Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. René Carron et Jacques Lenormand, respectivement président et directeur général délégué de Crédit agricole SA.
a rappelé que la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie a instauré une société de prise de participation de l'Etat (SPPE) et une société de financement de l'économie française (SFEF), susceptibles de bénéficier de la garantie de l'Etat pour un montant de, respectivement, 40 milliards d'euros et 320 milliards d'euros. Le Crédit agricole a su faire face à son besoin de recapitalisation, et a, semble-t-il, surmonté les difficultés connues aux Etats-Unis par sa filiale Calyon. Quelle analyse le Crédit agricole fait-il de la crise actuelle ? Pourquoi a-t-il contribué à la première tranche de titres super-subordonnés souscrits par la SPPE, et ne prévoit-il pas de contribuer à la deuxième ? Prévoit-il de sortir rapidement du dispositif ? Le plan de financement de l'activité française améliore-t-il effectivement le financement de l'économie ? Le problème concerne-t-il actuellement surtout l'offre ou plutôt la demande de crédit ?
En réponse, M. René Carron, président de Crédit agricole SA, a estimé que la crise est très profonde, et provient de l'insuffisance de la régulation, en particulier aux Etats-Unis. Le groupe Crédit agricole a été transparent sur la manière dont il a été touché par la crise et, en juin 2008, a augmenté son capital de 5,9 milliards d'euros. En effet, s'il n'avait pas besoin de réaliser une telle augmentation, il a considéré que celle-ci deviendrait plus difficile par la suite. A l'automne 2008 a été engagée une vaste réorganisation. Le groupe dispose aujourd'hui de 64 milliards d'euros de capitaux propres, et son ratio Tier-1 s'établit à 8,5 %. Il est présent dans 70 pays, et, avec le Crédit Lyonnais, représente 29 % de la banque de détail en France. Le plan de financement de l'économie française a permis d'améliorer la fluidité du marché interbancaire et d'accroître la capitalisation des banques. En ce qui concerne les garanties que l'Etat peut accorder à la SFEF, alors que le plafond est de 320 milliards d'euros, seulement 16 milliards d'euros de garanties ont été attribués pour des prêts aux banques.
a demandé à M. René Carron si, selon lui, ce montant de 16 milliards d'euros sera dépassé.
a considéré que l'enveloppe ne sera pas totalement utilisée. Cependant, il n'est pas en mesure d'affirmer si le montant total des garanties accordées par l'Etat sera de l'ordre de 25, 30 ou 40 milliards d'euros. Le Crédit agricole a contribué à titre de précaution à l'émission des 10,5 milliards d'euros de la première tranche de titres super-subordonnés souscrits par la SPPE, mais n'a pas besoin de contribuer aux émissions de la deuxième tranche, sa capitalisation étant forte, en particulier grâce aux caisses régionales.
a demandé quelle a été la part des caisses régionales dans l'augmentation de capital réalisée en juin 2008.
a indiqué qu'elle a été de 57 %. Le groupe Crédit agricole et les caisses régionales distribuent, respectivement, 17 % et 14% de leurs résultats. En 2008, l'encours de crédits du groupe Crédit agricole a augmenté d'environ 7 %, ce qui ne doit pas masquer une baisse à la fin de 2008 et au début de 2009. Au 15 janvier 2009, les dossiers de clients du Crédit agricole adressés au médiateur du crédit étaient au nombre de 843, sur un total d'1 million de dossiers par an pour les PME et les TPE.
s'est interrogé sur le montant des pertes américaines de la banque de financement et d'investissement Calyon.
a estimé ces pertes à 6 milliards d'euros.
a souhaité savoir si les fluctuations des valeurs boursières du secteur bancaire résultent désormais essentiellement de la manière dont les marchés perçoivent le soutien que lui accordent les pouvoirs publics. Par ailleurs, le Crédit agricole, qui ne distribue que 17 % de ses bénéfices, doit-il se rapprocher de la « règle des trois tiers » évoquée par le Président de la République et M. Serge Dassault, selon laquelle les bénéfices des entreprises doivent se diviser à parts égales entre les salariés, les actionnaires et les investissements ? Quelle est la stratégie du Crédit agricole face aux débiteurs en difficulté ?
