Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 22 février 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • conjoint
  • conjoint survivant
  • fgr-fp
  • harmonisation
  • réversion
  • veuve

La réunion

Source

Debut de section - Permalien
Annick Merlen, Jacqueline Pasquier, secrétaires nationales de la Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de Mmes Annick Merlen et Jacqueline Pasquier, secrétaires nationales de la Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP).

Debut de section - Permalien
Jacqueline Pasquier, secrétaire nationale

a indiqué que l'association qu'elle représente a été créée en 1936 et rassemble les retraités, les veuves et les veufs des trois fonctions publiques, dans le but de défendre leurs intérêts. La FGR-FP regroupe ainsi 65 000 adhérents, principalement parmi les enseignants et les personnels du ministère des finances. Elle a noué par ailleurs deux partenariats institutionnels distincts, le premier avec les unions confédérales de retraités des grandes centrales syndicales, le second avec les autres associations de retraités du secteur public et parapublic (La Poste, France Telecom, la Gendarmerie, la Police nationale).

Debut de section - Permalien
Annick Merlen, Jacqueline Pasquier

a indiqué qu'en ce qui concerne spécifiquement la fonction publique, la FGR-FP porte une appréciation positive sur la réforme des pensions de réversion mise en oeuvre dans le cadre de la loi du 21 août 2003 sur les retraites : les hommes se sont vu, en effet, reconnaître le bénéfice de dispositions jusqu'alors réservées aux femmes. S'agissant en revanche du régime général, elle a regretté que la suppression des conditions d'âge, de durée de mariage et de non-remariage se soit accompagnée d'un renforcement du plafond de ressources. D'une façon générale, plusieurs exemples récents, comme celui du dispositif dit des « carrières longues » ou comme la règle de départ sans condition d'âge pour les parents de trois enfants, ont montré qu'une mesure a priori favorable aux assurés sociaux fait souvent l'objet d'une contrepartie ultérieure beaucoup moins séduisante, qui en réduit singulièrement la portée.

s'est prononcée en faveur d'une harmonisation des règles d'octroi des pensions de réversion dans les différents régimes sociaux, à condition toutefois que ce processus soit réalisé sur la base des conditions les plus favorables : suppression des conditions d'âge et de ressources et augmentation à 60 % du taux applicable. Elle a estimé que les considérations d'équité souvent mises en avant à l'égard des ressortissants des trois fonctions publiques témoignent en réalité d'une volonté de régression sociale. Dans ces conditions, la FGR-FP est naturellement encline à prôner le maintien du statu quo. Elle a par ailleurs souhaité l'ouverture des pensions de réversion aux personnes pacsées et vivant en concubinage notoire.

a estimé que le système de pension de réversion doit poursuivre l'objectif visant à préserver approximativement le niveau de vie du conjoint survivant, car ce dernier doit faire face à des coûts fixes incompressibles, à commencer par les dépenses de logement. Il convient également de prendre en compte le fait que les personnes seules sont plus souvent et plus rapidement confrontées au risque de devenir dépendantes que celles qui vivent encore en couple. Dans ces conditions et compte tenu de la faiblesse persistante du salaire des femmes par rapport à celui des hommes, l'existence des pensions de réversion continue à apparaître aujourd'hui comme pleinement justifiées. Ces pensions ne représentent d'ailleurs pas uniquement un coût pour la collectivité : il s'agit avant tout d'un choix de société consistant à offrir à nos concitoyens des conditions de vie dignes. Elle a par ailleurs souligné que les conjoints survivants participent à la vie de la cité, consomment et sont à l'origine de créations d'emplois dans le domaine du maintien des personnes âgées à domicile.

D'un point de vue institutionnel, Mme Annick Merlen a estimé que le veuvage ne doit pas faire l'objet d'une nouvelle branche spécifique au sein du système français de protection sociale et doit rester au sein de l'assurance vieillesse. Elle a par ailleurs rappelé que, dans la fonction publique, la pension de réversion constitue le prolongement du traitement perçu par les fonctionnaires pendant leur période d'activité.

Après avoir observé que le Sénat a déjà publié un document de travail sur les pensions de réversion en Europe et que le conseil d'orientation des retraites a de son côté engagé une réflexion sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, Mmes Annick Merlen et Jacqueline Pasquier ont souhaité connaître les raisons qui poussent la Mecss du Sénat à s'intéresser à ce sujet. A la lumière du précédent de 2003, elles se sont déclarées quelque peu inquiètes sur la perspective de voir de tels travaux déboucher sur une régression des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a précisé que la Mecss conduit une réflexion autonome sur le sujet des pensions de réversion, qu'il s'agit de mieux appréhender la complexité de ce dossier et que cette démarche relève d'une volonté de mener à bien une expertise dans ce domaine spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a indiqué qu'il est naturellement guidé à titre personnel par le souci de garantir au conjoint survivant un niveau de vie décent. Pour autant, la réflexion de la Mecss ne se situe pas au niveau politique. Il s'agit d'apprécier l'ensemble des données techniques, juridiques et statistiques d'un dossier fort complexe et de diffuser ces informations auprès de la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

