Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Réunion du 17 octobre 2007 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - Permalien
Nicolas de Tavernost, président du directoire de Métropole Télévision M6

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Nicolas de Tavernost, président du directoire de Métropole Télévision M6.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

a indiqué que cette audition était destinée à informer la commission sur la situation de M6 et à faire le point sur l'avenir d'un secteur qui pourrait être à nouveau reformé dans les mois à venir.

Se félicitant de l'invitation de la commission, M. Nicolas de Tavernost a souhaité détailler l'évolution rapide du paysage audiovisuel français et tracer les perspectives d'un secteur caractérisé par une concurrence de plus en plus intense.

Il a d'abord souligné que la concurrence était liée à la multiplication des modes de diffusion et des chaînes proposées aux téléspectateurs. Ce phénomène est d'autant plus pénalisant que la consommation télévisuelle est, sauf exception, liée à la diffusion d'un événement sportif majeur, insensible à l'offre : un téléspectateur moyen passe, en effet, le même temps devant son écran, quel que soit le nombre de chaînes télévisées dont il dispose.

Il a ensuite rappelé que des concurrents extérieurs au secteur audiovisuel réduisaient également le temps passé par le téléspectateur devant son écran. La France étant le pays du monde le mieux équipé en haut débit, l'internet en fait partie.

Il a précisé que ces évolutions n'étaient pas spécifiques à la France, mais qu'elles étaient néanmoins significatives dans un contexte tout à fait particulier, marqué par un marché publicitaire morose et une augmentation des coûts de production.

S'agissant du marché publicitaire, il a noté que les recettes publicitaires des chaînes de télévision françaises devaient progresser de seulement 0,5% en 2007, malgré l'autorisation donnée au secteur de la grande distribution de recourir à la publicité télévisée.

Après avoir fait remarquer que, contrairement à ce que certains laissaient entendre, les chaînes finançaient la production audiovisuelle et non l'inverse, il a relevé deux facteurs conduisant à l'augmentation du coût des programmes : la multiplication des canaux de diffusion qui a renforcé la concurrence en matière d'acquisition de droits et la multiplication des mesures sociales.

A ces différents éléments susceptibles de déséquilibrer l'économie du secteur, il a ajouté l'ambigüité de la politique suivie par les chaînes du service public. Il a notamment fait part de son incompréhension quant à la décision de France Télévisions de surenchérir sur l'offre d'une chaîne commerciale pour l'obtention des droits de diffusion d'une émission consacrée aux résumés des rencontres du championnat français de football professionnel au moment même où le groupe public réclamait une augmentation de ses ressources.

Devant ces évolutions, il a proposé quelques pistes de réflexion « iconoclastes » destinées à renforcer la compétitivité des groupes audiovisuels français sur la scène européenne.

Observant que les groupes audiovisuels français ne parvenaient à exporter ni leur savoir faire ni leurs programmes, il a souhaité la remise en cause de la réglementation relative à la séparation de la production et de la diffusion audiovisuelle. A cet égard, il a précisé que les Etats-Unis étaient revenus sur l'interdiction d'intégration verticale des groupes audiovisuels depuis 1994 et que les chaînes britanniques, allemandes et espagnoles disposaient toutes d'importantes sociétés de production.

Il a précisé que l'intégration des sociétés de production aux chaînes ne remettait pas en cause l'indépendance des auteurs et permettait, au contraire, de lutter contre l'atomisation des sociétés de production françaises à l'échelle européenne.

Après avoir indiqué que les groupes audiovisuels étaient les plus à même de commander, de distribuer et d'exporter leurs programmes, il a insisté sur la nécessité de rendre à ceux-ci l'ensemble des droits relatifs aux programmes qu'ils sont amenés à produire.

Il a par ailleurs regretté que les pouvoirs publics se soient préoccupés de la nature des programmes devant être diffusés et produits par les chaînes.

Citant le caractère contre-productif de la réglementation relative à la diffusion des longs métrages, il a reconnu le bien-fondé des obligations de production et de diffusion, mais s'est prononcé contre la définition législative des programmes concernés.

