La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je suis heureux de vous accueillir devant nos deux commissions réunies pour vous entendre sur l'état d'avancement du Programme d'investissements d'avenir (PIA), en place depuis 2010, et sur la mise en oeuvre du Pacte de compétitivité, adopté en novembre 2012. Au-delà de son bilan financier au 1er trimestre 2013, il serait utile que vous fassiez le point sur la gouvernance du PIA. Ainsi, comment votre action s'articule-t-elle avec la banque publique d'investissement (BPI), qui ne sera déclinée dans les régions qu'à compter de septembre ? L'attente est grande sur le terrain. Quelles conséquences sur vos opérateurs de référence ? Quelle répartition des rôles, quelle coordination pour renforcer les complémentarités et les effets de levier ?

La recherche est une priorité du PIA ; plusieurs structures ont été créées (Idex, Labex, Equipex, Sociétés d'accélération de transfert de technologies), or le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche ne les mentionne pas. Comment assurer la cohérence, sans complexifier le paysage ? Quelles sont vos propositions pour un meilleur transfert de technologie vers l'entreprise - même si je préfère parler de valorisation de la recherche ?

Enfin, quelle appréciation portez-vous sur les premières mesures de mise en oeuvre du Pacte de compétitivité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

À mon tour de dire combien nous sommes heureux de vous recevoir. Notre commission s'occupe d'aménagement du territoire, de transport, de développement durable. Quelle est votre vision sur le financement du très haut débit, essentiel au désenclavement des territoires ruraux ? Quelles sont les priorités d'investissement en matière de développement durable, qu'il s'agisse de rénovation des bâtiments ou d'énergies renouvelables ? Enfin, quelles sont à vos yeux les priorités dans le secteur des transports ? Le futur schéma national des infrastructures de transport (SNIT) nous inquiète beaucoup...

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Merci de me recevoir, avec M. Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint, qui pourra compléter mes réponses.

Sur les 35 milliards d'euros de dotation initiale du PIA, 20 milliards sont consommables, les autres étant placés pour produire des intérêts, qui financent des structures telles que les Idex. A ce jour, 28 milliards d'euros sont engagés, 20 milliards contractualisés. Nous avons dépensé 4,7 milliards d'euros en espèces ; nous dépenserons 4 milliards chaque année en 2013, 2014 et 2015, puis le programme diminuera progressivement jusqu'en 2018, date où il ne restera que les intérêts des dotations non consommables, soit 400 à 500 millions d'euros par an.

Le nouveau gouvernement a confirmé la structure du PIA ainsi que, son mode de financement et ses principes, qui avaient été arrêtés par la commission Juppé-Rocard. Il a toutefois redéployé 2,2 milliards d'euros vers la priorité productive, c'est-à-dire vers l'industrie. Nous sommes en train d'engager les 7 milliards d'euros restants, qui sont d'ores et déjà fléchés, notamment vers le très haut débit. Quant à un éventuel ré-abondement, c'est au gouvernement d'en décider.

Le commissariat assure également le suivi du Pacte de compétitivité. Adopté le 6 novembre 2012, celui-ci comporte 35 mesures, dont la plus emblématique est le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Les deux tiers ont d'ores et déjà fait l'objet de textes et de mesures de mise en oeuvre. D'autres ont conduit à commander des rapports : le rapport Berger-Lefebvre sur le financement à long terme de l'économie, le rapport Beylat-Tambourin sur l'innovation remis à Mme Fleur Pellerin et qui donnera lieu à de prochaines annonces de la ministre. D'autres enfin ne pourront être appliquées avant la promulgation de la loi traduisant l'accord national interprofessionnel du 11 janvier, actuellement soumise au Conseil constitutionnel, et les négociations qui vont ensuite s'engager sur la formation professionnelle.

