Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission a organisé une table ronde réunissant plusieurs professionnels de la protection de l'enfance : M. Hervé Hamon, président du Tribunal pour enfants de Paris, membre du comité directeur de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, Mme Roselyne Becue-Amoris, membre de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements (Andass), M. Michel Gacon, directeur général de SOS villages d'enfants, MM. Pierre Suesser, vice-président, et Bruno Percebois, secrétaire du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), M. Jean-Jacques Andrieux, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (Unasea).
a souligné la très large concertation menée sur le projet de loi. L'association des magistrats de la jeunesse et de la famille a particulièrement apprécié d'avoir été ainsi consultée. Globalement, le projet de loi a bien tenu compte de l'ensemble des enjeux de la protection de l'enfance.
s'est également félicitée de la concertation menée sur ce texte. Elle a insisté sur l'officialisation dans la loi de pratiques déjà courantes dans les départements. Il serait toutefois utile de bien préciser le contenu des actions de prévention et de clarifier l'articulation entre les différents acteurs de la protection de l'enfance, notamment en matière de partage du secret professionnel.
a indiqué avoir une vision très positive du projet de loi, qui améliore et renforce le dispositif actuel. Il a néanmoins regretté l'absence de dispositions sur le concept de « projet de vie de l'enfant » qui figurait dans le rapport de Valérie Pécresse au nom de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant, ainsi que de la mention de l'accueil des fratries qui représente pourtant une part très importante des signalements en France.
a témoigné du processus de concertation engagé depuis le mois de janvier. Il a ensuite développé les éléments sur lesquels les médecins de PMI souhaiteraient des inflexions : la prévention, la cellule départementale de recueil des informations, le dispositif de signalement, le secret professionnel et le partage entre la protection de la vie privée et la protection de l'enfance.
a souligné les aspects positifs de la concertation menée sur le terrain, notamment avec les associations à l'échelon départemental. Il s'est également félicité de la décision de pérenniser le comité de pilotage mis en place pour préparer le projet de loi. Il a toutefois fait valoir une inquiétude liée aux risques de confusion et de télescopage avec le futur projet de loi sur la prévention de la délinquance, ce qui nécessitera une très grande vigilance dans la coordination entre les deux textes.
a souhaité savoir quels sont aujourd'hui les obstacles à un repérage efficace des enfants en danger. La création de cellules départementales de recueil des informations préoccupantes permettra-t-elle d'améliorer ce repérage et l'orientation des enfants vers les mesures les plus adaptées ?
a estimé que le dispositif des cellules départementales aura de l'intérêt s'il ne se limite pas à un recueil d'informations, mais comprend également des mises en perspective, des analyses et des statistiques. Il a rappelé la nécessité d'un travail sur le terrain, malgré des organisations territoriales très différentes selon les conseils généraux, ce qui constitue l'une des difficultés du texte. En définitive, ce dispositif sera utile s'il permet d'aboutir à l'élaboration de schémas départementaux conjoints.
a rappelé que la loi de 1989 a eu le mérite de nommer pour la première fois la maltraitance. La définition de critères plus larges d'intervention est une bonne chose, car elle permet de clarifier le cadre d'intervention des organisations départementales. La question du repérage doit être reliée à la politique de la prévention ; celle-ci comporte deux niveaux : d'une part, l'accompagnement de familles en difficulté sans pour autant avoir identifié l'existence de risques ou de dangers, d'autre part, la prévention des risques eux-mêmes. Il est important pour les départements de repositionner leurs interventions en fonction de cette définition de la prévention, le soutien à des actions collectives étant complémentaire d'actions individuelles. Les deux moments forts en matière de prévention interviennent à la naissance, puis dans le cadre de l'école ; or, la difficulté pour les enseignants du primaire résulte du fait qu'ils n'ont plus d'assistante sociale à leur disposition. Elle a regretté la dénomination de cellule départementale, lui préférant celle de dispositif départemental ; néanmoins, cette structure sera utile pour l'analyse, le travail sur des protocoles, l'articulation avec les autres partenaires, notamment la justice et les associations, l'amélioration de la cohérence dans les décisions prises et le soutien technique aux équipes. Elle a cependant insisté sur la nécessité d'effectuer le travail d'évaluation sur le terrain et de toujours privilégier l'accompagnement direct des familles.
