Mission d'information Culture citoyenne

Réunion du 8 février 2022 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • MIG
  • SNU
  • agissant
  • civique
  • intérêt
  • session

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Emmanuelle Pérès, directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse, que je remercie pour sa disponibilité. Notre mission nous conduit à nous intéresser à la jeunesse et aux politiques publiques destinées à encourager nos jeunes à s'engager, par exemple dans les associations et dans le cadre du service civique. Cette audition est donc au coeur de notre problématique.

Je précise que notre mission a été mise en place dans le cadre du droit de tirage des groupes, en l'occurrence le groupe RDSE, qui a désigné l'un de ses membres comme rapporteur en la personne d'Henri Cabanel. Notre mission est composée de 19 sénateurs et de deux suppléants, issus de tous les groupes politiques. Notre rapport sera rendu au début du mois de juin 2022.

Je rappelle que cette audition fera l'objet d'un compte-rendu écrit qui sera annexé à notre rapport, et sa captation vidéo permet de la suivre en ce moment même sur le site Internet du Sénat. Elle sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Sur la thématique de l'engagement, la semaine dernière nous avec déjà entendu la présidente de l'Agence du service civique et celle de l'association Unis-Cité. Nous avons également eu un échange avec des volontaires du service civique ; nous nous rendrons la semaine prochaine dans un centre du SNU, à Dunkerque. Nous avons également reçu des représentants du Forum français de la jeunesse. Des échanges avec les acteurs de l'éducation populaire sont en outre programmés. Demain, nous auditionnerons Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi que Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès de M. Blanquer, chargée de la jeunesse et de l'engagement.

Avant de vous donner la parole, Madame la directrice, Henri Cabanel va vous poser un certain nombre de questions pour situer les attentes de notre mission. Nous aurons ensuite un temps d'échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Merci Monsieur le Président et merci à Emmanuelle Pérès d'avoir accepté cette audition. Je souhaiterais que vous nous expliquiez l'organisation administrative de votre direction ainsi que les conséquences sur les directions départementales de la récente réforme de l'organisation territoriale de l'État. Cette réorganisation est-elle suffisamment dimensionnée pour faire face à la montée en puissance du SNU ?

S'agissant du SNU, quelles sont les contraintes législatives et réglementaires à son déploiement universel ? Quel est le bilan de la première phase du SNU 2022, qui se déroulera courant février (nombre de candidatures, de participants au SNU, profils, lieux d'accueil) ? L'un des objectifs de l'organisation de cette session en février était de diversifier les publics pour permettre à des jeunes en stage fin juin et début juillet de participer au SNU. Cet objectif a-t-il été rempli ? L'objectif de 50 000 jeunes en SNU en 2022 sera-t-il atteint ? Disposez-vous d'éléments de suivi des deux premières cohortes du SNU sur la réalisation de leur mission d'intérêt général (MIG) ? À quelles difficultés les jeunes sont-ils confrontés pour la réalisation de cette mission ? Comment travaillez-vous avec le milieu associatif pour développer des MIG ? Disposez-vous d'éléments d'information sur la répartition des jeunes entre MIG réalisées au sein des secteurs associatifs et au sein d'un corps en uniforme ?

J'en arrive au service civique. Les jeunes en SNU ont-ils déjà effectué le service civique ou ont-ils déclaré la volonté d'en effectuer un ? Quelles sont les perspectives pour le service civique en 2023 ? Le nombre de missions, incluant celles financées au titre du plan de relance, sera-t-il maintenu ? Quel est le bilan du service civique dans les outre-mer ?

Mes dernières questions concernent l'engagement bénévole des jeunes, au-delà du SNU et du service civique. Comment fidéliser les jeunes dans leur engagement bénévole ? De quels outils dispose-t-on pour renforcer et accompagner l'engagement de ces jeunes ? La mission d'information a procédé à une consultation en ligne d'élus locaux afin de recueillir leur avis, entre autres, sur le service civique. Certaines réponses se réfèrent au frein que constituent les problèmes de mobilité en milieu rural. Ce frein n'est pas propre au service civique mais peut entraver toutes les activités de ces jeunes. Quelles pistes pourrait-on mobiliser pour développer le service civique et, plus largement, l'engagement bénévole dans les territoires ruraux ?

Pouvez-vous nous présenter le dispositif Un jeune, un mentor ? Un an après son lancement, quel est son premier bilan ?

