La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), sur l'état des comptes de la sécurité sociale.
a rappelé le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2008 de la branche retraite et de la Cnav. Alors que, ces dernières années, l'exercice de certification a contribué à accélérer l'effort de mise en place de dispositifs de contrôle interne au sein de la Cnav, il peut sembler paradoxal qu'aujourd'hui, celle-ci soit sanctionnée pour des erreurs affectant les pensions de retraite.
a expliqué que c'est justement à l'occasion de contrôles exercés dans le cadre de la certification que des erreurs ont été repérées. Plus les contrôles sont nombreux, plus la probabilité de déceler des anomalies est forte. Rappelant que 5,4 % des pensions de retraite attribuées en 2008 comportent une erreur financière, dont le montant moyen est évalué à 12 euros, elle a indiqué que la Cnav entend assumer ses responsabilités et remédier à ses manquements. Bien que s'apparentant à une sanction, le refus de certification des comptes doit néanmoins être pris positivement car il est, à terme, porteur de progrès. Elle a toutefois regretté que la Cour des comptes n'ait pas suffisamment mis en avant les bouleversements auxquels a dû faire face la Cnav depuis quelques années (réforme de 2003, augmentation du nombre de pensions liée au « papy-boom » et aux départs anticipés à la retraite). En outre, les parlementaires doivent avoir conscience que les dispositions législatives régissant les pensions de retraite sont de plus en plus complexes et rendent in fine la mission des caisses de plus en plus délicate. Dans le cas des pensions de réversion par exemple, l'attribution sur conditions de ressources suppose que l'ensemble des régimes de retraites de base et complémentaires communiquent à la Cnav les informations nécessaires à la détermination du droit à réversion des assurés sociaux. Or la mise en place d'un tel système d'échange d'informations n'est pas sans poser des difficultés de gestion.
En ce qui concerne les comptes de la branche vieillesse et de la Cnav, les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale tablent sur un besoin de financement de la branche vieillesse de 7,7 milliards d'euros en 2009 qui résulte, d'une part, de la perte de recettes due à la contraction de la masse salariale, d'autre part, de l'absence de redéploiement des cotisations chômage vers les cotisations retraite qui prive la Cnav de 1,8 milliard d'euros. Face au besoin croissant de financement des régimes de retraite, une hausse des cotisations est à terme inéluctable.
Faisant suite aux observations de Danièle Karniewicz sur la complexité des dispositions législatives régissant les pensions de retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a attiré l'attention de ses collègues sur la responsabilité du législateur en la matière. Même si les difficultés de gestion qui en découlent peuvent partiellement expliquer les erreurs commises par la Cnav dans le calcul des pensions, celle-ci ne peut en être totalement dédouanée. Aussi, quelles mesures envisage-t-elle de prendre afin de remédier aux lacunes pointées par la Cour des comptes dans son rapport sur la certification des comptes 2008 ?
a répondu que, conformément aux recommandations formulées par la Cour en 2007, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la branche retraite avec l'Etat (2009-2013) fixe des objectifs de réduction des erreurs d'origine humaine et exige la mise en place de partenariats avec les organismes sociaux qui lui adressent des données servant au calcul des pensions (Pôle emploi, Cnam, Cnaf...). La qualité et la rigueur des informations transmises par ces organismes constituent en effet un enjeu de première importance, si l'on veut diminuer la proportion des pensions de retraite qui comportent une anomalie. C'est pourquoi la Cnav souhaite que soit instauré un cadre réglementaire relatif aux notifications de données de carrière effectuées par les organismes sociaux.
