Délégation sénatoriale à l'Outre-mer

Réunion du 31 mai 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Notre délégation à l'Outre-mer, créée il y a à peine six mois, s'est saisie de plusieurs sujets : après avoir planché ce matin sur une proposition de résolution européenne relative à la pêche ultramarine, elle s'intéresse cet après-midi au projet de prospection pétrolière dans les eaux guyanaises. Les enjeux des zones économiques exclusives ultramarines sont considérables. La délégation a confié l'étude de ce thème à trois rapporteurs, dont M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur de Guyane, et M. Richard Tuheiava, sénateur de Polynésie française. Les ressources potentielles de ces ZEE - ressources halieutiques, énergies fossiles, énergies renouvelables, substances minérales stratégiques - sont autant d'espoirs de développement, dans un contexte de marasme économique.

Nos collectivités ultramarines sont souvent présentées comme des laboratoires, mais n'ont pas récolté les fruits de cette avance jusqu'à présent. Chaque projet doit donc chercher à produire localement des effets structurants et durables, permettant une diversification économique et le développement de véritables filières. Un développement équilibré suppose également des garanties environnementales : la biodiversité de nos outremers est un trésor à préserver. Il vous revient, monsieur Romeo, de nous démontrer que votre projet de prospection pétrolière répond à ces attentes et à ces objectifs. Je vous propose donc de procéder par séquences successives et de nous présenter le groupe Shell et la genèse du projet guyanais, le projet lui-même, les garanties offertes en matière de protection de l'environnement, les retombées économiques locales attendues et enfin les conditions nécessaires à la conduite du projet.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Je suis honoré d'avoir l'occasion de vous présenter notre projet et de répondre à vos questions. Le groupe Shell, première société européenne, est l'un des trois ou quatre plus grands pétroliers mondiaux. La société est implantée en France depuis 1919 ; en 2009, nous avons créé Shell Exploration-Production France, qui porte le projet guyanais.

À l'époque du réchauffement climatique, notre activité est-elle anachronique ? Ce qui va se passer d'ici 2030 est déjà écrit : c'est le résultat des investissements passés, aujourd'hui en cours de réalisation. Mais l'avenir énergétique à l'horizon 2050 et au-delà dépend des choix d'aujourd'hui. Or la demande va énormément augmenter, voire doubler d'ici 2050 : il faudra produire en 35 ans l'équivalent de la capacité énergétique produite depuis le XIXe siècle ! La production aura du mal à suivre. Nous sommes à l'aube d'une période de pénurie énergétique. Il faut donc faire des choix de production. Je suis favorable à toutes les sources d'énergies, et fervent partisan des énergies renouvelables, mais il faut aussi produire du pétrole et du gaz. Nos choix d'investissement et de recherche répondent à trois objectifs : efficacité énergétique, recherche de nouvelles ressources, réduction de l'impact climatique.

L'augmentation de la demande tient avant tout à la croissance démographique. La Chine et l'Inde ne sont encore qu'au début de leur développement économique et énergétique : si elles suivent le modèle de l'Europe ou de la Corée, leur demande triplera. Si la part du gaz dans la consommation énergétique globale doit augmenter d'ici 2050, et celle des énergies renouvelables s'envoler, celle du pétrole devrait rester autour de 30 %. C'est le charbon qui connaîtra la plus forte croissance. Il est donc important de produire du pétrole quand le potentiel géologique existe, afin de limiter la part du charbon. Sans compter l'avantage en termes de balance commerciale...

Le permis d'exploration de Guyane concerne une superficie de 24 100 km2, qui s'étend de la frontière du Brésil à celle du Surinam, sur tout le bord du talus continental. Les profondeurs vont de 200 à 3 000 mètres ; nous avons déjà foré à 2 000 mètres. Le consortium réunit Shell, à 45 %, Tullow Oil à 27,5 %, Total à 25 % et Northpet à 2,5 %. Shell a succédé à Tullow Oil comme opérateur et porte-parole du consortium le 1er février 2012. Fin 2011, le permis a été prorogé jusqu'en juin 2016 pour la troisième phase d'exploration. Nous avons déposé deux déclarations d'ouverture de travaux, la première pour démarrer les forages d'exploration et d'évaluation, soit quatre puits ; la seconde pour acquérir des données sismiques afin de détecter des réservoirs potentiels. Cela fait suite au travail déjà réalisé, qui a conduit à un premier forage en 2011 et à l'annonce de la découverte de puits.