Mes questions sont nombreuses, mais vous ont été envoyées. Si vous n'avez pas le temps de nous répondre, vous pourrez nous transmettre des réponses écrites.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

directrice de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse. - Je vous remercie. La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) est une direction d'administration centrale au sein du ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Au niveau central, nous sommes 130 agents au sein de la DJEPVA, qui intègre l'INJEP, notre institut national de recherche et de statistique. Nous avons la tutelle sur l'Agence du service civique, dont vous avez reçu la présidente et son directeur général, qui compte 80 agents. Dans les services déconcentrés, 2 000 agents sont en charge de tous les sujets de jeunesse, engagement et sport. La nouvelle organisation territoriale repose sur des délégations régionales académiques jeunesse et sport (DRAJES) qui relèvent des recteurs de région académique. Les services départementaux jeunesse et sport relèvent quant à eux des recteurs d'académie. Cette réforme a été mise en oeuvre au 1er janvier 2021. Nous avons un Comex, réunissant le secrétariat général du ministère, la direction des sports, la DGESCO et nous-mêmes, pour accompagner cette mise en oeuvre.

S'agissant du SNU, en 2021, nous avons proposé de déployer des moyens humains dans les services déconcentrés. Nous avons obtenu dans la loi de finances 80 ETP. Notre demande portait sur un par département. Dans le contexte actuel, il s'agit déjà d'une belle preuve de confiance. Cette mesure visait à accompagner la mise en oeuvre du SNU pour 2022. L'organisation des séjours de cohésion et des missions d'intérêt général, c'est-à-dire les deux premières phases du SNU, est organisée par nos services.

Concernant les contraintes législatives pour le déploiement du SNU, j'ai participé au groupe de travail sur le sujet, présidé par le général Menaouine : nous avions considéré qu'un tel projet méritait une montée en charge, afin de nous assurer d'un bon fonctionnement et de procéder aux ajustements nécessaires. Nous avons besoin d'une loi : si l'on souhaite que le SNU soit réellement universel dans les deux premières étapes que sont le séjour de cohésion d'une douzaine de jours et la mission d'intérêt général, il faut le rendre obligatoire. Les deux premières étapes du SNU se tiennent entre 15 et 17 ans. Nous devons traiter un certain nombre de points : l'éligibilité, la coordination avec le recensement, l'intégration, à terme, de la Journée défense citoyenneté dans le SNU (actuellement le séjour de cohésion comprend une journée défense et mémoire ou JDM), les questions de règlement intérieur, etc. Toutes ces questions méritent un débat parlementaire nourri. La question qui se pose est celle de la reconnaissance et de la valorisation de l'engagement dans le SNU. S'agissant des sites du séjour de cohésion, nous nous appuyons sur la réglementation des accueils collectifs de mineurs, qui ne sera pas satisfaisante quand nous monterons en charge, en raison de contraintes techniques. En termes d'encadrement, nous avons aujourd'hui recours à des contrats d'engagement éducatif. Une ordonnance nous permet de réaliser des contrats de droit public. Actuellement le socle juridique du SNU est constitué du code du service national, de la loi de 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, mais nous avons besoin d'un cadre plus clair. Des ajustements législatifs et réglementaires seront nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Combien faudrait-il de temps pour parvenir à l'universalisation de la démarche ? Faudra-t-il construire des sites, faire monter en puissance les effectifs d'encadrants ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Nous l'avions évalué entre trois et cinq ans.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

En 2020, les séjours d'adhésion n'ont pas pu se tenir. Les premiers se sont tenus en 2019, avec près de 2?000 jeunes accueillis. En juin 2021, nous avons accueilli quasiment 15 000 jeunes, avec un centre par département. En 2022, nous visons 50 000 jeunes accueillis. En février, 3 000 jeunes seront accueillis, pour moitié sur du temps scolaire pour deux zones scolaires. Nous souhaitions à la fois expérimenter le suivi scolaire pendant le séjour de cohésion et l'impact de ce séjour sur le parcours. Une session aura également lieu en deuxième quinzaine de juin et une troisième en première quinzaine de juillet.