a précisé que l'objectif des parlementaires vise, en l'espèce, à améliorer la méthode d'analyse de ce dossier. La complexité du sujet justifie en effet de conduire des investigations approfondies. Il a souligné que les auditions qui ont été réalisées par la Mecss ont mis en évidence de multiples aspects généralement méconnus de la situation des veuves et des veufs. Puis il a souhaité que les représentants de la FGR-FP exposent de manière plus approfondie leurs observations sur la question des perspectives d'harmonisation entre les mécanismes des différents régimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a considéré que ces disparités sont anciennes et trouvent leur origine dans l'histoire sociale de la France. Elles ne doivent pas servir de justification à des tentatives de nivellement par le bas des avantages sociaux ou à une stigmatisation des régimes spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a observé que les associations de conjoint survivant semblent s'accorder sur la nécessité d'une harmonisation sur la base du mieux-disant, mais que le coût d'une telle politique pour le seul régime général serait de 2 milliards d'euros par an.

Debut de section - Permalien
Annick Merlen, Jacqueline Pasquier

a considéré que le souci de réalisme conduit naturellement à exclure une perspective d'harmonisation immédiate et totale. Puis elle a souligné que si la FGR-FP n'est pas spécifiquement en charge de la question du financement, il convient néanmoins de rechercher des ressources nouvelles par une augmentation de la CSG, des impôts ou par la taxation des profits boursiers. Elle a par ailleurs vivement contesté l'idée consistant à décrire comme des privilégiés les ressortissants de la fonction publique. Si la FGR-FP ne refuse pas le principe même d'une harmonisation, elle ne peut qu'aborder cette question avec réticence.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Pasquier, secrétaire nationale

s'est interrogée sur les réformes conduites dans les pays nordiques, qui ont abouti à la suppression de l'assurance veuvage, ainsi que sur la question du financement de la protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a précisé que la Mecss du Sénat effectuera prochainement un voyage d'études en Suède, notamment dans le but d'apprécier les effets des dispositions adoptées il y a quelques années en matière de retraite et de réversion. Elle entend par ailleurs réaliser un travail très approfondi sur la question du financement de la protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

S'exprimant à titre personnel, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a fait part de sa conviction qu'une éventuelle démarche d'harmonisation entre les régimes de réversion ne saurait être totale, compte tenu de l'ampleur des différences existantes. L'apport de la Mecss sur ces questions se situe à un niveau différent : il s'agit simplement d'aborder le dossier du veuvage dans toutes ses dimensions sur le plan technique.

Debut de section - Permalien
Mm. Jean Catherine, secrétaire général, de la Confédération française des retraités (CFR)

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Jean Catherine, vice-président, et Jean Collin, secrétaire général, de la Confédération française des retraités (CFR).

Debut de section - Permalien
Jean Catherine, vice-président

a indiqué que la Confédération française des retraités (CFR) comprend quatre fédérations : la Confédération nationale des retraités (CNR), la Fédération nationale des associations de retraités (Fnar), la Fédération nationale des aînés ruraux et l'Union française des retraités (UFR). Constituée en novembre 2000, la CFR regroupe ainsi près de deux millions d'adhérents.

La CFR revendique un statut d'association agréée qui lui permettrait de voir reconnue sa représentativité auprès des pouvoirs publics. En l'absence de ce statut, la confédération n'est ni informée, ni consultée sur les sujets relatifs aux retraites.

Les principes d'action qu'elle défend sont au nombre de trois : le respect des engagements, la solidarité et l'équité. Sur ce dernier point, ses membres observent que si le montant de la pension moyenne a augmenté ces dernières années, grâce à l'accroissement des droits propres des pensionnés, le pouvoir d'achat des retraités tend au contraire à diminuer du fait de l'insuffisance des revalorisations intervenues depuis 1993.

Debut de section - Permalien
Jean Collin, secrétaire général

a abordé la question de la réversion en indiquant que, sur 3,5 millions de survivants, dont 3 millions de femmes, seuls 2,2 millions bénéficient d'une pension de réversion. Les jeunes veuves et veufs apparaissent comme les oubliés de la réforme Fillon de 2003.

Debut de section - Permalien
Jean Catherine, vice-président

a souligné que la CFR avait considéré la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites comme positive, dans la mesure où elle a amorcé l'harmonisation entre les différents régimes. Toutefois, cette loi comporte encore nombre d'insuffisances et d'imperfections.

En matière de réversion dans le secteur privé, des améliorations ont certes été apportées. Mais les pouvoirs publics ont trop hâtivement fait suivre la suppression de la condition d'âge par la mise en extinction de l'allocation veuvage. Or, pour une jeune veuve, dont le conjoint avait accumulé encore peu de droits au titre de sa retraite future, le montant de la réversion est très faible.

