La mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation a déjà auditionné de nombreuses personnes, organisé des visites sur le territoire français ainsi qu'à l'étranger (Pays-Bas, Belgique, Suisse, Portugal et bientôt Pologne). Nous avons la volonté de réfléchir sur l'organisation de notre système scolaire eu égard aux difficultés auxquelles il est confronté. Les résultats internationaux comme nationaux nous confirment la nécessité de mener cette réflexion.
En tant qu'éditeurs de manuels scolaires, vous avez également votre vision de la situation. En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je suis par ailleurs particulièrement sensible à l'image de la femme qui est renvoyée par ces manuels scolaires. Vous avez un rôle important à jouer à cet égard.
Je vous demanderai de bien vouloir vous présenter avant de nous exposer votre expérience en tant qu'éditeurs de manuels scolaires.
Je dirige les Editions Magnard. Je suis également présidente de l'Association Savoir Livre qui regroupe six grandes maisons d'édition scolaire en France (Belin, Bordas, Hachette, Hatier, Magnard et Nathan). Cette association a été fondée, voici 25 ans, pour mener des études et des réflexions sur les outils d'enseignement et le système scolaire.
Il est important que vous meniez une réflexion sur les outils d'enseignement, ceux-ci étant appelés à évoluer avec l'essor du numérique.
Je dirige les éditions Belin et suis également vice-présidente du Syndicat national de l'Edition. Je préside le Groupe des éditeurs scolaires qui réunit une petite vingtaine d'éditeurs scolaires du primaire à l'enseignement professionnel.
Je suis chargée de mission des éditeurs scolaires au Syndicat national de l'édition et dirige l'association Savoir Livre.
Notre mission d'éditeurs scolaires se situe à la confluence de plusieurs publics : le ministère de l'éducation nationale qui établit les programmes scolaires - lesquels constituent le cahier des charges des manuels que nous élaborons, les élèves à qui sont destinés nos manuels scolaires, les enseignants qui prescrivent les manuels scolaires et s'en servent pour faire leurs cours et enfin les collectivités territoriales qui sont impliquées dans le financement des manuels scolaires selon leur niveau.
Au travers de l'Association Savoir Livre, nous avons mené un certain nombre d'études. Pour l'école primaire, nos interlocuteurs sont les communes. Elles financent nos manuels bien qu'elles n'y soient pas obligées. Il s'opère un partage de rôles sans véritable base formelle. Il serait trop simple de dire que les communes ne disposent pas des moyens nécessaires pour financer les manuels scolaires. La place du manuel scolaire ou les attentes à l'égard de ce manuel ont évolué dans le temps. Aujourd'hui, le ministère de l'éducation nationale souhaite promouvoir de nouveau l'usage des manuels scolaires à l'école primaire. Nous organisons régulièrement des réunions avec la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) à ce sujet.
Durant une trentaine d'années, les manuels scolaires ont eu tendance à être perçus comme bridant l'initiative pédagogique des enseignants. Ces derniers étaient parfois amenés, via l'inspecteur, à considérer qu'un bon enseignant est celui qui conçoit ses propres outils. Nous avons ainsi pu mesurer des écarts importants en termes de financement et d'utilisation des manuels scolaires à l'école primaire. Cette situation nous a inquiétés. Les enseignants avaient fortement recours aux photocopies, qui sont un fléau. Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs encadré l'usage de la photocopie, dans le cadre des accords qui lient les éditeurs et le Centre français du droit de copie.
Nos études, menées en 2003, prouvaient que la France figurait parmi les pays dépensant le moins pour l'achat des manuels à l'école primaire, soit environ 11,5 euros par an et par élève contre 15 pour les Pays Bas, 28 pour l'Italie et pour l'Allemagne, 54 pour la Suède et 56 pour les États-Unis. Bien que les maires soient disposés à financer les manuels scolaires, les enseignants nous disaient que leurs écoles n'avaient pas le budget nécessaire. Ils disaient rarement ne pas vouloir de manuels. Il existait un manque de dialogue entre les communes et les corps de l'inspection du ministère de l'éducation nationale. Ceci nous avait conduits à mener l'expérimentation « Des manuels et des maîtres » dans plusieurs communes défavorisées de la région parisienne. Nous avions laissé aux enseignants le choix des manuels scolaires. Les chercheurs de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Paris ont coordonné notre étude. D'abord sceptiques, les enseignants ont tous constaté que la fourniture de manuels améliorait l'engagement, l'autonomie et les résultats des élèves.