Qu'en est-il de la diversité des profils accueillis ? S'agissant de la session de février, elle concerne 3 000 jeunes, exclusivement des élèves de classe de seconde de lycées généraux, technologiques et professionnels. L'an dernier nous n'avions que très peu de jeunes des lycées professionnels. C'est un objectif très important pour nous de les accueillir. Les volontaires seront accueillis au sein de 31 sites, sur 30 départements. Nous souhaitions expérimenter une session au cours de la période d'hiver. Jusqu'à présent, tous les séjours de cohésion ont eu lieu en juin, avec de nombreuses activités sportives. L'agenda du SNU, relativement dense, comporte aussi la levée des couleurs, tôt le matin, ers 7h30-8 heures, qui est un moment important.

Parmi les quatre grands objectifs du SNU, le brassage social est une donnée déterminante. De ce point de vue, nous travaillons avec l'algorithme du ministère des armées pour nous assurer que les jeunes qui se retrouvent dans un même centre ne se connaissent pas. Pour autant, si les jeunes ont le ressenti d'une grande mixité sociale, les quartiers prioritaires de la ville (QPV) ne sont pas bien représentés : entre 3 et 4 % en 2021 ; pour la session de février, les jeunes des QPV représentent 8,6 % des jeunes ayant vu leur candidature validée. Notre objectif est fixé à 10 % ; ces jeunes représentant 8 % de la population totale, cet objectif est ambitieux. Il est cohérent avec notre objectif de mixité sociale. Nous avons toujours une certaine déperdition entre les candidatures confirmées et les jeunes qui viennent effectivement au séjour de cohésion. En l'occurrence, nous avons enregistré des abandons, dont la part est plus importante pour les QPV.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Pouvez-vous nous dire quelques mots de l'algorithme du ministère des armées ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Nous disposons d'informations concernant les personnes qui s'inscrivent, notamment leur établissement. Cet algorithme permet de ne pas retrouver dans un même centre des élèves de la même classe ou du même lycée. En raison de la pandémie, nous restons à ce stade sur une mobilité infrarégionale. Nous proposons à un jeune d'un département une inscription dans un site extérieur à son département, pour lui permettre d'appréhender un environnement dont il n'a pas l'habitude. Nous avons bien progressé au niveau des lycéens de la voie professionnelle, qui représentaient 24,6 % des jeunes pour la session de février, contre 11 % l'année dernière. Ils représentent 33 % de la totalité des lycéens. Je continue de travailler avec le DGESCO sur des bénéfices immédiats pour ces publics. Il s'agit ainsi de reconnaître leur séjour de cohésion et, a fortiori, leur mission d'intérêt général, dans leur parcours de vie professionnelle, en valorisant un certain nombre de compétences qui peuvent leur être utiles.

En termes de parité, en fonction des sessions et des régions, nous respectons la proportion de 50/50. La session de 2021 et les inscriptions de 2022 ont enregistré légèrement plus de jeunes filles. Nous travaillons avec une start-up d'État et suivons en temps réel toutes les inscriptions et leurs particularités.

Un axe important porte sur les jeunes en situation de handicap, qui représentaient 4 % en 2021. Les chiffres sont à ce stade similaires pour 2022. Nous sommes attachés à cette dimension du SNU à double titre : d'abord pour les jeunes en situation de handicap bien sûr, mais aussi pour leurs concitoyens. Cette dynamique en termes de cohésion de groupe est importante.

Les objectifs sont ambitieux, puisque nous devrions accueillir de 20 à 25 000 jeunes en juin et juillet. Plus de 22 000 dossiers sont aujourd'hui ouverts. Nous avons initié une grande campagne sur les réseaux sociaux et lancerons dès lundi prochain une campagne radio jusqu'au 10 mars. Celle-ci vise à convaincre aussi les parents, qui sont des prescripteurs potentiels. Un travail étroit est également conduit avec les recteurs, les chefs d'établissement, les associations partenaires et les ambassadeurs du SNU. Compte tenu du niveau de satisfaction l'année dernière, toutes ces personnes sont prêtes à témoigner de leur expérience dans les lycées, en classes de seconde générale, technologique et professionnelle, mais également auprès des missions locales qui permettent d'atteindre les décrocheurs. Pour la session de février, nous souhaitons pouvoir nous appuyer ensuite sur ces 3 000 jeunes. Il s'agira de la première session qui sera immédiatement suivie d'un retour en classe.

