Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe

Réunion du 4 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • consommateur
  • fournisseur
  • industriel
  • origine
  • traçabilité
  • viande
  • viande de cheval
  • étiquetage

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Notre mission commune d'information souhaite réaliser un état des lieux de la filière viande, et dans ce cadre, nous entendons aujourd'hui le point de vue des représentants de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD).

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

L'objectif de notre mission d'information est de restaurer la confiance de consommateurs, en dressant un état de la filière, depuis le pré jusqu'au caddy. Nous sommes donc heureux de vous accueillir, vous qui constituez le tout dernier maillon de cette chaîne. Il nous a été indiqué hier qu'une simple hausse de 30 centimes du prix du kilo de porc, ce qui constitue une très faible augmentation pour le consommateur final, serait précieuse pour les producteurs. Un effort modeste de tous les intervenants de la filière ne serait-il pas de nature à conforter la production de produits français de qualité ? Il serait alors possible de moins importer...

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

Merci pour votre invitation. La FCD représente notamment les grands groupes à dominante alimentaire, Carrefour, Casino, Picard, Lidl, Dia, etc., non les groupes indépendants tels que Leclerc. Au total, le secteur réalise un chiffre d'affaires d'environ 100 milliards d'euros, emploie 750 000 personnes et dispose de 30 000 points de vente.

Avant d'en dresser le bilan, rappelons que la loi de modernisation de l'économie (LME) ne s'applique pas aux produits de viande fraîche, négociée sur des marchés de gré à gré, à la différence des produits élaborés tels que la charcuterie. Elle ne s'applique pas non plus aux produits sous marque de distributeurs (MDD).

La conjoncture est marquée par un recul du pouvoir d'achat et une baisse de la consommation alimentaire - ce qui est nouveau - de 3 % en glissement annuel selon les chiffres de l'Insee de la semaine dernière. Les industriels, lors du dernier cycle de négociation annuel, ont fait des propositions qui auraient entraîné une hausse de 5 % du prix de certains produits. Ceci est inacceptable ! L'indice des prix de la grande distribution est aujourd'hui stable. Grâce au mécanisme de négociabilité des tarifs, nous avons réussi à maintenir globalement en 2013 le niveau de prix de 2012, certains produits subissant les hausses de prix de certaines matières premières : farine, huile, certains produits laitiers ; tandis que d'autres prix reculent : café, chocolat, sucre...

Pour la viande, l'effet des prix sur la consommation est sensible. Selon le panel Kantar, l'augmentation observée en 2012 de 4 % des prix de la viande bovine s'est traduite par un recul des ventes de 2 %, ces chiffres étant respectivement de 5 % et 1,8 % pour le boeuf, de 2,9 % et 3 % pour le veau et de 5 % et 1 % pour le porc. A quoi s'ajoute un report sur les produits moins onéreux - porc et volailles - ainsi que sur les premiers prix et les promotions. Sans la LME, la hausse des prix des produits alimentaires aurait atteint environ 5 %. Je précise que les industriels et les transformateurs sont nos seuls interlocuteurs, car contrairement à ce que l'on entend parfois, nous ne négocions pas avec les producteurs.

Nous achetons aux prix du marché. Les éleveurs de porcs estiment qu'une hausse de 30 centimes est minime ; c'est pourtant l'addition de tous ces petits montants qui risque d'aboutir à des hausses importantes. Dans un marché ouvert, cette augmentation du prix encouragerait les importations. De surcroît, comme les producteurs le reconnaissent en privé, nous ne pourrions plus exporter aux prix du marché international. J'ajoute que si les aliments pour bétail se sont renchéris, les prix de la viande ont suivi la même tendance.

Nous avons fait un effort de transparence en publiant nos marges par rayon. Les industriels ne se sont pas livrés à un exercice comparable. Lorsque nous analysons les comptes de nos fournisseurs cotés en bourse, nous constatons que leurs marges nettes sont en forte augmentation depuis plusieurs années. Ils affirment qu'il s'agit de comptes mondiaux consolidés, non représentatifs de la France, mais ne communiquent pas de chiffres nationaux. Depuis l'entrée en vigueur de la LME, la marge nette des industriels a augmenté, tous produits confondus, de 13 % tandis que celle des distributeurs diminuait de 13 % : ce sont les chiffres !

Notre objectif dans les négociations est de faire en sorte que les prix globalement n'augmentent pas ; nous cherchons aussi à préserver les PME. Dans la charcuterie, où elles sont nombreuses, les prix négociés avec les grands groupes sont stables tandis que nous avons accepté, pour les PME, des augmentations, parfois jusqu'à 4 %. Nous pratiquons une différenciation claire.

L'accord du 3 mai 2011 prévoyant une renégociation des accords en cas de fortes fluctuations du prix de la viande n'est jamais entré formellement en vigueur car il était conditionné à la conclusion d'un autre accord, entre éleveurs et céréaliers, qui n'a pas été conclu. Le fonds de péréquation n'a donc pas été mis en place. Les revenus des céréaliers ont pourtant augmenté de 50 % en deux ou trois ans. Il faut dire que les décideurs, dans les instances professionnelles agricoles, tendent peut-être à défendre plutôt les céréaliers. La progression vers une meilleure péréquation constitue l'une des nos priorités. Les instruments modernes de couverture financière contre les variations de prix des aliments du bétail n'existent pas, ne permettant pas de se prémunir contre les baisses des prix des céréales.

Quoiqu'il en soit, les renégociations prévues dans l'accord de 2011 ont eu lieu et le mécanisme a fonctionné. Le prix du boeuf a ainsi crû de 14 % en 2012, de 29 % en moyenne sur cinq ans. Celui du porc de 1,3 % en 2012 mais de 14 % sur cinq ans. Quant à la volaille, la progression par rapport à 2012, à la dernière cotation, celle de la semaine 11 de 2013, est de 12,1 %. Bien sûr, que ces progressions répercutent celles des prix des matières premières.

Parmi les propositions formulées par le président de Système U, dans une note du 14 mars 2013, celle relative au contrat tripartite pluriannuel recueille notre assentiment. Carrefour, Casino ou Auchan l'ont déjà mis en place, sur une base volontaire. Des liens forts ont été établis avec les fournisseurs, autorisant certains distributeurs à prendre sur certains produits un engagement de 100 % d'origine France. Les producteurs doivent cependant se regrouper et s'organiser afin d'être en mesure de conclure de tels contrats.

Nous sommes en revanche opposés à une indexation des prix de vente sur ceux des matières premières. Ce serait une erreur majeure au moment où de nombreux revenus subissent une désindexation... La mesure serait de surcroît très difficile à mettre en oeuvre. Et elle conduirait à une catastrophe économique !