En réponse à cette dernière question, M. Jacques Lenormand, directeur général délégué de Crédit agricole SA, a indiqué que l'on n'observe pas, à ce stade, d'augmentation significative des créances sensibles, douteuses ou litigieuses.
a estimé que, du fait des problèmes financiers multiples apparus aux Etats-Unis, la Bourse est devenue « folle », ce qui perdurera selon lui tant que les autorités américaines n'auront pas clarifié la manière dont elles entendent se débarrasser des créances douteuses. Du fait de son statut mutualiste, le Crédit agricole n'a pas vocation à suivre la « règle des trois tiers ». Les caisses régionales sont souvent le « premier acteur de la cité » après les collectivités territoriales, comme le montre leur implication dans le sport, le théâtre ou la musique.
a indiqué qu'il s'agit essentiellement d'actions de mécénat. Le Crédit agricole est ainsi le deuxième mécène du Louvre, et le premier du musée Guimet.
a considéré que le Crédit agricole a été protégé des excès de l' « hyper-financiarisation » par son statut mutualiste et que ses difficultés se résument à celles rencontrées par Calyon aux Etats-Unis.
a considéré que les pertes américaines du Crédit agricole proviennent non d'erreurs qui auraient été commises, mais des insuffisances de la régulation, qui l'ont empêché de disposer d'informations fiables. Personne ne prévoyait, il y a un an, que Lehman Brothers ferait faillite. Par ailleurs, dès lors que l'on décide de faire de la banque d'investissement, il est inévitable de payer les traders conformément aux usages de la profession.
a estimé que les pertes américaines du Crédit agricole s'expliquent aussi par un manque de vigilance de sa part.
s'est interrogé sur la signification de certaines notations « triple A ».
a souhaité connaître l'analyse de M. René Carron sur la crise actuelle.
En réponse, M. René Carron a considéré que la crise financière trouve son origine dans le fait que les Etats-Unis ont recouru à la titrisation pour contourner les règles prudentielles. Il s'agit donc non de refonder le capitalisme, mais seulement de préciser les règles et de veiller à ce qu'elles soient effectivement appliquées. Par ailleurs, l'importance croissante d'un « savoir parcellisé », notamment avec le développement des mathématiques financières, a fait perdre de vue les questions fondamentales : à quoi sert une banque ? Est-il possible d'avoir durablement un retour sur investissement de 20 % alors que le produit intérieur brut augmente de 2 % ? Quelle est l'utilité pour les Etats de faire des efforts importants de réglementation, si la principale économie mondiale, les Etats-Unis, n'en fait pas ? Ne faut-il pas davantage « récompenser » les clients et les actionnaires fidèles ?
a souhaité savoir si le rapprochement des activités de gestion d'actifs de la Caisse d'épargne et de la Société générale est une conséquence de la crise. Par ailleurs, comment prévoit-on de mettre en oeuvre les préconisations faites par M. Georges Pauget, président de la Fédération des banques françaises, dans son rapport sur la rémunération des opérateurs de marché, remis le 11 février 2009 à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ? Le Crédit agricole respectera-t-il son engagement d'accroître son encours de crédit ?