Un premier bilan en avril montrait déjà que ces mesures étaient mises en oeuvre par les ministères avec dynamisme, même si certaines sont échelonnées. Il faudra préserver la cohérence initiale des 35 mesures tout au long de leur mise en oeuvre et ne pas en oublier en route, car la compétitivité est un phénomène complexe où tout est lié. Pour l'heure, aucune ne semble être en déshérence.

J'ajoute que la reconquête de la compétitivité prendra du temps. Le plan 2010 de Gerhard Schröder a été mis en oeuvre sur dix ans, par trois majorités successives : SPD, SPD-CDU, CDU-libéraux. Cette persévérance explique son succès. Il ne faut pas escompter de résultats visibles immédiats, c'est l'affaire de plusieurs années.

Contrairement à ce que croit savoir le Figaro, le CICE est très bien parti : nous en sommes à plus de 500 millions d'euros de préfinancements. C'est à mes yeux plutôt un sujet de préoccupation, car ce succès révèle surtout l'ampleur des difficultés de trésorerie des entreprises. Oséo est bien mobilisé sur le financement du CICE. Les banques l'ont soutenu plus mollement et les experts-comptables ont également mis du temps à valider les besoins de crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les bons débuts montrent peut-être aussi que le CICE était bien ciblé ?

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

En ouvrant le dispositif à toutes les entreprises, le Gouvernement a voulu privilégier l'emploi. À l'inverse, l'industrie n'étant pas particulièrement ciblée, l'impact est plus faible sur la compétitivité industrielle. Je proposais d'aller jusqu'à 3,5 fois le Smic ; en optant pour 2,5 Smic, on touche les entreprises de main d'oeuvre, mais pas nécessairement l'industrie où les salaires sont souvent plus élevés. Cela dit, la compétitivité industrielle allemande profite aussi de services bon marché ; une baisse du coût des services de nettoyage ou de gardiennage, par exemple, a un impact indirect sur l'industrie.

En matière de très haut débit, l'objectif est d'équiper l'ensemble du territoire d'ici 2022, avec une montée progressive en débit dans certaines régions. Les zones denses seront équipées par les opérateurs privés ; les zones conventionnées, où la rentabilité n'est pas assurée, par les opérateurs privés et les collectivités territoriales ; enfin, dans les zones où les opérateurs ne veulent pas aller, des programmes d'initiative publique, pour 20 milliards d'euros, seront financés aux deux-tiers par les industriels, au tiers par les collectivités publiques - État et collectivités territoriales à parité. Le PIA contribue pour 1 milliard d'euros aux 3 milliards qu'apporte l'État, et consent pour 0,7 milliard d'euros des prêts aux opérateurs. Les collectivités territoriales bénéficient, elles, de prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La feuille de route gouvernementale a été arrêtée le 28 février dernier, les négociations sont en cours avec un certain nombre de collectivités territoriales.

Je siège au conseil d'administration de la BPI et nos deux instances travaillent ensemble, par exemple dans le cadre des comités de filière. Nous apportons également des outils à la BPI : fonds pour la société numérique (FSN), fonds d'amorçage, etc. Nous sommes associés à la gouvernance de ces fonds : si la BPI est seule en contact avec les clients, la politique d'attribution des fonds est partagée avec le commissariat général dans le cadre de comités de pilotage. Les choses fonctionnent bien. La BPI n'est pas encore constituée mais Oséo n'a pas cessé de fonctionner et il assure le préfinancement du CICE de manière tout à fait satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Tout le monde attendait de la BPI une accélération de l'aide aux PME, dans l'accès au crédit et même au financement de haut de bilan.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

CDC Entreprises, dont l'action sera reprise par la BPI, continue elle aussi de fonctionner. Nous sommes dans une phase de mise en place. Quoi qu'il en soit, la BPI est une banque, elle sera soumise aux règles prudentielles : elle pourra se montrer plus patiente que les banques, avoir des objectifs de rentabilité plus modestes, mais elle ne pourra prêter à des entreprises incapables de rembourser... N'oublions pas l'exemple des sociétés de développement régional ! La BPI devra faire preuve à la fois de dynamisme et de patience, mais elle sera tenue par la réglementation bancaire. Elle ne fonctionnera certainement pas à robinet ouvert !

