La commission a procédé à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Défense »).
Saluant l'action conduite par Mme la ministre de la défense pour préserver l'effort national de défense, M. Serge Vinçon, président, s'est félicité que le projet de budget pour 2007 de la mission défense s'inscrive pleinement, une nouvelle fois, dans le strict respect de la loi de programmation militaire. Il a estimé que l'influence de la France dans le monde était aussi étroitement liée au maintien de son effort de défense, dont les Français comprenaient parfaitement la portée.
Soulignant que les moyens budgétaires devaient être appréciés au regard des actions qu'ils servent à mener, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a tout d'abord souhaité évoquer les opérations extérieures, qui traduisent l'engagement déterminant des armées dans la politique internationale de la France.
Elle a précisé que les armées et la gendarmerie étaient engagées dans 26 opérations extérieures, mobilisant actuellement 14 500 hommes, près de 50 000 militaires français étant ainsi déployés chaque année du fait des rotations tous les quatre mois. Ces opérations sont diverses, tant par le cadre dans lequel elles interviennent (accord bilatéral, Union européenne, OTAN, mandat des Nations unies) que par les situations militaires sur le terrain. Elles témoignent que la défense est un outil essentiel de notre diplomatie, ainsi que la crise libanaise l'a confirmé.
a estimé que le budget de la défense devait fournir les moyens de poursuivre ces actions, qui traduisent notre capacité à influer sur notre environnement et découlent de notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Elle a, de ce point de vue, jugé capitale l'avancée réalisée avec l'inscription d'une ligne budgétaire relative aux opérations extérieures. Elle a indiqué qu'en 2007, cette provision s'élèverait à 375 millions d'euros, soit plus du double qu'en 2006. Elle inclura 15 millions d'euros pour les opérations extérieures de la gendarmerie et représentera environ les deux tiers d'un coût moyen annuel des opérations extérieures.
La ministre de la défense a ajouté qu'en 2006, le coût des opérations extérieures s'élèverait à 630 millions d'euros, dont 46 millions au titre du Liban, avec l'opération Baliste et le renforcement des moyens de la FINUL. L'intégralité des dépenses sera assurée par un décret d'avance prévu pour les prochains jours. Les crédits d'équipement ne seront pas ponctionnés pour financer les opérations, comme cela se faisait avant 2002. Tout est fait pour que les matériels utilisés en opérations extérieures soient disponibles à près de 95 %. Enfin, de nouveaux modes d'action ont été introduits dans ces opérations, notamment la possibilité, grâce à la récente loi sur les réserves, d'utiliser des réservistes dans les entreprises qui soutiennent les forces, et l'externalisation du soutien, qui sera expérimentée en 2007 pour nos camps militaires au Kosovo et au Tchad.
a ensuite présenté les crédits de son ministère pour 2007.
Conformément aux engagements pris, la loi de programmation militaire 2003-2008 sera respectée pour la cinquième année consécutive, fait sans précédent depuis plus d'un quart de siècle. Au total, 75 milliards d'euros de crédits d'équipement auront été ouverts sur cinq ans. Cette enveloppe ne supporte plus, comme par le passé, des charges qui ne relèvent pas directement de la défense. Conformes à la loi de programmation, les crédits disponibles seront en outre consommés et les reports de crédits, qui s'élevaient à 2 milliards d'euros en début d'année 2006, devraient être ramenés à 1,2 milliard en fin d'année, pour être totalement résorbés en 2007. Pour résorber ces reports, le ministère sera autorisé à dépenser 650 millions d'euros de plus que ne lui permettent la loi de finances initiale et le bénéfice des fonds de concours. Par ailleurs, 180 millions d'euros de reports de la précédente loi de programmation militaire 1997-2002 pourront être utilisés pour financer les OPEX. Enfin, pour permettre les reports de crédits de 2006 sur 2007, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit une dérogation exceptionnelle au principe de plafonnement des reports à 3 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale.
La ministre a ajouté que la loi de programmation militaire 2003-2008 serait donc intégralement exécutée, alors que 13 milliards d'euros avaient manqué pour l'exécution effective de la précédente, soit l'équivalent d'une année de programmation. Elle a estimé que le prolongement de cet effort dans la durée était indispensable pour que la France puisse favoriser la construction de l'Europe de la défense, en montrant à nos partenaires la traduction concrète, en termes financiers, de nos objectifs politiques.
a ensuite rappelé que les crédits de son ministère étaient désormais répartis entre quatre missions : « Défense », « Sécurité », « Recherche et enseignement supérieur » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». Pour 2007, ils s'élèveront à 48 milliards d'euros, soit 2 % de plus qu'en 2006.
