La commission a procédé à l'audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009-2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
après avoir évoqué le contexte général dans lequel s'inscrivait le projet de loi de programmation militaire, a précisé que les crédits d'investissement consacrés au programme 146 « Equipement des forces » devraient s'élever, sur les six années de la loi, à un montant total proche de 64 milliards d'euros, soit une moyenne de plus de 10,6 milliards d'euros par an. Il a souligné le niveau très significatif de cet effort qui bénéficiera du redéploiement intégral des économies réalisées sur les titres 2 (personnel) et 3 (fonctionnement) du budget de la mission défense. En 2014, les crédits d'investissement consacrés à l'équipement des forces devraient atteindre 12 milliards d'euros.
Le délégué général pour l'armement a indiqué que le projet de loi traçait les perspectives de l'équipement militaire à l'horizon 2020, ce qui devait garantir la cohérence entre la programmation 2009-2014 et la poursuite des programmes d'équipement au-delà de 2014. Les besoins de paiement estimés pour la phase 2015-2020 tenaient compte des opérations prévues au cours de la prochaine loi et intégraient les provisions correspondant à des programmes nouveaux qui seraient lancés au-delà de 2014.
a ensuite signalé les principales caractéristiques du projet de loi en matière d'équipement militaire.
La dissuasion restera une priorité, avec le maintien et l'adaptation de ses deux composantes, dans le cadre du principe de stricte suffisance. Le 4e sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) équipé du nouveau missile M 51 sera livré à la marine en 2010 et les 3 SNLE-NG actuels seront ensuite transformés pour recevoir le M 51. Les essais de ce nouveau missile balistique se déroulent dans des conditions remarquables. Pour la composante aéroportée, le missile ASMP-A entrera en service en 2009 sous Mirage 2000N, puis ultérieurement sous Rafale. Le projet de loi de programmation permet également la poursuite de la réalisation du laser mégajoule dans le cadre du programme de simulation.
La fonction « connaissance et anticipation » bénéficiera d'un effort soutenu, avec notamment le lancement du programme européen de satellites d'observation Musis, mais également des programmes dans le domaine de la géolocalisation et une amélioration des capacités en matière de drones.
Dans le domaine de la protection, l'un des éléments les plus notables sera, en fin de loi de programmation, le lancement d'un programme d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques.
Enfin, il a évoqué la fonction intervention qui regroupe la plupart des programmes majeurs intéressant les forces terrestres, navales et aériennes.
Abordant la préparation de l'avenir, le délégué général pour l'armement a indiqué que le projet de loi permettrait de consolider l'effort de recherche. Il a précisé que les crédits d'études-amont passeraient de 647 millions d'euros en 2009, hors plan de relance, à 721 millions d'euros en 2014. Une dotation supplémentaire de 100 millions d'euros est prévue par le plan de relance en 2009. Ces montants alloués sont conséquents, sans toutefois se situer sur une trajectoire de ralliement du niveau de un milliard d'euros qui reste un objectif souhaitable à terme.
Il a détaillé les principales priorités retenues en matière d'études de défense au cours de la loi de programmation : les premières réflexions sur le futur moyen océanique de dissuasion, les différentes capacités d'exploitation du renseignement, la radio logicielle, la protection des combattants, la sécurité et la lutte informatiques.
a identifié trois facteurs susceptibles d'influer sur l'équilibre d'exécution de la future loi de programmation : les conditions de renégociation des contrats avec les industriels sur les programmes d'armement, la mise à disposition effective des ressources prévues pour l'équipement et les résultats à l'exportation.
S'agissant des renégociations de contrats liées aux nouveaux objectifs prévus par le projet de loi, M. Laurent Collet-Billon a précisé que certaines avaient déjà été conclues ou étaient en voie d'aboutir, dans des conditions favorables et avec des surcoûts très limités. Il a notamment cité les programmes de sous-marins Barracuda, d'équipements Felin, d'hélicoptères NH90 et de missiles sol-air futurs (FSAF).
Il a signalé que les discussions sur le programme de frégates européennes multi-missions (FREMM), dont le nombre avait été réduit de 17 à 11, étaient plus difficiles. Il a estimé que ce contrat devait intégrer les perspectives à l'exportation, même si celles-ci ne sont pas immédiates.