En réponse, M. René Carron a indiqué que si le rapprochement en cours des activités de gestion d'actifs de la Caisse d'épargne et de la Société générale ne résulte pas de la crise, celle-ci l'a accéléré. Ce rapprochement concernerait non seulement les clients des réseaux du Crédit agricole et de la Société Générale, mais aussi ceux de LCL (ex-Crédit Lyonnais) et du Crédit du Nord. Dans les prochains mois, les rapprochements entre banques seront plus fréquents que les prises de contrôle de banques entre elles, du fait des incertitudes qui subsistent en matière de bilans. En ce qui concerne les engagements pris au sujet de l'augmentation de l'encours de crédits, le Crédit agricole fera tout pour les satisfaire, même s'il ne s'agit pas de commettre les mêmes erreurs qu'aux Etats-Unis, en prêtant à des clients non solvables.
a indiqué que le Crédit Agricole prévoit de réduire globalement les bonus d'un montant compris entre 30 et 50 %. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé qu'il n'est pas envisagé de supprimer totalement les bonus. Ceux-ci rémunèrent non seulement les traders, mais aussi, en particulier, les courtiers, qui ne spéculent pas. Le Crédit agricole prévoit de continuer de distribuer des bonus, mais aussi de les « lisser » sur une période de trois ans, la troisième année voyant le versement d'un solde déterminé en fonction de la pérennité des performances observées.
a estimé que le Crédit agricole a été relativement protégé, par son statut mutualiste, des excès constatés dans le secteur financier en matière de rémunération. Depuis 2006 le Crédit agricole n'a pas eu de plan de stock-options. M. René Carron n'a jamais bénéficié de bonus, de stock-options ou d'intéressement aux bénéfices.
s'est interrogé sur la réalité de cette protection dans le cas de la banque Calyon.
En réponse, M. René Carron a une nouvelle fois déclaré que dès lors que l'on a décidé de faire de la banque d'investissement, il est nécessaire de rémunérer les traders conformément aux usages de la profession.
a demandé à M. René Carron s'il est, comme lui, favorable à la mise en place d'un « fichier positif » recensant l'ensemble des encours des crédits aux particuliers.
lui a indiqué que, jusqu'à présent, le monde associatif ne souhaite pas la mise en place d'un tel « fichier positif », et que, selon ses informations, les expériences étrangères ne sont pas concluantes.
s'est interrogé sur le paradoxe selon lequel les Français ont réduit leurs dépenses dans l'immobilier et l'automobile, alors que celles-ci sont restées soutenues pour les achats de Noël ou les sports d'hiver.
En réponse, M. René Carron a indiqué ne pas voir de contradiction entre ces différents phénomènes, le dynamisme de certains types de dépenses devant cependant rapidement s'essouffler. Le retournement observé dans l'immobilier est consécutif à la forte augmentation des prix suscitée par la croissance de l'endettement : désormais, les ménages attendent que les prix et les taux d'intérêt diminuent. Dans le cas de l'automobile, le problème est plus structurel, les personnes de moins de 35 ans considérant moins qu'auparavant la voiture comme un moyen de reconnaissance sociale.
s'est demandé s'il faut davantage rémunérer les agents du « back office », afin de revaloriser leurs fonctions et d'améliorer le contrôle du « front office ». Par ailleurs, risque-t-on une deuxième crise financière, se diffusant à partir du crédit à la consommation aux Etats-Unis, et dans ce cas, les banques françaises sont-elles exposées ?
En réponse à la seconde question, M. René Carron a considéré qu'il s'agit effectivement d'un risque. Les banques françaises seraient peu concernées de manière directe. Cependant, l'impact serait important sur l'activité économique des Etats-Unis, et donc sur celle de la zone euro. Si le Crédit agricole n'avait pas été directement touché par la crise des subprimes, le cours de ses actions serait de 13 euros au lieu de 8,5 euros, ce qui représente un écart modeste, si l'on prend en compte le fait qu'avant la crise, ce cours était de l'ordre de 30 euros.
a estimé que les limites du contrôle du « front office » proviennent non d'une rémunération trop faible des agents du « back office », mais de la séparation insuffisante entre « back office » et « front office ».
a estimé que les banques qui ont réalisé des acquisitions par emprunt, ou LBO (« leveraged buy-out »), doivent désormais accepter d'alléger les contraintes financières imposées aux entreprises concernées. Il s'est interrogé sur ce qu'il est possible de faire contre les « Etats non coopératifs » en matière bancaire.
a indiqué que le Crédit agricole veille d'ores et déjà à ne pas imposer de contraintes financières excessives aux entreprises concernées par un LBO. M. Jacques Lenormand, directeur général délégué de Crédit agricole SA, a précisé que les clients du Crédit Agricole en Suisse et au Luxembourg sont majoritairement étrangers, et proviennent en particulier de l'Asie, du Golfe persique et des Etats-Unis.