Nous ne sommes pas non plus favorables à la modification des règles de calcul du seuil de vente à perte, d'autant que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé contraire au droit européen d'interdire la vente à perte. Les autres distributeurs ne soutiennent pas cette proposition, qui conduirait à augmenter le prix de produits de grande marque, de 10 à 15 % et se traduirait aussi par un recul des volumes des industriels concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Quelle est la position de votre fédération sur l'étiquetage de la viande d'origine française, notamment après l'affaire Spanghero ? Que pensez-vous du rôle joué par l'Observatoire des prix et des marges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

La diminution du volume de production des élevages français se poursuit. Dans vingt ans nous serons plus encore qu'aujourd'hui tributaires des importations. Ce phénomène ne vous inquiète-il pas ? Pour qu'il subsiste des agriculteurs, il faut bien que ceux-ci puissent vivre de leur travail. Je comprends que, vous ayez l'oeil rivé sur le prix mondial, mais cela ne peut être la seule variable.

La France peut certes miser sur des produits de qualité bénéficiant d'une appellation, mais même les éleveurs des poulets de Bresse n'arrivent plus à vivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

On assiste à des spectacles effroyables, tels ces cadavres d'animaux flottant dans un fleuve en Chine. De quelles garanties disposez-vous sur les produits importés ? Les conditions d'élevage hors Union européenne sont parfois inimaginables.

Que seront selon vous, les tendances lourdes des cinq prochaines années dans les industries agroalimentaires ? Quelle est la pertinence d'idées éminemment sympathiques comme les « circuits courts » ? Je ne partage pas votre point de vue sur les céréaliers et les éleveurs. Certes, je cultive du maïs et bien que mon prix de vente ait doublé en trois ans, je continue de percevoir 300 euros d'aides européennes par hectare. Mais je n'y peux rien, cela ne dépend pas de moi ! C'est au législateur d'intervenir pour mettre en place la péréquation que vous évoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Les industriels de l'agroalimentaire semblent refuser l'étiquetage de l'origine des viandes sur les produits transformés, qui assurerait, comme pour la viande fraîche, une vraie traçabilité. Qu'en pensez-vous ? Par ailleurs, quelle est la part de la viande commercialisée issue de l'abattage rituel ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Que représentent les produits de marques de distributeur (MDD) dans l'agroalimentaire ? Pourquoi ne sont-ils pas soumis à la LME ?

Dans toutes les auditions, chacune de parties prenantes explique que ce n'est pas chez elle que le prix augmente et qu'il faut regarder chez le voisin. Nous ne sommes pas totalement naïfs et nous finissons toujours par comprendre ce qu'il en est. Je constate en tout cas que les familles les plus riches en France ne sont plus des familles de producteurs industriels mais de distributeurs.

La traçabilité des produits composés est possible puisque les viandes sorties d'abattoir sont déjà tracées. Il faut seulement que la loi l'impose et ce système, s'il avait été en place, nous aurions évité les problèmes récents.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Ne demandons pas à la grande distribution qu'elle nous donne des conseils sur la réforme de la PAC.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

La péréquation peut effectivement, faute d'être mise en place volontairement, être imposée par la loi ou dans le cadre de la PAC.

Nous l'avons dit lors d'une table ronde en présence de Stéphane Le Foll : nous sommes favorables à un étiquetage indiquant l'origine de l'ingrédient principal - ce qui n'aurait pas évité le scandale du cheval, cependant, puisque celui-ci découle d'une tromperie et non d'un problème de traçabilité. Un consensus existe sur la nécessité d'instaurer ce dispositif au plan européen.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

Non, ce n'est pas possible.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

Ce serait très compliqué. Les indications de type viande bovine française (VBF) et viande ovine française (VOF) existent déjà mais quelle mention figurera dans le cas de lots provenant de différents pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Ne craignez-vous pas que la découverte de cette nébuleuse d'intermédiaires et de circuits dans l'industrie de la viande ne mine la confiance du consommateur, qui ne parvient ainsi déjà plus à savoir ce qu'il donne à manger à ses enfants ?

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

Nous voulons bien sûr que nos concitoyens aient envie de consommer. Rappelons que 90 % de la viande bovine fraîche vendue est d'origine française, comme plus de 80 % du jambon cuit vendu sous MDD ; de plus, certains distributeurs ont pris l'engagement du 100 % de viande française.

Sur l'étiquetage, nous avons des problèmes pratiques à régler. Plusieurs PME produisent, sous la même marque, des produits dont les ingrédients ont des origines différentes. Que faudrait-il écrire ? Comment définir la matière première principale d'un produit composé ?

L'Observatoire des prix et des marges est très efficace. Pour la première fois, un organisme public dit exactement ce qu'est la réalité. Il démontre que la marge de nos distributeurs sur la viande bovine fraîche est négative de 4,4 %, notamment du fait des coûts de personnel. A l'inverse, nous réalisons une marge bénéficiaire de 1,5 % sur la viande emballée en libre service. Il apparaît aussi clairement que nous gagnons de l'argent sur les produits laitiers et, n'en gagnons pas sur les fruits et légumes. Globalement, on observe aussi que la consommation recule, c'est une tendance durable.

Tout ceci doit nous incite à réfléchir sur le moyen et long terme. Comment rendre la qualité perceptible par les consommateurs, comment faire pour que les Français mangent plus de viande ? L'étiquetage origine France n'est pas suffisamment gage de qualité dans l'esprit des consommateurs. Comment sécuriser les approvisionnements de viande bovine ? Préfère-t-on l'exportation ou la vente sur le marché national ? Il est indispensable d'analyser les évolutions de la demande mondiale, du prix des matières premières, des tendances à venir. Nous devons le faire tous ensemble, producteurs, industriels et distributeurs. Nous le proposons en vain à nos partenaires de la filière. La volatilité des prix était inscrite dans la réforme de la PAC mais nous n'avons pas été capables d'y réfléchir et de l'anticiper.

Oui, nous sommes inquiets de voir des éleveurs abandonner la viande au profit des productions céréalières qui leur offrent une vie plus confortable. Nous avons, là aussi, besoin d'une stratégie. Même la consommation de steaks hachés surgelés diminue, cette année, de 4,8 % ! Ce n'est pas seulement une question de prix, il faut redonner aux gens l'envie de consommer.

Dans nos magasins, les MDD représentent 40 % du volume et 30 % de la valeur. Pourquoi sont-ils exclus de la LME ? Parce qu'ils sont achetés auprès des industriels par appel d'offre, sur commande du distributeur, dans le respect d'un cahier des charges : il s'agit de relations industrielles et non commerciales, elles ne relèvent pas du code de commerce.

