mondiale, parce qu'ils sont très efficaces. Cependant, comme leur prévalence dans l'environnement est longue, ils continuent à produire des effets dans le sol au détriment de la biodiversité et ils touchent, au-delà des ravageurs, les pollinisateurs, en particulier les abeilles.

La réglementation mise en place n'est pas adaptée, selon les scientifiques, en particulier parce que les néonicotinoïdes ne sont pas bien évalués avant leur mise sur le marché. De fait, chaque industriel fait des tests avant la mise sur le marché des pesticides, mais les procédures d'évaluation du risque, notamment vis-à-vis des pollinisateurs, connaissent de nombreuses lacunes. Les scientifiques déplorent ainsi que l'évaluation soit incomplète s'agissant des effets chroniques et « cocktail » des insecticides. Les détails concernant ces questions figurent dans la note scientifique de l'Opecst.

Depuis vingt ans, les scientifiques ont établi la nocivité des néonicotinoïdes pour les pollinisateurs, l'Union européenne essaie d'en interdire l'usage depuis 2013, la France l'a fait par une loi de 2016, mais il a fallu attendre 2020 pour que l'État français débloque des fonds conséquents qui cofinancent la recherche de solutions opérationnelles pour les agriculteurs. Les choses avancent ces dernières semaines, avec les betteraviers, pour rechercher une solution.

La biodiversité a par ailleurs une valeur en soi, elle constitue le patrimoine naturel de l'humanité, que nous devons laisser en héritage aux générations futures. On met facilement l'accent sur le fait que les insectes sont des vecteurs de maladies infectieuses, mais seulement 1 % des insectes sont porteurs de maladies, et c'est la même proportion pour les insectes qui ravagent les cultures. Au niveau agrégé, les insectes ont un rôle essentiel dans la reproduction des plantes via la pollinisation ; ils sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire, ils jouent aussi un rôle dans le recyclage de la matière organique. La diversité des insectes assure le bon fonctionnement des écosystèmes et leur résilience face aux changements - on l'a vu lorsque les bovins ont été introduits en Australie : après quelques années, en l'absence de scarabées, les bouses commençaient à stériliser les sols et c'est une fois les scarabées introduits que l'équilibre a été retrouvé. Les insectes nous servent donc, on le voit encore avec le miel et la soie...

Face au déclin sans précédent que connaissent les insectes, les scientifiques sont unanimes pour dire qu'en deçà d'un certain seuil, les effets en cascades seront irréversibles et que l'ensemble des services écosystémiques seront alors mis en péril. C'est pourquoi ils tirent le signal d'alarme.

Pour lutter contre ce déclin des insectes, il faut promouvoir une agriculture raisonnée et mieux réguler le poids des lobbies sur l'agriculture elle-même. Les agriculteurs en sont bien conscients et ils y travaillent.

Second sujet : la pollution lumineuse. L'éclairage public apparaît au XVIIe siècle, avec lui l'homme prolonge le jour en éclairant la nuit, il sécurise ses déplacements, se protège mieux et renforce l'attractivité des villes. Aujourd'hui, l'éclairage public représente 70 % de la lumière émise sur la terre, contre 30 % pour l'éclairage privé. La pollution lumineuse se caractérise par la sur-illumination, l'éblouissement lié à la trop forte luminance des points lumineux, ou encore le halo lumineux qu'on voit dans le ciel des villes. Le nombre de points lumineux en France est passé de 7,2 millions en 1990 à 11 millions aujourd'hui. On estime que la majeure partie - 85 % - du territoire métropolitain subit de la pollution lumineuse, et que 60 % des Européens ne voient pas la Voie Lactée, la proportion est de 80 % pour les Nord-Américains. Ces estimations sont établies à partir de satellites qui ne voient pas tout, en particulier les lumières LED et qui ne prennent pas en compte l'éclairage public éteint quand ils passent tard dans la nuit. La pollution lumineuse est en pleine extension, elle dégrade notre rapport à la nuit, ne plus voir les étoiles nous déconnecte de l'univers - et cela nous éloigne de ce qui a longtemps influencé notre appréhension sensible du monde, notre orientation dans le monde. La lumière change notre rapport au monde et à l'univers, en plus d'être une source de gaspillage énergétique. L'Ademe estime à 2 900 Térawatt heures (TWh) la consommation électrique annuelle mondiale utilisée pour éclairer, soit 13 % de la production électrique mondiale - en France, l'éclairage représente 56 TWh, soit 10 à 11 % de notre production électrique nationale. Les gaz à effet de serre liés à cette consommation devraient diminuer avec les LED, mais en réalité, nous augmentons toujours plus le nombre de points lumineux et la quantité d'éclairage - avec des ampoules produites en Chine et exploitant des terres rares, donc le gain énergétique et climatique n'est pas celui qu'on pourrait escompter.