Sanctuarisé afin de respecter la loi de programmation, le budget d'équipement s'élèvera à 16 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 15,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), auxquels s'ajouteront les 3,6 milliards d'euros de reports de 2006 sur 2007. Les commandes, conformes aux prévisions, comporteront notamment le début de la réalisation du second porte-avions (PA2), 117 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), 12 hélicoptères de transport NH 90, 50 missiles de croisière navals SCALP, 5.000 systèmes de combat d'infanterie FELIN et 78 véhicules blindés pour la gendarmerie. Par ailleurs, le contrat de commande des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda sera signé avant la fin de l'année 2006. Au titre de la préparation de l'avenir, les commandes d'études amont s'élèveront à 700 millions d'euros en 2007. Avec les dotations consacrées au développement des programmes, le ministère de la défense dépensera ainsi 3,5 milliards d'euros pour la recherche et le développement.
Le maintien en condition opérationnelle des matériels restera une priorité, les crédits progressant de 10 % pour atteindre un total de 3,4 milliards d'euros. L'effort engagé pour optimiser les crédits destinés aux matériels aéronautiques et navals devra être étendu aux matériels terrestres, dont le maintien en condition a besoin d'être conforté et fait actuellement l'objet d'un audit.
Un « coup d'accélérateur » sera donné pour l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002. Pour les dépenses d'investissement, 220 millions d'euros sont ouverts, soit 10 % de plus qu'en 2006. Au total, depuis 2003, 700 millions auront été ouverts à ce titre. En outre, 400 millions d'euros supplémentaires financeront les opérations d'infrastructure menées selon des dispositifs innovants. La réalisation du nouveau siège de la direction générale de la gendarmerie nationale, actuellement éclatée sur 11 sites, fait partie des opérations concernées.
Au titre des effectifs, l'effort effectué au profit du service de santé des armées et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sera poursuivi, alors que 950 emplois de gendarmes seront créés, ce qui portera à 6.050 les créations d'emplois depuis 2003 dans la gendarmerie. La réserve sera renforcée, avec l'ouverture de 19 millions d'euros supplémentaires permettant de porter le nombre d'engagements à 62 000 l'an prochain.
Le plan d'amélioration de la condition militaire sera doté de 66 millions d'euros et les mesures en faveur du personnel civil représenteront 15 millions d'euros, l'effort engagé chaque année depuis 2002 représentant à lui seul autant que ce qui avait été réalisé sur cinq ans de 1997 à 2002.
En conclusion, Mme Michèle Alliot-Marie a insisté sur la nécessité de prolonger ces efforts dans l'avenir. Rappelant le rôle stabilisateur de la France dans les situations de crise, les impératifs de protection de nos concitoyens et de nos intérêts et la nécessité de pouvoir peser dans le monde grâce à une politique étrangère autonome, elle a estimé qu'il serait irresponsable de diminuer les crédits de la défense.
Dans un environnement caractérisé par la montée des risques, elle a de nouveau souligné la nécessité que représentait une Europe de la défense, dont la construction dépend pour une large part du rôle moteur que la France pourra continuer à jouer. Elle a ainsi appelé à prolonger le redressement de l'effort de défense engagé par la loi de programmation militaire 2003-2008 et a observé que, d'après les enquêtes d'opinion, les Français reconnaissaient très largement la légitimité de cet effort, un quart d'entre eux souhaitant même son augmentation.
Elle s'est félicitée que le projet de budget pour 2007 aille dans cette direction.
s'est interrogé sur la capacité pour la France de projeter, si nécessaire, de nouvelles troupes sur des théâtres extérieurs, compte tenu de ses engagements actuels. Ainsi, la France n'envisage pas de renforcer ses forces présentes en Afghanistan malgré les demandes exprimées par l'OTAN. Il s'est interrogé sur l'impact de ces nombreuses opérations extérieures sur la fidélisation des militaires du rang. Puis il a évoqué les problèmes soulevés par la sauvegarde maritime des îles Canaries, soumises à un fort afflux d'immigrés africains, et a souhaité connaître la position de l'Espagne sur appui français dans ce domaine. Il a enfin souligné la nécessité de reconstituer les différents stocks de carburants des armées, qui ont été, récemment, particulièrement sollicités.