Il a également indiqué que les propositions effectuées par Eurocopter pour le programme Tigre et Nexter pour le programme VBCI n'étaient pas acceptables en l'état. Pour le Tigre, les perspectives à l'exportation doivent être prises en compte. Pour le VBCI, le plan de relance a permis d'écarter la remise en cause des cadences de livraison initialement envisagées.
Il a également évoqué les ajustements opérés avec MBDA sur les programmes de missiles et avec Dassault Aviation sur le programme Rafale, où le principe d'une cadence de production de 11 avions par an pourrait être retenu, en incluant les commandes nationales et des commandes à l'exportation qui devraient se concrétiser.
Enfin, il a indiqué que le déroulement actuel du programme d'avion de transport A400M préoccupe grandement la DGA.
a évoqué l'importance d'une mise à disposition effective, dans les délais requis, des ressources exceptionnelles prévues par le projet de loi, notamment celles liées à la cession des fréquences au titre de laquelle 600 millions d'euros ont été inscrits au budget de 2009. Il a évoqué la question du financement du surcoût des opérations extérieures pour la part non budgétée, dont le financement ne devrait pas peser sur les crédits d'équipement.
a mentionné les récents succès à l'exportation au Brésil, l'ensemble des exportations de l'industrie de défense y atteignant environ 6 milliards d'euros en 2008. Il a jugé ce contexte très favorable pour l'équilibre de l'activité des industriels.
Le délégué général pour l'armement a ensuite évoqué le nouveau processus de décision qui serait mis en place pour les investissements du ministère de la défense, et, en premier lieu, pour les programmes d'armement. Un comité d'investissement, interne au ministère et réunissant, sous l'autorité du ministre, le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement et le secrétaire général pour l'administration, approuvera toutes les grandes décisions d'investissement. L'instauration d'un comité financier où siègera la direction du budget devrait améliorer les procédures d'information et la coopération entre le ministère de la défense et celui du budget.
a indiqué qu'au cours de la loi de programmation la DGA participerait à l'effort de réduction des formats et des coûts. Ses effectifs passeront de 13 500 à 10 000 personnes. Les principales fermetures concerneront le laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon et l'établissement technique d'Angers. Le centre d'études de Gramat (Lot) sera transféré au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
En conclusion, M. Laurent Collet-Billon a de nouveau souligné l'enjeu représenté par la renégociation de grands contrats avec l'industrie. Il a indiqué que les acquisitions en urgence opérationnelle pour les forces armées avaient représenté environ 100 millions d'euros en 2008 et que les actions d'amélioration du retour d'expérience, en liaison avec le terrain, verraient leur importance s'accroître. Il a également estimé que l'évolution des relations entre la France et l'OTAN conduirait certainement à ajuster le cadre dans lequel s'exerce la politique française d'équipement.
A l'issue de l'exposé de M. Laurent Collet-Billon un débat s'est ouvert au sein de la commission.
s'est inquiété de l'évolution du programme A400M qui semble se heurter à de graves difficultés. Il a ainsi souhaité savoir si le retard de trois ans, annoncé par la société EADS pour la livraison de l'appareil, était lié à des problèmes affectant le moteur ou d'autres éléments de l'avion. Il a évoqué l'audit en cours de réalisation par l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) au terme duquel les Etats parties prenantes pourraient statuer sur l'avenir du programme. Il s'est enfin interrogé sur les conséquences d'une éventuelle annulation de ce contrat, ce qui constituerait un grave échec de la coopération européenne, et sur la possibilité de solutions alternatives.
Dans sa réponse, M. Laurent Collet-Billon a en particulier souligné qu'une revue de programme, conduite par l'OCCAR, est en cours et associe des experts de chacune des nations parties au contrat ; ses conclusions devraient être rendues publiques vers la fin du mois de février. Il estime pour sa part prioritaire d'obtenir au plus vite d'EADS un calendrier de livraison engageant.
a souhaité obtenir des précisions sur l'avancement des deux projets de directives européennes composant le « paquet défense », qui visent à faire émerger un vrai marché européen de l'armement. Il s'est également interrogé sur le sort des 232 millions d'euros qui ont été investis par la France dans le projet de second porte-avions.