Il a ainsi souligné que l'interdiction de programmer des longs métrages certains jours de la semaine et de pratiquer deux coupures publicitaires lors de leur diffusion avait une double conséquence :

- des audiences réduites pour chacun des films diffusés au même moment entraînant une diminution du nombre de films programmés chaque année ;

- la tentation de programmer deux épisodes de 52 minutes permettant d'accroître le nombre de coupures publicitaires.

Il a conclu que la réglementation avait ainsi facilité la diffusion des séries américaines sur les antennes des principales chaînes hertziennes françaises.

Dans le même sens, il a regretté l'attribution de la ressource hertzienne pour la diffusion des chaînes de la télévision numérique terrestre chaîne par chaîne et non multiplexe par multiplexe. La France est ainsi un des seuls pays où il appartient au régulateur de fixer une fois pour toutes le contenu des chaînes diffusées sur le spectre hertzien. Ce cadre réglementaire rigide fait que M6 n'est toujours pas autorisée à faire diminuer la part de programmes musicaux qu'elle est obligée de diffuser, en dépit de la multiplication de l'offre de chaînes musicales sur la TNT.

Il a fait observer que ces choix réglementaires étaient d'autant plus regrettables que la France dispose de quelques atouts non négligeables en matière audiovisuelle : des talents reconnus à l'échelle européenne et des chaînes prêtes à investir massivement dans le développement des nouvelles technologies de diffusion, telles que la télévision mobile personnelle ou la haute définition.

Dans ces conditions, il a annoncé un appauvrissement du secteur si des mesures n'étaient pas prises rapidement non pas pour alléger la réglementation, mais pour l'adapter à la nouvelle donne du marché audiovisuel français.

Un débat s'est ensuite engagé.

a souhaité connaître l'évolution de l'audience des chaînes de la télévision numérique terrestre en général et de W9, la chaîne éditée par le groupe M6 sur ce support, en particulier. Après s'être interrogé sur les projets de M6 en matière de diffusion en haute définition et de télévision mobile personnelle, il s'est déclaré convaincu par l'argumentation de M. Nicolas de Tavernost concernant la nécessaire modification des décrets « Tasca ».

a enfin demandé au président du directoire de M6 d'énumérer les principales dispositions qu'une loi réformant la législation audiovisuelle devrait contenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

a indiqué que la disposition législative relative aux sous-quotas audiovisuels avait fait l'objet de débats intenses et contradictoires. Le Parlement ayant tranché, il a estimé que cette disposition devait désormais être appliquée. Il a ajouté qu'il serait préférable que le décret d'application de cette mesure concerne également les chaînes diffusées sur la télévision numérique terrestre afin que cette disposition ne disparaisse pas au moment de l'extinction de la diffusion analogique.

Après avoir regretté que les contenus artistiques soient systématiquement agressés et que les programmes télévisés s'uniformisent pour plaire au plus grand nombre, il a souhaité que la commission organise une audition contradictoire des principaux dirigeants de l'audiovisuel public et privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

a précisé que la commission organiserait une table ronde dès le début de l'année 2008, après la présentation publique des conclusions de la mission confiée par la ministre de la culture à MM. David Kessler et Dominique Richard sur les relations entre les producteurs et les diffuseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

a souhaité connaître les ambitions de M6 en matière de télévision mobile personnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

a insisté sur les difficultés rencontrées par les chaînes françaises pour exporter leurs programmes. Il a déclaré que cette situation était paradoxale, compte tenu du nombre important de services télévisés tournés vers le marché international dont dispose ou auxquels participe notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

a souhaité avoir des précisions concernant les atouts de l'audiovisuel français à l'échelle européenne et internationale.

Debut de section - Permalien
Nicolas de Tavernost, président du directoire de Métropole Télévision M6

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas de Tavernost a apporté les précisions suivantes :

- dans les pays où la télévision numérique a été lancée, elle a capté aux alentours de 50 % de l'audience totale. Cette tendance devrait se confirmer en France si les chaînes diffusées sur ce support sont en mesure de s'adapter à leur environnement concurrentiel. L'offre de télévision numérique terrestre payante complète le bouquet de chaînes de Canal+ et reste, pour le moment, marginale. Pour l'heure, les chaînes analogiques conservent les trois quarts de l'audience totale et les chaînes de la télévision numérique terrestre enregistrent un quart de celle-ci. Avec 3,6 % de part d'audience, W9 est leader des nouveaux entrants sur la TNT et se place en cinquième position, toutes chaînes TNT confondues ;

