Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, préalable au débat d'orientation des finances publiques.
Nous entendons M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui va nous éclairer sur les modalités de mise en oeuvre de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques, telle que définie dans notre programme de stabilité 2011-2013.
Merci Monsieur le Président. J'ai voulu que ce débat d'orientation des finances publiques (DOFP) soit un véritable débat, car il est d'une importance capitale et que la situation l'exige. Ce débat me permet de faire un bilan de l'état de nos comptes publics, de vous exposer nos choix pour le futur proche et de réaffirmer les engagements que nous avons pris au niveau européen par notre programme de stabilité.
La crise économique que nous venons de vivre a fortement secoué l'économie mondiale. Mais ses effets ne se sont pas limités au secteur privé puisqu'ils se sont étendus au secteur public, avec comme apogée la crise grecque, venant nous rappeler avec violence la nécessité de veiller à la maîtrise des finances publiques.
Dès maintenant, nous devons privilégier une extrême attention dans la gestion des ressources publiques. C'est dans cette perspective que les nouvelles mesures, dès 2011, marqueront une très forte inflexion de la dépense publique. Nous le savons tous, les ressources publiques ne sont pas inépuisables. C'est notre responsabilité que d'inverser la tendance et de dépenser de façon plus raisonnée. Je crois sincèrement qu'une prise de conscience et un changement des mentalités vis-à-vis de la dépense publique sont en cours.
Pour l'année 2010, les objectifs seront tenus. Notre préoccupation est d'accompagner la reprise tout en étant au rendez-vous de nos objectifs de finances publiques. Il s'agit tout d'abord de tenir notre objectif de déficit public à 8,0 % du produit intérieur brut (PIB), ce que devraient notamment permettre les recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui se rétablissent progressivement. Il s'agit ensuite de tenir la dépense de l'Etat au niveau prévu par la loi de finances, c'est-à-dire le « zéro volume ». Enfin l'objectif national de dépense d'assurance maladie (ONDAM), tel qu'il a été voté par le Parlement, sera respecté.
Dès 2011, et pour trois ans, notre stratégie vise à infléchir les déficits publics par un nouvel élan dans la maîtrise de la dépense. Cette stratégie triennale nous permettra de ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2013, conformément aux engagements pris devant nos partenaires européens. Notre programme de stabilité prévoit une réduction du déficit public d'environ cinq points de PIB sur la période, soit environ 100 milliards d'euros. Une partie proviendra du rattrapage des recettes fiscales après la crise. Une autre partie correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle.
Au-delà de ce rattrapage attendu, notre stratégie repose sur de nouvelles mesures d'économies sur 2011-2013. Cela devrait nous permettre d'aboutir à une évolution en volume de 0,6 % seulement de la dépense publique au cours de la période. La réduction de la croissance de ces dépenses faisait déjà partie des engagements du Gouvernement en 2007, elle n'en devient que plus cruciale aujourd'hui. J'ai eu maintes fois l'occasion d'expliquer en ces lieux pourquoi nous choisissons le levier de la dépense : notre pays atteint déjà l'un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Toute hausse généralisée d'impôts nuirait à la compétitivité de notre économie et compromettrait la reprise : nous l'écartons.
J'insiste vivement sur ce point : nous ne gagnerons pas notre pari sans l'implication de tous les acteurs publics. Pour l'Etat tout d'abord, dans le cadre du budget pluriannuel, nous avons décidé une réelle inflexion dans la croissance de la dépense. C'est un objectif véritablement courageux et sans précédent : même pour la « qualification » pour l'euro, l'effort n'avait pas été tel. Les dépenses de l'Etat seront stabilisées en valeur pour les trois prochaines années, hors pensions et charges de la dette. Le Gouvernement consentira un effort à hauteur de 10 % sur toutes les dépenses de fonctionnement et d'intervention d'ici 2013. C'est une inflexion de la dépense qui n'a jamais été réalisée en France.
Précisément, pour réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat de 10 % en trois ans, nous souhaitons réduire son train de vie, grâce aux outils de la révision générale des politiques publiques (RGPP) comme les chantiers interministériels.
