Commission des affaires européennes

Réunion du 23 février 2017 à 8h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • apprenti
  • apprentissage
  • chômage
  • diplômés
  • erasmus
  • europe
  • mobilité
  • étranger
  • étudiants

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous entendons maintenant la communication de nos collègues Patricia Schillinger et Colette Mélot sur un projet d'avis politique relatif à l'Erasmus des apprentis.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le 9 décembre dernier à Bruxelles, Marianne Thyssen, commissaire européenne pour l'emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, a clos la première Semaine européenne des compétences professionnelles en annonçant le lancement d'Erasmus pro. Reprenant la formule employée dans une tribune de l'Institut Jacques Delors du 12 mai 2015, ce nouveau programme vient concrétiser le projet pilote mené par le député européen Jean Artuis.

Là où l'Institut Jacques Delors réclamait 1 million de jeunes apprentis européens d'ici à 2020, les ambitions affichées par la Commission sont aujourd'hui plus modestes, puisqu'elle vise à atteindre 50 000 jeunes d'ici à 2020. Il faut aussi désormais insister sur la nécessité d'être plus ambitieux pour Erasmus pro, en termes de durée, de validation, de qualification, d'expérience professionnelle, pour éviter que ces mobilités ne se réduisent à un stage d'observation de très courte durée comme ce qui est constaté aujourd'hui.

Si Erasmus plus, programme pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport de l'Union européenne, est incontestablement un grand succès européen, il n'a jusqu'à présent que peu bénéficié aux jeunes en formation professionnelle. Au total, plus de 5 millions d'Européens ont participé à l'un des programmes aujourd'hui regroupés au sein d'Erasmus plus, dont près de 4 millions d'étudiants, parmi lesquels 616 600 Français. Les étudiants en formation professionnelle, parmi lesquels les apprentis, n'en ont représenté que moins de 1 %.

Leonardo, le programme destiné à la formation professionnelle, a été créé en 1995. Il reste aujourd'hui le parent pauvre d'Erasmus. Malgré l'effort financier réalisé pour la période 2014-2020 en faveur d'Erasmus plus, qui a correspondu à une augmentation de 84 % pour la France, la moitié des demandes de bourses françaises en formation professionnelle n'ont, par exemple, pu être satisfaites cette année.

Dans quel contexte s'inscrit ce projet ?

En octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens, hors étudiants, n'avaient pas d'emploi en Europe. Un peu partout dans l'Union européenne, du Portugal à l'Europe de l'Est, les taux de chômage des moins de 25 ans demeurent très élevés. 18,4 % des jeunes sont ainsi à la recherche d'un emploi dans l'Union européenne, 20,7 % dans la zone euro. On a déjà pu parler à leur sujet de « génération perdue ».

Or, l'apprentissage permet d'améliorer l'employabilité des jeunes : près de 80 % des apprentis trouvent un emploi directement après leur formation. L'Allemagne, pays où la formation en alternance est particulièrement développée, affiche d'ailleurs l'un des taux de chômage des 15-24 ans parmi les plus bas de l'Union Européenne : 6,9 %, contre 18,4 % en moyenne en Europe. À l'inverse, la Grèce (55,3 % en mai selon le dernier chiffre disponible), l'Espagne et l'Italie (35,3 %), où l'apprentissage est peu répandu, ont des taux de chômage très élevés.

Par ailleurs, les étudiants qui ont séjourné un an à l'étranger sont également mieux protégés du chômage. La mobilité internationale divise ainsi par deux les risques de chômage. En moyenne, les étudiants Erasmus auraient une meilleure employabilité de 70 % par rapport aux autres étudiants sans expérience à l'étranger.

Combiner ces deux atouts, apprentissage et séjour à l'étranger, permettrait donc d'aider à l'insertion des jeunes qui ne se destinent pas à des métiers exigeant de longues études.

Enfin, ce programme pourrait renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe de ce nouveau public. Plus de 83 % des étudiants Erasmus se sentent plus Européens après leur séjour à l'étranger. On peut à ce sujet noter qu'une forte majorité des diplômés de l'enseignement supérieur a voté contre le Brexit, au contraire des peu ou pas diplômés qui ont fait le choix inverse. Les chiffres sont révélateurs : 71 % des diplômés de l'enseignement supérieur ont voté contre le Brexit, 64 % des peu ou pas diplômés ont voté pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je préciserai le contenu de l'expérimentation proposée.

Les apprentis partent aujourd'hui en mobilité avec le programme Leonardo, intégré à Erasmus plus depuis 2014 et destiné à l'ensemble des apprenants de la formation professionnelle. Quelques milliers d'étudiants effectuent ainsi chaque année un stage au sein d'une entreprise européenne accréditée mais les apprentis représentent à peine 1 % du total des bénéficiaires d'Erasmus plus. Leur durée moyenne de séjours ne s'élève par ailleurs qu'à 28 jours.