En réponse M. Laurent Collet-Billon a fourni les indications suivantes :
- ces directives doivent être soumises au Conseil de l'Union européenne au printemps prochain ; le Royaume-Uni y est très opposé, alors que la France estime ces dispositions raisonnables. L'opposition britannique semble de nature dogmatique puisque l'article 296 du traité européen pertinent dispose qu'un sujet relevant de la défense nationale dépend de l'absolue souveraineté des Etats : il est donc toujours possible d'évoquer cet article en cas de désaccord avec le contenu de ces textes. Au-delà du « paquet défense », on peut s'interroger sur le rôle que voudra jouer la Commission européenne dans le domaine de la défense ;
- les financements consacrés par la France au programme du second porte-avions correspondent à des travaux de bureaux d'études et au « droit d'entrée » acquitté pour avoir accès aux études britanniques ; les industries intéressées continuent à travailler sur ce projet mais sur financement exclusivement britannique. Le Président de la République française a décidé de réexaminer ce projet de second porte-avions en 2011. Au Royaume-Uni, sont constatés des retards d'environ un an pour la réalisation du premier de ces porte-avions et de deux ans pour le second.
s'est enquis de la possibilité de suppléer à l'absence de l'arrivée de l'A400M par une mutualisation européenne des avions de transport. Il a également relevé que la France venait de conclure avec le Brésil un contrat de vente d'hélicoptères d'un montant de 1,7 milliard d'euros, ce dont il s'est réjoui. Il a cependant exprimé la crainte que ces importantes exportations n'entravent les livraisons destinées à notre pays.
a demandé comment s'effectuerait l'affectation des 22 300 équipements FÉLIN prévus par ce projet de loi de programmation, le nombre total d'équipements étant très inférieur à celui des utilisateurs potentiels. Il s'est félicité de la confirmation de la commande de 11 FREMM (frégate européenne multi-missions) et a souhaité connaître les modalités selon lesquelles elles se substitueront aux frégates actuellement en service.
s'est interrogé sur la participation de la DGA aux initiatives prises lors de la présidence française de l'Union européenne, notamment pour consolider la base industrielle et technique de défense (BITD) européenne. Il a relevé que le plan de relance actuellement soumis au Parlement comportait des mesures en faveur de l'équipement des forces armées, et a souhaité connaître les parts respectives des projets nouveaux et de l'accélération de projets déjà prévus par la loi de programmation militaire (LPM). Il a demandé des précisions sur le calendrier d'acquisition par la France d'avions ravitailleurs et sur les moyens permettant de soutenir l'activité des bureaux d'études des industriels français.
En réponse, M. Laurent Collet-Billon a apporté les éléments suivants :
- le domaine du transport militaire se prête particulièrement bien à une mutualisation entre pays européens et c'est certainement une voie dont l'approfondissement sera recherché ;
- le haut niveau d'exportations réalisées a conduit la société EUROCOPTER à réaménager son outil industriel pour permettre l'exécution des commandes contenues dans la prochaine LPM, parallèlement aux livraisons faites à l'exportation. La situation en matière d'hélicoptères est globalement positive : ainsi, 22 NH90 terrestres viennent d'être commandés et le NH90 naval doit encore prochainement remplacer, au prix de quelques améliorations, les Super-Frelon en fin de vie. Le Tigre a vu son standard qualifié et pourrait être prochainement envoyé en Afghanistan ;
- les équipements FELIN ne seront pas attribués individuellement à chaque fantassin ; des dotations seront affectées aux théâtres d'opérations et aux besoins de l'entraînement selon les principes adoptés pour la gestion des parcs de matériel des forces terrestres ;
- 11 FREMM seront réalisées contre 17 initialement prévues. Ce bâtiment, tout comme la frégate Horizon anti-aérienne, est doté d'un système d'armes considéré comme remarquable par tous les experts ;
- la DGA a effectivement été associée à la présidence française de l'Union européenne ; elle a ainsi organisé un séminaire entre les représentants des Etats et ceux des industriels qui a élaboré 24 propositions dont la mise en oeuvre a été confiée au nouveau directeur de l'AED, M. Alexandre Weis ; en revanche, la proposition de mutualiser 1 % des crédits de recherche européens en matière de défense s'est heurtée au refus britannique. Un accord a pu être conclu sur la transformation progressive de l'Agence européenne de défense en « pépinière » de programmes, associant officiers et ingénieurs responsables de ces programmes. L'Agence aura pour enjeu de faire passer les projets du stade de la préparation au stade du développement. Cet ensemble de décisions instaure un cercle vertueux en matière d'organisation industrielle et de développement des programmes ;