Concernant les missions d'intérêt général, le SNU est constitué de trois étapes : le séjour de cohésion, suivi dans l'année d'une mission d'intérêt général d'une dizaine de jours, et enfin l'engagement volontaire de trois mois et plus avant 25 ans. Le déploiement du SNU s'opère à un rythme très soutenu, avec l'organisation du séjour de cohésion. Pour la cohorte de 2019, sur 2 000 jeunes, 50 % environ ont effectué leur mission d'intérêt général. Sur la cohorte de 2020, où n'ont pas été organisés de séjour de cohésion sauf en Nouvelle-Calédonie, nous avons permis aux jeunes qui s'étaient préinscrits de réaliser des missions d'intérêt général. 2?000 jeunes en ont profité. Pour 2021 - sur les quelque 15 000 jeunes ayant effectués un SNU -, 1 371 jeunes ont déjà validé leur mission d'intérêt général, 780 MIG sont en cours de réalisation et 4 700 jeunes candidatent actuellement à des missions d'intérêt général. Les jeunes ont jusqu'à l'été prochain pour la réaliser. Il s'agit d'une priorité absolue : nous devons offrir un certain nombre de MIG, mais aussi valoriser les formes d'engagement propres aux jeunes. Le décret de 2020 est peut-être trop restrictif sur la notion de MIG. Nous disposons en l'occurrence de quatre options et de trois grands réseaux : les différents ministères, les associations (qui font parfois part de difficultés organisationnelles en matière d'encadrement) et les élus (mairies, communes). Sur la plateforme d'inscription, les jeunes peuvent donner l'autorisation que leurs coordonnées soient transmises au préfet de leur département et au maire de leur commune, pour deux raisons : permettre aux élus de les inviter à différentes cérémonies, pour leur permettre d'entrer dans la vie citoyenne, et trouver des MIG qui ont du sens pour les deux parties. Enfin, notre jeunesse est très active et peut avoir elle-même de très bonnes idées, développer des associations et s'engager dans des actions. Il s'agit de trouver comment reconnaître ces formes d'engagement. C'est la quatrième option possible. Nous avons initié un recensement et identifié des pistes très sérieuses qui méritent d'être approfondies.

Le service civique répond quant à lui à une politique ambitieuse, qui a plus de douze ans. Avec le plan de relance, nous avons bénéficié, dans le cadre de Un jeune, une solution, de 100 000 missions supplémentaires. En 2021, nous enregistrions 145 000 missions, parmi lesquelles environ 45 000 jeunes avaient commencé leur mission de service civique l'année précédente. En 2021, en raison de la crise sanitaire, certaines associations ayant été en retrait, nous n'avons pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Nous sommes en attente des chiffres définitifs, que nous aurons en mars. Le dernier budget prévisionnel d'exécution, que nous avons voté en décembre, projette 165 000 missions en 2021. Pour 2022, nous avons voté un objectif de 220 000 millions en stock. Le flux dépendra du nombre de missions de 2021. Le service civique est pour nous la « tête de gondole » de la 3e étape du SNU. Il s'agit d'un engagement volontaire de six mois et plus, qui se développe sur des thématiques très proches de celles du SNU.

S'agissant des perspectives de développement, peu de jeunes viennent aujourd'hui de terminer leurs deux premières étapes de SNU. Nous travaillons étroitement avec le ministère du travail dans le cadre du « contrat d'engagement jeune », afin que le service civique soit reconnu non pas comme un dispositif d'insertion professionnelle - ce n'est pas son rôle - mais comme un dispositif de remobilisation des jeunes, en particulier ceux ayant le moins d'opportunités. Le service civique n'est parfois pas assez pris en compte par les missions locales et Pôle emploi.

En ce qui concerne le service civique dans les outre-mer, en 2020, 7 430 volontaires ont réalisé une mission en Guyane, Guadeloupe, à La Réunion, Martinique, Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Ces missions portent essentiellement sur l'éducation pour tous et ont trait à la solidarité. Elles sont généralement réalisées dans les services de l'État et les collectivités territoriales. En effet, il est difficile de faire émerger une vie associative dense et dynamique outre-mer. Le public est plutôt de niveau baccalauréat et en recherche d'emploi.