a souhaité savoir si le nouveau rôle attribué aux services de la PMI dans la mise en place d'une prévention précoce de la maltraitance des enfants est judicieux.
a estimé le moment de la grossesse particulièrement favorable à la prévention. Il doit permettre un temps de rencontre et de dialogue entre, d'un côté, les professionnels et, de l'autre, les personnes avec des besoins. Il s'est déclaré favorable à une prévention ouverte reposant sur la promotion de la santé avant même le repérage des risques. A cet égard, il a regretté l'aspect trop restrictif de l'exposé des motifs du projet de loi.
a indiqué que le Parlement ne peut modifier l'exposé des motifs d'un projet de loi, mais les préoccupations soulevées par les médecins de PMI peuvent donner lieu à des développements dans le rapport ainsi que dans le cadre de la discussion générale du projet de loi en séance publique. En outre, pour des dispositions à caractère normatif, ces observations peuvent donner lieu au dépôt d'amendements.
a d'abord fait valoir l'ampleur des risques liés à l'abondance des textes sur le sujet, en particulier au regard des avant-projets de textes sur la prévention de la délinquance et la remise en cause de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs. En matière de prévention, il a estimé indispensable d'appréhender les difficultés de façon globale, et non restrictive. Il a souligné le risque lié à une précision excessive de tous les cas de maltraitance. Enfin, il a évoqué le problème essentiel des moyens financiers.
a indiqué que la pierre angulaire de la réforme est de permettre la réunion de tout ce qui était jusqu'alors cloisonné. Parmi les principales difficultés du repérage des enfants en danger, figure la multiplicité des observateurs et des possibilités d'intervention. Dès lors, il est indispensable d'élaborer des stratégies communes et surtout de disposer d'un lieu d'évaluation des actions menées par différents acteurs auprès des familles. Les cellules départementales seront un lieu opérationnel de recueil et de traitement des informations ; leur modèle devra être celui des cellules créées dans le cadre du Fonds de solidarité logement (FSL).
est convenue du rôle des services de PMI dans la prévention, mais elle a souligné le problème des moyens humains nécessaires et surtout du recrutement de personnels compétents.
s'est déclaré inquiet de l'extension de la notion de prévention, notamment aux cas pour lesquels il n'y a pas de risque connu, ce qui pourrait entraîner des dérives, voire une forme de « contrôle social » sur la population. Il a précisé que certains départements ont déjà de telles pratiques à travers de longs questionnaires présentés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).
a indiqué qu'il existe trois périodes particulièrement favorables aux actions de prévention : l'entretien du quatrième mois de grossesse, la période périnatale à la maternité et la troisième année de maternelle. Il a souhaité savoir comment les services de PMI envisagent l'articulation entre leur action médicale et leur action sociale.
a reconnu que la question des moyens est un vrai problème. Elle s'inscrit dans le cadre général de la démographie médicale, paramédicale et sociale. Puis il a précisé que la promotion de la santé inclut le repérage des risques, mais que cette notion va bien au-delà de cette seule mission.
a insisté sur la manière très différente d'aborder les deux niveaux de la prévention : lorsqu'il s'agit de la prévention au sens large, des lieux d'accueil anonymes peuvent très bien remplir la mission ; en revanche, lorsqu'il s'agit d'une procédure de recueil d'informations ou de l'identification d'une famille, une procédure personnelle, écrite et protectrice est mise en oeuvre.
a regretté que le statut des professionnels territoriaux ne soit pas toujours au même niveau que celui des personnels équivalents au niveau national, par exemple dans le domaine de la médecine salariée. Il a reconnu qu'il pourrait y avoir un danger si l'intervention des professionnels était trop focalisée sur une grille de facteurs de risques prédéterminée. En revanche, la disponibilité des professionnels et leur possibilité de recourir à des réponses aussi variées que possible permet une approche de la prévention beaucoup plus ouverte.
a estimé qu'il y a un risque de « contrôle social » si on se place dans un cadre de surdétermination des risques. En revanche, s'il existe une ligne de partage claire entre, d'une part, la prévention au sens large, d'autre part, la prévention des risques, cet écueil disparaît. Toutefois, la réflexion sur le secret professionnel doit être menée avec la conscience de cette difficulté.