- le plan de relance comporte un élément nouveau au regard de la LPM, avec la commande de 5 hélicoptères Caracal supplémentaires - ce choix étant lié aux exigences des opérations menées en Afghanistan où les deux engins de ce type déjà présents sont très utilisés ; le plan de relance permet également de revenir à la cadence initiale de fabrication envisagée pour les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et porte à 52 au lieu de 50 le nombre de Rafale livrés. Un troisième bâtiment de projection et de combat (BPC) devrait également être construit, la vente à un pays étranger d'un bâtiment de transport de la génération précédente étant envisagée. Au total, le plan de relance comporte comme seul élément nouveau la commande des Caracal, le reste des projets énumérés consistant en une anticipation des projets planifiés ; au total, plus de 20 milliards d'euros de commandes devraient intervenir en 2009 ;
- la réalisation des avions ravitailleurs multi-rôles ne pose pas de problème technique puisque l'Arabie saoudite comme l'Australie possèdent déjà ce type d'appareil. La priorité n'a cependant pas porté sur leur commande car il est possible de louer des capacités d'affrètement par le recours à des avions C-17 ou à des Antonov grâce au programme SALIS (Strategie Airlift Solution) ;
- tous les bureaux d'études des grandes industries françaises disposent d'un financement suffisant pour poursuivre leurs travaux : ainsi, des études nouvelles en matière de missile ont été demandées en juillet dernier à MBDA ; la société Dassault dispose d'un plan de charge substantiel et des études ont été confiées à Thalès en matière d'électronique militaire. Le secteur naval bénéficie quant à lui du développement des FREMM et des sous-marins Barracuda.
a souhaité obtenir des précisions sur le transfert du centre d'études de Gramat de la DGA au CEA.
En réponse, M. Laurent Collet-Billon a précisé que ce transfert, effectué dans le cadre de la réduction de format de la DGA, tenait compte de la proximité des activités réalisées à Gramat avec certaines compétences du CEA. Les investissements et les compétences actuellement répartis entre les deux entités seront désormais regroupés au sein du CEA, le centre de Gramat étant bien entendu pérennisé. Les personnels de la DGA se verront proposer un contrat de travail par le CEA. En outre, des dispositions réglementaires seront prises pour que les agents qui accepteront ce contrat puissent conserver, parallèlement, leur qualité d'agent public.
évoquant les moyens dégagés pour maintenir les compétences technologiques françaises dans le domaine des avions de combat, s'est interrogé sur la possibilité d'aborder dans un cadre européen la préparation de la prochaine génération d'appareils.
En réponse, M. Laurent Collet-Billon a précisé que des contacts avaient été pris avec le Royaume-Uni pour réfléchir à l'élaboration de l'avion non piloté du futur. Au-delà du démonstrateur NEURON, développé par Dassault et d'autres industriels européens, il est possible d'imaginer un NEURON 2 visant à réaliser un avion armé non piloté en coopération avec British Aerospace (BAe). Le développement d'un tel projet ne peut s'envisager qu'en pleine coopération entre tous les pays européens.
a souhaité obtenir des précisions sur l'avenir de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), dont le projet de loi autorise la privatisation. Il s'est également interrogé sur le niveau des crédits de recherche prévu par le projet de loi.
En réponse, M. Laurent Collet-Billon a indiqué qu'une partie des activités de la SNPE rejoindrait la société SAFRAN dans le cadre du projet de consolidation de la filière française de la propulsion solide et que le nouveau Président-directeur général de SNPE avait également reçu pour mission de rechercher les solutions industrielles optimales visant à pérenniser les activités des autres branches du groupe. Il a reconnu que le financement en matière de recherche aurait mérité d'être supérieur et qu'il convenait que la DGA fasse preuve d'une plus grande réactivité face aux projets proposés par les PME.