Sur l'engagement bénévole, les outils pour le renforcer sont le SNU, avec ce moment, à 15-16 ans, de passage à l'âge adulte. L'enjeu du séjour de cohésion est aussi de mobiliser l'enseignement moral et civique dispensé à l'école et de valoriser toutes les formes d'engagement des jeunes : délégués, éco-délégués, sapeurs-pompiers volontaires, scouts, etc. L'ambition du SNU est d'assurer le parcours d'engagement. C'est pourquoi nous y avons intégré la journée « défense et mémoire ». Nous avons également dans nos compétences la réserve civique. Lors du premier confinement, nous avons développé la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, dont l'ambition était de mettre en relation des offres de bénévolat et des bénévoles. Ce système a très bien fonctionné lors du premier confinement. Ces missions étaient de toute nature : distribution alimentaire, soutien, courses, etc. Plus de 340 000 bénévoles sont aujourd'hui inscrits sur cette plateforme dont 42 % ont moins de 30 ans.

Le « compte engagement citoyen » est un autre moyen de favoriser l'engagement bénévole. Il vise à s'inscrire dans la stratégie de reconnaissance du bénévolat et des compétences acquises. Une fois qu'un jeune peut justifier de 240 heures de bénévolat par an, jusqu'à 220 euros peuvent être versés sur son compte engagement citoyen, qui abonde lui-même le compte personnel de formation. Cette somme peut permettre de cofinancer le permis de conduire, de financer ou cofinancer des certifications de compétences ou des formations certifiantes.

S'agissant des freins à la mobilité, ce sujet ne relève pas que de nous. Nous avons déployé un appel à projets, dans le cadre du service civique, sur la ruralité. Le SNU est également l'occasion de toucher ces publics ruraux, qui représentent plus de 30 % des jeunes, selon la définition de territoires « peu denses » et « très peu denses » de l'Insee. Notre enjeu est de démontrer que cet engagement est possible sur place, qu'il s'agisse du SNU ou du service civique. Nous avons de bonnes expériences en la matière. Une sociologue de l'INJEP a consacré un ouvrage aux jeunes filles dans les milieux ruraux, intitulé Les filles du coin - vivre et grandir en milieu rural, qui montre que les jeunes filles sont engagées, mais que leur l'engagement n'est pas visible. Les séjours de cohésion, par ailleurs, ont parfois lieu dans des territoires plus isolés. Un des objectifs forts de 2021 était d'ouvrir un centre par département. En termes de répartition, nombre d'entre eux sont situés hors des villes.

Enfin, le dispositif Un jeune, un mentor a été annoncé le 1er mars 2021 par le Président de la République, avec un objectif ambitieux de 100 000 mentors et mentorés ; 200 000 en 2022. Nous travaillons sur cette politique publique en lien étroit avec le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion (MTEI) et en particulier le Haut-commissariat à l'emploi et à l'engagement des entreprises (HC3E). 30 millions d'euros ont été alloués en 2021 à ce programme, dont 3 millions d'euros au MTEI pour contractualiser avec le collectif Mentorat (qui anime la plateforme) sur trois ans ; 27 millions d'euros ont fait l'objet d'appels à projets gérés par la DJEPVA : deux lancés à l'été dernier et à la rentrée. Ces 27 millions d'euros ont été alloués à 57 associations, partout sur le territoire, sur tout type de mentorat, aussi bien pour des jeunes scolarisés, des jeunes femmes, des jeunes issus de quartiers difficiles, des territoires ruraux, des outre-mer, de l'Aide sociale à l'enfance, etc. L'Institut de l'engagement, Unis-cité, Chemins d'Avenirs font partie des structures ayant répondu à ces appels à projets. Fin 2021, nous comptions 81 200 mentorés. L'objectif de 100 000 devrait être atteint au 1er mars. Pour atteindre l'objectif de 200 000 mentorés, nous allons lancer l'appel à projet très prochainement. La plateforme a permis d'identifier 10 080 jeunes et 6 060 mentors. En janvier, le collectif Mentorat a organisé un événement pour fédérer tous les acteurs, les entreprises et les associations. On dénombre une trentaine d'entreprises motrices.

Tous ces éléments s'inscrivent dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Une Conférence européenne de la jeunesse a été organisée la semaine dernière. Nous avons prévu que les jeunes puissent intervenir pendant la réunion informelle des ministres qui se tient à l'issue de cette conférence. L'année européenne de la jeunesse est en outre en cours, suite à une proposition de la présidente de la Commission européenne. L'ambition est de démontrer que les jeunes ne sont pas la variable d'ajustement de la crise pandémique et doivent être une priorité, et de présenter les actions conduites à leur profit, avec et par eux dans chacun des États membres. Le dispositif du mentorat, en l'occurrence, intéresse les autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Merci pour cette présentation stimulante. .