Les fondations sont solides : nous avons accumulé de l'expérience, beaucoup collaboré avec les acteurs locaux, rassemblé leurs suggestions. Nous avons présenté au public et aux associations l'ensemble des données relatives à l'impact environnemental du projet. Nous travaillons avec les organismes scientifiques, les associations socioprofessionnelles et environnementales pour développer une approche collaborative.

Un navire de forage neuf, le Stena Icemax, est en route vers la Guyane depuis les chantiers navals de Corée ; il atteindra la zone en juin. Sur le plan technologique, ce navire, capable de forer en zone arctique, est ce qui se fait de mieux. Parallèlement, la campagne sismique démarrerait en juillet avec le navire Oceanic Phoenix. Nous sommes dans l'attente des autorisations. Nous commencerions en juin le premier forage d'évaluation de la découverte annoncée en 2011, afin de déterminer l'étendue et le volume du gisement. La suite dépendra du résultat de ce forage. Un deuxième forage sera d'exploration, à vingt kilomètres du forage actuel, sur un autre gisement potentiel. Les deux forages qui suivront seront la conséquence des deux premiers : poursuite de l'évaluation ou exploration d'autres cibles.

Toute une zone a déjà été analysée au plan sismique ; nous demandons à l'étendre au nord-ouest, en direction du Surinam, pour poursuivre l'exploration. Les campagnes sismiques sont importantes pour valoriser ce patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous sommes à l'aube d'une pénurie énergétique, dites-vous, mais il faut tenir compte du coût de l'énergie. Dans ma région, les mines de charbon ont fermé car, étant donné le coût d'exploitation du charbon, elles n'étaient pas rentables. Si le prix des autres énergies s'envole, le charbon deviendra à nouveau compétitif !

Je comprends que vous soyez intéressé par la perspective d'un magnifique gisement au large de la Guyane, qui nous offrira peut-être une certaine indépendance énergétique. Mais, face à la dure réalité quotidienne, on est aussi en droit de s'interroger. Quid du raffinage ? Shell, en France depuis 1919, possédait la raffinerie de Petite-Couronne, qu'il a cédée en 2008 à Pétroplus. Aujourd'hui, la situation sociale et économique est dramatique, et Pétroplus en faillite. On comprend l'inquiétude des 550 salariés du site ! Faisons ensemble un peu de prospective : pourquoi ne pas raffiner le pétrole de Guyane à Petit-Couronne, qui est relié au port du Havre par un oléoduc ?

Enfin, si, par malheur, la raffinerie de Petit-Couronne fermait, il faudra dépolluer le site. Quelle sera l'implication de Shell, qui était propriétaire du site jusqu'en 2008 ? Il est hors de question que le coût soit exclusivement à la charge des collectivités locales !

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Le projet d'activité en Guyane, s'il aboutit, ne produira de pétrole qu'à partir de 2019...

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

On ne peut conditionner l'avenir d'un site de raffinage à ce qui pourrait se passer, peut-être, en 2019. Il faut d'abord que le projet fasse la preuve de sa qualité pour qu'il y ait un investissement de production.

Votre seconde question nous entraîne assez loin de la Guyane... La dépollution n'est pas un coût ; elle est un investissement pour augmenter la valeur foncière d'un terrain avantageusement situé. La question est celle de la valeur foncière que le propriétaire du terrain réalisera par les activités de dépollution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Néri est élu du Puy-de-Dôme, moi de Savoie : nous ne sommes pas intéressés à titre électoral mais en tant qu'élus de la Nation. La question de Petit-Couronne pose celle, plus large, des responsabilités sociétales des entreprises. Je souhaite que notre commission des affaires économiques se saisisse de ces sujets, et j'attends avec impatience que l'Assemblée nationale renouvelle ses membres pour y travailler en commun.

Une grande société qui fait des profits doit être liée par un cahier des charges plus large que l'objet même de l'autorisation qu'elle demande, prenant en compte la nature de ses relations contractuelles avec l'État et ses responsabilités sociétales. Ces autorisations pourraient n'être délivrées qu'en contrepartie d'engagements à maintenir l'activité économique sur le sol national. Je serai très attentif sur ce sujet : on ne peut dissocier ce dossier de la présence, actuelle ou passée, du groupe Shell sur le territoire national.