Revenant sur l'erreur récemment constatée par la Cnav sur les périodes de chômage assimilées à des trimestres de cotisations retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est étonné que les systèmes informatiques de la Cnav et de l'Unedic ne soient pas compatibles et qu'au sein même de la Cnav, les services ne soient pas dotés des mêmes systèmes informatiques. Abordant ensuite la question des comptes de la branche vieillesse, il a tout d'abord demandé à Danièle Karniewicz de dresser un premier bilan des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatives à l'emploi des seniors (libéralisation du cumul emploi-retraite, revalorisation de la surcote) et de faire un point sur le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues. Il a ensuite souhaité connaître son avis sur les pistes de réforme envisagées pour le rendez-vous 2010. Enfin, il a rappelé que le débat sur la pénibilité au travail constitue manifestement une spécificité française : aucun pays européen n'a songé à mettre en oeuvre pareil dispositif sur le plan national. En Suède notamment, la prise en compte de la pénibilité a été refusée par les responsables de l'assurance vieillesse. En revanche, le montant des pensions y est modulé en fonction de l'espérance de vie des différentes générations.
a, dans un premier temps, souhaité faire une mise au point sur le « bug » informatique qui a défrayé la chronique il y a quelques semaines. Lors de la négociation de la convention avec l'Unedic en novembre 2007, la Cnav a en effet découvert que, depuis 1983, des assurés sociaux se sont vus indûment comptabilisés des trimestres de cotisation retraite au titre du chômage. Comme l'a indiqué Dominique Leclerc, cette erreur résulte de l'incompatibilité qui existait alors entre le système informatique de l'Unedic et celui de la Cnav. Il a été depuis remédié à ce dysfonctionnement. A la suite d'une lettre adressée par ses ministres de tutelle, la Cnav s'est par ailleurs engagée à rectifier les comptes de carrière des assurés sociaux nés à partir de 1955. En revanche, la situation des assurés nés avant cette date, qu'ils soient retraités ou encore en activité, et dont les droits ont été ou seront liquidés avec des périodes injustifiées, ne pourra être révisée. Le système informatique de l'Unedic a en effet effacé les données relatives à ces personnes. En conséquence, Mme Danièle Karniewicz a réitéré sa demande d'un encadrement plus rigoureux des flux d'information en provenance des organismes sociaux, qui pourrait défini être par le législateur.
Dans un second temps, elle est revenue sur les deux principales mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 destinées à améliorer l'emploi des seniors, le passage de la surcote à 5% dès le premier trimestre supplémentaire et la libéralisation du cumul emploi-retraite. Concernant la surcote, on constate une augmentation du nombre de bénéficiaires. Après un démarrage relativement lent de la mesure, la proportion des nouveaux retraités bénéficiant de la surcote s'établit à 9,5 % en 2008 -ce qui équivaut à 68 096 personnes- pour atteindre 12,5 % au premier trimestre 2009. Le montant mensuel moyen de la surcote s'élève à 35,6 euros pour une durée moyenne de 6,3 trimestres. Ce montant représente en moyenne une majoration de 5,2 % de la pension. Il est certes relativement modique, mais n'est pas négligeable rapporté au montant moyen des pensions de retraite servies par la Cnav (moins de 700 euros). Parmi les bénéficiaires de la mesure, les polypensionnés sont majoritaires, représentant 63,3 % du flux 2008. Quant à l'âge moyen de départ en retraite des bénéficiaires, il est de 62,6 ans contre 61,6 ans pour l'ensemble des nouveaux retraités (départs en retraite anticipés exclus). S'agissant du cumul emploi-retraite, Mme Danièle Karniewicz a fait observer qu'il est encore trop tôt pour observer les effets de la réforme, entrée en vigueur au 1er janvier 2009. Un recul d'au moins un an est nécessaire pour dresser un premier bilan de la mesure. Néanmoins, la Cnav a lancé une enquête auprès de trois mille nouveaux retraités afin de tirer les premiers enseignements, qui seront connus fin septembre.
a rappelé que si la double condition de rupture du lien avec le dernier employeur et de plafond de ressources totales a été supprimée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le dispositif s'applique à tous les retraités à partir de soixante ans, à condition qu'ils aient cotisé la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein ou, à défaut, à partir de soixante-cinq ans.
a ajouté que les personnes cumulant un emploi et une retraite cotisent, sur la base de leur nouveau salaire, pour les régimes de base et complémentaires, mais que ces cotisations ne sont pas pour autant productrices de droits.