Je souhaitais revenir sur le SNU. J'ai eu la chance d'assister à une journée complète du SNU, sur la base de loisirs d'Étampes. Les maires des communes rurales se sont tous rendus à la levée des couleurs. En fin de session, un jeu de rôle de campagne présidentielle a été organisé. Les finalistes m'ont présenté leur programme, qui était constitué de propositions très intéressantes, sur l'environnement, le logement, le RSA jeunes, etc. Une jeune fille souhaitait prolonger sa démarche par un stage dans une collectivité. J'ai sollicité mes trois collègues sénateurs de Seine-et-Marne. Il serait utile d'inviter les jeunes sensibilisés à la chose publique à se manifester lors du SNU afin que vos services assurent le lien avec les collectivités. Lorsque nous avons reçu les représentants d'Unis-Cité, je leur ai demandé si certains avaient déjà été sollicités pour participer à un conseil municipal des jeunes, ce qui n'était pas le cas. Vous avez donc un rôle pour assurer ce lien.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Une des questions qui se pose est de savoir comment faire nombre. Nous avons toujours des difficultés à mettre en perspective les chiffres par rapport à la population générale. Pour le service civique, combien de jeunes ont été touchés par rapport à la population cible ? C'est un sujet de fond : comment faire nombre ?

S'agissant de la qualification des parcours d'insertion ou des parcours citoyens, vous avez évoqué le « compte engagement citoyen ». Il s'agit en quelque sorte d'une validation des acquis de l'expérience appliquée à l'engagement. Combien de personnes sont concernées ? Ce dispositif ne me semble pas suffisamment déployé à l'heure actuelle. Il s'agit donc de se poser la question de la valorisation de ce type de dispositif. 240 heures de bénévolat donneraient lieu à une plus-value de 220 euros, qui pourrait être inscrite dans le Compte personnel de formation (CPF). Il s'agit d'un atout supplémentaire, qui n'est toutefois pas connu des opérateurs. Les missions locales me semblent bien placées. Quelle est l'articulation interministérielle prévue sur ces sujets ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Il faut en effet déployer ce dispositif massivement. Ce n'est pas assez connu. Les jeunes en mission de service civique devraient pouvoir mobiliser leur « compte engagement citoyen ».

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Vous avez évoqué le brassage social. Pourriez-vous nous parler de la surreprésentation des enfants de personnels militaires au SNU ?

En ce qui concerne la montée en puissance du SNU, on est passé de 20 000 à 50 000 jeunes en un an. Pour rendre obligatoires le séjour de cohésion et la mission d'intérêt général, il faut passer à une cohorte de 750 000 jeunes. En avons-nous les moyens financiers, humains et opérationnels ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Le suivi des jeunes après le séjour de cohésion est très important pour nous. Pour les élus, nous avons mis en place la possibilité pour les jeunes volontaires d'autoriser la transmission de leurs coordonnées aux préfets et maires. Des courriers signés par les ministres sont transmis à tous les élus pour les avertir qu'ils ont un jeune du SNU sur leur territoire. Il faut par exemple inviter ces jeunes à des cérémonies pour marquer la reconnaissance de leur engagement. Les élus doivent également pouvoir le cas échéant proposer des MIG à ces jeunes de leur territoire. S'agissant des MIG, il y a au cours des séjours de cohésion des forums de l'engagement permettant de présenter les MIG. Enfin, les temps de démocratie pendant les séjours de cohésion sont très importants. Nous travaillons avec l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej) sur ces sujets.

Debut de section - Permalien
Julie Champrenault, adjointe au sous-directeur du service national universel (SNU)

Sur le volet de la participation à la chose publique, nous avons la volonté d'inciter les jeunes à participer eux-mêmes à la vie de leur centre de cohésion, avec des créneaux de démocratie interne. Nous mettons beaucoup l'accent sur la formation des tuteurs de maisonnée, qui encadrent au plus près les jeunes dans le cadre des séjours de cohésion et leur présentent la deuxième phase. Ils leur indiquent notamment qu'ils ont la possibilité de contacter un référent MIG. Il existe en effet dans chaque département un chef d projet SNU et un référent MIG. L'accompagnement des jeunes dans leur recherche de MIG est un véritable enjeu.