L'abattage rituel n'est pas soumis à des obligations d'information. La collecte de données en la matière pose des problèmes techniques ; les chiffres précis en la matière devraient pouvoir être fournis par l'interprofession.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

N'est-il pas possible de savoir ce que cette viande représente dans le volume total, hors même les rayons halal ?

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

Nous ne disposons pas de ces chiffres.

Debut de section - Permalien
Mathieu Pecqueur, directeur « Agriculture et qualité » de la FCD

Nous avons interrogé nos fournisseurs. Mais aucun gros abattoir ne pratique seulement un mode d'abattage, rituel ou traditionnel. Nous ne connaissons pas la répartition entre les deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Ne serait-il pas utile de fournir cette information au consommateur ? C'est une question de transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Les consommateurs pourraient avoir le sentiment de subir une discrimination, négative et coûteuse.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

L'instauration d'une réglementation en la matière relève des pouvoirs publics. Pour l'heure, nous n'avons pas d'information sur ce point.

Debut de section - Permalien
Mathieu Pecqueur, directeur « Agriculture et qualité » de la FCD

Ils sont effectués tout au long de la chaîne. Les industriels opèrent des prélèvements sur la viande hachée, font des analyses microbiologiques, voire des analyses ADN. Quant aux enseignes, elles procèdent par échantillonnage, plus d'un millier de contrôles sont réalisés. Ce système d'autocontrôle est particulièrement efficace ; c'est grâce à lui que les industriels ont lancé l'alerte sur l'utilisation de la viande de cheval substituée à du boeuf.

Les magasins doivent conserver les documents de traçabilité, qui remplissent des classeurs entiers, jusqu'à six mois après la fin de vie du produit. Les procédures d'hygiène incluent la vérification de la bonne tenue de ces archives. Des audits externes, qui portent par exemple sur la température des réfrigérateurs et le respect d'une myriade de critères sont effectués. Si l'on y ajoute les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous aboutissons à un dispositif extrêmement sûr.

La difficulté, toutefois, est que la fraude, par définition, ne s'anticipe pas. Comment la constater au plus vite ? Comment la limiter ? Voilà l'enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La diminution de la consommation de viande atteint-elle dans la même mesure toutes les catégories de produits, frais, transformés, surgelés ? Touche-t-elle moins la viande biologique ou la viande labellisée ?

Debut de section - Permalien
Mathieu Pecqueur, directeur « Agriculture et qualité » de la FCD

La baisse globale des produits carnés est très claire depuis quelques années. On vend de moins en moins de produits bruts, comme le gigot. On les prépare aussi davantage. Par exemple, les côtes de porc se présentent différemment : moins de gras et d'os. Les industriels vont de plus en plus loin dans l'élaboration des produits en proposant de la viande hachée ou marinée, voire des produits carnés intégrés tels que la barquette de boeuf bourguignon à mettre au four à micro-ondes. Ce qui ne contrebalance pas, pour autant, la contraction des ventes de produits bruts.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

On observe effectivement trois grandes tendances : une baisse générale de la consommation, une élaboration accrue et un report progressif vers les produits moins onéreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Merci. Si vous le souhaitez, vous pourrez nous apporter des compléments par écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Merci à M. Gilles Varachaux, qui dirige une entreprise de transformation de produits carnés, et va nous apporter son témoignage de praticien.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Après le scandale de la viande de cheval vendue pour du boeuf par l'entreprise Spanghero, notre mission veut restaurer la confiance du consommateur. Vous le voyez, nous sommes plein de bonnes intentions.

En tant qu'acteur important de ce marché, ne pensez-vous pas qu'indiquer l'origine des viandes utilisées dans les produits élaborés serait une bonne chose ? Pourquoi les entreprises de transformation rechignent-elles à l'étiquetage ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Mon métier consiste à prendre de la viande brute et à la transformer pour des industriels qui, de plus en plus, sont des assembleurs. Ma société transforme toutes les viandes : du boeuf, du porc ou de la volaille, du bio ou du halal, dès lors qu'on me le demande. J'achète partout en Europe ; ma matière première est pourtant à 60 % d'origine française. C'est ce qui est ressorti du contrôle de traçabilité que nous avons bouclé en 48 heures au lendemain de l'annonce du scandale de la viande de cheval. Je n'achète pas la totalité de la viande que j'utilise en France pour une raison assez simple : un groupe - le groupe Bigard, qui détient Charal et Socopa - domine le marché de la viande bovine. Il assure plus de la moitié des abattages. Il vend aux autres ce qu'il n'utilise pas dans ses propres filiales.

Sur nos 7 000 tonnes de viande que je détiens, nous n'avons pas trouvé, lors du dernier contrôle de traçabilité, de viande de cheval et il n'y a pas eu besoin de test ADN pour le vérifier. Varachaux est une entreprise familiale créée en 1968. Elle a traversé les crises de la vache folle et celle des poulets à la dioxine sans jamais être citée dans la presse. Il y a une explication à cela. Je procède à des contrôles rigoureux et, en amont, j'achète mes produits par rapport un cahier des charges précis, qui est le nôtre et pas celui du fournisseur. L'an dernier, nous avons refusé 68 tonnes de viande.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

La viande est achetée, mais à la livraison, si elle n'est pas conforme, il faut oser fermer la porte du camion et de renvoyer la marchandise.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Des problèmes de traçabilité, de composition, de température... Si on ne cherche pas, on ne trouve pas ! Je ne veux pas me lier par un contrat avec les fournisseurs. Tous les matins, mes acheteurs partent en quête de matière première. C'est une aventure, mais qui a des avantages : nous restons entièrement libres de notre choix.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Vous avez parlé de contrôles. Lesquels effectuez-vous ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Nous achetons la matière première. La veille de la réception du camion, nous demandons l'attestation correspondante : où les animaux ont été élevés, où ont-ils été abattus. A l'arrivée, si l'attestation n'est pas présentée, ou si l'étiquetage ne correspond pas à ce que nous avons acheté, nous ne déchargeons pas la marchandise. Nous gagnons du temps : quand la viande est stockée, il est plus difficile de la renvoyer. Cette année, nous avons déjà renvoyé 50 tonnes de viande.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Les produits refusés viennent-ils plutôt de l'étranger ou de France ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Les Roumains ont vendu ce qu'on leur avait acheté. Quand on veut savoir, on pose des questions, on contrôle sur place. Je n'achète rien dans les pays baltes ; la Grande-Bretagne et la Hollande ont mauvaise réputation, la première à cause de la crise de la vache folle et la deuxième parce qu'elle est un pays de passage. Je fais beaucoup de commerce avec l'Irlande où les prix sont beaucoup plus bas que ceux pratiqués en France.

Une fois la marchandise stockée, nous procédons à des prélèvements après avoir placé des échantillons une nuit en salle chaude...