La pollution lumineuse est en partie responsable du déclin de la biodiversité, elle entraîne une perte du sens de l'orientation des animaux - on le voit avec les insectes qui sont comme happés par la lumière des lampadaires et qu'on retrouve morts le matin à leur pied, mais la perte d'orientation existe aussi pour des oiseaux migrateurs par exemple. Il faut savoir aussi que la lumière bleue des LED a des effets négatifs sur la santé humaine, qui est captée par la rétine et transmise sous forme de signaux à l'hypothalamus. Ce spectre lumineux perturbe l'horloge circadienne et la production de mélatonine, ce qui entraîne des troubles plus ou moins importants chez l'être humain, par exemple de la fatigue, des troubles du sommeil, ou plus graves encore comme des cancers - les cancers du sein sont plus nombreux pour les femmes qui travaillent de nuit et sont plus soumises à ce spectre de la lumière bleue - de la prise de poids ou encore du diabète. Certains systèmes d'éclairages à LED sont également phototoxiques pour la rétine.

Une réglementation a été établie dès 2009-2010 pour réduire les nuisances lumineuses, en limitant le temps d'éclairage ou son orientation - l'éclairage public doit être dirigé vers le bas, par exemple. Cependant, cette limitation ne porte pas sur les phares de voiture, les lampes torches, ou encore les veilleuses, qu'on utilise pourtant dans les chambres d'enfants - ces derniers pouvant de ce fait se trouver trop exposés à de la lumière bleue. Ensuite, tous les décrets d'application n'ont pas été pris et la réglementation n'est pas toujours bien appliquée ni contrôlée, cela dépend beaucoup de la police municipale.

Dans ces conditions, nous préconisons de mieux faire connaître la réglementation, de profiter de la rénovation des éclairages publics pour initier à cette occasion une réflexion locale sur l'utilité de l'éclairage public, ses lieux, ses heures - les habitants s'y intéressent -, mais aussi d'utiliser les nouvelles technologies pour faire varier l'intensité de l'éclairage selon son utilité et d'éclairer seulement quand il y a du passage. Nous recommandons aussi de mieux communiquer auprès des publics sur la nocivité des écrans et de la lumière bleue.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Dans notre rapport d'information, en 2012, sur les pesticides et leur impact sur l'environnement, nous dressions déjà des constats proches des vôtres : que s'est-il passé depuis ? Pas grand-chose, puisque le volume des produits phytosanitaires a continué d'augmenter, la recherche pour le remplacement par des produits bio n'est pas suffisamment soutenue, les formations ne prennent toujours pas suffisamment en compte l'agroécologie ! Quand on voit combien il est difficile d'établir juridiquement le lien entre la chimie et les maladies humaines dans ce scandale qu'est le chlordécone, où la justice a prononcé des non-lieux alors que ce produit toxique a rendu malade et abîmé la terre pour des générations, quand on voit combien il a fallu de persévérance à Paul François, agriculteur charentais empoisonné par des produits de Monsanto qu'il utilisait, pour se voir reconnaître, après 15 ans de procédure, une bien maigre indemnisation de quelques milliers d'euros - on comprend que si c'est très difficile pour les hommes de se faire entendre, ça l'est plus encore pour les insectes...

Cela posé, quel regard portez-vous sur les démarches participatives, qui placent les citoyens en position de vigies des populations d'insectes ? Ne faut-il pas les soutenir davantage, pour mieux utiliser les données qu'ils recueillent ?