Outre une augmentation du nombre de bénéficiaires, à hauteur de 50 000, le projet à destination des apprentis insiste sur la dimension qualitative des mobilités, en particulier la durée du séjour. Pour cela, une enveloppe moyenne de 5 400 € par apprentis est prévue pour financer formation et préparation linguistique, et éventuellement combler les déficits de certains pays en matière de sécurité sociale. Pour y être éligible, quatre conditions s'imposent : être en partenariat avec au moins une école dans un autre pays, développer un cours d'initiation de la langue du pays, avoir un programme de formation théorique et avoir un réseau d'entreprises prêt à accueillir des jeunes venus d'ailleurs.

Si la région est le niveau pertinent du pilotage des actions de mobilité des apprentis, certains besoins ne peuvent être traités que dans des espaces de mutualisation et de concertation de niveau national ou européen. Le projet est pour le moment porté par une association créée à l'initiative du député Jean Artuis. Euroapprentissage est la dénomination d'un consortium de centres de formation professionnelle et s'appuie sur de nombreux partenaires, organisation patronales, organismes consulaires, collectivités locales ou encore entreprises. Il s'articule aujourd'hui autour de 32 centres de formation présents dans 12 pays, dont 16 centres implantés en France et en particulier dans l'Ouest.

Pour le dernier trimestre 2016, un financement de 1,8 million d'euros avait été prévu par la Commission européenne afin de permettre à 145 jeunes apprentis européens, dont soixante-quinze Français, de partir jusqu'à une année complète à l'étranger. Une trentaine d'apprentis ont déjà pu entamer une telle mobilité longue, d'une durée comprise entre 6 mois et un an. Près de 3 millions d'euros prévus au budget 2017 devraient aussi être débloqués pour une deuxième vague de 550 jeunes apprentis en « Erasmus + » à la rentrée 2018.

La demande récente de la Commission d'un budget de 400 millions d'euros pour Erasmus pro ouvre de nouvelles perspectives. Il reste cependant pour ce programme à sortir du cadre expérimental et à surmonter les nombreux freins à sa progression.

Quelles conclusions en tirer ?

Le début du projet a pu prendre quelques retards en raison de difficultés de coordination entre les deux directions DG emploi et DG EAC. Au sein même des États, les compétences sont souvent partagées entre directions chargées de l'éducation et directions chargées de l'emploi. Des efforts supplémentaires de synchronisation doivent être engagés pour faire réussir ce projet. Ce qui a été fait par le passé et surmonté pour les diplômés de l'éducation supérieure peut et doit être fait aujourd'hui pour les jeunes les moins qualifiés qui sont d'autant plus touchés par le chômage.

De nombreux obstacles juridiques demeurent. Le statut de l'apprenti et la structuration de la formation varient en effet énormément d'un pays à l'autre, toutes les formations en Europe ne préconisent pas de contrats d'apprentissage et n'ont pas les mêmes conditions de formation. Il a même été envisagé d'appliquer le régime des travailleurs détachés aux étudiants. En attendant la mise en place d'un véritable contrat d'apprenti européen, les départs doivent ainsi s'organiser en effet au cas par cas.

Un travail de communication doit aussi être activement mené. Il s'agit désormais d'inclure des populations aujourd'hui peu concernées par Erasmus. Ce nouveau public, qu'il s'agisse des apprentis ou de leur maître d'apprentissage, n'a pas toujours conscience de l'opportunité d'une mobilité, a fortiori d'une mobilité longue.

C'est dans cet esprit que la proposition d'avis politique que nous vous soumettons propose de soutenir l'initiative de la Commission européenne, tout en l'encourageant à aller plus loin et à lever les obstacles juridiques qui risquent d'empêcher ce projet de prendre toute son ampleur. Il est d'autant plus nécessaire de marquer dès aujourd'hui notre engagement en faveur de ce nouveau dispositif que le contexte spécifique du Brexit rend incertains les financements futurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci d'avoir travaillé en urgence, avec ce résultat de grande qualité. Le chômage des jeunes est une préoccupation majeure, le sujet est des plus sensibles, l'Europe a son rôle à jouer. Il serait souhaitable que le Sénat s'engage lui aussi, par exemple en parrainant dans ses murs une journée sur l'apprentissage européen, comme nous le faisons pour Apprentis de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En trois ans, à peine 50 000 apprentis à l'échelle européenne, c'est très peu, l'Europe est en retard. Sur la forme, je déplacerais volontiers le point 11, pour le placer entre le 7 et le 8.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce sujet est important, merci de l'avoir traité. Le diagnostic est connu, le défaut d'apprentissage accompagne une perte de compétitivité et compromet l'accès à l'emploi. Cependant, je ne suis pas sûr que l'apprentissage ait manqué de budget à l'échelon européen, comme le dit le point 9 ; ce sont plutôt les projets à cette échelle qui ont manqué, nous avons de quoi faire beaucoup mieux. Quoi qu'il en soit, je m'associe à cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L'apprentissage facilite l'accès à l'emploi, 70 % des apprentis trouvent du travail après leur apprentissage. Cependant, le départ à l'étranger, s'il est facile dans les écoles d'ingénieurs, ne va pas de soi dans les lycées professionnels ; il faut lever des freins à la mobilité, cela passe par les chambres des métiers, mais aussi par notre propre action - nous sommes des ambassadeurs de l'apprentissage. Merci beaucoup pour cet avis, auquel je m'associe parfaitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