Un technicien de la viande vérifie les pièces. Lorsque le pourcentage de matière grasse n'est pas conforme, ou que la viande contient des corps étrangers comme les os, nous en faisons la remarque aux fournisseurs pour éviter que cela ne se reproduise. A la suite de quoi, on procède aux prélèvements bactériologiques. Avant de connaître leur résultat, la matière première est bloquée par défaut. Le système qualité, et lui seul, libère la matière première pour la production ; je n'ai pas mon mot à dire même s'il y a une forte pression de côté de la production.

La période actuelle est compliquée car la matière première est moins abondante et, après la crise de la viande de cheval, on assiste à une ruée sur la viande bovine française (VBF).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Combien d'entreprises travaillent selon vos méthodes ? et avez-vous des fournisseurs attitrés ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Je suis le client fidèle de fournisseurs qui n'ont jamais eu leur photo dans la presse ! Acheter de la viande à l'étranger implique de recourir à des intermédiaires. Inutile, cependant, de les multiplier : un suffit.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Quelles sont vos procédures pour identifier vos fournisseurs ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Nous traitons plutôt avec les petits fournisseurs car mieux vaut un camion par mois si la marchandise est bonne et correspond à notre cahier des charges. Avant de faire affaire, nous demandons un échantillon de 5 tonnes ; nous effectuons un déplacement chez le fournisseur et, à la réception de la marchandise, nous attribuons une note. Lorsqu'un problème survient, nous déclenchons un audit et nous demandons des améliorations. Par exemple, lorsque nous avons réalisé la traçabilité de nos 7 000 tonnes de produits, certains ont tardé à nous répondre. Nous leur avons demandé des explications.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Prenons la malfaçon sur la viande de boeuf, remplacée par du cheval : lorsque l'étiquette est modifiée, vous n'avez aucune chance de vous en apercevoir ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Il s'agissait d'une fraude massive, la marchandise arrivait en France par camions entiers. Qu'un industriel de la viande ne sache pas distinguer du boeuf et du cheval, je ne peux y croire...

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Difficile de distinguer quoi que ce soit quand on est face à du minerai, c'est-à-dire de la viande hachée mélangée avec un certain pourcentage de graisse.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Pour moi, le terme de minerai ne veut rien dire et je n'achète pas de viande hachée. Je compose les mélanges avec de la poitrine, du gras... Pardon, mais la viande de cheval, cela se détecte à température.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Vous transformez la matière première, en somme. Jusqu'à en faire des steaks hachés ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Nous vendons des produits pour fabriquer les raviolis, la bolognaise, les lasagnes ou les pizzas... Nous vendons des produits surgelés IQF (individual quick frozen), crus ou cuits aux industriels. En réalité, nous faisons de la recherche et développement pour les entreprises de transformation. A chaque fois, nous nous adaptons à la demande, ce qui est beaucoup plus facile pour une PME que pour une grosse entreprise comme Nestlé où il faut un mois et demi pour prendre la décision d'envisager une nouvelle recette.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Puisque vous transformez de la viande de toutes origines, vous devez sans doute vous servir de viande abattue de manière rituelle. Dans quelles proportions ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Il s'agit d'un marché minime, captif. Il y a peu de demande. Tout est question de débouchés. Prenez la viande de cheval : il existe 11 000 tonnes de stock et on ne sait qu'en faire ; ça ne s'utilise pas dans la pet food ou le corned beef. Même si on en a trouvé dans le corned beef...

Nous travaillons à la demande du client pour le marché du halal et en petites quantités, pas plus de 20 ou 25 tonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Et pour le reste, connaissez-vous le mode d'abattage utilisé ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

La question ne se pose pas. Pour la volaille, les abattoirs ont tout intérêt à produire en mode halal.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

De toute façon, on ne pourra pas mentionner le mode d'abattage sur l'étiquette, ce serait de la discrimination négative.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Pour l'instant, en tout cas, la question est strictement économique. A chaque fois qu'on a demandé une attestation, parce qu'un client nous l'avait demandée, on nous a certifié que la marchandise était 100 % halal pour le poulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Auditionner un professionnel nous change, merci de votre franchise ! Après le scandale Spangharo, notre souci est de rechercher les responsabilités, non pour nous transformer en procureurs, mais pour savoir où il faut mettre l'accent dans la chaîne pour améliorer les choses. Faut-il viser les traders ? Mon sentiment est le suivant : de petite permissivité en petite permissivité, on a abouti à de grosses irrégularités. En amont, certains fournisseurs, pour dire les choses poliment, ont vraiment manqué de professionnalisme.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

La liste des entreprises épinglées dans le scandale de la viande de cheval ressemble étrangement à celle des sociétés qui ont été placées sous le feu des projecteurs lors de la crise de la vache folle. Nous vivons dans un autre monde que Spangharo. Cette entreprise a un historique, elle fonctionne selon les anciennes méthodes.

Je vais vous raconter mon histoire. Mon père était tripier, il a revendu son entreprise aux frères Blanc ; il est mort à 60 ans d'une rupture d'anévrisme sur une piste de ski. J'ai dû prendre son relais du jour au lendemain. Cuisinier, je ne connaissais rien au monde de la viande. En arrivant, j'ai essayé de comprendre à quoi ressemblait une vache. La traçabilité, nous l'avons mise en place très tôt si bien que, durant la crise de la vache folle, nous avons eu besoin de poser une seule question : la viande provient-elle, oui ou non, d'Angleterre ? Nous refusons de la viande non conforme depuis 2003-2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous qui avez fait le choix de la qualité, vous avez tout intérêt à la transparence en bout de chaîne. La mention des origines sur l'étiquetage rassurera le consommateur. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Tout dépend de ce qui est mentionné. Trois pays d'origine au plus pour la viande bovine européenne, pourquoi pas ? En revanche, si on spécifie qu'il s'agit de « vache de réforme » ou de « race à viande », on va dégoûter le consommateur. Le kilo labellisé VBF coûte un euro de plus, le calcul n'est pas compliqué. Qu'est-ce cela change de mettre du filet de boeuf ou du minerai dans un ravioli ? D'ailleurs, un de mes clients, qui n'utilise que de la viande française pour ses raviolis, s'est retrouvé seul sur les linéaires après la crise Spangharo ; il a tout de même accusé une baisse de 15 % de ses ventes.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

La viande de cheval substituée à du boeuf, une autre affaire qui a démontré au consommateur que certains industriels ne savaient pas ce qu'ils mettaient dans leurs produits. Il s'agit d'une fraude et les fraudeurs représentent une minorité. Je note cependant que le trader hollandais impliqué dans la crise poursuit ses activités... Ce type de crise a un aspect positif : les progrès sont ensuite spectaculaires - on a beaucoup avancé sur la traçabilité depuis la crise de la vache folle.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Que faire pour rassurer les gens et augmenter la consommation ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Findus, Tavola, Comigel, sont des entreprises spécialisées dans le plat cuisiné. Ils se sont mis à acheter de la viande. Ce n'est pas leur métier. Me demande-t-on, à moi, de fabriquer des plats cuisinés ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Nous sommes une entreprise tampon entre les professionnels de la viande.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Fleury-Michon, Nestlé, Raynal-Roquelaure, ...