Complétant cette explication, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a précisé que la retraite de ces personnes n'est pas recalculée, une fois qu'elles cessent de cumuler un emploi et une retraite.
S'il est, là encore, trop tôt pour faire le bilan de la libéralisation du cumul emploi-retraite, Mme Danièle Karniewicz a néanmoins tenu à fournir quelques données statistiques sur l'utilisation du dispositif avant l'entrée en vigueur de la réforme. En 2007, 207 000 personnes ont cumulé une pension servie par la Cnav et un salaire d'activité, ce qui représente 1,9 % des pensionnés du régime général. Cette population est constituée à 59 % d'hommes et à 41 % de femmes, dont l'âge moyen est de soixante-quatre ans. On note que 15 % des personnes ayant cumulé une retraite et un emploi ont bénéficié, au moment de leur départ en retraite, de la mesure « carrières longues ». Quant à la pension moyenne mensuelle des assurés cumulant, elle était de 711 euros en 2008, soit respectivement 767 euros pour les hommes et 632 euros pour les femmes. A titre de comparaison, les assurés du régime général ont perçu, en 2008, une pension moyenne de 612 euros (674 euros pour les hommes et 555 euros pour les femmes). En conclusion, on peut estimer que les nouvelles règles du cumul emploi-retraite, plus incitatives, devraient entraîner une montée en charge du dispositif dans les prochaines années.
a demandé un bilan financier de la réforme de 2003 : des économies ont-elles pu être dégagées, comme cela avait été annoncé, alors que le dispositif de départ en retraite anticipé pour carrières longues mis en place en 2004 a coûté sans cesse plus cher à la Cnav ? Par ailleurs, les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatives à l'assurance vieillesse produisent-elles des effets d'ores et déjà observables ? Il a ensuite voulu savoir si le basculement d'une partie des cotisations chômage vers les cotisations retraite, tel que prévu par l'exposé des motifs de la loi de 2003, est encore d'actualité, alors que le Gouvernement a posé en janvier dernier un moratoire à l'augmentation des cotisations retraite. A quelle échéance et dans quelles conditions ce transfert pourrait-il devenir effectif ? Puis, il s'est enquis de la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui, après avoir dégagé un excédent en 2008, redeviendrait déficitaire en 2009. Cette dégradation ne risque-t-elle pas d'affecter, par voie de conséquence, les comptes de la Cnav ? Enfin, s'adressant à la fois à la présidente de la Cnav et à la représentante syndicale, il a souhaité connaître l'avis de Mme Danièle Karniewicz sur l'avenir du financement de la protection sociale à court, moyen et long termes, alors qu'on table sur un déficit du régime général de l'ordre de 80 milliards d'euros en 2011. S'agissant de la branche vieillesse, quelles économies pourraient être dégagées par un relèvement de l'âge légal de départ en retraite ?
Concernant les effets financiers de la réforme de 2003, Mme Danièle Karniewicz a distingué deux types de mesures : le passage de la durée de cotisation de quarante à quarante et une annuités, qui est une mesure d'économie ; l'instauration du dispositif de départ en retraite anticipé pour carrières longues, mesure dont le coût est estimé en moyenne à 2,3 milliards d'euros par an. Depuis 2004, 550 000 personnes ont bénéficié d'un départ en retraite anticipé au titre d'une longue carrière. Pour la première fois depuis la mise en oeuvre du dispositif, le rythme des départs anticipés devrait décélérer en 2009 puisque le flux serait de l'ordre de 50 000 (contre plus de 120 000 en 2008). Cette baisse, qui traduit la fin de la montée en charge de la mesure, s'explique par le durcissement des conditions d'attribution, la scolarité rendue obligatoire à seize ans à partir de la génération 1953 et le moindre recours aux régularisations de cotisations arriérées.