Depuis 2008, les nouveaux programmes sont en application dans les écoles primaires. Chaque année, nous mesurons le taux d'équipement des élèves en manuels conformes au nouveau programme. Le ministère incite à l'utilisation des manuels scolaires. A la fin de l'année 2010, 52 % des enfants de cycle 3 (CE2, CM1, CM2) ont un livre conforme au programme de français, 50 % conforme au programme de mathématiques, 14 % en histoire-géographie et 6 % en sciences. L'année dernière, le taux d'équipement était moitié moins élevé. Il faudra peut-être attendre encore deux ou trois ans pour qu'en français ou en mathématiques les élèves et les enseignants travaillent avec des livres conformes aux nouvelles injonctions du programme conduisent à un retour aux fondamentaux. En revanche, nous devrons attendre huit à dix ans pour l'histoire-géographie et peut-être quinze ans, ou plus, en sciences.
Cette situation est préoccupante car la pratique des manuels scolaires n'est pas courante à l'école. Pour les familles qui ont moins accès aux livres, le manque d'usage des manuels à l'école pose une question de culture, au-delà de la question d'éducation. Nous relevons également une très forte inégalité entre les communes, avec des écarts de un à dix pour ce qui concerne le financement des manuels. Les petites communes ont tendance à privilégier l'accès aux manuels scolaires car les maires souhaitent conserver leurs écoles.
Nous sommes également très attentifs à l'image de la femme dans les manuels scolaires ainsi qu'aux questions de discrimination. Il s'agit de mieux représenter la société. Néanmoins le renouvellement très faible des manuels scolaires est un facteur de contact avec une représentation vieillie de la société. Or le contact avec représentation actuelle de la société dans un manuel importe beaucoup dans un univers où les enfants sont confrontés en permanence à d'autres images, notamment par l'intermédiaire de la publicité. Cette question est d'autant plus importante que le manuel scolaire est le seul livre présent dans certains foyers.
Il est important de veiller à la représentation de la femme dans les manuels scolaires, qui n'est pas en conformité avec l'évolution de la société. La faible rotation des livres pose problème. Or si vous publiez des manuels à l'image de la société, vous ne faites pas oeuvre pédagogique.
C'est pourquoi nous sommes légèrement en avance, notamment à travers nos manuels de sciences économiques et sociales destinés aux élèves de seconde. Dans le chapitre réservé à la famille, nous n'évoquons pas seulement la famille traditionnelle mais aussi d'autres types de familles présentes dans la société. Nous faisons beaucoup allusion à la présence des femmes dans les métiers scientifiques ainsi qu'aux écarts de salaires. Les patrons des maisons d'édition étant largement des femmes, nous sommes toutes très sensibles à ces questions. Paradoxalement, le sexisme est souvent véhiculé par les femmes. De nombreux auteurs de manuels scolaires sont également des femmes.
Je me souviens d'un livre de grammaire dans lequel tous les exercices étaient mis au masculin. J'avais souligné ce problème auprès des auteurs, qui m'avaient répondu que « il » comprenant deux caractères, il prenait moins de place qu'« elle » qui en comprend quatre...
En tant qu'ancien professeur, j'ai connu quantité de manuels scolaires. La diversité est parfois oubliée dans certains manuels tandis que d'autres tombent dans la caricature par peur de ne pas bien faire. Il ne faut pas verser dans les excès de part et d'autre. Je reconnais cependant la difficulté de cet exercice.
Vous évoquiez la place du livre numérique demain. Cependant tenir un livre dans la main, le regarder et le lire relève d'une approche différente. Comment concevez-vous la complémentarité entre le numérique et le livre ?
Cette question nous anime évidemment beaucoup. L'édition scolaire est aujourd'hui le deuxième pan de l'édition à être très avancé sur les questions du numérique. Les manuels enrichis sont de plus en plus utilisés en classe. Ils permettent de projeter du contenu sur les murs. Nous y retrouvons la forme du manuel scolaire, ce qui permet un renvoi au livre physique. Certains livres peuvent être enrichis de « zooms » dynamiques pour apporter du confort de lecture au fond de la classe, de surcouches techniques pour entourer les passages du livre et focaliser l'attention des élèves (un feutre, des cartes interactives et dynamiques) ainsi que des vidéos et des bandes-sons, très utiles en histoire-géographie.