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Nous avons deux objectifs en matière de développement durable : préparer la transition énergétique en matière d'efficacité énergétique, d'économies d'énergie et de développement d'énergies nouvelles, et faire émerger des acteurs industriels. Les nouvelles technologies sont foisonnantes. Il y aura forcément des échecs. Les panneaux solaires en ont été un pour l'Europe. Nous nous heurterons peut-être aussi à des impasses techniques. Les investissements sont lourds, la rentabilité limitée : il faudra trouver le bon mix de financements publics et privés, et attirer ces derniers.

Les énergies renouvelables ne sont pas rentables aujourd'hui. Comment gérer des sources d'énergie qui pèsent sur le coût global de l'énergie ? Nous finançons les démonstrateurs, les opérations exemplaires, telle cette éolienne off shore de très grande taille qu'Alstom teste sur sol à Saint-Nazaire, mais nous ne financerons pas le déploiement des parcs d'éoliennes en mer. Je crois beaucoup aux hydroliennes, car nos courants marins réguliers et prévisibles sont un vrai gisement. Là aussi, nous finançons les démonstrateurs.

Les instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées (IEED) sont l'équivalent des instituts de recherche technologique (IRT). Mon prédécesseur, René Ricol, avait retenu neuf projets en mars 2012 ; nous venons seulement de signer le premier. Ce délai, inacceptable, s'explique par les difficultés rencontrées à Bruxelles, qui nous ont amené à revoir certains montages financiers. Après le projet Pivert, en chimie du végétal, cinq autres projets sont prêts à être signés.

Les fonds démonstrateurs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) interviennent dans trois domaines : les énergies décarbonées, les réseaux électriques intelligents, l'économie circulaire. À ce jour, 75 projets ont été sélectionnés, pour 650 millions d'euros de dépenses sur les investissements d'avenir : 23 % en faveur d'établissements publics de recherche, 44% pour les grandes entreprises et 33 % pour les PME - c'est énorme, car ces dernières représentent moins de 20 % de la recherche industrielle en France. Nous avons des projets à l'instruction pour environ 200 millions d'euros, ciblés sur les filières industrielles. L'objectif est de créer des vitrines pour aider les acteurs nationaux à exporter. En matière d'économie circulaire, et plus précisément de valorisation des déchets, les gisements sont décevants ; il faudrait un meilleur regroupement des déchets industriels pour atteindre une masse critique. Là encore, nous ciblons la filière industrielle plutôt que les opérations de traitement. Simplifier, accélérer, inciter les acteurs à travailler ensemble, voilà nos mots d'ordre.

Enfin, la France est une référence mondiale en matière de sûreté nucléaire. C'est un atout à l'exportation, un véritable actif qui valorise l'ensemble de la filière nucléaire. À la suite de la catastrophe de Fukushima, nous avons dégagé 50 millions d'euros et retenu 23 projets, qui s'étendent sur quatre à huit ans, autour de quatre thèmes : réflexion sur les évènements initiateurs, gestion du déroulement de l'accident, gestion de crise et conséquences pour l'homme et l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Merci pour ces éclaircissements. Première question : quelle place pour l'automobile et les mobilités de demain dans le cadre de la transition énergétique ? Les technologies évoluent vite. Que prévoit le Grand emprunt dans ce domaine ?

Je nuancerai vos propos sur les énergies alternatives : la non-rentabilité à court terme peut être la rentabilité de demain. L'Allemagne, qui n'a pas connu la bulle immobilière, a su développer la machine-outil et monter en gamme, en bénéficiant d'une main d'oeuvre moins chère. Résultat, chaque usine qui se crée dans le monde achète une machine-outil allemande ! Veillons à préparer l'avenir, et à ne pas réserver aux énergies alternatives la partie congrue du Grand emprunt.