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Un temps, oui, mais ensuite ils ont trop baissé leurs prix d'achat et j'ai arrêté de travailler avec eux. Savez-vous qu'aujourd'hui, une boîte de raviolis coûte moins cher que de la nourriture pour animaux ou qu'une conserve de haricots verts ? Certaines enseignes exigent des prix trop bas. Je peux refuser des contrats parce que j'ai une clientèle variée, ce serait différent si un client représentait 60 % de mon carnet de commandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

La viande ovine anglaise traitée mécaniquement, pourtant interdite de commercialisation depuis des années, se retrouve chaque année sur le marché français. Comment l'expliquer ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

A cause de son prix bas.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Soit, cela n'empêche pas de l'utiliser pour confectionner des merguez. La technique consiste à ne pas effectuer de contrôle, sachant très bien quels seraient leurs résultats.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Même chose pour la viande de cheval ! Les industriels n'ont plus des techniciens de la viande, ils ont perdu la connaissance du produit. D'où les tests ADN, qui sont inutiles quand le contrôle est sérieux, et qui coûtent très cher. Ce qui est sûr, c'est que l'industriel qui utilise du cheval évitera les prélèvements. Dans mon entreprise, nous réalisons des prélèvements sur des mélanges de viande provenant de différents fournisseurs. En cas d'anomalie, nous remontons la piste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Le circuit de la viande entre les abattoirs et les différentes capitales européennes s'est incroyablement complexifié. Que de passages de main ! Or plus on multiplie les intermédiaires, plus on augmente les chances de malversations. La parade n'est-elle pas le circuit court ? En France, on lave plus blanc que blanc depuis la crise de la vache folle : la cervelle part à l'équarrissage quand d'autres, en Europe, l'utilisent. Cela pose question...

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Quand nous faisons affaire en Roumanie ou en Pologne, nous passons par un seul intermédiaire... Nous nous déterminons à partir de la traçabilité du site, qu'il nous fournit ; puis nous nous mettons directement en relation avec l'entreprise pour l'auditer et faire une visite sur place. Pour la viande de cheval, quatre ou cinq intermédiaires étaient impliqués, si je me souviens bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Toutefois, la viande n'a pas voyagé, elle est restée dans un hangar.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Elle a été transportée depuis la Roumanie jusqu'à Toulouse.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Elle a transité auparavant par les Pays-Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Cette multiplication des intermédiaires augmente mécaniquement les coûts. Quel est l'intérêt ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

L'industriel achète sa viande - du muscle mélangé à 10 ou 15 % de matière grasse - au prix de 2,50 euros le kilo, il la revend 3,50 euros. Faites le calcul : pour 500 tonnes, cela donne un chiffre d'affaires de 500 000 euros. Lorsque j'achète de la viande en Pologne ou en Irlande, je la fais venir directement à Wissous, dans mon entrepôt, et je procède à des vérifications sur place avant de me lancer dans la transaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Vous vous situez donc entre producteurs et transformateurs. Quel service offrez-vous ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Je standardise un produit brut pour le transformer en une matière facile à travailler. A partir d'un pain de viande de 25 kilos, je propose de la viande hachée facilement dosable en assurant à mes clients la qualité et le contrôle, la tranquillité d'esprit en résumé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Vous offrez une prestation de service dans une filière qui n'est pas réputée pour sa bonne santé. Les marges y sont faibles. Votre entreprise est-elle prospère ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Le marché reste difficile pour toutes les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Je suis une mangeuse de viande sourcilleuse sur la qualité. J'aimerais en savoir davantage sur l'origine des produits, avoir à disposition un étiquetage plus précis.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

C'est un peu difficile quand la grande distribution possède son propre réseau pour la viande et qu'un industriel occupe 55 % du marché.

Faire du tout VBF est une mauvaise idée, parce que les volumes ne sont pas suffisants et parce que le prix est trop cher. Il est préférable de promouvoir un étiquetage viande bovine européenne (VBE).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

La viande bovine européenne, cela ne veut rien dire ! Une viande qui provient de 27 pays ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Nous sommes passés d'une Europe des vingt-sept à une Europe à quinze. Nous ne travaillons plus avec les Anglais alors que nous leur avons payé un nouveau bétail après la crise de la vache folle et que leurs bêtes sont en pleine forme. Les pays baltes utilisent des méthodes qui ne me conviennent pas. Déjà, si la législation était identique partout en Europe, nous aurions fait un grand pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Pour la VBF, est-ce d'abord un problème de prix ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Non, de volume. Je ne trouve pas les quantités ! Le groupe Bigard utilise l'essentiel de sa matière en interne ; et les producteurs ont intérêt à exporter des carcasses entières vers la Turquie ou le Liban. Pourquoi garderaient-ils leur viande pour un industriel français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Un étiquetage souple valoriserait la viande française ; on y indiquerait l'origine du produit, le mode d'abattage et ainsi de suite. Pourquoi refuser de mettre en avant la qualité quand c'est la marque de fabrique de votre entreprise ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Si je pouvais utiliser uniquement de la VBF, je le ferais, mais trois industriels détiennent 70 % du marché de la viande, détériorant mes conditions de prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Certes, à tout vouloir centraliser, des erreurs ont été commises. Les circuits courts, par exemple, supposent l'existence d'abattoirs de proximité.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

On manque de volume en France. Cependant, dans ma viande Union européenne, il entre jusqu'à 60 % de viande française, on le constate quand on compile les documents de traçabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Si vous n'utilisiez que du français, quelle serait l'incidence sur le prix du produit fini ?

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Une augmentation de 60 centimes au kilo environ. Et cela irait de manière croissante, car plus la demande augmentera, plus les prix grimperont.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Parfois. Si le prix de la viande française continue d'augmenter, l'Amérique du Sud deviendra concurrentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Et pourtant, en dépit de l'augmentation des prix, les éleveurs du Massif central, que je connais bien, ont du mal à gagner leur vie.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Tout est question de répartition, et c'est bien pourquoi il faut leur permettre d'exporter des bêtes vivantes. Reste que l'industriel se détermine par le prix.