La première vague de la RGPP a déjà permis, grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de supprimer 100 000 emplois depuis le début de la législature. Les économies globales issues de la RGPP en trois ans sont de 7 milliards d'euros. La deuxième vague est plus ambitieuse : ce sont également de l'ordre de 100 000 suppressions d'emplois qui interviendront jusqu'en 2013. L'Etat aura ainsi retrouvé le nombre d'agents qu'il avait en 1990. Sur la période 2011-2013, cela représente près de 5 % des effectifs de l'Etat, soit un gain brut annuel proche de 1,5 % qui correspond aux gains de productivité observés dans le secteur des services. Cela représente un gain brut total de plus de 3 milliards d'euros. Je souligne que le principe de faire bénéficier les agents de 50 % des économies induites par ledit « 1 sur 2 », sous forme de l'amélioration de leur situation financière, sera naturellement reconduit dans le prochain triennal 2011-2013.
Nous souhaitons également un réexamen de toutes les dépenses d'intervention, qui atteignent 66 milliards d'euros, pour dégager des économies à hauteur de 10%. J'y reviendrai. Et pour la première fois, nous demanderons aux 655 opérateurs de l'Etat un effort équivalent à celui de l'Etat.
Pour la sécurité sociale, nous procédons de la même façon que pour l'Etat, en associant réformes et maîtrise serrée de la dépense. En ce qui concerne les dépenses d'assurance-maladie, je m'engage à ramener la progression de l'ONDAM à moins de 3 % tout au long de la période.
Nous renforcerons l'efficacité de l'assurance maladie grâce à des innovations récentes comme les agences régionales de santé qui doivent permettre d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social, ou bien les projets de performance des hôpitaux.
Au-delà des réformes de structure, afin de trouver des outils permettant de respecter l'ONDAM, nous avons largement repris les conclusions du rapport Briet. Le seuil d'alerte, fixé à 0,75 % aujourd'hui, sera progressivement abaissé à 0,5 % d'ici 2012-2013 et le rôle du comité d'alerte sera étendu : il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l'ONDAM et son rôle de veille sur l'exécution de l'ONDAM sera renforcé. Ensuite une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année.
La réforme majeure au sein de notre stratégie est indéniablement la réforme des retraites, qui vient de vous être présentée. Cette réforme devrait permettre aux régimes de retraite d'atteindre l'équilibre dès 2018. Elle génèrera un gain de 1,2 point sur le déficit structurel à horizon 2020 et d'environ 9 points de PIB sur la dette publique au même horizon.
Comme je l'ai évoqué précédemment, nous ne réussirons pas notre pari sans le partage des efforts. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales soient stabilisés en valeur au cours des trois prochaines années.
La réforme des collectivités locales, en cours de discussion au Parlement, doit aider à rendre plus efficace la dépense locale. Un moratoire sur les normes réglementaires, hors normes européennes, que l'Etat impose aux collectivités locales, est aussi prévu car ces normes pèsent sur les dépenses des collectivités locales. Le Gouvernement souhaite parallèlement renforcer la péréquation à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'Etat. C'est une mesure à laquelle je tiens particulièrement.
Pour renforcer dans la durée la maîtrise des dépenses, il est indispensable de réfléchir en commun à une nouvelle gouvernance des finances publiques. La Commission créée par la Conférence nationale sur le déficit public du 28 janvier 2010 et présidée par M. Michel Camdessus a rendu son rapport sur la règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques. Le rapport de la Commission Camdessus est remarquable. Il aborde chaque question technique en soulignant les différentes réponses possibles et indique des préférences.
Nous sommes tous d'accord sur un certain nombre de points. Je pense en particulier à la proposition visant à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette règle est extrêmement utile pour conserver une approche cohérente de l'évolution des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle nous l'avons d'ores et déjà mise en oeuvre grâce à la circulaire du Premier ministre du 4 juin dernier.
Quant au contenu de la règle constitutionnelle d'équilibre, c'est un enjeu majeur. Le sujet mérite d'être approfondi et discuté. C'est tout le sens des consultations que j'engagerai prochainement, auprès du Premier ministre, pour déterminer plus précisément les contours d'une réforme consensuelle, au service d'une croissance durable. Le consensus sur cette réforme est atteignable d'ici à l'été 2011.
Je vous ai décrit notre stratégie générale pour les trois années à venir. Dès l'année prochaine, en 2011, le redressement de nos finances publiques est impératif. En 2011, nous avons pour objectif de ramener les déficits publics à 6 % du PIB. Cet objectif est pour moi et pour l'ensemble du Gouvernement intangible ; c'est le coeur de notre stratégie. La prévision de croissance est parfois qualifiée d'ambitieuse, mais nous sommes confiants et nous adapterons, le cas échéant, le pilotage budgétaire à la croissance observée.