Il fallait un choc de compétitivité, le Gouvernement l'a fait. Attention toutefois à ce que le CICE ne soit pas capté par les grands groupes : certains demandent d'ores et déjà aux PME 2 % de marge sur le CICE ! En 1980, les entreprises consacraient 30 % de leurs ressources financières au paiement des dividendes ; en 2012, on en est à 80 % ! Si bien que la France se retrouve au niveau du Portugal en matière d'investissement... Le choc de compétitivité doit être l'affaire de l'État mais aussi des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Le très haut débit est fondamental pour les territoires ruraux. Le monde rural a toujours souhaité une vraie péréquation. On demande beaucoup d'argent aux petites collectivités locales, or la dotation globale de fonctionnement (DGF) est deux fois plus importante pour les villes que pour le monde rural. Une telle inégalité est-elle justifiée ?

Il y a dix ans, on affirmait que les biocarburants étaient l'énergie de l'avenir, avant de faire volte-face. L'hydroélectricité est une énergie peu chère, renouvelable, bref, une valeur sûre. Or les associations ont réussi à interdire les petites centrales sur 85 % de nos rivières ! Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la biomasse ? Quel est votre point de vue sur le gaz de schiste ?

La compétitivité n'a-t-elle pas souffert des charges imposées à nos entreprises ? L'élevage aussi est concerné : nos abattoirs se vident au profit de l'Allemagne, où les travailleurs coûtent beaucoup moins cher. Quel avenir pour notre agriculture, qui consomme beaucoup de main d'oeuvre ?

Accélérer les procédures, dites-vous ? Je signe des deux mains. Commençons par supprimer les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), ou au moins, demandons-leur de changer de méthodes : elles sont à l'origine de bien des problèmes !

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Je transmettrai votre requête en haut lieu...

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Certains de vos propos m'ont fait bondir. Je vous ferai parvenir le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur le coût de l'électricité, selon lequel les énergies renouvelables sont d'ores et déjà concurrentielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Même M. Henri Proglio l'a dit !

Vous financez des démonstrateurs, très bien. Mais y a-t-il une réelle stratégie française de structuration des filières industrielles, en lien avec les objectifs de la transition énergétique portés par le président de la République ? À Saint-Nazaire, on n'est plus dans une logique de démonstration, mais bien dans une logique de production de séries ; les coûts sont maîtrisés et diminuent.

Des points faibles existent. La première génération de compteur Linky s'avère incapable d'accompagner la transition énergétique. Envisagez-vous de consacrer des moyens au développement d'un nouveau compteur, susceptible d'être exporté ? Avez-vous élaboré des stratégies industrielles à la hauteur des enjeux de la transition énergétique ?

Également, nombre de PME, pourtant rentables, ne parviennent pas à trouver la centaine de milliers d'euros nécessaire pour franchir le cap, lorsqu'elles rencontrent un problème d'impayé. L'appareil de décision français a-t-il conscience de ces difficultés ? Culturellement, la France privilégie plutôt les grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Beaucoup d'entreprises, notamment en milieu rural, ne connaissent pas l'existence du CICE. Il faut mieux diffuser l'information.

En outre, quelle est la part des crédits consacrés à la formation professionnelle dans le programme des investissements d'avenir ? Combien ont été consommés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Des marges de progression existent concernant la valorisation des déchets et l'économie circulaire, notamment sur les taux de récupération des produits en fin de vie. Le maillage du territoire devra aussi être amélioré. Si quatre ou cinq usines de récupération des matelas suffisent à l'échelle de notre pays, d'autres produits sont sans doute susceptibles de donner lieu à un maillage plus serré.

Économie circulaire ? Mais quand une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) fonctionne bien, elle se voit prise en mains par de grands groupes, au détriment des PME et des PMI. Comment conserver le circuit de l'économie circulaire et son ancrage territorial ? Faut-il élaborer des schémas au risque de freiner l'initiative privée ? Quel équilibre trouver ? Les filières souhaitent s'organiser elles-mêmes sans intervention publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Comment être sûrs que les démonstrateurs sont fondés sur des choix pertinents car ils restent dans le champ de l'expérimentation et sont peu nombreux ?