Nous avons récemment mis en place, avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires, un référentiel des MIG - adaptable aux spécificités des territoires - pour outiller les élus.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

La plateforme jeveuxaider.gouv.fr se développe beaucoup avec les collectivités locales, qui peuvent y inscrire des missions bénévoles. Les MIG, en revanche, doivent se tenir dans l'année suivant le séjour de cohésion et concernent de jeunes mineurs. La minorité des jeunes est d'ailleurs un point de vigilance. Il faut que la plateforme jeveuxaider.gouv.fr et que la plateforme du SNU fonctionnent en synergie. Ce besoin d'outillage et d'accompagnement des collectivités est lié précisément à l'âge de ces jeunes mineurs. Il faut rassurer et montrer que c'est possible de leur proposer un MIG. La question que les organismes doivent se poser en proposant des MIG est : que voulons-nous transmettre aux générations montantes ?

En matière de MIG, je conviens que nous avons pris un peu de retard car notre énergie était mise sur les séjours de cohésion. Un séjour de cohésion non suivi de MIG, c'est 80 % de l'intérêt du SNU de perdu.

Comment faire nombre ? C'est l'ambition du SNU, puisque nous souhaitons le généraliser à toute une génération, soit 700 000 jeunes, afin que tous bénéficient de ce bagage à 15-16 ans. Le service civique pour sa part doit rester volontaire. Le rendre obligatoire est en contradiction avec sa finalité. Les ambitions ne sont pas les mêmes.

S'agissant de la qualification des parcours citoyens, l'enjeu est, à travers l'engagement bénévole ou volontaire, de développer puis valoriser un certain nombre de compétences transversales et comportementales (les soft skills) qui sont de plus en plus attendues par les entreprises. De nombreux référentiels existent sur la question. L'Agence du service civique en développe actuellement un, basé sur un référentiel de l'Union européenne. Pour ce qui concerne la validation, elles sont automatiquement reconnues pour les jeunes en service civique. Pour les autres, cela concerne des personnes dans la gouvernance de l'association (conseil d'administration). Les 240 heures sont reconnues par l'association concernée. 8 000 à 10 000 personnes ont activé leur compte engagement citoyen. L'objectif est de procéder au déploiement de cet outil. En s'appuyant sur les jeunes du service civique, il sera possible d'identifier les difficultés éventuelles. Des contrôles seront aussi nécessaires car tout n'est pas de l'engagement citoyen. Nous avons besoin d'outils en interne. C'est une des ambitions de l'Agence du service civique. Avec le « compte engagement citoyen », les jeunes pourront cofinancer leur certificat.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Sur le financement du permis de conduire, on observe aujourd'hui une vraie nébuleuse d'acteurs. En termes de certification de la formation professionnelle, il y aurait une vraie pertinence à s'appuyer sur les régions.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Nous travaillons avec ces collectivités. Je suis d'accord, il y a là un véritable enjeu pour les générations montantes.

En ce qui concerne le brassage social et la surreprésentation des corps en uniforme, qui apparaissait dans l'étude quantitative de l'INJEP, la proportion de jeunes issus d'une famille qui a eu une expérience dans un corps en uniforme est de 39 %. La proportion de jeunes qui comptent parmi leurs parents des professions de corps en uniforme (militaires, gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers) est de 9-10 %, contre 1 % dans la population nationale. Il est vrai que le SNU avait initialement une dimension militaire, ce qui peut être la cause d'un malentendu. Certains jeunes ont pu s'attendre à faire une préparation militaire. Nous expliquons aux jeunes qu'il s'agit de renforcer la résilience de la Nation, de comprendre la démocratie et les valeurs de la République, mais que le dispositif est civil, bien que nous travaillions étroitement avec les armées et qu'une journée soit dédiée à la Journée défense et citoyenneté. J'ai eu le sentiment, lors de mes visites de centres, que de nombreux jeunes pouvaient avoir des liens avec des familles de Gilets jaunes, mais c'est un ressenti subjectif et non documenté, qui traduit toutefois semble-t-il une certaine pluralité des jeunes. Nous sommes également vigilants à l'égard des QPV et des lycéens professionnels. Une question demeure sur les apprentis, qui n'ont que cinq semaines de congé, soit moins que les autres jeunes. Nous travaillerons avec deux à trois branches emblématiques en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Nous savons que le service civique est ouvert aux étrangers. Est-il souhaitable d'ouvrir cette possibilité pour le SNU ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Pouvez-vous également préciser les coûts liés aux déplacements de ces jeunes, dans l'hypothèse d'un SNU obligatoire ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Les questions de transport peuvent être très onéreuses. Dans la métropole, on s'en sort grâce à une équipe de choc qui gère les transports. S'agissant des jeunes Français qui ne vivent pas sur le sol français, nous pouvons organiser des centres dans les outre-mer, bien que le transport en devienne onéreux. L'objectif est de nous assurer que tous ces jeunes puissent répondre à cette obligation. Les DOM nous permettent d'accueillir des jeunes Français qui vivent à proximité.