a ajouté que la caisse n'est pas, pour le moment, en mesure de chiffrer les économies dégagées par l'augmentation de la durée de cotisation puisque le passage à quarante et une annuités n'est effectif que depuis le 1er janvier 2009.
a précisé que des données plus fines sur cette question pourront toutefois être transmises à la commission ultérieurement. En tout état de cause, la sécurité sociale est confrontée à un sérieux besoin de financement, ce qui oblige à trouver rapidement des solutions. La Cour des comptes chiffre en effet à 50 milliards d'euros le besoin de financement cumulé du régime général pour 2009 et 2010. En matière de retraite, Mme Danièle Karniewicz a déclaré refuser le discours tenu aujourd'hui aux Français selon lequel l'alternative se réduit à baisser les pensions ou à reculer l'âge légal de départ. Il est impératif que s'engage un véritable débat sur le taux de remplacement qui doit être visé et sur le niveau de vie qui doit être garanti aux retraités. Il en va de la crédibilité, donc de la pérennité, du système de retraite. Le moyen le plus sûr de consolider les régimes de retraite est, à son sens, d'afficher une très grande transparence, en particulier dans les arbitrages auxquels il faut procéder. Enrayer la dynamique actuelle de diminution du taux de remplacement du revenu d'activité suppose en effet que des efforts de financement soient réalisés, soit par un montant de cotisation plus élevé, soit par une durée de cotisation plus longue, soit par un report de l'âge légal de départ en retraite. Cet arbitrage relève d'un choix de société.
S'agissant du relèvement de l'âge de départ, il faut avoir à l'esprit qu'il ne constitue pas l'unique solution au problème de financement du système de retraite. Ainsi, les simulations réalisées par la Cnav montrent que porter l'âge de la retraite à soixante-deux ans permettrait de réaliser 6,6 milliards d'euros d'économies, pour un besoin de financement de la Cnav de 13 milliards d'euros. En 2050, l'économie serait de l'ordre de 6 milliards d'euros pour faire face à un besoin de financement de 46 milliards d'euros. Le report de l'âge légal ne suffira donc pas à combler le déficit de la branche vieillesse du régime général. Convaincue qu'il faut jouer sur plusieurs paramètres et non sur un seul, Mme Danièle Karniewicz a estimé indispensable une hausse des cotisations. Toujours selon les simulations de la Cnav, une augmentation de 0,2 point du taux de cotisation vieillesse engendrerait des ressources supplémentaires de 800 millions d'euros en 2010 et d'un peu plus d'un milliard d'euros en 2020.
La réflexion sur les régimes de retraite doit par ailleurs s'inscrire dans une approche globale du financement de la protection sociale, qui doit permettre d'aborder deux questions : celle de l'assiette de financement et celle de la répartition des ressources entres les différentes branches de la sécurité sociale. Sur la première, elle s'est déclarée favorable à l'élargissement de l'assiette des cotisations, actuellement concentrée sur la masse salariale. Sur la seconde, prenant l'exemple des majorations de retraites pour enfant, elle a estimé que, si celles-ci sont parfaitement justifiées, la question de leur prise en charge par la branche retraite ou par la branche famille n'en est pas moins posée.
Trouver de nouvelles sources de financement pour la protection sociale suppose également de s'intéresser aux niches sociales et fiscales, dont l'assiette est aujourd'hui évaluée à 30 milliards d'euros (15 milliards pour les dispositifs d'intéressement et de participation, 15 milliards pour les mécanismes de prévoyance et de retraite supplémentaire). La remise en cause des niches permettrait certes de dégager des économies non négligeables, mais elle enlèverait aussi tout caractère incitatif aux mécanismes auxquels s'appliquent ces avantages sociaux et fiscaux. Enfin, on peut aussi poser la question d'un possible alignement de la contribution sociale généralisée (CSG) pesant sur les retraites sur celle pesant sur les salaires, dont les gains s'établiraient à 430 millions d'euros par an. Une telle mesure n'est toutefois guère acceptable dans la mesure où le niveau des pensions est bien inférieur à celui des salaires.