Dans le très haut débit, les opérateurs privés se consacrent aux zones urbaines rentables et les collectivités territoriales interviennent ailleurs : est-ce bien cela ?

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

C'est un constat. C'est la logique d'une économie de marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Enfin, avant de songer au compteur Linky, le mieux pour réaliser des économies d'énergie n'est-il pas de commencer par réhabiliter les logements passoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Valérie Létard, rapporteure sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et la recherche, souhaitait poser deux questions. Pourquoi les structures mises en place dans le cadre des investissements d'avenir ne sont pas mentionnées dans le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche ? Ne faut-il pas les associer aux contrats de site ? En outre, sur les 35 milliards du programme des investissements d'avenir, 18 sont consacrés à l'Agence nationale de la recherche (ANR), le reste aux organismes de recherche. Est-ce satisfaisant ? Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, entend continuer la stratégie de vases communicants de l'ANR vers ces derniers, déjà inscrite dans la dernière loi de finances. Mais l'ANR aura-t-elle encore les moyens de financer les projets sélectionnés dans le PIA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Je vous remercie pour le soutien que vous avez apporté au projet éolien d'Alstom à Saint-Nazaire, car c'est une diversification précieuse. Le développement de l'éolien ne compensera pas cependant le recul du nucléaire. Notre industrie nucléaire est en pointe. Saurons-nous l'utiliser pour favoriser le développement industriel ?

Les PME et les PMI ne sont pas suffisamment informées des possibilités du CICE. Leurs dirigeants ont le nez dans le guidon car ils affrontent de grosses difficultés : ils ignorent les nouveaux textes de loi. Comment améliorer leur information?

Vous avez évoqué la BPI sans excès d'enthousiasme. Qu'apporte de plus cette banque, par rapport aux structures déjà existantes, comme Oséo ? Les symboles ont leur importance : que pensez-vous du choix du siège de la BPI ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Notre commission a visité le centre de recherche en géothermie de Soultz-sous-Forêts, près de Strasbourg. Les Allemands se sont retirés du GIE pour développer leur propre filière industrielle. Et nous ? Nous ne faisons rien. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a repéré plusieurs sites où forer. On dispose pourtant des savoir-faire et des industriels pour exploiter ce gisement d'énergie renouvelable stable. Qu'en pensez-vous ? Des centrales de 4 mégawatts coûtent entre 4 et 7 millions d'euros. Pourquoi ne pas encourager cette filière ? Il est temps de passer aux actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Christian Bataille au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, que je préside, a rédigé un rapport consacré à la sortie du nucléaire.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Un excellent rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je suis partisan de profiter de toutes les énergies renouvelables... surtout si le problème du stockage de l'énergie est résolu. Quoi qu'il en soit, la France est un acteur mondial du nucléaire, industrie d'exportation avec un niveau élevé de sécurité. Si nous diminuons la part du nucléaire, conserverons-nous notre leadership ?

L'économie circulaire est une idée astucieuse qui marche bien, comme au Danemark. Mais les déchets industriels sont trop diffus. Cette logique ne conduit-elle pas à la concentration des industries en clusters, afin de récupérer tous les déchets au même endroit ? N'est-ce pas contradictoire avec un aménagement équilibré du territoire ?