En conclusion, M. René Carron a indiqué que la communauté financière française a très mal vécu les critiques faites aux banques. Le système bancaire français est l'un de ceux qui ont le mieux résisté. Il faut que chacun contribue à préserver la confiance.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Camdessus, président de la Société de financement de l'économie française (SFEF) et de M. Jean-Yves Colin, secrétaire général.
a rappelé le rôle de la SFEF et la portée de la garantie de l'Etat dont elle bénéficie pour ses émissions sur les marchés. Cette société contribue au refinancement des banques en leur pourvoyant des liquidités sur le moyen terme, et s'apparente en cela à un « second cercle de la Banque centrale ». Il a également souhaité connaître l'analyse que M. Michel Camdessus, en tant qu'ancien directeur général du Fonds monétaire international, peut livrer sur la crise financière, en particulier sur son caractère structurel et le rôle éventuellement joué par la faillite de la banque Lehman Brothers.
a présenté la SFEF comme une sorte de « pompe aspirante et refoulante », dotée d'une petite équipe de sept personnes et chargée d'intervenir en substitution du marché défaillant pour soutenir le crédit interbancaire. La SFEF emprunte avec la garantie de l'Etat auprès d'une gamme diversifiée d'investisseurs, puis octroie des prêts non bonifiés aux établissements de crédit pour qu'ils puissent à leur tour prêter aux agents économiques. Le plafond théorique de la garantie de l'Etat, d'un montant de 265 milliards d'euros, ne sera sans doute pas atteint, la SFEF ayant vocation à ne plus exister après le 31 décembre 2009.
Compte tenu de l'émission en cours, libellée en dollars, le montant total des huit émissions de la SFEF devrait atteindre 33,2 milliards d'euros. Les prêts aux banques sont assortis de plusieurs conditions, tenant au respect des ratios réglementaires de solvabilité et d'une convention conclue par chaque établissement avec l'Etat. Cette convention prévoit un objectif, qu'il a qualifié d'ambitieux, d'augmentation de 3 % à 4 % en 2009 (par rapport à 2008) de l'encours de crédit aux agents économiques, et une clause d'ordre éthique portant sur la normalisation des rémunérations octroyées aux dirigeants et aux professionnels des marchés.
En réponse à une observation de M. Jean Arthuis, président, qui considère que cet objectif d'accroissement des crédits apparaît « mystérieux » au regard du constat récemment formulé par les banques, portant sur une contraction de la demande de crédit, il a affirmé que la progression de l'offre de crédit est pour l'instant conforme à la convention.
Il a ajouté que les émissions obligataires et les modalités de fonctionnement de la SFEF sont bien accueillies par l'ensemble des investisseurs internationaux sollicités, notamment américains, japonais et coréens. Ces investisseurs attribuent à la SFEF certains avantages par rapport aux émetteurs étrangers analogues, en particulier une garantie indirecte et globale plutôt que directe et individuelle aux banques, ce qui assure un marché secondaire plus profond.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que l'écart de taux par rapport aux émissions de France Trésor est de seulement 10 points de base, mais que l'émetteur de référence est plutôt la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) allemande, avec laquelle la SFEF est en compétition.
a ajouté que la SFEF et la KfW sont perçus comme les deux meilleurs émetteurs en Europe après les Etats allemand et français, et que la SFEF n'a pas été soumise à un « parcours initiatique », en dépit de l'historique de la KfW sur les marchés. En réponse à une question de M. Jean-Jacques Jégou, il a également indiqué que les conditions d'émission de la SFEF sont légèrement meilleures que celles de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
Revenant sur les engagements « éthiques » des banques, M. Michel Camdessus a précisé les nouvelles conditions afférentes aux rémunérations : elles doivent refléter la performance réelle des dirigeants, les indemnités de départ sont plafonnées à deux années de rémunération fixe, la distribution de stock-options et d'actions gratuites sans condition de performance est prohibée, et un nouveau régime de rétribution des « traders » a été mis en place. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a ajouté que les rachats d'actions par les banques sont également interdits, mais que ce point relève de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE).