Notre stratégie, pour passer d'un déficit public à 8 % du PIB en 2010 et à 6 % en 2011, représente une réduction du déficit public de l'ordre de 40milliards d'euros. Cela ne signifie nullement que les dépenses doivent diminuer de 40 milliards d'euros sur une année : le solde correspond à la différence entre les recettes et les dépenses publiques. Ce qui compte avant tout, c'est que les recettes progressent plus vite que les dépenses pour que le déficit public puisse diminuer dans le temps.
Trois leviers vont nous permettre de respecter notre trajectoire. Une partie de l'effort, environ 15 milliards d'euros, correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle cette année.
11 milliards d'euros proviendront du rattrapage des recettes fiscales après la crise en lien avec le retour de la croissance. Avec la crise, une grande majorité des recettes a en effet suivi la contraction de l'activité économique. Pour certaines recettes, la baisse a même été plus importante que celle de l'activité, en raison de la nature plus volatile de leur assiette. Par exemple, l'impôt sur les sociétés a vu son rendement baisser de près de 60 % ; la chute du marché immobilier a entraîné une baisse des droits de mutation de 30 %.
Le reste, soit 14 milliards d'euros, proviendra d'un effort partagé de l'ensemble des acteurs de la dépense publique.
Le gel en valeur des dépenses de l'Etat et des concours aux collectivités territoriales rapportera environ 7 milliards d'euros. Près de 1 milliard d'euros sera lié au gel des concours de l'Etat aux collectivités locales. 1 milliard d'euros sera économisé sur le fonctionnement de l'Etat et des opérateurs. Une meilleure maîtrise de la masse salariale, notamment le non remplacement d'un départ sur 2 à la retraite, permettra d'économiser 1 milliard d'euros supplémentaire. Enfin, un effort d'environ 4 milliards d'euros sera effectué sur les dépenses d'intervention de l'Etat.
La sphère sociale contribuera également pour l'autre moitié à l'effort de redressement. La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards d'euros. La reprise de la dette sociale par la CADES permettra de contribuer à hauteur de 3,2 milliards d'euros à l'effort de consolidation. Enfin, la fixation de l'ONDAM à 2,9 % sera l'occasion de mettre en oeuvre environ 2,5 milliards d'euros d'économies.
Comme vous pouvez le constater, le total de l'effort de redressement sur la sphère sociale dépasse 10 milliards d'euros. Ceci pour une raison simple : si l'on ne rien fait, les dépenses sociales évoluent avec une dynamique supérieure à la croissance du PIB. Il faut donc un total de mesures supérieur à 7 milliards d'euros pour contrecarrer cette dynamique.
Nous voulons nous concentrer sur les dépenses fiscales et les « niches » sociales qui sont les plus favorables à la croissance et à l'emploi, sans remettre en cause celles qui concernent les personnes les plus en difficulté. C'est un objectif auquel je suis particulièrement attaché.
J'ai déjà parlé d'un potentiel de suppressions qui peut atteindre 8,5 à 10 milliards d'euros. Pour atteindre cet objectif, nous savons que nous pouvons compter sans aucun doute sur le concours du Parlement. Vous connaissez les deux pistes sur lesquelles nous travaillons et les noms très poétiques qui les désignent. Le « bouquet » est la suppression pure et simple de certaines niches qui n'ont pas prouvé leur efficacité. Le « rabot » donne la possibilité de procéder à une réduction uniforme du taux de ces dépenses fiscales. Nous aurons l'occasion d'en reparler de manière plus approfondie.
Pour l'Etat, 2011 sera la première année d'un budget triennal 2011-2013 caractérisé par une rupture dans la progression de la dépense. Le « zéro valeur hors dette et pensions » suppose en effet un effort sans précédent. Je tiens tout d'abord à rappeler que cet effort sans précédent doit être partagé. Il doit être partagé par les collectivités locales. J'ai déjà parlé de la stabilisation en valeur des concours de l'Etat qui leur sont destinés, hors FCTVA. Cette stabilisation s'appliquera en 2011 comme elle s'appliquera sur l'ensemble du triennal, conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République à l'occasion de la conférence du 20 mai dernier.