En définitive, le rendez-vous 2010, qui offre l'occasion d'engager un vaste débat public sur les fondamentaux du système de retraite et plus globalement sur le financement de la protection sociale, devra impérativement déboucher sur des solutions pour garantir la viabilité des régimes de retraite.
Souscrivant aux propos de Danièle Karniewicz sur la diminution du taux de remplacement, M. Guy Fischer a fait état de la très grande inquiétude des retraités face à l'érosion de leur pouvoir d'achat, évolution qui incite aussi à réfléchir à la dégradation continue des salaires. Il a souhaité que le montant de la pension moyenne servie par la Cnav (environ 700 euros) soit davantage diffusé afin que soit posée la question du niveau de vie des retraités. Par ailleurs, il s'est inquiété de la détérioration des conditions de travail des salariés de la Cnav à qui l'on demande de rendre un meilleur service au moindre coût. Alors que les missions de la caisse sont de plus en plus nombreuses et complexes, il est prévu de diminuer les effectifs de personnels.
Partageant les conclusions de Danièle Karniewicz sur la nécessité d'un système de retraite plus contributif et plus solidaire, Mme Christiane Demontès a souhaité savoir par quels moyens parvenir à cet objectif. Elle a en outre évoqué la question des avantages de retraite accordés aux femmes, aujourd'hui appelés à être réformés en raison d'un récent arrêt de la Cour de cassation. Quelles pistes pourraient être envisagées sans que les femmes soient pour autant pénalisées ?
a tout d'abord rappelé que le défi en matière de retraites consiste à garantir la solidarité intergénérationnelle. Constatant ensuite que le poids des dépenses de retraite dans le Pib ne cesse d'augmenter, il a demandé jusqu'où cette charge pourrait continuer à progresser. Enfin, évoquant la recherche de nouvelles sources de financement de la protection sociale, il s'est interrogé sur la possibilité d'introduire une dose de progressivité dans la CSG, actuellement entièrement proportionnelle.
a approuvé les propos de Danièle Karniewicz selon lesquels le report de l'âge légal de départ en retraite ne constitue pas la panacée. Cette question doit en effet s'apprécier en liaison avec la situation de l'emploi des seniors car un recul de l'âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l'âge de cessation d'activité. Aussi, ne faudrait-il pas d'abord s'attaquer au problème de l'emploi des seniors, avant d'envisager un éventuel report de l'âge légal ?
Concernant l'érosion du taux de remplacement, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a rappelé que celle-ci s'explique principalement par la référence utilisée pour établir le montant de la pension, à savoir les salaires des vingt-cinq dernières années.
Faisant suite aux observations de Guy Fischer, Mme Danièle Karniewicz a reconnu que l'évolution des salaires n'est actuellement pas satisfaisante. Or, le niveau de rémunération des salariés affecte directement le financement des caisses de retraite : des salaires plus élevés entraînent des cotisations plus importantes et donc davantage de ressources pour les régimes. Sur le fonctionnement des services de la Cnav, elle a rappelé que ces derniers sont très bien gérés. D'ailleurs, les frais de fonctionnement de la caisse sont inférieurs à 1 % des prestations servies, alors qu'ils s'élèvent, à titre de comparaison, à 20 % dans les fonds de pension. Il est vrai que les salariés de la caisse voient leurs missions s'élargir dans la mesure où l'ambition de la Cnav, pour les prochaines années, est de rendre véritablement effectif le droit à l'information des assurés sur leur retraite.
Répondant à Christiane Demontès sur le choix de société qu'appelle le financement des retraites, Mme Danièle Karniewicz a jugé préférable de consolider le système de retraite par répartition par une augmentation des taux de cotisations, plutôt que par le développement de l'épargne individuelle. Le système de retraite par répartition permet en effet de mutualiser les coûts pour les cotisants et se révèle, à terme, plus rentable et surtout beaucoup plus sûr qu'un mécanisme de rente par capitalisation.