Des communes, ensuite, ont décidé de réglementer l'éclairage des routes : que pensez-vous d'un label pour reconnaître leur effort, par exemple le label « Ciel étoilé » ? N'est-ce pas un moyen de valoriser l'astro-tourisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Parmi les facteurs du déclin des insectes, il y a aussi la prédation du frelon asiatique, dont on nous dit qu'il est venu dans des poteries chinoises - et qui fait des ravages. Des départements aident les particuliers à s'équiper de pièges à frelons, que pensez-vous de ces initiatives ? Ne faudrait-il pas coordonner la lutte contre ce frelon invasif et dangereux ? D'une manière générale, quel est l'impact du réchauffement climatique sur les insectes ravageurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Anglars

Chaque fois que l'on désigne les agriculteurs pour les méfaits de l'agriculture intensive, ils se sentent agressés. N'oublions pas que cette agriculture résulte d'une nécessité, celle de nourrir la population. Je n'ai pas entendu dans votre propos la prise en compte de ce fait historique important qu'est l'assainissement des marais : au XIXe siècle, c'est bien Napoléon III qui décide l'assainissement des Landes et du bas-Languedoc, c'est aussi cela qui explique le déclin des insectes ! Est-ce que, par hasard, vous préconiseriez de revenir à l'état antérieur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

En 2010, l'objectif C12 d'Aichi, partie du Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020, était ainsi rédigé : « D'ici à 2020, l'extinction d'espèces menacées connues est évitée et leur état de conservation, en particulier de celles qui tombent le plus en déclin, est amélioré et maintenu. » Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui, c'est que nous en sommes encore loin...

Je vous remercie pour votre exposé, j'y ai appris des choses et je confesse mon ignorance. Pensez-vous que la sensibilisation des jeunes et de la population soit suffisante ? Comment peut-on faire mieux en la matière ? Le Gouvernement a lancé des plans nationaux d'actions (PNA) pour la biodiversité, en septembre 2022, qui font très peu mention des insectes : que pensez-vous de ces outils ?

Enfin, les Britanniques ont réintroduit avec succès certaines espèces de papillons : pensez-vous que ce soit possible et utile pour certains insectes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Des communes s'interrogent sur la pertinence d'introduire dans leur plan local d'urbanisme (PLU) des couloirs écologiques, pour préserver la biodiversité : qu'en pensez-vous ? Quel est l'impact des enseignes lumineuses sur la biodiversité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je signale que quatre sénateurs sont membres du Conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. Nous nous sommes réunis ce mois-ci et avons établi un programme pour pallier la fin de la dérogation nationale.

Je signale également que le label « Village étoilé » est utilisé dans le Lot, au bénéfice de communes qui, dans le parc naturel des Causses du Quercy, ont décidé d'éteindre leurs lumières la nuit.

Une question : comment aller plus loin dans la régulation des panneaux lumineux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Kristina Pluchet

Attention, on incrimine facilement les agriculteurs, qui nous nourrissent, alors qu'on souhaite dans le même temps la souveraineté alimentaire ! L'agriculture française est déjà la plus normée et la plus propre qui soit, les agriculteurs n'utilisent plus d'insecticides et notre pays a déjà perdu la moitié de sa souveraineté alimentaire : les agriculteurs ne peuvent porter toute la pollution du monde !

L'an dernier, les frelons asiatiques ont détruit de très nombreuses ruches, des apiculteurs ont perdu la moitié de leur production : n'est-il pas temps de classer le frelon asiatique comme un nuisible de catégorie 1, alors qu'il n'est qu'en catégorie 2 actuellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Quels sont les moyens investis pour préserver la biodiversité ? Il faut se rendre compte des leviers dont nous disposons : la PAC investit 10 milliards d'euros par an en France dans ce domaine, alors que le plan français prévoit de mobiliser 115 millions d'euros sur 5 ans pour les pollinisateurs.

Des labels sont-ils bienvenus pour identifier les territoires qui font un effort contre la pollution lumineuse ? C'est déjà le cas, par exemple, avec le label « Villes et Villages étoilés », qui se mobilise pour une gestion plus raisonnée de l'éclairage public.

Le frelon asiatique est invasif, les pièges sont une bonne chose, la coordination est toujours utile, nous devons mobiliser largement sur cette problématique.

Le réchauffement climatique a des incidences sur les insectes, je l'ai dit dans mon propos introductif, avec en particulier le décalage de la floraison.