Debut de section - Permalien
Gilles Varachaux

Les Italiens ne sont pas éleveurs : ils transforment une matière venue de l'Europe entière. C'est pourquoi toute la déclinaison de l'étiquetage compte : né, élevé, abattu. Ce n'est pas parce qu'une viande est transformée en Italie qu'elle est italienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Production, abattage, transformation : nous attendons vos éclairages sur toutes ces étapes de la filière avicole.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Nous avons souhaité entendre les représentants de toutes les filières de la viande. Les crises ont touché essentiellement la viande bovine. La filière avicole a-t-elle profité de cette crise ? Ou êtes-vous en grande difficulté comme on l'entend dire ? Quelles orientations pourrions-nous suivre pour améliorer votre situation et encourager le consommateur à manger de la volaille ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Merci de votre invitation, qui est une première, au Sénat, pour la FIA. Sans verser dans le catastrophisme, je veux vous alerter, car nous vivons un moment extrêmement grave. La détérioration a des raisons économiques, mais tient aussi aux erreurs politiques commises depuis quinze ans. Je rappelle qu'avec un chiffre d'affaire de 6,17 milliards d'euros, la filière avicole emploie en France 25 000 salariés. Mais alors que nous produisions 2,25 millions de tonnes de volailles en 2000, nous n'en sommes plus, en 2012, qu'à 1,75 million. Alors que la volaille française était leader, la chute s'accélère : nous avons reculé, en Europe, du deuxième rang en 1996 au troisième rang en 2008 et nous sommes en passe d'être relégués au quatrième. Nous perdons du terrain sur tous les marchés. Nous étions restés leaders sur la dinde entre 2001 et 2007, nous sommes désormais rattrapés par la Pologne.

Ce sont les importations qui absorbent l'augmentation de la consommation : nous importions 15 % de notre consommation en 2000-2001, 45 % aujourd'hui. Au niveau européen, la France et faible comparée aux Allemands ou aux Italiens. La DGCCRF ne nous facilite pas la tâche.

Nos organisations professionnelles sont plutôt bien représentées ; nous avons des atouts dans notre palette : le canard, le frais, le surgelé, le bio... Mais je dois dire que sur le bio et le label rouge, certaines décisions politiques n'ont pas été très éclairées.

Notre force réside dans la diversité de nos productions. A la différence des autres filières, tout est contractualisé. Quand un producteur met en place un lot de poulet, il sait à quel prix on va le reprendre. Le fait est que tout le monde en revient aujourd'hui à la logique des grandes coopératives, qui exige sans doute, en contrepoint, que les éleveurs aient leur mot à dire.

Je remarque que la volaille est le rayon qui rapporte le plus à la grande distribution.

Quels sont nos points faibles ? La taille des élevages, beaucoup plus petits que chez nos voisins. Des années durant, on a vanté les mérites de la petite taille ; pendant ce temps, les Allemands, pour reconquérir leurs marchés, se sont agrandis, en s'appuyant sur une politique offensive.

En l'espace de quelques années, le coût de l'alimentation pour animaux a augmenté de 33 %. Cela s'est répercuté sur les prix de vente de la volaille. La rentabilité des entreprises s'est effondrée. Notre capacité d'autofinancement est à zéro. Bien des entreprises sont en crise. Doux a fait la une, mais n'oublions pas Volaven, Volvico, et les petits abattoirs de moins de 50 salariés, qui disparaissent les uns après les autres plus discrètement. Au final, nous importons d'Allemagne, de Belgique, de Hollande. L'Allemagne a mené, depuis les années quatre-vingt dix, une politique très offensive. Après la chute du mur de Berlin, l'Allemagne a obtenu un différentiel de TVA pour les petits élevages allemands, au-dessous de 50 000 poulets. Dans ceux-ci, les éleveurs achètent leur alimentation grevée d'un taux de 7,5 %, et revendent la volaille grevée d'un taux de 9,2 %. Le nombre des exploitations s'est par la suite multiplié, car les grandes exploitations se sont scindées en diverses petites sociétés civiles agricoles de moins de 50 000 volailles... Par ailleurs, le chancelier Kohl a été très malin. Il a mis un ministre écologiste à l'Agriculture, dans les années 1999-2000. Tous les moyens ont été mis sur les énergies vertes. Avec la méthanisation, avec les panneaux solaires sur les bâtiments agricoles, l'énergie a bientôt représenté 35 % du revenu des éleveurs. Que faisions-nous pendant ce temps ? Nous réclamions des aides à l'Europe. Et je veux remercier ici Stéphane Le Foll d'avoir enfin décidé de nous engager dans la méthanisation.

Le troisième avantage comparatif pour l'Allemagne concerne les effets sur le coût de la main d'oeuvre. Certes, la directive Bolkestein est sensée nous protéger, puisque le fameux plombier polonais doit être rémunéré au salaire minimum, mais en Allemagne, il n'y a pas de salaire minimum... Dans ce cas, on prend comme référence le salaire du pays d'origine.

Les Allemands ont profité de ce dispositif. Sur le porc, l'Allemagne n'était autosuffisante qu'à 60 % en 2000. Elle l'est à 109 % en 2010.

La crise est aussi venue des variations de prix sur les matières premières, à partir des années 2007-2008. On a accusé la spéculation sur les cours, mais l'explication reste insuffisante. Qu'il me suffise de citer quelques chiffres. En 1950, on comptait 3 milliards d'hommes sur la planète et 1,5 milliard d'hectares exploitables ; en 2006, 6 milliards d'hommes, 1,6 milliard d'hectares ; en 2050, nous serons 9 milliards, pour 1,65 milliard d'hectares exploitables. Autant dire que le prix des matières premières ne baissera pas et il y aura de plus en plus de variations. Il faut par ailleurs savoir que la Chine, avec 20 % de la population mondiale, ne rassemble pas plus de 10 % des terres cultivables. Pour l'achat de matières premières, c'est le monde entier qui est leur marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Ce qui explique leurs achats de terres en Afrique.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

C'est pour eux une nécessité. En France, on a poussé à produire du blé. Mais on s'est tourné vers le blé meunier plutôt que vers le blé fourrager, à la différence de nos voisins, dont les éleveurs, grâce à cette production nationale, gagnent en compétitivité.

Si cela continue ainsi, on n'aura plus d'élevages, plus d'industrie volaillère, plus de porc, et l'on décapitalisera peu à peu. La solution ? Il ne faut pas l'attendre de Bruxelles, il n'y a plus d'argent. Ce qu'il nous faudrait, c'est un grand plan à la de Gaulle, un New Deal sur l'élevage français.

Dans la Sarthe, 120 agriculteurs demandent une conversion d'activité, et on les comprend : labourer un hectare de blé demande trois heures de travail, 600 heures pour 200 hectares. Et la marge n'est pas la même... Les éleveurs coulent, et la grande distribution s'en lave les mains. Je ne comprends pas !