a souhaité savoir si la notion de secret professionnel partagé, introduite par le projet de loi, est de nature à faciliter la conciliation par les professionnels de leurs obligations de protection du secret et de protection de l'enfant.
a regretté que cette question du secret professionnel n'ait pas été examinée au moment de la réforme du code de procédure pénale. Il a souligné qu'une difficulté particulière existe pour les travailleurs sociaux qui interviennent dans le cadre d'une hiérarchie. Il a considéré utile de mettre en place juridiquement un secret partagé, celui-ci existant déjà de fait dans de nombreux travaux pluridisciplinaires, mais la question en débat est de savoir jusqu'où aller dans le partage des informations.
a témoigné de l'existence de très nombreuses réunions de synthèse dans lesquelles le secret est partagé. Dans la plupart des départements, la situation a bien évolué en matière de partage des informations, mais il reste un travail de formation et d'accompagnement à réaliser dans ce domaine. Elle a ensuite souligné la très vive inquiétude des travailleurs sociaux des départements au sujet du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il lui paraît essentiel que la notion de secret soit reliée à la question du travail fait avec les familles sur la voie de la prévention.
a souligné le rôle utile des conseillères en économie sociale et familiale, les questions matérielles étant souvent à l'origine des difficultés des familles, et la nécessité de revaloriser ce métier. Elle a également fait valoir l'importance du rôle des élus locaux dans le domaine de la protection de l'enfance et a estimé nécessaire un minimum de partage des informations entre les services sociaux et les élus.
a considéré que le secret professionnel doit constituer une liberté pour les familles, et non une contrainte. Dans la réalité quotidienne des réunions et concertations, le secret professionnel n'est pas un obstacle et très peu de professionnels sont d'ailleurs poursuivis pour rupture de ce secret. En revanche, il a estimé difficile le partage de ce secret entre professionnels et élus : l'article 7 du projet de loi encadre bien la notion et, en tout état de cause, il convient de rechercher l'association des familles aux procédures. Il a également regretté que le projet de loi sur la prévention de la délinquance remette en cause l'équilibre trouvé par le texte sur la protection de l'enfance.
a, lui aussi, déploré la remise en question du secret professionnel par le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
a insisté sur le fait que, très souvent, les maires saisissent les services sociaux de familles en difficulté et qu'ils n'obtiennent pas de retour d'information sur les démarches effectuées par le conseil général.
a indiqué qu'actuellement les échanges d'informations se font en fonction de la conception personnelle de chacun et que le problème principal résulte de l'absence de protocole pour ces relations. Il importe en effet qu'il n'y ait pas de dérive en cette matière de la protection de l'enfance. Il a ensuite estimé que le maire est avant tout un facilitateur sur le plan de l'action sociale et qu'il doit pouvoir obtenir certaines informations de la part des travailleurs sociaux, compte tenu des faibles moyens à sa disposition pour traiter ce genre de difficultés.
a observé que les obstacles à la communication entre professionnels ne résultent pas tant de la bonne ou de la mauvaise volonté des différents acteurs que de l'absence de temps, de lieu, de formation ou de culture professionnelle. En ce qui concerne les échanges avec les non-professionnels, parmi lesquels les élus, la question doit être réglée par l'appréciation des différentes circonstances sans création de situation de blocage. Puis il a exposé deux difficultés résultant des termes de l'article 5 du projet de loi : d'abord, la notion d'« information précoce » sur les mineurs en risque de danger, qui fait appel à un trop grand nombre de situations et est susceptible de créer un engorgement des cellules de signalement, pourrait être utilement remplacée par la notion d'« élément avéré de risque » ; ensuite, cet article met sur le même plan les acteurs de la politique de protection de l'enfance et ceux qui lui apportent leur concours, ce qui n'est pas souhaitable.
a considéré que la notion de secret médical, comme celle de secret professionnel, était bien identifiée, aussi bien dans le code pénal que dans le code de déontologie des médecins ; dès lors, il a souhaité connaître la différence entre la notion de partage d'informations et le secret professionnel, estimant indispensable le partage des informations, notamment avec les élus, qui sont souvent les premiers à signaler des situations difficiles.
a insisté sur le fait que le partage du secret professionnel, qui est d'application constante dans le domaine médical, ne signifie pas pour autant la levée du secret.