La réversion relève de deux logiques : contributive, dans la mesure où elle est liée au versement de cotisation par le conjoint du bénéficiaire, mais aussi de solidarité, en ce sens que la pension de réversion a pour objet d'assurer une ressource minimale à ce conjoint. Lors de la réforme de 2003, ce principe de solidarité a été oublié et il apparaît aujourd'hui nécessaire de modifier la réglementation en faveur des jeunes veufs et veuves.

a ensuite exprimé ses critiques à l'égard du changement de nature imposé par la loi de 2003 en ce qui concerne le critère de ressources prévu pour la réversion. Il ne s'agit plus dorénavant d'un critère d'ouverture du droit à pension, mais d'un montant plafond attribuable au conjoint survivant, l'allocation devenant dès lors différentielle : en cas de dépassement de ce plafond par la somme des revenus du bénéficiaires et de sa réversion, la pension est réduite à due concurrence.

La meilleure optique est celle suivie par le régime de la fonction publique, qui conçoit la réversion comme un droit patrimonial appartenant en propre au couple : aucune condition de ressources n'est ainsi opposée au conjoint survivant pour l'octroi de sa pension de réversion. Il s'agit d'une bonne formule, à condition qu'elle soit corrigée par l'instauration d'une pension minimale.

Les réversions du privé, en revanche, du fait de leur nature d'allocation différentielle, apparaissent comme une allocation de secours, une charité précaire et injuste.

a critiqué la démarche ayant conduit aux deux décrets d'application du 24 août 2004 qui ont malencontreusement aggravé la situation, en allongeant la liste des ressources prises en considération pour le calcul du plafond, notamment avec la prise en compte des pensions de réversion complémentaires, et en prévoyant chaque année un réexamen des ressources entraînant, le cas échéant, une révision de la pension. 200 000 survivants, principalement des veuves, risquaient d'être privées de pension de réversion. Le risque était particulièrement fort pour les classes moyennes.

La CFR a activement participé aux consultations, tant avec le conseil d'orientation des retraités (Cor) qu'avec le Gouvernement. En définitive, celui-ci a supprimé en décembre 2004 les dispositions les plus contestées des décrets du 24 août 2004.

Une nouvelle menace sur les droits des retraités vient toutefois d'apparaître avec le décret du 14 février 2007 sur la carte Vitale, qui réduit de quatre à un an la durée pendant laquelle l'ayant droit sans droits propres d'un assuré social décédé bénéficie du maintien de ses droits à l'assurance maladie. Cette mesure touche les veuves n'ayant jamais travaillé et ayant eu moins de trois enfants. En raison de son absence de statut d'association agréée, la CFR n'a pas été associée à une éventuelle discussion sur cette modification réglementaire, qui devrait représenter un impact particulièrement fort pour les retraités.

Interrogé par les rapporteurs sur l'opportunité de progresser dans le sens d'une harmonisation des règles d'octroi des pensions de réversion, M. Jean Catherine a estimé que la première question à se poser, avant d'élaborer des propositions, est celle de la philosophie même des pensions de réversion. Cette démarche préalable est d'ailleurs celle proposée par le Cor. Or, il existe aujourd'hui deux optiques radicalement opposées : celle de la fonction publique et des régimes spéciaux, d'une part, celle du régime général, d'autre part.

La CFR est favorable à une harmonisation complète des régimes dans le sens d'un alignement sur les critères de la fonction publique. De même, elle est favorable à une extension du bénéfice de la réversion aux formes de vie en couple autres que le mariage (Pacs et concubinage).

Sur le plan de la méthode toutefois, quelle que soit l'orientation retenue, il faut absolument exclure les réformes brutales, à portée rétroactive, comme en 2004. Toutes les solutions sont possibles si l'on se donne le temps de les mettre en oeuvre.

a rejeté l'idée selon laquelle la montée en puissance du travail des femmes justifierait la suppression à terme des pensions de réversion. Celles-ci effectuent, en effet, en moyenne, des carrières plus courtes que celles des hommes, du fait en particulier des maternités, et elles sont plus que les hommes soumises au travail à temps partiel. Au total, les droits propres qu'elles acquièrent sont globalement inférieurs à ceux de leurs conjoints, ce qui se traduit par des pensions de retraite notoirement plus faibles. En l'absence d'égalité dans les faits entre les hommes et les femmes, il apparaît indispensable de conserver les pensions de réversion.

Par ailleurs, la législation française ne tient pas suffisamment compte des situations de veuvage avec enfants à charge. Il n'existe ainsi pas d'allocation d'orphelin au sein du régime général.

En conclusion, M. Jean Catherine a abordé les exemples étrangers, en citant le cas de l'Allemagne, où les conjoints peuvent décider de mettre en commun, en vue d'un partage égalitaire, les droits à la retraite qu'ils acquièrent au long de leur carrière. Cette technique, dite du « splitting », s'inscrit dans une conception patrimoniale, où l'on considère que celui qui a moins travaillé que son conjoint dispose cependant des mêmes droits, dans la mesure où sa présence au foyer a favorisé la carrière professionnelle du conjoint et a contribué à l'acquisition de ses droits.