Il faut commencer par pousser la production de blé fourrager, avec des aides spécifiques à l'hectare fourrager. Sans quoi nos élevages sont voués à disparaître, tandis que se multiplieront les problèmes d'aménagement du territoire, et d'emploi. On parle beaucoup de l'industrie. Peugeot à Aulnay, ou Renault, font la une des journaux mais les volaillers vont perdre 6 000 emploi sous deux ans.

Debut de section - Permalien
Véronique Elgosi, déléguée générale de la FIA

Le risque, c'est la perte de notre autosuffisance alimentaire. Nous suivons aujourd'hui le produit de la fourche à la fourchette. Comment jugera-t-on, demain, de la qualité de ce qui sort des cales d'un navire si nous ne contrôlons plus la production ? L'Europe a fait des choix guidés par des considérations sociétales, fort bien, mais quand il faudra tout importer, demain, il n'y aura plus de choix possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Dans la lettre que vous avez envoyée aux parlementaires, vous soulignez que 45 % de la volaille que nous consommons est importée.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Il faut se demander qui importe. La grande distribution ne compte que pour 10 à 15 %. Les plus gros importateurs sont les collectivités locales. Des accords ont été passés pour que les enfants consomment du bio deux fois par mois. Ainsi, les gestionnaires vont se fournir à l'import. Pourquoi ne pas remplacer le bio par du label rouge, moins cher et qui présente les mêmes garanties ? Si on ne peut pas mettre 7 centimes dans la qualité, où va-t-on !

J'ai aussi du mal à comprendre pourquoi on ne peut étiqueter l'origine française des volailles. On nous objecte que l'Union européenne l'interdit. Mais que l'on aille donc au contentieux, et l'on verra ! J'ai vu le commissaire Ciolos et son équipe la semaine dernière, et je lui ai dit que les règles du libre échange, c'était bien beau, mais que la machine allait casser. Pour l'énergie, on n'a que le mot indépendance à la bouche ! Il faut assurer notre indépendance, et l'on se tourne vers les énergies renouvelables. On devrait se soucier de la même manière de l'indépendance alimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je partage votre point de vue. Comme président du groupe élevage, je ne cesse d'alerter sur l'avenir de la filière. Je regrette qu'en dépit du Grenelle de l'environnement, l'opinion publique ne soit pas mieux alertée. Que font les médias ? Ils vantent le bio à pleines pages. Il faut changer de méthode. Dans mon département, on ne peut pas créer un poulailler sans que des opposants montent au créneau. Et ceux qui crient le plus fort rentrent ensuite chez eux manger du poulet sud-américain. Quant à créer une porcherie, n'en parlons pas ! Si on continue comme ça, on sera condamnés à importer. Au motif de protéger l'environnement, on ne pourrait plus rien faire ? Il est temps d'alerter l'opinion publique sur la sécurité alimentaire.

On ne peut pas se contenter d'avoir de jolis arbres, des petits crapauds et de mignonnes grenouilles !

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Je connais le problème dans la Sarthe. Pendant les campagnes électorales, une candidate a soutenu une association contre l'agrandissement d'un poulailler. Ce qui ne l'a pas empêchée, une fois élue, de venir inaugurer l'une de nos usines. Quand je lui expose le problème, elle me répond qu'il faut bien tenir compte des sensibilités ! Ce qu'il faut, plutôt, c'est du courage politique. Je ne critique pas l'action de Stéphane Le Foll, je lui dis même « Chapeau ! ». Parce qu'il devient très compliqué d'avancer. On a pris un tel retard ! En Allemagne, en Hollande, en Belgique, la taille moyenne des exploitations, c'est 80 000 à 100 000 poulets.

Je ne dis pas que l'on n'a pas progressé. On a bien travaillé, avec la direction générale de l'alimentation (DGAL), sur le bien être animal, sans perdre en compétitivité - une avancée très positive dont on n'a pas assez parlé. On a enfin obtenu l'autorisation d'utiliser des camions de 44 tonnes. Comment lutter avec nos voisins, quand le tonnage maximum autorisé sur la route restait à 39 ! Les choses bougent, mais on ne peut se satisfaire de mesurettes : il faut une prise de conscience nationale. Nous n'aurons d'agroalimentaire fort qu'avec une agriculture forte. Sans paysans, plus de filière.

Face aux projets de construction d'élevage, dès qu'il y a une réaction, une protestation d'associations, les pouvoirs publics sont paralysés. Peut-être faudrait-il réformer les procédures devant les tribunaux administratifs. Et alléger les normes, comme dit le Président de la République. On reste aujourd'hui sur l'idée que tout ce qui est grand est mauvais, et que tout ce qui est petit est bon. Mais a-t-on conscience que pour amortir une plate forme de compostage, il faut 4 000 à 5 000 mètres carrés ! Le séchage du lisier supprimerait pourtant le problème des algues vertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il semble que l'on ait tendance, en France, à durcir la réglementation, par rapport aux exigences européennes. Vous semble-t-il que nos normes environnementales sont plus sévères qu'ailleurs ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Les unes et les autres se valent. Tout dépend beaucoup, surtout, de leur application sur le terrain par l'administration. La vitesse de traitement des dossiers fait aussi la différence. Les seules études d'impact, je le rappelle, coûtent 40 000 à 50 000 euros.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Les éleveurs manifestent parce qu'on baisse momentanément leurs marges. C'est le jeu de la contractualisation... Mais le système doit rester gagnant-gagnant. Or, les frictions ne manquent pas avec la DGCCRF. Parce que la viande de blanquette - les avants hachés à la machine, qui servent, par exemple, à faire les nuggets - est fibreuse, les fonctionnaires croient avoir affaire à de la viande séparée mécaniquement (VSM), qui provient d'un broyage des carcasses. Une lettre a été envoyée à Bruxelles, une enquête est diligentée, moyennant quoi le ministre bloque le dossier tant que la question de la nature de la blanquette n'est pas tranchée.

Debut de section - Permalien
Véronique Elgosi, déléguée générale de la FIA

La VSM n'a pas droit à l'appellation de viande.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

L'entreprise Spanghero a eu des problèmes avec de la VSM de mouton. Sur notre viande de blanquette, la frilosité des fonctionnaires français a amené un vrai blocage. On a arrêté les frais. On envoie tout en Belgique, qui hache, et qui renvoie. A l'année : 40 à 50 millions de perte de PIB, et combien d'emplois en moins ! Stéphane Le Foll nous a assuré qu'il chercherait une solution. Pour commencer, nous faisons de la pédagogie : nous avons emmené des responsables sur le terrain.