Mon département subit deux délocalisations. Vous allez valoriser le foncier !, nous disent les grands groupes en cause. Avec de tels propos, vous vous mettez à dos les élus locaux, qui sont avant tout soucieux du maintien de l'activité économique ! Je demanderai que le Parlement fasse évoluer la législation pour introduire dans les appels d'offre un critère de responsabilité sociétale des entreprises lorsque l'entreprise a besoin d'une autorisation publique pour exercer son activité. Je suis en tout cas ravi que nous ayons eu ce débat !

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Connaissez-vous Shell ? Nous sommes une société exemplaire. Je n'ai aucun doute que nos engagements sociétaux historiques justifient largement la confiance que nous demandons qu'on nous accorde.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Les questions de mes collègues sont fondées ; elles expriment les préoccupations de la représentation nationale face aux enjeux globaux du développement économique. Mais ne brûlons pas les étapes... La Guyane est un territoire particulier, auquel nous sommes très attachés. Il faut veiller à concilier les évolutions économiques et environnementales. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet lui-même ? Quelles sont d'ores et déjà vos relations avec la population guyanaise et les élus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

En tant que sénateur de Seine-Maritime, je me dois d'intervenir, après les remarques de mes collègues. Je connais les préoccupations légitimes des 500 salariés de Petit-Couronne. Shell a pris des engagements. Ce n'est pas l'objet de la présente réunion, mais la commission des affaires économiques devra se pencher sur ce grave sujet au cours des prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Poursuivons donc. Je note avec gourmandise que les hypothèses sont favorables en Guyane, et que ces ressources pétrolières pourraient alimenter les raffineries de France...

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

J'en viens aux questions de sécurité et de protection de l'environnement. Un projet comme celui de Guyane ne peut être qu'exemplaire. Notre priorité est : zéro accident. On sait l'impact dramatique qu'un accident aurait pour les victimes bien sûr mais aussi pour l'image de la société, voire pour sa survie.

Shell compte parmi son personnel beaucoup de militants d'associations environnementales. Notre objectif est de minimiser l'impact de nos activités sur l'environnement. Comment développer une activité économique en Guyane si les Guyanais considèrent que le projet n'est pas conduit de façon responsable ? Nous n'avons pas la moindre envie de polluer. Nous avons la responsabilité de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour qu'il n'y ait pas d'accident, et pour minimiser l'impact sur l'environnement.

Nous avons une grande expérience en la matière : cela fait trente ans que nous y travaillons, nos installations sont exemplaires. Pour tenir l'objectif zéro accident, il faut avant tout faire énormément de prévention. Nos standards de conception, de construction, et de conduite d'activité sont les plus stricts qui soient en termes d'élimination des risques.

La sécurité exige des matériels adaptés, des puits bien conçus, des équipements de sécurité redondants en cas de défaillance, etc. Ainsi, le Stena Icemax comporte non pas un mais deux systèmes d'obturateurs de puits. Il faut des spécifications techniques adaptées et mises à jour, des équipements maintenus constamment en bon état de fonctionnement et utilisés par des personnels formés et qualifiés. Il faut des systèmes de surveillance : en Guyane, la même activité est suivie en temps réel en parallèle par trois équipes, sur bateau, à Cayenne et à Houston. La sécurité est notre priorité absolue. Nous avons également défini des normes d'interruption des activités lorsque les courants sont importants, en application du principe de précaution, quitte à perdre quelques jours de forage. Cela fait partie d'une culture de la sûreté ! Tout cela suppose un énorme investissement en amont, dans les standards, l'équipement, la formation, la surveillance, la culture... qui font de Shell une société exemplaire.

Nos efforts étaient jusqu'ici essentiellement axés sur la prévention. L'accident BP Macondo montre qu'il faut aussi préparer l'intervention après un éventuel accident, aussi peu probable soit-il.