Cet effort doit être partagé ensuite par l'Union européenne, à laquelle nous contribuons par un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Alors que les Etats européens mènent des politiques courageuses de maîtrise des dépenses, alors qu'ils ont répondu eux-mêmes à l'exigence de solidarité vis-à-vis des pays en difficulté comme la Grèce et qu'ils en assument les conséquences financières, je ne trouve pas acceptable que la Commission demande pour 2011 un budget en hausse de plus de 6 %. Nous l'avons déjà exprimé et nous l'exprimerons à nouveau avec force à Bruxelles, aux côtés des autres Etats membres soucieux de modération budgétaire. Les efforts demandés à nos concitoyens doivent permettre de réduire les déficits, pas de financer une dépense européenne galopante.
J'ai déjà évoqué les règles transversales qui nous ont servi de matrice pour la construction de ce budget. Elles seront mises en oeuvre sans faiblesse car ce ne sont pas des principes généraux, mais bien un plan d'action immédiat. La poursuite du « 1 sur 2 » nous permettra d'économiser plus de 30 000 emplois dès 2011. L'effort d'économie de 10 % sur trois ans pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention suppose d'envoyer un signal crédible dès la première année : la moitié du chemin sera donc fait dès l'année 2011.
Mais que veut dire concrètement ce plan d'action ? Va-t-on, comme je l'ai souvent entendu, réduire les minimas sociaux ? Remettre en cause, par exemple, le RSA ? Non. Nous ne le remettrons pas en cause et nous ne réduirons pas globalement les allocations versées, car nous ne faisons pas un budget de rigueur. Nous voulons un budget juste, un budget équitable. Mais cette équité doit être conciliée avec les impératifs de maîtrise de nos finances publiques.
Le résultat des discussions budgétaires, sous la forme des plafonds de dépenses par mission, vous sera présenté à l'occasion du débat en séance plénière, une fois les arbitrages rendus et formalisés par les lettres-plafonds qu'adressera le Premier ministre à chacun des ministres.
Sans attendre cette échéance, je veux toutefois dire que le budget 2011-2013 sera un budget de choix et d'exigence. Même pour les dépenses d'investissement, nous devrons envoyer un signal fort de maîtrise budgétaire, car le redressement de nos finances publiques vient en premier pour soutenir la confiance et la croissance. C'est pourquoi je souhaite que le budget 2011-2013 prévoit notamment un moratoire sur le lancement de tous les nouveaux grands équipements culturels pendant cette période. C'est un choix difficile, mais responsable. De la même manière, le contexte économique et financier nous conduit à revisiter nos engagements pluriannuels.
Le budget 2011 prévoira ainsi une stabilisation en valeur des moyens de la défense, avec une légère remontée en 2012-2013, soit un total de ressources inférieur d'environ 1,3 milliard d'euros à ce que prévoyait la loi de programmation militaire sur 2011-2013, après prise en compte du report sur cette période d'un certain nombre de ressources extra-budgétaires attendues en 2009-2011.
Notre plan d'action est ambitieux. Les mesures ne se limiteront pas à ces quelques exemples, car la baisse des dépenses concernera tous les secteurs d'intervention de l'Etat. C'est à cette seule condition que nous pourrons, dans le respect de nos objectifs de finances publiques, continuer à financer les politiques qui nous tiennent à coeur et à leur donner un peu plus que le strict « zéro valeur ». Je pense en particulier au budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui demeure la priorité du Gouvernement. Il s'agit pour nous de réussir le pari de l'autonomie pour les universités, qui bénéficieront à cette fin de moyens de fonctionnement renforcés, et échapperont, comme les organismes de recherche, à toute suppression d'emploi en 2011, mais également dans les deux autres années du budget triennal.
Notre débat débouchera sur la présentation à l'automne d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques, du projet de loi et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
C'est la soutenabilité future de nos finances publiques que nous avons entre nos mains. Face à ce défi, notre stratégie vise à créer les conditions d'un choc de confiance en agissant principalement sur les dépenses de l'Etat, tout en poursuivant parallèlement les réformes structurelles. Je vous remercie.