a exprimé son scepticisme sur la réalité de l'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008. Il a ainsi estimé que la conjonction des reports de crédits, des intérêts moratoires, et de la sous-évaluation du coût de la professionnalisation, avait conduit à une « revue de programmes » implicite, effectuée au cours de l'été 2006. Il a ainsi relevé que seuls 12 hélicoptères NH 90 seront livrés durant l'actuelle loi de programmation, au lieu des 30 prévus, et a évalué à 10 milliards d'euros le décalage entre le coût programmé et le coût réel des équipements. Il a fait valoir que le modèle d'armée 2015 était périmé, et qu'un nouveau Livre Blanc devait être élaboré, intégrant une forte dimension européenne. Il a conclu en déplorant que l'ensemble de ces carences influencerait les décisions que le prochain président de la République devrait prendre.
s'est interrogé sur la nature des initiatives prises pour renforcer la réflexion interarmées, au sein des forces françaises, ainsi que l'interopérabilité avec les normes OTAN. Il a souligné l'impérative nécessité d'approfondir l'Europe de la défense, qui doit être soutenue par une volonté politique constante. Il s'est interrogé sur le calendrier de livraison de l'avion de transport militaire A 400 M, qui semble être affecté par les difficultés rencontrées par Airbus. Il a enfin sollicité des éléments d'information sur le projet « Défense Deuxième Chance », ainsi que sur les effets de la récente réforme de la réserve militaire.
a souhaité connaître les effectifs de gendarmes présents en opérations extérieures, les missions qui leur sont confiées à cette occasion, ainsi que les crédits destinés à financer ces opérations.
s'est interrogé sur l'évolution de l'entreprise GIAT Industries, désormais dénommée NEXTER.
En réponse aux questions des sénateurs, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les éléments d'information suivants :
- un audit a été lancé sur le programme A400M. L'avance dont bénéficiait ce programme est certes aujourd'hui perdue, mais cela ne met pas en cause la réalisation du programme aux dates prévues. Il est important que cet appareil soit livré en temps et heure aux forces armées, même si elles peuvent encore faire face à leurs besoins de transport stratégique, notamment par le recours aux affrètements d'appareils étrangers ;
- l'effectif actuel de militaires français présents à Kaboul dans le cadre de la FIAS découle d'une négociation menée avec l'OTAN et n'a pas vocation à être accru. La mission des troupes occidentales présentes en Afghanistan se heurte aujourd'hui à des difficultés croissantes, car les talibans y reprennent de l'influence, même dans les zones nord et ouest, jusqu'à présent préservées des troubles ;
- actuellement, l'armée française est engagée dans 26 opérations extérieures, dont certaines sont significatives - Kosovo, Côte d'Ivoire et, plus récemment, Liban. Même si un engagement supplémentaire était possible dans une opération de faible ampleur, les limites en seraient bientôt atteintes, comme d'ailleurs pour les forces britanniques et américaines. A cet égard, il s'agit moins de concurrence entre l'OTAN et l'UE pour gérer les crises que de leur capacité à les affronter conjointement, ce qui justifie que l'effort de défense soit maintenu et partagé par d'autres partenaires ;
- la participation à des opérations extérieures est une motivation forte pour les engagés et contribue à leur fidélisation ;
- l'Espagne n'a pas contesté la disponibilité de la France à s'engager conjointement dans la surveillance maritime de l'immigration clandestine ; l'Espagne a seulement souhaité que ce ne soit pas des navires militaires qui interviennent dans ce cadre au large de leurs côtes. Lors d'une réunion des ministres de la défense des 25 membres de l'UE, la proposition française de développer des capacités conjointes de surveillance maritime contre l'immigration illégale a reçu l'aval des autres pays membres ;
- le rapport d'information, récemment remis au Parlement, sur l'exécution de la loi de programmation militaire sur la période 2003-2006 démontre un strict respect de cette programmation. Cette bonne exécution a été facilitée par le travail accompli par la délégation générale à l'armement pour réduire sensiblement le coût des programmes ;
- les critiques de la Cour des comptes sur les reports de crédits portaient sur les exercices 2002-2003. Des correctifs ont été depuis mis en oeuvre, tenant compte des observations émises par la Cour ;