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint

Nous menons des actions centrées sur la mobilité de demain. Elles concernent tout d'abord l'automobile. En lien avec l'Ademe, nous avons lancé des appels à manifestation d'intérêt (AMI) ciblés, portant notamment sur l'allègement des véhicules ou l'hybridation, financés grâce à des subventions, des avances remboursables ou encore des prises de participation pour rupture technologique, comme dans le cas de PSA. Hier un nouvel AMI, de 250 millions d'euros, a été lancé, il porte sur la création d'un nouveau véhicule consommant deux litres aux 100 kilomètres. En outre, nous menons une action sur la ville, en soutenant des éléments innovants au sein de projets portés par les collectivités territoriales. Ainsi l'an dernier nous avons financé des projets de transport en commun en site propre à hauteur de 200 millions ou le déploiement de prises pour des véhicules électriques. Néanmoins il reste des crédits sur ces programmes.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Certaines énergies renouvelables sont rentables, en particulier l'hydraulique, qui est la plus rentable, ou l'éolien on shore, mais non l'éolien offshore. Il faut poursuivre la recherche et faire baisser les coûts. L'hydrolien pourrait s'inscrire dans une fourchette de prix comparable à l'hydraulique ; il s'agit d'une énergie plus facile à gérer que d'autres parce que l'on connaît les courants et leur intensité et que l'on peut donc prévoir le niveau de la production d'énergie.

J'en viens au CICE. Il est impossible de s'insérer dans le secret de la négociation entre un grand groupe et un fournisseur. Tout acheteur cherche à faire baisser les prix. Plus que les grands groupes, le comportement de la grande distribution, non exposée à la concurrence internationale, est préoccupant. La loi prévoit que les entreprises doivent expliquer l'usage qu'elles font du CICE. Ne soyons pas naïfs, la transparence a ses limites : le CICE est versé dans les comptes de l'entreprise, celle-ci l'utilise comme elle le souhaite. Le CICE sert surtout à compenser les actuelles difficultés de trésorerie - cela ne me choque pas. Quant aux dividendes, le dividende par euro investi n'a pas augmenté. En revanche, le régime fiscal a été considérablement durci, les chefs d'entreprise en parlent à tous les hommes politiques qu'ils rencontrent.

Monsieur Bailly, les zones agricoles sont presque intégralement situées dans des zones d'initiative publique, où le très haut débit sera financé par les collectivités territoriales et l'État. Mais sur deux tiers du territoire, le financement émane du privé. Reste un tiers où les fonds publics sont sollicités. Que voulez-vous, on n'attire pas les mouches avec du vinaigre ! Pourquoi France Télécom, Bouygues ou Free iraient-ils là où cela ne leur rapportera rien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

À Dijon ou Briançon on ne paie rien, mais pas à Dole ou Lons-le-Saunier.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Dole doit faire partie d'une zone couverte par un opérateur. Certaines petites agglomérations appartiennent à des zones conventionnées. France Telecom a été autorisée à investir à Laval en contrepartie d'un investissement dans une zone moins rentable. On plafonne de fait, par ces obligations, la rentabilité dans les zones denses, assurant ainsi un équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Dans les zones non couvertes, les collectivités territoriales sont obligées de mettre la main à la poche. La péréquation nationale n'est pas suffisamment forte.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Elle a été renforcée dans la nouvelle feuille de route, établie le 28 février dernier.

L'hydraulique est la meilleure des énergies. Je croyais que la plus grande part des rivières était équipée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Mais on a interdit la mini-hydraulique sur 85% de la longueur des rivières.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

En tout cas, cette technique, classique, ne relève pas des investissements d'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Dans mon département, les élèves d'un lycée professionnel ont installé un alternateur sur un ancien moulin. Pourquoi ne pas généraliser cette pratique ?

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Posez cette question à la ministre en charge de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Autrefois toute l'économie reposait sur ces petits barrages !

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Les investissements d'avenir n'ont pas vocation à équiper le territoire, mais à amorcer des processus. Nous investissons sur des démonstrateurs également dans le domaine de la biomasse, dont nous cherchons à évaluer la capacité énergétique. Nous finançons des projets de production de méthane à partir de digestats ou de bois. Nous n'avons pas de projets sur le gaz de schiste. À nouveau, je vous laisse le soin d'interroger la ministre.