a fait valoir que les associations de sauvegarde de l'enfance ont demandé que le projet de loi inclue l'obligation du retour d'informations. Il a à nouveau souligné que l'avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance prévoit une grave dérive en matière de levée du secret professionnel qui lui paraît incompatible avec ce qui est prévu dans le projet de loi pour la protection de l'enfance.
a indiqué que la loi prévoit déjà l'obligation du retour d'informations.
a précisé qu'en Dordogne ce retour d'informations est systématiquement mis en oeuvre.
a fait valoir que son association intervient surtout dans le cadre du placement d'enfants en difficulté ; toutefois, il a considéré que la loi devrait permettre des avancées en matière de secret professionnel puisqu'on constate de vrais réflexes corporatistes.
a rappelé que des retours d'informations étaient déjà prévus dans la loi de 1989. En matière de secret professionnel, une formation et un accompagnement des différents acteurs concernés sont nécessaires : seules certaines informations peuvent être communiquées aux maires. Elle a reconnu que, dans le passé, on a peut-être parfois trop insisté sur les problèmes psychologiques, alors que des réalités concrètes méritent d'être réglées et que, dans ce cadre, les conseillères en économie sociale et familiale ont un véritable rôle à jouer. A cet égard, elle a regretté la diminution des crédits d'aide sociale de la CNAF.
a souhaité connaître l'avis des intervenants sur le document de synthèse qui devra désormais être établi par les services de l'aide sociale à l'enfance avec les parents. Il a également demandé leur sentiment sur la diversification des réponses mises à la disposition des départements et des juges pour répondre aux besoins des enfants.
a indiqué que la plupart des départements ont déjà des documents écrits signés avec les parents, mais l'officialisation de cette procédure est une très bonne chose. En revanche, il n'est pas souhaitable de soumettre les professionnels à une trop grande multitude de documents. En matière de diversification des réponses, les départements sont favorables aux procédures proposées, qui reprennent des pratiques déjà existantes. Toutefois, pour certains équipements de proximité, les coûts financiers sont importants et la formation des personnels encore insuffisante. Elle a détaillé quelques points d'inquiétude sur le projet de loi : la difficulté à mettre en oeuvre des unités distinctes pour enfants, la création d'accueils spécialisés avec des équipes sociales et non médicales et le problème de la différence de coût entre l'action en milieu ouvert et l'accueil de jour.
s'est déclaré favorable à l'alternative entre action en milieu ouvert et placement. Toutefois, il y a des situations d'une telle gravité qu'elles nécessitent un placement et, dans ce cas, la sacralisation du lien entre parents et enfants doit être remise en cause. Il a évoqué la notion de « projet de vie de l'enfant » qui figure dans le rapport Pécresse, estimant qu'il permet l'application du principe important de stabilité de l'accueil de l'enfant et des intervenants. En outre, il a insisté sur le maintien des liens fraternels dans l'accueil des fratries.
a considéré que l'établissement d'un document de synthèse est une bonne idée, de même que la diversification des réponses apportées aux problèmes rencontrés par les enfants. Il a néanmoins souligné deux difficultés : la tarification au titre de l'action en milieu ouvert et le problème de l'autonomie du juge devant lequel il convient de revenir à chaque fois que le mode d'intervention est modifié.
a souhaité connaître les principales difficultés actuelles en matière de coordination des interventions des départements et de la justice dans le domaine de la protection de l'enfance.
a estimé indispensable d'éviter l'opposition entre l'action en milieu ouvert et le placement, de même que l'application d'une théorie sur l'attachement entre parents et enfants. Il a jugé utile de réfléchir à une suite dans les catégories juridiques disponibles, aussi bien à titre ponctuel que pour des interventions de longue durée. La diversification suppose des lignes budgétaires départementales pour financer des actions innovantes, soit au titre de l'accueil de jour, soit au titre de l'action en milieu ouvert, voire très ouvert.
a estimé que la bonne volonté des acteurs est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des relations entre les départements et les juges. Il importe que les acteurs respectent les protocoles. A cet égard, les schémas conjoints sont un cadre utile, évitant de dépendre de problèmes de personnes.
a regretté l'absence de spécialisation dans la gestion du corps judiciaire. Il est convenu de l'utilité des schémas départementaux conjoints pour élaborer une politique juridictionnelle en matière de protection de l'enfance.