L'activité sismique emploie une technologie d'ondes acoustiques non destructrices. Selon toutes les études indépendantes, l'impact sur les poissons est négligeable au-delà de 200 mètres. En outre, nombre de ces animaux sont sensibles au bruit et s'écartent d'eux-mêmes ! Aucun impact environnemental n'a été documenté au cours des quatre campagnes sismiques menées en Guyane au cours des dix dernières années. Un inventaire des risques a été dressé par une société indépendante ; nous l'avons complété et avons mis en oeuvre des mesures préventives : observateurs des mammifères marins à bord, équipements de contrôle acoustique, procédures pour minimiser les perturbations, comme les démarrages progressifs. Nous minimisons l'impact et nous le mesurons, avant, pendant et après l'activité.

S'agissant des activités de forage, nous connaissons bien le milieu au large de la Guyane, pour y avoir foré pendant 260 jours en 2011. Lors de ce premier forage, aucun impact négatif sur l'environnement n'a pu être mesuré. Loin de s'éloigner, les poissons se sont concentrés autour des équipements immergés, et la zone est devenue un lieu de pêche !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

C'est l'effet DCP (Dispositifs de Concentration de Poisson) !

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Nous avons des règles strictes pour minimiser l'impact environnemental : maintenance et contrôle régulier des équipements, gestion des rejets, surveillance des navires, pas d'éclairage direct dans l'eau, réduction de l'empreinte carbone des bateaux de service, équipements en cas de déversement accidentel d'hydrocarbures.

En Guyane, la pollution due à un déversement accidentel resterait confinée en mer, grâce aux courants. La nature nous est favorable ! Même si des vents du nord poussaient la nappe vers les côtes, les courants contraires sont suffisamment forts pour nous laisser largement le temps d'intervenir. La première réponse tactique est de contenir la nappe sur le lieu d'épandage, puis d'interrompre la fuite à la source. La plupart des pollutions liées à ces activités sont petites, quelques dizaines de litres perdus par exemple au moment de l'avitaillement. Nous sommes équipés pour les contenir. Les navires disposent en permanence des moyens humains et matériels pour intervenir immédiatement, et d'autres moyens sont disponibles à Cayenne et plus loin si nécessaire. Le Stena Icemax porte, je l'ai dit, deux systèmes d'obturateurs de puits pour interrompre une fuite à la source le cas échéant.

En cas de fuite plus importante, la meilleure réponse est de casser les molécules d'hydrocarbures en utilisant des dispersants non toxiques. La logistique d'approvisionnement est en place, avec des avions C130 à Trinidad et à Cayenne, et des moyens mobilisables à Georgetown et à Trinidad pour assurer la continuité de l'approvisionnement. En cas de situation extrême, des moyens supplémentaires sont mobilisables dans la région, et peuvent aussi être acheminés depuis l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je ne suis ni convaincue, ni rassurée... Vous ne pouvez nier que le risque existe. Dans son avis de mars 2012 sur la sécurité des plateformes pétrolières en mer, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) rappelle que l'on a connu depuis 1976 une douzaine d'accidents majeurs. Le cadre juridique est encore incomplet, au plan européen et international. S'agissant de l'exploration préalable, le CESE préconise un meilleur respect du principe de participation du public au cours du processus d'attribution des titres et autorisations. Il préconise également le recours à une tierce expertise indépendante, dans l'intérêt général. À ma connaissance, ce processus n'est pas engagé aujourd'hui. Tenir quelques réunions d'information du public n'est pas associer la population au fond du dossier ! Nombre d'ONG et d'associations ont écrit au préfet, sans obtenir de réponse. Elles estiment que les risques encourus sont énormes, que les moyens d'intervention prévus en cas d'accident ne sont pas à la hauteur, et souhaitent être consultées tout au long du processus.

Ces premiers travaux exploratoires ont un coût considérable. Ne vaudrait-il pas mieux investir dans les énergies du futur ?

Enfin, toute atteinte à la biodiversité aurait des conséquences économiques et sociales catastrophiques : on sait l'importance économique de la pêche dans la région ! Attention aux « petites » pollutions qui deviennent grandes quand elles s'additionnent !

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Je participe depuis un an à des réunions avec les associations environnementales de Guyane. Je les ai invitées à participer à l'élaboration de nos systèmes. Elles ont décliné, ne voulant pas être co-responsables. Une association a claqué la porte de la commission de suivi et de concertation scientifique que nous avions mise en place pour étudier l'impact sur la biodiversité guyanaise. Je peux inviter, accueillir, mais pas retenir ! Notre propos est d'assurer un impact minimum sur l'environnement. Toutes les suggestions sont bienvenues !