L'encouragement donné au point 10, de concrétiser le projet de 50 000 Erasmus professionnels, n'est-il pas redondant avec le souhait, énoncé au point 12, que ce projet expérimental soit intégré au programme Erasmus ? Ou bien, y a-t-il contradiction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

L'apprentissage d'échelle européenne ne dure que quelques semaines, c'est trop peu et les nouveaux Erasmus professionnels vont dans le bon sens ; cependant, l'association EuroApprentissage ne saurait gérer le nouveau dispositif, c'est le sens de la demande d'intégration au programme Erasmus.

Les freins à la mobilité existent effectivement et si les enseignants en CFA n'encouragent pas les apprentis à partir, il ne se passe rien ; il faut aussi prévoir des moyens, pour aider concrètement à la mobilité, qui entraîne toujours des dépenses. Seuls 145 jeunes Français devraient partir sur l'année scolaire 2016-2017 avec l'expérimentation destinée aux apprentis, c'est insuffisant.

Enfin, l'idée d'un parrainage par le Sénat est excellente.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Merci pour l'accueil réservé à notre travail. Erasmus a toujours été populaire, l'association EuroApprentissage fait un travail formidable, ses membres sont très motivés, mais il faut structurer davantage quand on parle des 50 000 contrats d'Erasmus professionnels. Nous avons beaucoup à faire, dans notre pays, pour l'apprentissage - surtout par comparaison avec ce qui se passe outre-Rhin.

Enfin, je signale que le groupe d'amitié France-Allemagne va recevoir des membres du Bundesrat et a mis le sujet de l'apprentissage à son ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci pour ces précisions. Sur la forme de l'avis, je vous propose de regrouper les points 10 et 12, et de placer ce nouveau point après le 11.

Je vous tiendrai informés des suites données à cette proposition que le Sénat parraine l'apprentissage européen.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, l'avis politique suivant qui sera transmis à la Commission européenne.

(1) Vu les articles 165 et 166 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

(2) Vu la résolution du Parlement européen du 2 février 2017 sur la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 1288/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant « Erasmus + » : le programme de l'Union pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport et abrogeant les décisions n° 1719/2006/CE, n° 1720/2006/CE et n° 1298/2008/CE (2015/2327(INI)),

(3) Vu la communication (COM (2016) 940) de la commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Investir dans la jeunesse de l'Europe »,

(4) Considérant qu'en octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens (hors étudiants) n'avaient pas d'emploi en Europe et que 18,4 % des jeunes étaient ainsi à la recherche d'un emploi dans l'Union européenne,

(5) Considérant qu'apprentissage et mobilité longue sont deux éléments déterminants dans la réponse à apporter au chômage des jeunes,

(6) Considérant qu'Erasmus est un grand succès européen, qui a bénéficié à près de 4 millions d'étudiants mais moins de 1 % d'étudiants en formation professionnelle,

(7) La commission des affaires européennes du Sénat :

(8) Se félicite du lancement de l'initiative « Erasmus Pro » en décembre 2016, salue à cet égard l'augmentation significative des crédits alloués au programme « Erasmus + » pour 2017 ;

(9) Déplore les arbitrages budgétaires qui ont jusqu'à présent freiné l'essor de la mobilité de long terme des apprentis au sein de l'Union européenne ;

(10) Regrette que les apprentis soient aujourd'hui encore exclus de la dimension internationale d'« Erasmus + » ;

(11) Encourage la Commission à concrétiser le projet de 50 000 « Erasmus professionnels » au cours des trois prochaines années tout en insistant sur la dimension qualitative des mobilités réalisées, qui ne sauraient se limiter à des stages de courte durée, souhaite que ce projet encore expérimental soit totalement intégré au programme Erasmus plus et qu'il en devienne un élément central ;

(12) Incite la Commission à promouvoir ce nouveau dispositif auprès des publics concernés, étudiants comme professionnels, et à développer les synergies autour de ce projet ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous pourrions envisager de travailler sur le véhicule autonome. C'est un sujet qui revêt des enjeux économiques et sociaux importants. Je vous propose de désigner M. René Danesi, Mmes Pascale Gruny, Gisèle Jourda et Patricia Schillinger qui pourraient prendre le temps d'approfondir la question pour nous en rendre compte le moment venu.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 10h30.