Aujourd'hui les enfants vivent avec le numérique. Nous devons accompagner cette évolution de la société. Nous nous interrogeons sur les apports possibles en complément du manuel scolaire. Il faut apporter un ensemble structuré tout au long de l'année scolaire, correspondant à l'intégralité du programme en termes de savoir-faire et de savoir-être, mis en forme avec des documents exploitables par l'enseignant. Nous devons nous assurer de la validation scientifique des contenus et de l'acquisition par les enseignants des droits d'utilisation du contenu. Dans cet océan de l'information disponible partout, il importe de construire un parcours qui n'est qu'une porte ouverte sur la connaissance. Nous n'avons pas du tout la prétention d'enfermer cette dernière dans les manuels scolaires. Ces derniers consistent en une succession de séquences pédagogiques à partir desquelles l'enseignant pourra intégrer dans les manuels numériques les compléments de son choix, car ils sont de plus en plus personnalisables. Dans un cours sur l'art roman, l'enseignant peut par exemple insérer ses propres photographies d'une église romane pour les comparer à celles du livre.
Dans cinq ans, à quoi ressemblera le manuel scolaire ? Nous n'avons pas toutes la même vision de l'avenir. Cependant il nous semble indispensable que les enfants gardent entre les mains un livre physique, même s'il ne sera plus le même. Il pourra peut-être s'agir d'une synthèse. L'avenir n'est pas écrit ; nous l'écrirons ensemble.
Les collectivités territoriales n'avancent pas à la même vitesse concernant l'usage de la pédagogie numérique. Avez-vous réfléchi à une méthode globale qui intègre le livre et la pédagogie numérique ?
Nous devons organiser l'accompagnement au changement à partir de l'existant. Il faut faire évoluer l'usage pédagogique sans créer de rupture.
L'éducation nationale a un rôle extrêmement important à jouer pour accompagner cette évolution des manuels scolaires.
Le ministère de l'éducation nationale joue un rôle d'impulsion très important par l'intermédiaire de ses inspecteurs. Par exemple, il encourage l'installation des environnements numériques de travail (ENT) financés par les collectivités. Néanmoins ce sont elles qui financent.
Nous nous méfions des discours trop prospectifs tenus par la direction de la technologie au Ministère. Certains nous disent que les manuels auront disparu dans cinq ans, que les professeurs iront chercher sur Internet le contenu de leurs cours et mutualiseront leurs ressources. Dans la réalité, cela reviendrait à dire que chaque enseignant est auteur de manuels. Or nous sommes bien placés pour savoir que cela représente un travail considérable.
Notre production est bimédia : nous produisons des manuels et leur version numérique. Bien que les livres numériques aient des contenus de plus en plus riches, nous n'abandonnons pas le livre papier. C'est par l'observation au fil des ans des usages en classe que nous constaterons peut-être, à terme, une différenciation entre le livre papier et le livre numérique. Aujourd'hui leur structure n'est pas très différenciée ; la version numérique donne un effet en trois dimensions, contre deux pour la version papier.
Je suis inquiet du faible taux d'équipement des élèves de primaire. Il existe sans doute plusieurs raisons à cela, comme l'insuffisante sensibilisation des maîtres ou l'incessante modification des programmes. Quelle serait la « rotation » idéale permettant la rentabilité de la production de manuels scolaires et du financement de leur achat par les collectivités locales, voire par les familles ?
Excepté la réforme du primaire de 2008, les changements de programme interviennent tous les dix ans, ce qui ne nous semble pas excessif. La question de la rentabilité n'est pas le problème central. Il est vrai que les changements de programme dans le primaire se sont enchaînés rapidement, la réforme de 2008 faisant suite à celle de 2002. Le retour aux fondamentaux (lire, écrire, compter) est très marqué dans les programmes de 2008. Ce recentrage était sans doute nécessaire au regard des résultats PISA.
Nous avons l'impression que les programmes changent sans cesse car il existe de nombreuses modifications de petites parties du programme. Au collège, le programme est resté le même pendant quinze ans, jusqu'à ce que la partie scientifique soit modifiée, suivie par les sciences humaines. L'idéal est de pouvoir accompagner les changements de programme de la sixième à la quatrième. Nous avons assisté depuis quelque temps à des mises en place et des annonces de réformes de façon extrêmement raccourcie, provoquant un certain nombre de difficultés. Par exemple, en 2008, le ministère de l'éducation nationale a décidé de l'application du nouveau programme à tous les niveaux de classe, ce qui ne s'était jamais produit par le passé.
De même la mise en place de la réforme du lycée a provoqué entre l'État et les régions - qui se sont substituées pour une large part aux familles pour le financement des manuels scolaires - un débat public assez malsain par voie de presse interposée. Nous nous étions organisés pour que les livres soient prêts malgré un calendrier très contraint. Néanmoins les régions n'avaient pas nécessairement les moyens de les financer.
Dans certaines régions et pour certaines matières, les manuels ont été livrés bien après la rentrée.