Nous sommes en situation de pénurie énergétique. Je me félicite des investissements dans les énergies renouvelables, mais les sources d'énergie ne sont pas mutuellement exclusives : il faut aussi investir dans nos énergies. Ne me demandez pas de choisir entre misère économique et misère climatique ! Nous encourageons le développement de toutes les énergies. Shell est d'ailleurs leader dans le solaire, dans l'éolien, dans la biomasse, mais notre coeur de métier demeure la prospection pétrolière. Le monde a besoin d'énergie : la pénurie n'est pas acceptable.

Je sais l'importance de la pêche ; nous rencontrons les pêcheurs, notamment dans le cadre du groupe de travail sur l'action en mer. Nous sommes les premiers à leur apporter des réponses structurantes : création de coopérative de pêcheurs à Cayenne, réduction de la pénibilité, établissement de la connaissance halieutique. Nous sommes des marins, nous avons besoin de marins. Les écoles de formation aux métiers de la mer ne doivent pas produire des chômeurs...

Enfin, Shell assume sa responsabilité. Si nous devions être à l'origine de dégâts sociaux et environnementaux, nous serions là pour les réparer. C'est l'engagement de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

La production d'hydrocarbures est un enjeu historique pour le développement de la Guyane, comme pour la France hexagonale. Attention toutefois à la protection de la biodiversité. Les associations guyanaises de protection de l'environnement se sentent exclues du processus de décision. La Charte de l'environnement impose pourtant cette participation de la population. Les organisations et associations sont-elles réellement associées aux décisions ?

Un rapport du parlement britannique de 2011 a souligné l'expertise des consortiums pétroliers sur les volets industriels et financiers mais pointé des défaillances dans le domaine environnemental. La gouvernance a-t-elle été rééquilibrée ? Il y a un vide juridique dans le code minier, des zones d'ombre dans la réglementation internationale qui laissent la porte ouverte à des pratiques non conventionnelles. Il faut prendre les mesures nécessaires pour rassurer le grand public et faire partager un projet de développement.

Quels seront les procédés de forage retenus lors de la prochaine phase d'exploration ? Lors de la première phase, il y avait eu débat avec les associations, avant que le préfet ne tranche en votre faveur.

Que sait-on des risques géomorphologiques liés aux études de comportement de la couche d'hydrocarbure par prélèvement ? Sur les courants, votre analyse ne fait pas l'unanimité : selon certains spécialistes, les courants vont parfois vers les côtes !

Avez-vous pris en compte les migrations saisonnières de la faune aquatique ? Il paraît étonnant qu'il puisse y avoir une zone sans poissons... Quid de la fameuse tortue luth ?

Enfin, a-t-on une idée de la taille du gisement attendu lors de la phase d'exploitation ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Nous travaillons sur des données, pas des sentiments. Les données de courantologie sont fondamentales pour les marins que nous sommes : c'est notre coeur de métier ! Nous avons mené des recherches considérables sur les courants au large de la Guyane, fait des relevés pendant les 260 jours que nous avons passés en mer. Les courants sont très majoritairement orientés vers le large. Une tierce expertise ? Ces données techniques, scientifiques, sont validées par la marine nationale, par le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE). Nous sommes équipés pour le cas, rare, où le courant serait orienté vers Cayenne. La probabilité que le pétrole atteigne la mangrove est très faible, mais si cela devait arriver, les moyens d'intervention sont prêts.

C'est pour tenir compte des migrations saisonnières que nous démarrons en juillet : nous avons choisi la meilleure période possible en fonction des migrations, notamment des tortues, et des courants et vents. Ces données sont accessibles sur Internet et ont été présentées aux associations à Cayenne. La faible densité de poissons est un fait reconnu par l'Ifremer : nous avons fait des relevés mensuels. Des expertises indépendantes nous conduisent à proposer l'activité qui aura l'impact le plus faible sur l'environnement.