Il a ensuite exposé la répartition des prêts accordés par la SFEF aux 13 banques bénéficiaires (qui représentent environ 85 % du marché français des crédits), en fonction de la taille de leur bilan et de leur part de marché. Les deux filiales de crédit des constructeurs automobiles français, RCI Banque et Banque PSA Finance, ont également bénéficié des concours de la SFEF, pour un milliard d'euros chacune. Les prêts ainsi accordés se sont révélés plus attractifs, à hauteur de 50 à 90 points de base, que les financements de maturité équivalente qui auraient été obtenus sur le marché.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que la Commission européenne a accepté une diminution de la rémunération de la garantie de l'Etat, à 20 points de base au lieu des 50 points de base qu'elle demandait initialement. A cette rémunération s'ajoute, dans le taux des prêts octroyés par la SFEF, un « spread » correspondant à la qualité de signature de chaque banque, dont M. Jean-Yves Colin a estimé l'amplitude à 50 à 90 points de base.
Répondant à Mme Nicole Bricq, M. Michel Camdessus a ensuite indiqué que le taux de l'émission en dollars de la SFEF en cours est de 2 %. M. Jean-Yves Colin a ajouté que le taux a varié entre 2 et 3 % selon les opérations, et que les prêts de la SFEF sont accordés aux banques dans les mêmes conditions de maturité et de devise que l'émission correspondante, ce qui permet à la SFEF d'écarter tout risque de discordance entre actif et passif.
Les modalités de la décote sur le taux des prêts, pratiquée selon la qualité des collatéraux remis en garantie par chaque banque, sont fixées par un arrêté ministériel du 20 octobre 2008, et pour les collatéraux en euros relatifs à une opération en dollars, par un arrêté de janvier 2009. Au final, le taux des concours de la SFEF avoisine en moyenne 4 %, aucun profit n'étant enregistré par la SFEF puisqu'elle n'agit que comme un « sas ».
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq sur les intérêts reversés à l'Etat, M. Michel Camdessus a estimé qu'en se fondant sur un montant global de 80 milliards d'euros de prêts en 2009, une maturité moyenne de deux ans et demi et un coût moyen de 57 points de base pour les banques (hors rémunération de la garantie), l'Etat percevrait environ 1,2 milliard d'euros dès 2009. M. Jean-Yves Colin a ajouté que 441 millions d'euros de commissions ont d'ores et déjà été perçues par l'Etat depuis fin 2008, au moment du règlement de chaque opération.
a considéré que ces sommes ne devraient pas apparaître en recettes dans la comptabilité budgétaire de l'Etat. Une telle procédure de « pré-paiement » témoigne d'un « excès de créativité » et la perception des intérêts devraient être étalée sur la durée correspondant à la maturité des prêts. M. Michel Camdessus a souscrit à cette proposition, tout en rappelant que la SFEF n'a pas à intervenir dans ces considérations budgétaires.
s'est interrogé sur le fonctionnement de la SFEF ainsi que sur l'impact de l'abaissement à 2 % du principal taux directeur de la Banque centrale européenne sur les conditions de refinancement des banques et une éventuelle répercussion de ces marges sur les crédits qu'elles consentent.
a précisé que le capital de la SFEF est détenu pour 34 % par l'Etat et pour 66 % par les sept principales banques françaises. Les taux directeurs de la BCE n'ont quant à eux guère d'impact sur les conditions de prêt de la SFEF, dans la mesure où ces deux structures couvrent deux segments distincts de refinancement, respectivement le court (jusqu'à six mois) et le moyen termes. La SFEF n'a pas non plus d'action particulière à exercer en matière de surveillance des marges des banques.