Je voudrais évoquer la grippe aviaire de 2006. Elle n'était pas en France, ni en Europe, mais en Chine, je le rappelle ! Ce qui n'a pas empêché le Premier ministre de l'époque d'en parler bruyamment, et de se vanter d'avoir fait distribuer trois millions de masques. Du jour au lendemain, plus personne ne consommait de volaille. Le Président de la République et le Premier ministre ont même été jusqu'à interdire l'exposition d'un certain nombre de volatiles au salon de l'agriculture, avant de se rendre compte de leur bourde et de manger du poulet à tous les stands pendant leur visite, pour faire contrefeu. Peine perdue ; la consommation a baissé de 55 %.

Les volaillers font ce qu'ils peuvent pour se défendre, en décidant d'un prix minimum ; mais ils n'en ont pas le droit ! Quel est le point commun entre un ferrailleur, un abatteur de porc, un abatteur de volaille ? Ils font tous du démontage. Les autres entreprises de l'agro-alimentaire font de l'assemblage, leurs préoccupations ne sont pas les mêmes. Je l'ai dit à Stéphane Le Foll : pour cinq ou six produits ultra frais, un prix minimum se justifierait.

On a voulu appliquer strictement le droit de la concurrence, mais pour finir, celui-ci bloque le système. Et même les leaders français sur le marché de la viande comme Socopa ou LDC sont des nains à côté des géants du marché européen. Le groupe Two Sisters réalise 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, mais le premier européen, un groupe hollandais, en fait 9 ! Si bien que le leader en France, ce n'est plus LDC, c'est l'import. Regroupons nos entreprises, telle est notre préconisation.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Mort, et découpé.

Debut de section - Permalien
Véronique Elgosi, déléguée générale de la FIA

Y compris du Brésil ou de Thaïlande, pour les cantines.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Comment s'assurer de la qualité ? Quelle traçabilité ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Depuis la grippe, la Thaïlande ne vend plus cru, mais cuit : 500 000 tonnes exportés en Europe. En France, on importe des pains de jambons, que l'on tranche sur place, ce qui autorise à prétendre qu'il est « transformé en France ». Ce n'est pas cela, produire en France !

C'est pourquoi nous nous battons aussi sur l'identification sur tout les segments : le cru, le cuit, l'élaboré. Carrefour a joué le jeu un temps, en proposant des filets de poulet français, mais ils ont arrêté depuis deux ans. Tous les industriels ne sont pas tous sur la même longueur d'onde. A la FIA, nous sommes pour l'identification de l'origine, mais la FNICGV et l'Ania sont contre. Cela étant, le scandale de la viande de cheval a provoqué une prise de conscience. Findus n'a pas été seul à devoir retirer des barquettes. Leclerc et Carrefour l'ont fait aussi, discrètement... Etiquetons donc ! Bruxelles s'y oppose ? Allons au conflit avec Bruxelles, et on verra !

En Angleterre, des stands entiers sont étiquetés « buy British », et cela marche très bien. Même chose en Allemagne, où l'étiquette « né et élevé en Allemagne » fait fureur. Il va bien falloir cesser, en France, d'être naïfs. Savez-vous qu'aux États-Unis, aucune volaille étrangère n'entre sur le territoire ? Et que la Russie impose de telles contraintes pour agréer nos abattoirs qu'on n'y exporte plus rien ?

Je veux bien que l'on se trouve dans un monde ouvert, mais la France ne vivra pas que de services ou d'Airbus.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Qui pourrait vous aider à lancer une campagne de communication ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

L'Europe l'interdit !

Debut de section - Permalien
Véronique Elgosi, déléguée générale de la FIA

FranceAgriMer ne subventionne que les labels ou les indications géographiques protégées.

Nous avons lancé une campagne télévision de 12 secondes. C'est une campagne très modeste. Trois spots télévision, sans acteurs. Elle coûte 800 000 euros, et est financée par les interprofessions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Il pourrait être utile, madame la présidente, de prévoir une séance de questions cribles sur l'avenir de l'élevage en France. Quand nous nous saisissons d'un problème, les médias réagissent. C'est un moyen de sensibiliser l'opinion. La France a une image de qualité, et je puis en parler, car je suis du Jura, où l'on produit le Comté. Mais on ne nourrira pas la planète avec les seules appellations.

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Si demain toute la France se convertissait au bio, on ne nourrirait plus que la moitié des Français.

Le syndicalisme agricole est divisé entre les céréaliers et les éleveurs. Et ce sont les premiers qui ont le dessus. De plus en plus de monde passe à la culture céréalière, sans comprendre que c'est renoncer à la valeur ajoutée et à l'emploi.

Dans l'affaire Doux, on n'a pas joué le jeu. Cela fait quatre ans que la Commission européenne annonce la fin des restitutions. Mais toute la presse s'est emparée de l'affaire. Doux, Tilly-Sabco percevaient effectivement des restitutions... parce que nous n'avons pas d'organisation commune de marché (OCM) en Europe pour la volaille comme il en existe pour le porc ou les bovins. Les restitutions diminuent et le système est au bord de l'explosion. Doux est en redressement judiciaire. Quel sera l'avenir si les restitutions disparaissent ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Mais aucun relais n'est prévu. On va voir arriver 800 000 mètres carrés de poulailler sur le marché. Ils ne resteront pas vides longtemps, si bien que les cours chuteront. Pour Doux, des opérateurs français se sont manifestés, mais si l'entreprise disparaît, ce sera un vrai problème, y compris pour l'export. Toute la filière a intérêt à la survie de Doux. Les éleveurs allemands n'ont pas les mêmes problèmes que nous, je l'ai dit : la méthanisation assure 30 % de leur revenu, le différentiel de TVA 15 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous nous avez dit que 55 % de la production de poulet est française : né, élevé, abattu, transformé en France. Que devient le cinquième quartier - les carcasses, les plumes ?

Debut de section - Permalien
Gilles Huttepain, président de la FIA

Il reste de moins en moins en France. La Chine offre un marché. Les pattes blanches du poulet s'y vendent plus cher que les cuisses. Les plumes entrent dans la composition des farines animales. Ce qui m'amène à la question des protéines animales transformées (PAT), soit les farines de nouvelle génération, car on a modifié la production. On continue d'en interdire l'usage dans l'alimentation des volailles, ou des porcs, en oubliant que ces derniers sont des monogastriques, à la différence des bovins. Pendant ce temps, on détruit les forêts de Malaisie pour y planter des palmeraies, dont on exporte l'huile vers nos élevages, on détruit la forêt amazonienne pour nourrir notre cheptel de soja, et on ne se rend même pas compte que les filets de poulets que l'on importe du Brésil ou de Thaïlande viennent de bêtes nourries à la farine de viande ! Il faut le dire clairement : les farines animales ne sont dangereuses que chez les ruminants et les ovins. Il n'en va pas de même pour les volailles et les porcs. Et ces farines n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles étaient dans le passé, ce n'est plus le même produit.