Je suis fier d'annoncer que nous allons utiliser des fluides synthétiques de forage qui nous avaient été interdits il y a un an, car c'est un facteur majeur de sécurité. Si nous utilisons un fluide synthétique coûteux plutôt que de l'eau, c'est parce qu'il est efficace, biodégradable, non toxique selon la classification REACH, et qu'il réduit le risque. Vingt ans de recherche en ont démontré l'innocuité. Les services de l'État ont d'ailleurs jugé que notre approche était la meilleure. Les données sont publiques.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Nous demandons à l'État l'autorisation de forer afin de pouvoir répondre à cette question !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Nous n'attendons pas une réponse précise aujourd'hui, mais un ordre de grandeur.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Quand nous avons lancé le premier forage, nous n'avions qu'une chance sur dix de trouver des hydrocarbures. Nous avons validé notre hypothèse et gagné notre pari. Mais je ne peux dire quelles quantités pourront être produites : c'est précisément l'objet du travail que nous entamons. Je pense que le jeu en vaut la chandelle, ce qui ne veut pas dire que le succès est garanti. Nous pourrions par exemple trouver du pétrole dispersé, en petites quantités sur une grande surface...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Les études géologiques vous permettent tout de même de dire que cette partie du monde présente un potentiel.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Elle est censée être le miroir de l'Afrique de l'ouest, et pourrait donc présenter le même potentiel. Mais il y a loin d'une considération générale à un projet commercial ! Nous lançons le travail sur des fonds privés, preuve que l'industriel a la foi, sinon la certitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Le gisement pourrait-il être l'équivalent de celui du Qatar ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Sûrement pas.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Nous saurons alors s'il y a une vraie opportunité, si le deuxième puits d'évaluation valide nos hypothèses.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Vos installations auraient un effet DCP. Mais elles sont entourées d'un périmètre de sécurité qui entraîne une interdiction d'approcher ! Dès lors, comment peut-on parler de DCP ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Il ne s'agit pas d'un DCP officiel, mais de fait. On peut imaginer installer de véritables DCP, à finalité de pêche, mais c'est une question d'aménagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

L'effet DCP n'est donc pas exploitable... Là où il y a peu de poissons, il y en aura beaucoup : il faudra penser à protéger toute cette chaîne alimentaire ! Le problème demeure entier.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Il n'y a aucun antagonisme entre nous et les poissons ! Nous sommes au contraire les meilleurs observateurs des espèces, nous disposons des meilleurs ichtyologues. Nous avons besoin de connaître le milieu pour mesurer l'impact qu'entraînerait un développement commercial. L'effet DCP ne doit pas être considéré de façon négative.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Quelles seraient les retombées économiques locales en Guyane ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Shell a succédé à Tullow Oil comme opérateur, mais ce dernier reste membre du consortium. Pourquoi ce changement ?

Dans l'architecture actuelle, il est prévu que le pétrole soit directement acheminé vers les raffineries, sans transiter par la Guyane. Dès lors, quelles retombées les Guyanais peuvent-ils espérer ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Un consortium désigne toujours un opérateur pour offrir une interface unique. Il est légitime de choisir la société qui détient la plus grosse part du projet. C'est une démonstration de notre engagement. Les décisions stratégiques, comme le choix des lieux de forage ou le budget, sont cependant prises par l'ensemble des partenaires. C'est ensuite Shell qui met en oeuvre le projet, avec ses standards, ses équipes.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Il n'y en a qu'un, celui de Shell, qui est le standard de référence dans l'industrie.

Le projet a des retombées dans quatre domaines, qui font chacun l'objet d'un sous-groupe de travail du comité de suivi et de concertation : la formation et l'emploi, la stimulation du tissu économique local, la coopération scientifique, les actions en mer.

Le résultat de l'activité de prospective conditionne l'exploitation future, mais le projet a déjà des retombées locales à travers les appels d'offre, l'utilisation des infrastructures guyanaises, la création d'emplois directs et indirects. Déjà, 25 emplois directs sont en cours de création chez Shell, ainsi que 60 emplois indirects. Nous préparons le long terme dès aujourd'hui. Il faut trois à cinq ans d'expérience pour être qualifié « pétrole ». Nous lançons donc un programme de formation et de recrutement pour répondre aux besoins : les recrues seront employées dans nos métiers hors de Guyane en attendant que le projet arrive à maturité. Plusieurs sociétés participent à ce programme, dont Schlumberger, Endel, SARA, etc. Nous lançons donc les formations et les recrutements sans même attendre la confirmation de la viabilité du projet !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Il est normal que la Guyane soit privilégiée, mais n'oublions pas les autres départements français d'Amérique !