Nous avions lancé les consultations sur les avant-projets de programmes début février 2010. Les programmes définitifs ont été publiés le 29 avril 2010 pour une application au 1er septembre 2010. Il est impossible d'élaborer un manuel scolaire en deux mois. Les choix n'ont pu se faire que fin août. Nous avons dû réaliser des sondages pour répondre aux commandes. Les commandes nous sont parvenues en octobre. Nous avons livré les manuels entre novembre et décembre, alors que nos imprimeurs étaient très occupés. L'anticipation est indispensable.
Quel est le mode de sélection des auteurs de vos livres ? Travaillent-ils en équipe ? Quel est le délai moyen pour réaliser un manuel scolaire ?
Oui, pouvez-vous nous expliquer concrètement la réalisation d'un manuel ?
J'ai été professeur de langues. Vous n'avez pas beaucoup parlé des langues. Une langue étrangère ne s'apprend pas dans les livres. Il a fallu que les maisons d'édition se mobilisent et travaillent en lien avec les enseignants.
Les manuels sont toujours rédigés en équipe. La grande majorité des auteurs sont des enseignants, dont une partie dans la classe considérée. Il n'est pas rare que des professeurs d'une classe supérieure et des inspecteurs de l'éducation nationale apportent des compléments. Un directeur d'ouvrage ou un directeur de publication coordonne l'équipe d'auteurs et apporte ainsi une cohérence d'ensemble au manuel. C'est un vrai livre au sens où il est construit comme un tout et non comme une superposition de petites contributions.
L'idéal est que les programmes nous soient communiqués avant l'été, en mai-juin, afin que nos auteurs puissent s'imprégner des programmes pour se consacrer à l'écriture proprement dite durant l'été. Jusqu'au mois de janvier, les auteurs recherchent des documents pour illustrer les cours, complétés par nos éditeurs. Nous faisons réaliser des cartes. Entre janvier et fin mars, nous procédons à la relecture et aux modifications. Fin mars, nous envoyons le bon à tirer à l'imprimeur, qui imprime les ouvrages jusqu'à mi-avril. Nous envoyons ensuite les ouvrages chez nos routeurs qui font parvenir début mai des spécimens aux enseignants dans leurs établissements. Les choix collectifs sont faits au niveau de chaque établissement entre la mi-mai et la mi-juin. Nous organisons des sondages dans les établissements pour savoir quels ouvrages ont été prescrits. Ces sondages remontent entre fin juin et début juillet. Nous relançons nos imprimeurs à la mi-juillet pour que les ouvrages soient imprimés pendant l'été et livrés aux établissements scolaires fin août.
Nous sommes donc toujours décalés d'une saison.
Les élèves sont toujours confrontés au poids des cartables. Tous les établissements ne peuvent pas se permettre de distribuer deux manuels à l'élève, l'un pour la maison et l'autre pour l'école. J'imagine que vous avez amélioré la technique d'impression.
Nous avons été très sollicités sur cette question du poids des cartables qui se pose surtout en sixième et cinquième. En effet dans les classes suivantes les élèves sont mieux organisés. Depuis 1997, tous les manuels de collège sont imprimés sur papier mince (70 grammes). Les couvertures ne sont plus cartonnées. Nous avons ainsi pu alléger de 30 % le poids de chaque manuel.
Nous avons également rétréci les formats, au choix des établissements.
De nombreux collèges ont équipé leurs couloirs de casiers, ce qui suppose une bonne gestion de la part de l'élève.
Nous avions évalué à 30 ou 40 % la part des livres dans le poids du cartable. Les cahiers, les classeurs, la trousse, voire la paire de baskets, pèsent lourd également. La plupart des cahiers sont désormais au format 24x32, alourdis par le poids des photocopies.
En 1998, j'étais vice-président du conseil régional d'Ile-de-France. La gratuité des livres scolaires dans les lycées a été mise en place progressivement jusqu'en 2004. J'avais alors demandé que le ministre s'impose auprès de l'Inspection générale pour obtenir une coordination préalable au lancement de nouveaux programmes. J'avais obtenu le report des nouveaux programmes d'un an de façon à ne pas nous mettre en difficulté. Compte tenu de leur poids dans le financement des manuels scolaires, les collectivités territoriales peuvent se permettre d'exprimer leurs exigences auprès du ministère de l'éducation nationale. En 2004, nous sommes repartis de zéro puisque de nouveaux programmes ont été annoncés.
Je formule le souhait que l'on bloque les programmes pendant plusieurs années. Nous pourrions cependant procéder aux actualisations nécessaires. Il faut assurer une certaine stabilité. Changer un livre dans 500 lycées d'Ile-de-France ainsi que pour les élèves des établissements privés sous contrat s'avère très coûteux.