- la haute définition est une évolution technologique naturelle qui doit bénéficier gratuitement à l'ensemble de la population française et doit donc se développer sur le réseau hertzien. Si M6 diffuse déjà ponctuellement certains programmes en haute définition sur le câble et le satellite, elle est néanmoins candidate, comme TF1, Canal+ et AB, à l'attribution d'un des deux autres canaux hertziens disponibles afin de diffuser dans ce format les rencontres de l'Euro 2008 de football. Il convient de rappeler que l'Etat a préempté un canal pour la diffusion de France 2 dans ce format ;

- une éventuelle réforme du cadre juridique applicable à l'audiovisuel devrait comporter un certain nombre de mesures techniques aisées à mettre en oeuvre comme le passage au système dit de « l'heure d'horloge » pour le décompte des obligations publicitaires, l'autorisation de la promotion croisée pour les différentes chaînes d'un même groupe privé ou l'application souple de la disposition législative relative aux sous-quotas afin d'éviter l'uniformisation des grilles de programmes. Cette réforme devrait aussi comporter des décisions plus fondamentales, comme la remise en cause de la proportion de productions dites « indépendantes » dans les obligations des chaînes ou la possibilité donnée aux services de télévision de contrôler les droits de diffusion des oeuvres qu'ils produisent. Parallèlement, il conviendrait que les chaînes publiques offrent aux téléspectateurs une véritable alternative aux programmes proposés par les services commerciaux. A cet égard, on peut s'interroger sur la valeur ajoutée d'une chaîne comme France 4, qui diffuse sur la télévision numérique terrestre un nombre important d'anciennes séries américaines ;

- la modification de certaines dispositions réglementaires est aujourd'hui réclamée par ceux qu'elles étaient censées protéger : les représentants du secteur de l'exploitation cinématographique demandent ainsi l'abolition des dispositions interdisant la diffusion des longs métrages à la télévision certains jours et à certains horaires et l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) réclame l'assouplissement des dispositions interdisant une deuxième coupure publicitaire des films ;

- les diffuseurs privés ne contestent pas le principe des obligations de réinvestissement d'une partie de leur chiffre d'affaires dans la production d'oeuvres européennes et françaises en contrepartie de l'utilisation gratuite de la ressource publique. Ils s'opposent en revanche au fait que le législateur définisse unilatéralement le type de programmes devant bénéficier de ces sommes ;

- M6 sera candidate à l'appel d'offres lancé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de télévision mobile personnelle afin de garantir la continuité du service à ses téléspectateurs. Il s'agit d'un complément indispensable à la diffusion de salon dont le coût est estimé à 8 millions d'euros par chaîne et par an. Si le modèle économique de ce nouveau support doit encore faire l'objet de négociations avec les opérateurs de télécommunications, celui-ci devrait néanmoins comporter un coût d'accès technique supporté directement par l'abonné ;

- certains programmes français sont exportés, mais les contraintes réglementaires internes en limitent le nombre à l'échelle européenne. Ainsi des producteurs de contenus comme Lagardère souffrent de ne pas disposer de chaînes pour la diffusion de leurs programmes, alors que les chaînes ne peuvent tirer pleinement profit de leurs sociétés de production intégrées et s'imposer sur le marché international. M6 a ainsi dû renoncer à acheter la société de production française Marathon, désormais passée sous capitaux italiens ;

- compte tenu de la réglementation en vigueur, les chaînes de télévision françaises ne sont pas en mesure d'aller capter de nouvelles ressources publicitaires. L'augmentation des recettes publicitaires permettrait pourtant d'enclencher un cercle vertueux en garantissant la croissance du chiffre d'affaires et par conséquent la progression des investissements dans les programmes au titre des obligations de production ;

- l'excès de chaînes dans un pays peut entraîner une surenchère inquiétante au niveau du contenu des programmes, chaque chaîne souhaitant se différencier par tous les moyens de ses concurrentes. Les caractéristiques du paysage télévisuel hollandais permettent ainsi de comprendre l'apparition des programmes de télé-réalité.