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Il y a un pilotage politique qui relève des élus. Nous recrutons déjà, en CDI, en assumant qu'il n'y aura peut-être jamais de projet. Sachez qu'il faut cinq ans à un soudeur pour être qualifié « pétrole » ! C'est un engagement novateur et très fort. Les entreprises sont prêtes à recruter à des fins de qualification dans les métiers dont nous aurons besoin ; il reste à structurer l'offre, à identifier les personnes susceptibles d'être recrutées : c'est le rôle du monde éducatif. Il faut une coordination d'ensemble pour mettre en relation la personne et l'opportunité. Le pilotage relève de la mission de concertation locale.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

L'anglais est en effet important dans le monde du pétrole. Cela relève du pilotage.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Le partenariat avec le rectorat est déterminant, car ce dernier, qui a pour consigne d'adapter la formation aux marchés d'aujourd'hui et de demain, peut décider de la création de filières au lycée. Le partenariat avec les territoires est fondamental. Nous vous encourageons à poursuivre dans cette voie !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

On sait que les engagements cessent parfois d'être tenus au bout de quelque temps : les directeurs changent, et les promesses s'envolent ! Il faudrait un cadre qui garantisse la pérennité des engagements que vous prenez aujourd'hui en matière de recrutements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Nous applaudissons cette démarche, même si nous resterons vigilants. Ce n'est qu'au bout de trente ans que le spatial a fini par créer des emplois guyanais ! Ne répétons pas les erreurs du passé. Je salue l'anticipation des recrutements, mais il faudra réfléchir à un cadre conventionnel pour garantir que ces engagements seront tenus dans la durée.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Les grands élus font partie du pilotage. Le chantier est en cours. Je demande un pilotage politique : la formation de la population est de la responsabilité de l'État et de la Région. Nous sommes capables de structurer la demande et d'assurer un engagement à long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

J'estime que cela vaut engagement devant la représentation nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Il faudrait établir un lien, sous forme conventionnelle, entre l'autorisation que vous sollicitez et cet engagement de formation, ne serait-ce que pour des raisons d'affichage. Vous dites vouloir informer et associer la population à l'élaboration de ce projet, mais les associations ne l'ont pas forcément perçu... Inscrire dans le marbre cet engagement de formation apporterait une réponse concrète à leur demande de participation. Il faut préparer les nouvelles générations à participer à cette aventure !

Outre la Guyane, dans quelles parties du monde avez-vous des forages en cours ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Nous sommes très présents au Brésil, en Guyana, et nous sommes leaders dans le golfe du Mexique.

Nous sommes une industrie complète, qui propose un spectre de métiers larges, à tout niveau de qualification. Pour une unité d'extraction au large, nous employons en moyenne deux équipes de 70 personnes au large ainsi qu'une de vingt personnes à terre, soit 160 personnes. En général, on compte qu'un emploi Shell génère quatre emplois indirects de spécialistes du pétrole ; quant aux emplois induits, le ratio est de un pour un. Les capacités actuelles de la Guyane sont peu développées dans certains secteurs - peu de soudeurs ou de chaudronniers -, davantage dans d'autres. Un mécanicien sur plateforme doit avoir quatre à cinq ans d'expérience ; la formation étant de type DUT-BTS, il faut recruter par anticipation. Initialement, les responsables, qui justifient de quinze ans d'expérience au moins, seront extérieurs, mais à terme, ils pourront être Guyanais. Les cibles de recrutement sont des profils bac+2 mais aussi CAP ou BEP. Enfin, notre industrie peut être une voie de réinsertion, car tous les métiers n'exigent pas de grande qualification.

Deuxième retombée : la stimulation du tissu économique local. Il paraît naturel que les entreprises guyanaises fournissent l'essentiel des métiers indirects et induits. Les petites entreprises locales devront être accompagnées afin de pouvoir se conformer aux normes strictes des appels d'offre, par exemple en matière de qualité alimentaire. Il faudra également inciter contractuellement nos propres fournisseurs à s'approvisionner localement.