J'ai pris soin de dire que les agriculteurs ont été formés à l'agriculture intensive et qu'il n'y a pas à leur en faire reproche aujourd'hui, ils ont été formés pour le rendement, ils en reviennent aujourd'hui, et j'ai bien dit que je ne rejetais pas la faute sur eux. Ils sont d'ailleurs bien conscients des difficultés causées et des avantages qu'il y a à faire autrement, en plantant des haies par exemple, en utilisant les produits phytosanitaires différemment. Mon propos n'est donc pas accusatoire, je l'ai dit aussi en audition. J'insiste sur ce point dans la note scientifique, page 4 : il faut « accompagner les agriculteurs sans les culpabiliser : les agriculteurs sont soumis à de nombreuses injonctions contradictoires qu'ils sont censés résoudre seuls alors qu'ils sont largement dépendants d'un système dans lequel tous les acteurs ont adapté leur stratégie autour de systèmes de production spécialisés et intensifs en intrants chimiques (situation de verrouillage « socio-technique »). Il convient donc de former et d'accompagner sur le long terme les agriculteurs, en intégrant la dimension territoriale, en mobilisant tous les acteurs en aval de l'agriculture et en veillant à la cohérence des leviers d'action utilisés, qu'ils soient politiques, réglementaires, économiques ou scientifiques ». Je persiste - et c'est une vétérinaire qui vous parle, qui connaît et apprécie les agriculteurs pour avoir travaillé plus de 35 ans à leurs côtés.

Il est vrai que bien des zones humides ont été asséchées dans notre histoire - c'est un fait historique et nous avons, depuis, pris conscience des effets de cet assèchement, et de la nécessité de ne plus le faire. C'est le sens des îlots de biodiversité qui sont mis en place. Nous avons entendu des responsables de parcs naturels : ils sont bien conscients du rôle écosystémique de ces espaces. Il s'agit de mécanismes similaires avec le soutien à la diminution de l'éclairage public, selon des modalités précises y compris sur la couleur des ampoules pour éviter la lumière bleue et promouvoir les ampoules ambrées aux effets moins négatifs sur la biodiversité. Il faut diffuser ce message, les élus et les populations ne sont pas toujours informés des effets de l'éclairage. Je crois très utile de lancer des réflexions sur l'éclairage public, à propos du nombre, de l'emplacement et de l'intensité des points lumineux. Cependant, je signale qu'il existe un risque juridique d'engagement de la responsabilité du maire lorsque des points d'éclairage sont supprimés et qu'il y a ensuite un accident routier - j'ai posé la question au Gouvernement pour préciser les choses, elle est restée sans réponse à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Je lis dans votre présentation cet intertitre : « Une réglementation de moins en moins protectrice au fil du XXe siècle ». Est-ce à dire que la réglementation était plus protectrice pour les insectes par le passé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

C'est un effet de titre : le contenu présente les évolutions qui sont intervenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Anglars

Avez-vous entendu des communes qui continuent la démoustication ? Comment les choses se passent-elles alors, par exemple à Montpellier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Non, ç'aurait été effectivement intéressant...

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Que pensez-vous de l'insertion, dans les PLU, de corridors écologiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Lors des auditions sur la pollution lumineuse, nous avons parlé des « trames noires », comme on parle de trames vertes ou bleues ; cependant, la notion fait débat dans la communauté scientifique - et elle ne figure pas dans les documents d'urbanisme. On en parle, mais il n'y a pas de consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Avez-vous pu évaluer les démarches participatives en matière d'action pour la biodiversité ? Et réunir des éléments sur l'astro-tourisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Les astronomes alertent depuis les années 1970 sur le fait qu'on ne voit plus les étoiles, on parlait alors de nuisance lumineuse. De fait, la dimension de l'humain n'est pas la même quand on voit les étoiles, je crois que les enfants sont un très bon vecteur de sensibilisation - on l'a vu pour le tri des ordures ménagères.

Le démarches participatives sont très utiles par exemple pour le comptage des oiseaux : cette méthode permet d'attester un recul du nombre d'oiseaux, qui peut atteindre jusqu'à la moitié, mais nous n'avons pas de données scientifiques suffisamment précises en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Avez-vous examiné comment sont évaluées les actions qui peuvent avoir un impact positif, par exemple celles qui visent la continuité écologique, ou encore les « trames noires » ? Quelles en sont les compensations ? Quelles sont leurs incidences concrètes sur les biotopes ? Constate-t-on des évolutions favorables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Non, pas précisément. Nous avons identifié, c'est dans ma note scientifique, des « trous dans la raquette » en matière de protection, par exemple sur la lumière bleue ou encore sur la nocivité des phares de voiture. Un professeur de médecine nous parlait de gestes simples à faire pour diminuer les effets nocifs de la lumière des écrans, par exemple le port de lunettes ou la pose de filtres jaunes. Il faut investiguer davantage et mieux informer sur les risques, c'est une dimension importante de ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Merci pour la présentation de ces deux notes scientifiques et pour vous être prêtée au jeu des questions.

La réunion est close à 10 h 30.