Un mot sur la compétitivité. Dans les abattoirs allemands, les employés roumains ou bulgares sont payés 2 à 3 euros de l'heure. Le cresson du Val-de-Marne est empaqueté en Allemagne. Dans son intérêt comme dans celui de l'Europe, l'Allemagne doit se doter d'un salaire minimum : il renforcerait le pouvoir d'achat national, donc la croissance du pays. Je l'ai dit aux Allemands. Il faut ouvrir un débat sur les services à très bas coût, dont bénéficie l'agriculture allemande, qui exporte plus que la nôtre. J'ajoute que 300 000 hectares de maïs sont utilisés pour la production de biocarburants.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Avec des subventions de la politique agricole commune (PAC) qui finance, finalement, la production de méthane !

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Monsieur Dantec, concernant les énergies renouvelables concurrentielles, je le répète, nous nous en tenons aux démonstrateurs ; nous n'avons pas la capacité de passer à un stade ultérieur. Sur la stratégie industrielle, il faudrait interroger le ministre Arnaud Montebourg.

Enfin, vous avez évoqué le compteur Linky. Nous investissons dans toutes les formes de smart grids, au stade des démonstrateurs. Notre logique n'est pas celle du déploiement.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint

Dans les smart grids, nous investissons dans les grands réseaux comme dans la domotique. Le programme smart Lyon prend en compte tout l'écosystème du compteur électrique : celui-ci affiche un certain nombre d'informations et permet une gestion fine de l'énergie, ce que ne fait pas Linky.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

La BPI est dotée de moyens permettant d'accroître les interventions en faveur de ces entreprises, en haut comme en bas de bilan. Mais elle ne pourra prêter qu'à des entreprises viables.

La connaissance de l'outil CICE s'est fortement améliorée récemment, mais elle ne sera réellement bonne que si les banques, interlocuteurs privilégiés des PME, en font la publicité. Ces deux derniers mois, des progrès sensibles ont été faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Mais justement, les banques refusent de prendre des risques à l'égard des entreprises, alors qu'elles ont elles-mêmes bénéficié d'un plan de soutien de plusieurs milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Les banques ne prennent aucun risque à préfinancer le CICE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Il ne faut pas exclure des financements bancaires certaines entreprises en difficulté, mais potentiellement viables, qui pourraient être sauvées grâce à une petite prise de risque.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Avec le CICE, les banques sont couvertes par la recette de l'année suivante ; mais elles trouvent que leur rémunération est trop faible.

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint

L'enveloppe de 500 millions d'euros consacrée à la formation professionnelle a été à moitié consommée et des projets sont en cours d'instruction. En outre, depuis janvier dernier, conformément aux réorientations annoncées par le Gouvernement, nous privilégions les initiatives pilotes destinées à renforcer le lien entre formation initiale et formation continue. Nous finançons des projets ambitieux, organisés autour d'un pôle de référence métier pertinent ou traduisant un effort de regroupement entre des acteurs qui ne travaillaient pas ensemble. Il reste cependant, sur cette enveloppe, des crédits à affecter.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

J'en conviens, la valorisation des déchets, lorsqu'elle exige une massification donc une concentration des déchets, ne va pas dans le sens d'un bon aménagement du territoire. En outre, Madame Didier, il est vrai que lorsqu'une activité se développe, de grosses entreprises commencent à s'y intéresser. Emmaüs, par exemple, récupère les tissus. Or, son principal concurrent n'est autre que GDF-Suez, qui a eu l'habileté de créer une petite entreprise d'insertion dans cette niche. On ne peut le lui interdire.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Si l'on avait conservé ce secteur sous maîtrise publique...