Merci, Monsieur le Ministre, pour ces éléments, de nature à donner du crédit à la trajectoire annoncée par le Gouvernement. L'exercice demandera de la détermination. Certaines orientations du rapport Camdessus pourront être mises en oeuvre sans attendre la réforme constitutionnelle, et notamment le monopole fiscal des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Sur les niches fiscales, les mesures en matière d'impôt sur le revenu ne produiront d'effets budgétaires qu'en 2012. Il faudra donc songer à des mesures en matière de TVA.
Enfin, 2011 sera l'année la plus « facile », puisque des économies automatiques seront enregistrées grâce à la fin de plan de relance et des effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Nous allons nous efforcer, dans le débat qui vient, d'éclairer les termes des choix. Pour ce faire, je vous inviterai à partir d'un contexte macroéconomique plus réaliste et à déflater quelque peu l'hypothèse de croissance du Gouvernement. Depuis un certain nombre d'années, les hypothèses gouvernementales de croissance ont souvent été optimistes, et parfois plus proches de la réalité que les hypothèses prudentes que notre commission - c'est son rôle - formule. Mais dans une très nette majorité des cas, les hypothèses volontaristes ont rarement été réalistes.
Le Gouvernement utilise la bonne méthode, en termes de dépenses budgétaires et fiscales, ainsi que pour les comptes sociaux. Néanmoins, pour les dépenses de l'Etat, comment infléchir les dépenses d'intervention ? Beaucoup de ces dépenses obéissent à des logiques de guichet et sont fortement contraintes. Les ministres « dépensiers », entendus dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement, nous ont souvent dit qu'ils disposaient de peu de marges de manoeuvre... C'est une attitude vieille comme la construction des budgets, mais nous aimerions vous entendre sur ce point.
S'agissant des collectivités territoriales, le relevé de conclusions de la deuxième conférence sur le déficit indique que « les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, hors FCTVA, seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 ». Faut-il comprendre que l'on aura d'un côté des dotations sous enveloppe stabilisées en valeur, et de l'autre les attributions du FCTVA augmentant librement ? Faut-il comprendre au contraire que l'enveloppe comprendra des variables d'ajustement destinées à neutraliser l'augmentation des attributions du FCTVA ? Par ailleurs, quelles seront les conséquences de ce gel sur la compensation aux collectivités territoriales de la réforme de la taxe professionnelle ?
La commission fera des propositions de réduction de niches fiscales et sociales qui iront un peu plus loin que ce qu'il est, à son sens, nécessaire de faire. Il est arrivé que le Gouvernement refuse certaines de ses propositions pour les reprendre ensuite à son compte. Ainsi, à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Jégou, elle adopté dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 un amendement relatif à l'annualisation des allégements généraux de cotisations sociales, auquel le Gouvernement s'était opposé mais qu'il prévoit désormais de mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites.
On peut également évoquer la suppression partielle par l'article 85 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, inséré à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, de l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficiaient jusqu'alors les indemnités journalières allouées aux victimes d'accidents du travail, demandée depuis plusieurs années par la commission.
Pour être légitimes, les réductions de « niches » doivent être générales, et porter non seulement sur la fiscalité, mais aussi sur les cotisations sociales. Il faut cependant épargner les publics les plus fragiles, ainsi que les retraités et les personnes âgées, afin notamment de ne pas compliquer la réforme des retraites.
Le Gouvernement pourrait revoir sa prévision de croissance après avoir pris connaissance en août prochain des résultats économiques du deuxième trimestre. En ce qui concerne les dépenses de l'Etat, jamais un ministre en charge du budget n'a été aussi précis lors d'un débat d'orientation des finances publiques. Je devrais être en mesure d'adresser à mes collègues ministres les « lettres-plafond » dès la semaine prochaine. Si la croissance du PIB était inférieure à 2 %, il y aurait de 5 à 10 milliards d'euros de mesures supplémentaires à prendre, et le Gouvernement les prendrait.
Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, propose d'instaurer un plafond de dépenses et un plancher de recettes.
Le Gouvernement a décidé de mettre l'accent sur la maîtrise de la dépense. Les niches fiscales et sociales sont des dépenses, et il est politiquement plus aisé de supprimer ou de réduire une niche, que d'alourdir globalement les prélèvements obligatoires. Reconnaître aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le monopole des mesures fiscales devrait contribuer à limiter l'inflation législative. Le FCTVA sera bien maintenu à l'extérieur de l'enveloppe fermée des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, et la compensation aux collectivités territoriales des pertes de recettes suscitées par la récente réforme de la taxe professionnelle sera préservée. J'ai donné l'instruction à mes services de passer en revue l'ensemble des allégements fiscaux, y compris ceux qui ne constituent pas des dépenses fiscales stricto sensu.