- les aménagements de programmes sont normaux et périodiques : il s'agit d'adapter les équipements aux opérations qui sont menées et aux enseignements qu'elles permettent de tirer afin que les militaires disposent du bon équipement au bon moment. A cet égard, la sophistication croissante des matériels n'est pas nécessairement une bonne réponse aux besoins des armées ;
- le choix de découper la commande de 34 hélicoptères en une tranche ferme de 12 et une tranche conditionnelle de 22 ne change rien au calendrier de livraison du total d'hélicoptères NH90 tel que prévu en programmation ; les livraisons de la version marine ont été différées du fait de difficultés des industriels, entre Eurocopter et Agusta Westland ;
- l'approche interarmées est une des priorités actuelles du ministère de la défense, comme en témoigne le décret de 2006, qui a accru les pouvoirs de coordination du Chef d'état-major des armées. La stratégie ministérielle de réforme a également mis l'accent sur la nécessaire recherche de synergies, déjà obtenues par la création d'un service commun pour les archives militaires, par l'harmonisation des systèmes de communication, et par la mutualisation de la flotte d'hélicoptères basée à Villacoublay, destinée tant à la gendarmerie qu'au GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) ;
- l'Europe de la défense est probablement le domaine dans lequel l'Europe a le plus progressé ces dernières années. Son renforcement reste cependant très dépendant de l'effort financier consenti en matière de défense par les grands pays européens ; or, certains d'entre eux n'y affectent que moins d'1 % de leur PIB, montant qui ne permet pas d'effort d'équipement significatif ;
- le projet « Défense deuxième chance » a été créé à l'été 2005, dans la perspective d'offrir à 20 000 jeunes gens détectés lors de la JAPD (journée d'appel et de préparation à la défense) la possibilité d'une remise à niveau comportementale et scolaire. Dix centres auront ouvert leurs portes fin octobre 2006 et dix autres devraient l'être d'ici à la fin de l'année. Cette progression se heurte principalement à la difficulté de disposer de sites adaptés à la formation, à l'hébergement et à la pratique sportive des bénéficiaires, et qui soient également proches de bassins professionnels susceptibles de les employer. Les résultats déjà obtenus sont très encourageants : sur le tiers de volontaires qui étaient arrivés illettrés dans un centre, 95 % ont réussi au certificat de formation générale ;
- la réunion du Conseil supérieur de la réserve militaire a souligné l'effet positif de la loi réformant la réserve récemment votée par le Parlement. La demande et la motivation de ceux qui intègrent la réserve opérationnelle sont réelles. Par ailleurs, deux entreprises recourant à des réservistes viennent de se rendre au Liban dans le cadre des possibilités ouvertes par cette loi ;
- les 15 millions d'euros affectés à la participation de la gendarmerie à des opérations extérieures couvriront environ les 2/3 du coût total estimé. Durant le premier semestre 2006, 520 gendarmes ont été engagés sur des théâtres extérieurs pour des missions de prévôté, de formation au bénéfice de forces étrangères analogues et de maintien de l'ordre. Leurs principaux théâtres d'action sont le Kosovo, la Côte d'Ivoire et la Bosnie ;
- le processus de restructuration de GIAT-Industries, devenu NEXTER, est en cours d'achèvement. La poursuite de grands programmes, comme le VBCI (Véhicule blindé de combat d'infanterie), l'équipement Félin ou encore le canon d'artillerie Caesar permet la fidélisation d'un personnel compétent autour d'un coeur industriel solide. Le personnel maintenu au sein de l'entreprise dispose de vraies perspectives d'avenir, et les employés reclassés dans d'autres structures sont suivis dans leurs nouvelles fonctions. Les commandes à l'exportation repartent, permettant l'obtention de résultats financiers satisfaisants. La prochaine étape reste l'édification de partenariats stratégiques au niveau européen.
a attiré l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation de personnels non encore reclassés sur le site de Tarbes et d'autres qui, reclassés dans une entreprise dans le cadre de la restructuration, allaient voir l'entreprise fermée cette semaine, mettant en cause 170 emplois.
a indiqué qu'elle suivait de très près la situation des personnes concernées par cette fermeture d'entreprise ainsi que le sort des aides publiques dont elle aurait pu bénéficier dans le cadre de la restructuration de GIAT.