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Mais la ressource n'est pas sous maîtrise publique. Elle dépend des particuliers pour les tissus ou les matelas, des industriels pour certaines matières. EADS recycle depuis longtemps ses déchets en titane. Sur quel fondement l'État pourrait-il interdire aux grandes entreprises d'intervenir ? D'autant que de minuscules PME deviennent parfois des acteurs de poids, voyez l'évolution d'une entreprise comme Paprec ! Instaurer une territorialisation stricte supprimerait aussi l'effet de masse et donc la rentabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Un exemple montre qu'une combinaison est possible entre grandes et petites entreprises : Veolia sous-traite la séparation des appareils électroménagers à des entreprises d'insertion et effectue ensuite le retraitement.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

La fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) que je préside compte beaucoup d'entreprises d'insertion en son sein. Je me bats pour que les prix de revente aux grands groupes de retraitement des déchets ne soient pas ridicules, mais la relation commerciale est dure !

Monsieur Mirassou, nos choix de démonstrateurs sont-ils pertinents ? Nous pouvons nous tromper. Il est possible que certains choix aboutissent à des impasses, mais notre rôle consiste à prendre des risques.

Quant au très haut débit, si la partie la plus profitable revient au privé, n'est-ce pas la loi du genre ?

Debut de section - Permalien
Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint

Une réserve toutefois : dans les zones très denses le coût d'installation des prises est faible, mais les foyers sont déjà équipés, satisfaits du débit et donc plus difficiles à convaincre de l'intérêt de choisir un nouvel abonnement. L'inverse est vrai en zone rurale. Il existe un risque commercial dans les zones denses.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Il convient de trouver le bon équilibre, en évitant toute rente de situation.

Sur les logements passoires, un programme est consacré à la rénovation thermique de l'habitat diffus des personnes à très faibles revenus. Ce programme a été difficile à lancer car les personnes âgées sont souvent réticentes et le ticket modérateur, pour elles, demeure élevé - nous finançons 75% du montant des travaux. Le plafond de ressources a cependant été relevé, le ticket modérateur réduit, et l'objectif ramené à 25% d'économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Appuyez-vous sur les collectivités territoriales !

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Je vous rejoins. Rien n'est possible sans elles ! Dans bien des communes rurales, sans l'intervention du maire, les entreprises seraient perçues comme des démarcheurs.

Rien dans le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et la recherche ne s'oppose à la mise en oeuvre des programmes des investissements d'avenir, y compris pour les Idex.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le président de la République ou le Premier ministre ont-ils la volonté de redéployer les investissements d'avenir, concentrés pour 70% sur le plateau de Saclay ?

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Notre objectif n'est pas l'aménagement du territoire. Toutefois nous veillons à l'ancrage territorial de nos actions. Nous nous sommes dotés d'une cellule territoriale, dirigée par un ancien préfet de région, qui tient la carte de nos investissements pour veiller à l'équilibre. Nous avons investi dans toutes les régions.

Certes, 18 milliards d'euros sont consacrés à l'ANR, mais 15 sont des crédits non consommables. Sur la diminution des crédits de l'agence, il convient d'interroger Mme Geneviève Fioraso.

La création de la BPI est une bonne idée. Il faudrait aussi qu'elle devienne le guichet unique des aides de l'État destinées aux PME. Quant au choix de son siège, je soutiens Nicolas Dufourcq qui s'est installé dans la partie la moins noble du boulevard Haussmann. Je suis certain qu'il a négocié un loyer raisonnable. Il est normal que la BPI soit installée dans de tels locaux.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

On touche presque Montmartre ! Cet endroit du boulevard sent presque le souffre...

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Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Un mot sur la géothermie : elle est exploitée depuis vingt ans en Alsace grâce à la fracturation hydraulique... sans que cela ait suscité le moindre émoi.

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Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint

Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé. Quelques dossiers ont été déposés. Nous étudions plusieurs thématiques : la géothermie pour la production d'électricité, les méthodes de forage pour accéder au réservoir. Ces projets seraient pertinents pour l'outre-mer où l'électricité est chère.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

Monsieur Sido, le stockage des énergies intermittentes est un enjeu majeur. Les solutions actuelles entraînent des pertes colossales : de l'ordre de 80% pour le stockage par hydrogène.

Enfin, sur le nucléaire, il faut interroger Delphine Batho, responsable de l'élaboration du schéma de transition énergétique.