La réduction du nombre d'emplois de l'Etat est inutile, dès lors que les collectivités territoriales doivent recréer les emplois supprimés. Les allégements généraux de cotisations sociales patronales doivent être réduits et recentrés sur les salaires inférieurs à 1,2 SMIC. Les cotisations sociales patronales doivent en outre être supprimées.
Pourquoi l'hypothèse de croissance associée au programme de stabilité 2010-2013 est-elle de 2,5 % ? S'il est légitime d'appliquer aux dotations de l'Etat aux collectivités territoriales la même norme d'évolution qu'aux autres dépenses de l'Etat, cette mesure risque de se traduire par le simple transfert d'une partie du déficit de l'Etat vers les collectivités territoriales. Le ministre peut-il dire quelle est son analyse de la situation financière des départements ?
Je ne vois pas comment un « coup de rabot » pourrait être juste. Selon une étude réalisée par le Trésor britannique et publiée hier par le quotidien « The Guardian », le plan de consolidation britannique pourrait entraîner la destruction de 1,3 million d'emplois. Des études analogues ont-elles été faites pour la France ? Le président des Etats-Unis a mis en garde les Etats européens contre les conséquences d'une rigueur excessive.
Je me réjouis que le débat d'orientation budgétaire soit désormais intitulé débat d'orientation des finances publiques. Il faut fusionner les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.
Je me félicite de la volonté du Gouvernement de réaliser 40 milliards d'euros d'économies. Cependant, a-t-on pris en compte l'impact récessif d'une telle politique, en particulier dans le cas des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l'investissement public ?
Il sera difficile de réduire les dépenses d'intervention de 10 % dans le cas de la politique de la ville.
La réduction du nombre de fonctionnaires depuis plusieurs années n'a pas empêché une forte augmentation de la masse salariale, ce qui montre que celle-ci obéit à d'autres déterminants. La loi de programmation militaire 2009-2014 devra être révisée.
Il ne s'agit pas de mettre les collectivités territoriales en « coupe réglée », mais il faut qu'elles maîtrisent leurs dépenses. La politique du Gouvernement n'est pas une politique de « rigueur », si on la compare à celle menée, notamment, par la Grèce ou le Royaume-Uni. L'évolution du point fonction publique constitue un enjeu important.
Je ne peux me prononcer à ce sujet, alors que les négociations sont en cours, même si, en tant que ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, j'ai bien entendu mon avis sur ce qu'il conviendrait de faire. Le Gouvernement ne proposera pas de « coup de rabot » sur la TVA. On pourrait instaurer un taux intermédiaire au niveau communautaire. La TVA sociale concerne non la réduction de notre déficit public, mais le financement de notre protection sociale. Il s'agit d'un débat plus large. La question d'une éventuelle augmentation de la TVA pourra être abordée dans le cadre de la future campagne présidentielle, ainsi qu'à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques pour 2011. La maîtrise de la dépense locale n'est pas incompatible avec la préservation de l'investissement des collectivités territoriales. En recommandant aux dirigeants de l'Union européenne de ne pas mener de politique de réduction rapide de leurs déficits publics, le président des Etats-Unis défend les intérêts de son pays, mais pas ceux des Etats européens. La taxe bancaire me semble devoir être mise en oeuvre, dès lors que la France et l'Allemagne le demandent.
L'Allemagne en attend 6-7 milliards d'euros, dans le cas de la France ce sera moins. Je ne suis pas hostile à la fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, mais on a tellement de sujets !
Le groupe de travail présidé par Michel Camdessus n'a pas écarté l'éventualité d'une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Il faut étatiser les recettes des branches santé et famille.
L'exemple de la Grèce montre qu'à terme la soutenabilité des finances publiques est une question de souveraineté. La réduction du déficit public aura des « effets collatéraux » sur le plan économique, mais les conséquences de l'absence d'une telle réduction seraient bien pires.
Selon l'article 5 de la Constitution, le Président de la République « est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». Il est donc constitutionnellement tenu de réduire la dette publique dont l'expansion constitue bien une menace pour l'indépendance nationale !