Troisième axe : la coopération scientifique. Nous développons une connaissance approfondie du milieu, finançons des thèses et participons à des études en cours.

Le quatrième point concerne les actions en mer : soutien au secteur de la pêche, plan de développement des activités maritimes, aide à la constitution de coopérative de pêcheurs, recherche sur des moteurs plus adaptés, etc. C'est l'objet du dernier groupe de travail, qui associe notamment les pêcheurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Combien d'actions de ce genre menez-vous ? Combien de personnes seront-elles employées en moyenne ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

J'ai cité le chiffre de 160 personnes par unité d'extraction. Le nombre total dépendra du projet qui sera effectivement développé. Nous explorons plusieurs réservoirs : peut-être y aura-t-il deux champs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Où en êtes-vous des discussions avec les autorités régionales sur les infrastructures ? Lors de la première phase de forage, vous avez utilisé le port du Surinam. Qu'en sera-t-il pour la phase d'exploitation ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Pour l'exploration, notre base primaire est Trinidad, notre base secondaire, Cayenne. Pour le forage, nous utiliserons davantage Cayenne. Nous avons réservé 2 000 m2 sur le port, et nous assurerons l'avitaillement depuis Cayenne, et non plus depuis Trinidad. Nous sommes contraints par la disponibilité du port. À terme, si nous lançons l'exploitation en mer, il faudra une infrastructure portuaire « pétrole » en Guyane.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Trinidad est à 4 000 kilomètres, Cayenne à 150 : son port devrait être compétitif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Avez-vous déjà des échanges avec les autorités régionales pour réaliser un port dédié ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Il est encore trop tôt, mais il faudra réfléchir d'ici la fin de l'année à une extension temporaire du port de Cayenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Je reviens à Petit-Couronne. La société Shell s'inscrit-elle dans une logique de filière, de la production au raffinage ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Shell est déjà un leader mondial intégré, de la production à la vente. Le raffinage représente une activité très significative, mais le site de Petit-Couronne ne s'inscrit pas dans nos orientations à long terme. La basse Seine compte déjà deux raffineries beaucoup plus importantes, que Petit-Couronne n'est pas de taille à concurrencer. Nous avons choisi d'investir dans d'autres projets. L'acquéreur de ce site était à l'époque qualifié pour développer cette activité. Le choix des lieux de raffinage dépend de critères de marché, or sur le marché français, caractérisé par la vente de carburant par les grandes surfaces, nous ne pouvons développer un grand réseau de stations-service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Et si le gouvernement conditionnait le permis d'exploitation à la reprise du raffinage à Petit-Couronne ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Ce serait illégal : rien, dans un État de droit, ne le justifierait. Les deux choses sont indépendantes. Nous respectons la loi, nous répondons aux critères techniques et économiques. Ce serait de la discrimination !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Si l'on trouve abondance de pétrole, sera-t-il raffiné en Martinique par la SARA ?

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

La SARA nous approvisionne en carburant.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

La SARA fait venir son brut de mer du Nord, à grand frais. L'alimenter par du pétrole guyanais, que l'on dit peu lourd, permettrait de réduire les coûts de production.

Debut de section - Permalien
Patrick Roméo, président de Shell France

Cette question devra être étudiée si le projet réussit. On ne peut anticiper.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Y aura-t-il des étapes d'ici l'échéance de 2019 ? Quand saura-t-on avec certitude si le projet sera concrétisé ?

Il y a à cela deux conditions : la géologie d'une part, la stabilité fiscale et juridique d'autre part. Nous avons connu une évolution fiscale tous les treize jours au cours des cinq dernières années ! Difficile d'imaginer un tel investissement sans un minimum de discussion sur cet aspect. La stabilité fiscale et réglementaire sera déterminante dans la décision d'investir ou non. Si le projet se concrétise, la décision d'investissement pourrait être prise dans deux ou trois ans. Ensuite, encore deux ou trois ans pour construire, puis un an pour démarrer... ce qui nous conduit en 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je vous propose de nous revoir pour creuser ce dernier sujet. Nous avons eu plaisir à échanger avec vous. Ce projet montre que l'outre-mer n'est pas un handicap pour la France, encore moins une danseuse, mais bien un atout !