En réponse à une question de M. Aymeri de Montesquiou sur la participation des fonds souverains aux émissions de la SFEF, il a estimé qu'ils ont sûrement souscrit, sans pouvoir être plus précis. Il a distingué trois catégories de souscripteurs - banques centrales, investisseurs institutionnels et établissements de crédit - dont 70 à 80 % sont étrangers.
Evoquant les craintes souvent exprimées sur une raréfaction du crédit, M. Pierre Bernard-Reymond a demandé à M. Michel Camdessus son sentiment sur les perspectives en la matière pour 2009. Ce dernier a fait part de sa vive inquiétude, compte tenu de l'absence de visibilité et de l'ampleur des plans budgétaires de relance aux Etats-Unis, en Europe et bientôt au Japon, qui risquent de conduire à une brutale remontée des taux d'intérêt. Il a également confirmé l'appréciation de M. Jean Arthuis, président, selon laquelle ce type de crise pourrait inciter à la création monétaire, facteur de relance de l'inflation.
Puis en réponse à deux questions de Mme Nicole Bricq sur le soutien à Dexia et la possible résurgence de tensions sur la liquidité des banques en 2009, il a précisé que la SFEF n'est pas intervenue en faveur de Dexia, qui bénéficie d'une garantie directe de l'Etat à hauteur de 55 milliards d'euros. Concernant la liquidité du marché interbancaire, il a considéré que le refinancement à court terme ne pose pas de réelles difficultés, grâce à l'action efficace de la BCE, mais s'est déclaré plus inquiet sur le segment du moyen terme en raison du « télescopage » des besoins de financement des émetteurs privés et publics.
a ensuite livré sa perception de la crise économique et financière. Il l'a présentée comme « la crise de trop », qui ne serait sans doute pas advenue si on avait pleinement tiré les leçons des crises mexicaine et asiatique dans les années quatre-vingt dix, et mis en oeuvre les mesures consensuelles qui avaient été proposées en 1997 et 1998 sur le rôle du FMI en matière d'alerte et de surveillance du secteur financier. Depuis, les marchés financiers ont prospéré sur les lacunes de la réglementation financière, contribuant à la croissance économique mais aussi à un dévoiement manifeste des pratiques.
Il a rappelé que la délégation française avait proposé, lors des travaux sur la modernisation du FMI de la fin des années quatre-vingt dix, une extension de son mandat au secteur financier, un renforcement de la composante politique du processus décisionnel et un élargissement de la représentation des pays émergents et en développement. Les textes modifiant les statuts du FMI étaient prêts et il ne restait plus qu'à en fixer la date d'application ; aussi a-t-il déploré que cette réforme majeure ait depuis été oubliée.
Il a salué l'ampleur et les objectifs des travaux préparatoires aux prochains sommets du G20, qui abordent enfin des sujets sensibles tels que les agences de notation, l'encadrement des fonds spéculatifs, les centres off shore ou la procyclicité des normes comptables internationales. Il a jugé que l'on ne peut désormais plus se contenter de demi-mesures.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a estimé que la crise, bien qu'apparue à la faveur des défaillances sur les prêts « subprimes », était inéluctable en raison du « pari » qui avait été pris sur la liquidité et du fait que l'on ne s'était pas vraiment donné les moyens de prévenir ce type de crise. Il a ainsi fait référence aux déclarations d'Alan Greenspan sur « l'exubérance irrationnelle des marchés » dès 1996, et au vote à l'unanimité, par le comité intérimaire en 1998, du principe de la réforme des statuts du FMI.
a constaté que l'on pallie aujourd'hui une crise de surfinancement privé par un surfinancement public.
a estimé qu'il est certes nécessaire de prendre des mesures proportionnés sur le court terme pour faciliter la relance économique et la liquidité, mais surtout de s'attacher rapidement aux problèmes structurels et de long terme, parmi lesquels le surendettement public et privé. Il a ainsi fait référence à son rapport de 2004 sur la croissance française et au rapport de M. Michel Pébereau sur la dette publique, remis fin 2005.