S'agissant des jeunes étrangers, la question de savoir si nous devons réserver le dispositif du SNU, comme la JDC, exclusivement aux jeunes Français est complexe.

Le service national n'est ouvert qu'aux jeunes Français. Le SNU s'adresse aux jeunes de 15 à 16 ans. La question de l'obligation, même exclusivement pour les Français, relève de la loi. Tout est ouvert actuellement. Dans une approche pragmatique, le réserver aux Français se traduirait certaines classes par le fait que quelques jeunes ne pourront pas partir en séjour de cohésion. Mais la proportion pourrait être inversée dans d'autres classes. Ces sujets de fond sont importants. Le SNU, qui participe de la cohésion nationale et doit répondre à un certain nombre d'objectifs, pourrait a minima être ouvert aux jeunes non-Français qui le souhaiteraient.

L'effectif de 700 000 jeunes exige quoi qu'il en soit des moyens importants, en investissements et en ETP. Pour les séjours de cohésion nous sommes attachés à un encadrement de proximité, une des conditions du succès. Il faut une volonté politique forte. Le débat parlementaire permettra de dégager des perspectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Vous avez abordé l'ASE ; j'ai pour ma part pensé aux mineurs non accompagnés (MNA). Cette approche du sens civique et citoyen pourrait être bénéfique en termes d'intégration, même si le fait qu'ils ne parlent pas tous français peut être source de difficultés.

N'est-il pas complexe de superposer le SNU et le service civique ? Serait-il envisageable d'imaginer que ces deux parcours relèvent d'une seule structure, à terme, afin de simplifier le dispositif et de le rendre plus compréhensible et davantage lisible ?

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Pérès, de l'éducation populaire et de la vie associative, déléguée interministérielle à la jeunesse

Pour nous, le service civique est la troisième étape du SNU - le « Graal » d'une certaine manière. Certains jeunes qui participent au séjour de cohésion, s'ils sont décrocheurs et ont besoin d'être remobilisés, pourraient rentrer directement en service civique, auquel cas nous le reconnaîtrions aussi bien comme la mission d'intérêt général et la mission volontaire de trois mois et plus avant 25 ans. L'engagement volontaire des jeunes nous permet de mesurer le succès du SNU, au-delà des inscriptions et des jeunes accueillis en séjour de cohésion. Le véritable impact résidera dans le nombre de personnes qui ont suivi leur séjour de cohésion puis s'engagent pour la Nation à travers le service civique ou d'autres modalités. Par ailleurs, grâce à la tutelle que nous exerçons sur l'Agence du service civique, nos équipes travaillent dans un maximum de synergie, par exemple pour les MIG, car ce sont souvent les mêmes associations qui proposent des missions de service civique et qui pourraient accueillir des jeunes du SNU.

En termes d'organisation, tout est ouvert. Faut-il créer une Agence de l'engagement pour incarner cette politique ? Il y a des avantages et des inconvénients. Cela dépendra de l'ambition politique qui s'exprimera à l'égard de l'engagement. Le développement du SNU ne doit cependant pas se faire aux dépens du service civique, sauf à nous priver d'une opportunité très intéressante en matière d'engagement volontaire. Les dernières déclarations du Président sur le Service civique européen démontrent une volonté de favoriser le volontariat et de reconnaître cette forme d'engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Nous nous adressons ici à des jeunes qui découvrent la citoyenneté. Nous avons matière à simplifier et coordonner ces processus, non pas pour en supprimer certains mais pour les rendre plus cohérents et plus lisibles. Nous vous remercions pour votre intervention.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.