Nous avons entendu qu'une convention devrait être signée, imposant que les équipements informatiques soient assumés par les collectivités, seuls les logiciels l'étant par l'éducation nationale. Dès lors, la concertation s'avère d'autant plus nécessaire. L'école rurale risque d'être l'oubliée de cette évolution car les collectivités pourraient de ne pas pouvoir suivre le rythme d'équipement.
C'est la raison essentielle de notre rencontre aujourd'hui. Il faut nouer des partenariats entre les collectivités, les maisons d'édition et l'éducation nationale.
Au travers des expérimentations actuelles, nous constatons la nécessité absolue d'un dialogue puissant entre l'État et les collectivités. Une expérimentation « manuels scolaires et ENT » est menée au collège.
23 % des écoles ont un débit égal à 2 mégabits, ce qui est très faible ; les autres ont un débit inférieur...
Nous pouvons envisager l'utilisation du numérique en « off line ». Le haut débit résulte d'un choix politique ; il n'est pas impératif pour utiliser les technologies numériques. Le plan numérique annoncé l'hiver dernier doit se mettre en oeuvre à la rentrée 2011. Le gouvernement a annoncé vouloir débloquer une somme globale de 12 millions d'euros la première année puis 45 millions d'euros sur trois ans pour que les établissements s'équipent de supports numériques.
Aujourd'hui l'État ne finance pas directement les manuels scolaires du primaire et du lycée - y compris professionnel - mais finance directement ceux du collège. Nous proposons que le manuel numérique soit également pris en charge par le budget de l'État pour le collège. Nous attendons des clarifications de la part de l'État. En tant qu'éditeurs, nous investissons beaucoup en matière de nouvelles technologies car nous sommes convaincus de la pertinence de cette évolution de la pédagogie. Nous ne voudrions pas que seuls les gros groupes d'édition puissent survivre. Nous devons maintenir un niveau de qualité exigeant.
Il est nécessaire de clarifier les rôles. N'existe-t-il pas un plan national d'équipement des communes rurales ?
Ce plan arrive à son terme.
Lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, nous avions voté un amendement pour prolonger le plan d'équipement numérique.
Les disparités territoriales en termes d'équipement sont appelées à se renforcer.
A contrario du bruit ambiant, nous pensons que le numérique a un coût. Nous n'aurons un bénéfice pédagogique que si nous acceptons d'y mettre le prix. Or nous n'avons que peu de visibilité sur les coûts de la maintenance et du renouvellement. L'innovation appelle l'innovation ; elle a également un coût. Certaines collectivités locales investissent beaucoup pour doter les élèves de tablettes numériques, qui nécessitent des investissements de la part des éditeurs pour procéder aux adaptations techniques nécessaires. Nous devons transformer le contenu de nos manuels pour qu'il soit lisible sur ces supports.
Il convient d'accompagner dans la durée l'entrée du numérique dans la pédagogie.
Dans certains établissements de mon département, j'ai vu de beaux tableaux numériques délaissés par les professeurs. Par conséquent nous devons mettre l'accent sur la formation des enseignants à cet outil.
Je lis un livre sur l'histoire de la formation des maîtres en France. Au 18e siècle, l'on faisait le tour des classes pour vérifier si tous les instituteurs savaient bien lire et écrire. Vous voyez qu'il y a de l'espoir !
La question de l'équipement en numérique met en lumière la nécessité de clarifier la répartition des financements. Cependant, on nous dit beaucoup que l'État et les collectivités n'ont plus les fonds nécessaires. Dès lors se pose la question d'une meilleure répartition de la gratuité. Nous pourrions ainsi cibler davantage les ressources de l'État et des collectivités en direction des familles les plus défavorisées. Ce sujet est certes politiquement très difficile à aborder, mais nous constatons que la gratuité n'existe pas, les inégalités étant très importantes et l'équipement en livres scolaires et en technologies numériques, très disparate.
Il me semble extrêmement important d'évoquer l'interopérabilité des systèmes mis en place. Or, aujourd'hui, en France, il existe 23 ENT différents, contre 4 en Allemagne et en Angleterre. Nous voulons des manuels au contenu de plus en plus pointu mais cela suppose une interconnexion avec les technologies numériques. Ne pas avoir de dialogue sur l'interopérabilité des systèmes constitue un véritable surcoût pour les collectivités territoriales. Nous pourrions mettre en place des comités techniques pour mettre en relation les collectivités.
Il faut encourager la mutualisation et la discussion entre les collectivités pour abaisser les coûts.
Je vous remercie beaucoup d'avoir participé à nos réflexions. Nous espérons encourager les articulations entre les différents acteurs.