Sur la question d'André Lardeux relative au pourcentage du Pib qui devrait être consacré aux retraites, elle a estimé qu'il est difficile de définir a priori un tel pourcentage. Elle a néanmoins rappelé que les dépenses de retraite pèsent de plus en plus lourd et qu'une fois encore, ce constat conduit à poser la question de l'assiette de financement des prestations vieillesse, et plus largement de l'ensemble des prestations sociales. C'est tout le débat qui doit s'ouvrir l'année prochaine à l'occasion du rendez-vous 2010.
En ce qui concerne les avantages de retraite accordés aux femmes, elle a déploré le fait que la majoration de durée d'assurance dont bénéficient les mères de famille pour le calcul de leur retraite (deux ans de cotisation par enfant) ne leur permette pas toujours de percevoir une retraite à taux plein. Beaucoup de femmes continuent en effet de travailler jusqu'à soixante-cinq ans afin de recevoir une retraite complète. Alors que leur pension est en moyenne égale à 70 % de celle des hommes, les femmes ont cruellement besoin de ces avantages retraite. Cependant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme sur l'égalité hommes-femmes et celle, plus récente, de la Cour de cassation contraignent à réformer prochainement la majoration de durée d'assurance, sans doute en modifiant ses critères d'attribution. Une réforme est déjà entrée en vigueur dans la fonction publique : d'une part, la majoration a été ramenée à six mois pour les femmes qui ne s'arrêtent pas de travailler pour une durée excédant celle du congé de maternité, d'autre part, les périodes d'interruption ou de réduction d'activité sont prises en compte pour les pères comme pour les mères. Mais cette solution pénalise certaines femmes : celles qui n'interrompent presque pas leur activité professionnelle. En outre, elle ne résout pas le problème des pères qui élèvent seuls leurs enfants sans s'arrêter de travailler, une situation de plus en plus fréquente en cas de divorce ou de veuvage. Une autre piste, plus juste, serait d'accorder les deux années de majoration par enfant au couple. Cette solution a été adoptée dans d'autres pays, en Allemagne notamment. C'est alors au couple de décider qui, des deux parents, bénéficie de ce droit, ou bien de le partager entre les conjoints.
a rappelé qu'à formation équivalente et à travail équivalent, les femmes continuent à être moins bien payées que les hommes. Réformer leurs avantages retraite reviendrait donc à les pénaliser doublement.
a estimé qu'une telle réforme ne serait pas sans conséquence sur la natalité.
Pour conclure, Mme Danièle Karniewicz a considéré que la question des avantages familiaux et conjugaux est aussi un enjeu important du rendez-vous 2010 qui justifie de traiter à la fois du financement de la branche vieillesse et de celui de la branche famille.
La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur, et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sur l'état des comptes de la sécurité sociale.
a d'abord présenté le contexte dans lequel cette agence doit faire face aux besoins financiers des différentes branches de la sécurité sociale : un déficit sans doute proche de 20 milliards d'euros pour le régime général en 2009, soit le double de la prévision initiale, et estimé aux alentours de 30 milliards en 2010 ; par ailleurs, les déclarations du ministre des comptes publics devant la commission des comptes de la sécurité sociale ont clairement fait apparaître qu'aucune reprise de ces déficits n'est à ce jour envisagée, que ce soit par la Cades ou par le budget de l'Etat.