Evoquant le mandat du FMI, centré sur les questions monétaires et de change, M. Joël Bourdin s'est interrogé sur les évolutions institutionnelles qui doivent aujourd'hui être mises en oeuvre.
a exposé trois moyens traditionnellement utilisés pour remédier aux grandes crises de crédit et d'endettement : l'inflation, qui selon lui « lamine » les classes moyennes ; le report du coût sur les actionnaires par des faillites bancaires ; et le transfert de la charge sur les générations suivantes. Il a confirmé la nécessité d'élargir le mandat du FMI pour en faire une autorité mondiale en matière financière. Cette évolution, malgré la prise de conscience consécutive aux crises mexicaine et asiatique, s'est cependant heurtée à des résistances durant l'actuelle décennie, nées de la croyance en l'autorégulation des marchés. Les principes de la réforme, tant sur le mandat du FMI que sur sa gouvernance plus politique, étaient pourtant inscrits dans les statuts du Fonds dès les Accords de la Jamaïque de janvier 1976.
Le FMI est également confronté à un sérieux problème de ressources. Pour que la taille du bilan du FMI soit cohérente avec l'évolution des volumes traités sur les marchés financiers, il serait, selon lui, nécessaire de doubler les quote-parts des Etats membres. Compte tenu du délai requis par le processus de ratification dans chaque pays, le Fonds devrait, entretemps, pouvoir emprunter auprès de ses membres ou des fonds souverains.
Il a également confirmé l'appréciation de M. Pierre Bernard-Reymond sur l'impact, en termes d'endettement et de déséquilibre des flux mondiaux de capitaux, des besoins de financement des Etats-Unis pour mener deux guerres, comme ce fut déjà le cas avec la guerre du Vietnam. Les intérêts des Etats-Unis, qui s'endettent auprès du reste du monde, convergent cependant avec ceux des grands pays émergents, qui disposent d'importantes réserves, le cas échéant amplifiées par la sous-évaluation de leur devise. Il a donc jugé aujourd'hui nécessaire d'accroître le taux d'épargne des ménages américains et de réévaluer le yuan chinois.
a ensuite partagé l'avis de M. Jean Arthuis, président, sur l' « indécence » des bonus versés par certaines banques américaines pour leurs activités de marché, alors même qu'elles ont pu bénéficier du soutien de l'Etat. Ce constat rejoint la triple nature de la crise actuelle, qui porte à la fois sur les failles de la régulation - manifestées par l'ampleur du hors-bilan et des crédits hypothécaires -, l'architecture financière dans son ensemble - du fait de l'absence de surveillance centralisée -, et le défaut d'éthique qui exacerbe l'appât du gain.
S'il est difficile de mettre en oeuvre une réforme d'ordre éthique, il faut à tout le moins « sortir du déni » et se livrer à une prise de conscience collective. Les professions financières devraient ainsi, selon lui, se doter de codes de déontologie beaucoup plus exigeants, notamment en matière de formation à la commercialisation des produits, actuellement trop axée sur la maximisation du profit par opération. De même, il a appelé à une meilleure promotion de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Enfin, en réponse à une question de M. Philippe Adnot sur les leçons de la crise asiatique de la fin des années quatre-vingt dix, il a souligné que si cette crise n'est pas exactement de même nature que l'actuelle, les pays d'Asie concernés, en particulier la Corée, n'en ont pas moins accepté des ajustements de grande ampleur et conduit des réformes structurelles qui leur ont permis de s'extraire d'une situation de quasi-banqueroute en moins de deux ans. A l'inverse, le Japon a longtemps tardé à prendre les mesures nécessaires.
a conclu en appelant la France à des réformes centrées sur la compétitivité.