Les relations entre l'Acoss et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sont régies par une convention, signée le 21 juin 2006, qui lie les deux organismes jusqu'en juin 2010. La crise financière et l'évolution de la situation sur les marchés ont conduit la CDC à demander à l'Acoss, à la fin de 2008, une renégociation de ses conditions financières car les nouvelles conditions de marché ont entraîné pour elle une perte de 25 millions d'euros en 2008. L'Acoss a accepté le principe de cette renégociation dès lors qu'un délai suffisant lui serait accordé pour engager des discussions approfondies. Une première phase de négociation s'est conclue début avril sur un constat partagé de la situation ; une seconde phase est en cours d'achèvement et doit aboutir à la signature d'un avenant dans les tous prochains jours. Celui-ci comporte trois points : le premier concerne les volumes que la CDC pourra honorer, à savoir 25 milliards d'euros à des conditions prédéterminées, et en tout état de cause pas plus de 31 milliards ; le deuxième est relatif au coût des sommes prêtées par la CDC, le principe retenu étant que celle-ci ne devra ni perdre ni gagner de l'argent à l'égard de la sécurité sociale ; le troisième point expose les autres conditions et notamment l'engagement de l'Acoss à fournir très régulièrement à la CDC les prévisions les plus précises possible sur le profil de ses besoins. En contrepartie, la caisse a accepté de laisser une plus grande marge de manoeuvre à l'Acoss pour gérer ses émissions de billets de trésorerie. Enfin, l'Acoss a obtenu qu'une évaluation des conditions tarifaires proposées par la CDC dans cet avenant puisse être effectuée d'ici quelques mois par un organisme tiers, évaluation indispensable pour aborder dans de bonnes conditions la négociation de la prochaine convention. L'ensemble des discussions ainsi menées l'ont été en relation étroite avec le ministère des comptes publics.
Puis M. Pierre Burban a évoqué la question des frais financiers supportés par l'Acoss. Ceux-ci se sont élevés à 840 millions d'euros en 2008 dont plus de 300 millions sont imputables à la hausse du taux d'intérêt de référence, c'est-à-dire l'Eonia (Euro OverNight Index Average). Or, celui-ci étant passé de 3,86 % à 0,76 % à la fin mai 2009, on enregistre des charges financières bien moins élevées depuis quelques mois. Celles-ci sont actuellement évaluées à 143 millions d'euros pour 2009.
Si les relations financières avec l'Etat se sont améliorées récemment, en raison d'une rigueur accrue dans la budgétisation des sommes dues à la sécurité sociale, on constate néanmoins la reconstitution d'une dette de l'Etat envers le régime général qui s'élève à 3 milliards d'euros au 31 décembre 2008 et devrait atteindre environ 4,6 milliards à la fin 2009, en l'absence de tout versement dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Les frais produits par cette dette se sont élevés à 130 millions en 2008 et pourraient se monter à 30 millions en 2009, soit environ 20 % du total des charges financières supportées par l'Acoss.
Par ailleurs, le décret d'application de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui autorise l'Acoss à rémunérer la trésorerie que des organismes tiers pourraient déposer auprès d'elle, n'a pas encore été publié. En effet, le Conseil d'Etat a exigé que le projet de décret qui lui a été soumis soit présenté au nouveau conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la consultation qui avait été effectuée n'étant plus valable du fait de l'annulation de la composition de ce conseil par le tribunal administratif de Paris. Plusieurs organismes pourraient utiliser ce dispositif, comme la Haute Autorité de santé, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ou encore la caisse nationale du régime social des indépendants (RSI).
Puis M. Pierre Burban a rappelé que le plafond des ressources non permanentes que l'Acoss est autorisée à emprunter a été fixé pour 2009 à 18,9 milliards d'euros par la dernière loi de financement. Ce montant sera bien entendu insuffisant pour terminer l'année compte tenu du doublement du déficit prévisionnel ; il devrait donc être relevé, par décret, d'environ 10 milliards d'euros d'ici la fin de l'été afin de couvrir les besoins de l'Acoss pour le dernier trimestre. Pour 2010, rien n'est encore décidé mais, en l'absence de toute reprise de déficit, le plafond de trésorerie de l'Acoss devra être fixé entre 50 et 60 milliards.
a fait valoir que, certes, la CDC annonce une perte de 25 millions d'euros en 2008 au titre de sa gestion des engagements de l'Acoss mais il convient de mettre en regard cette perte avec les profits non négligeables qu'elle a réalisés au cours des années antérieures : si une évaluation transparente doit être faite, il est nécessaire qu'elle concerne aussi les années passées. Par ailleurs, existe-t-il une limite aux capacités d'émission de billets de trésorerie par l'Acoss ? Si oui, comment sera traité le solde des besoins de trésorerie de l'Acoss en 2010, sachant que la CDC ne pourra intervenir au-delà de 31 milliards d'euros ? Enfin, l'Acoss a-t-elle déjà provisionné dans ses comptes une charge d'intérêt au titre de la rémunération de la trésorerie d'organismes tiers ?
a souligné que la CDC a été très sollicitée dans le cadre du plan de relance, ce qui n'a pu que restreindre ses disponibilités financières. Il a donc souhaité obtenir des informations supplémentaires sur les modalités possibles pour l'Acoss d'appel au marché financier.
a demandé à combien pourrait s'élever la charge de la rémunération de la trésorerie d'organismes tiers et si on envisage des versements rétroactifs, une fois le décret attendu publié.
Sur cette question, M. Pierre Burban a rappelé que le décret d'application n'est toujours pas publié et qu'il n'aura pas d'effet rétroactif. En ce qui concerne la convention qui lie l'Acoss à la CDC, il est important de souligner qu'elle a permis une amélioration des conditions financières imposées à l'Acoss. Elle a d'ailleurs été signée, en 2006, à la suite d'une première expérience d'appel direct au marché par l'Acoss.
a indiqué que le nouvel avenant sera mis en oeuvre à compter du 21 septembre 2009 ; il s'appliquera pendant trois trimestres, jusqu'au mois de juin 2010. La discussion de ce document n'a pas été facile mais il s'est imposé du fait de l'évolution des conditions du marché depuis la fin 2008 en raison de la crise financière. En effet, si le taux Eonia s'est considérablement réduit, la même chute n'a pas été observée pour le coût des ressources financières, d'une maturité moins courte, de la CDC. En tout état de cause, l'accord de la CDC pour un meilleur approfondissement des éléments du débat est jugé très positif par l'Acoss.
a reconnu qu'une grande incertitude pèse sur la façon dont l'Acoss pourra faire face aux besoins financiers de la sécurité sociale en 2010 mais il a rappelé l'engagement du ministre des comptes publics pour que des solutions soient étudiées.
a fait observer que les conditions actuelles du marché sont très favorables pour les institutions publiques et leurs demandes d'emprunt à très court terme. Cela étant, le marché des billets de trésorerie reste réduit et l'Acoss n'a juridiquement pas le droit d'y recourir au-delà de 11,5 milliards d'euros.
a estimé indispensable que l'Etat prévoie d'accompagner l'Acoss pour la gestion de son découvert en 2010. Ceci dit, il est important de rappeler que la couverture de dépenses structurelles par des moyens à court terme n'est pas satisfaisante, surtout dans des périodes fortement aléatoires ; il n'est pas dans la vocation de l'Acoss de financer des découverts aussi importants.
a souhaité savoir si le projet de création d'une caisse d'amortissement de la dette publique est une solution encore envisagée.
a déclaré ignorer les modalités qui seront retenues par l'Etat ; pour l'Acoss en effet, seule importe la question du financement de ses besoins de trésorerie.
a insisté sur la nécessité pour l'Etat d'intervenir puisque la CDC ne pourra être sollicitée au-delà de 31 milliards d'euros et que ne pourra être émis qu'un maximum de 11,5 milliards de billets de trésorerie.
a réaffirmé que les simples mécanismes de marché ne seront pas suffisants et qu'il conviendra de définir des modalités hors marché pour faire face à l'ensemble des besoins. La garantie de l'Etat sera, en tout état de cause, nécessaire.