Motion N° 1 (Adopté)

Lutte contre la piraterie et police de l'état en mer

Discuté en séance le 4 mai 2011
Avis de la Commission : Favorable — Avis du Gouvernement : Sagesse

Déposé le 15 avril 2011 par : M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Photo de Jean-Jacques Hyest 

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien (n° 607, 2009-2010).

Exposé Sommaire :

Si la réalité du génocide arménien de 1915 et l'empreinte profonde qu'il a laissé dans la mémoire de nos compatriotes descendants des rescapés de ces massacres sont indéniables, la création d'une infraction pénale de contestation de l'existence de ce génocide soulève de réelles difficultés juridiques et paraît contraire aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines, d'une part, et de liberté d'opinion et d'expression, d'autre part.

Ainsi, à l'inverse du dispositif prévu par la "loi Gayssot" s'agissant de la pénalisation de la négation de la Shoah, il n'existe pas de définition précise, attestée par une convention internationale ou par des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée, des actes constituant le génocide arménien de 1915 et des personnes responsables de son déclenchement. En outre, il existe une incertitude sur la portée du terme "contestation", qui peut porter sur l'ampleur, les méthodes, les lieux, le champ temporel du génocide, sans forcément nier son existence même.

De ce fait, la création d'une infraction pénale de contestation de l'existence du génocide de 1915 paraît présenter un risque sérieux de contrariété au principe de la légalité des délits et des peines. Rappelons que le Conseil constituitionnel considère que ce principe est respecté dès lors que l'infraction est définie "dans des conditions qui permettent au juge, auquel le principe de légalité impose d'interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d'arbitraire" (décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996).

Corrélativement, la création d'une incrimination de contestation de l'existence du génocide arménien de 1915 paraît également contraire au principe de liberté d'opinion et d'expression, protégé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Sans doute cette liberté n'est-elle pas absolue et admet-elle des restrictions, destinées à protéger des droits et libertés également reconnus par la loi -respect de la vie privée, maintien de l'ordre public, interdiction des discrimations, etc. Encore faut-il que ces restrictions soient proportionnées au regard des objectifs poursuivis.

Dans une décision Garaudy du 24 juin 2003, la Cour européenne des droits de l'homme a ainsi considéré que "la contestation des crimes contre l'humanité [commis pendant la seconde Guerre mondiale] apparaît comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l'ordre public" : l'incrimination de la contestation de crimes contre l'humanité paraît compatible avec le principe de la liberté d'expression dès lors qu'elle tend à lutter -aujourd'hui- contre les discriminations.

En l'espèce, aucun discours de nature comparable à l'antisémitisme ne paraît viser aujourd'hui en France nos compatriotes d'origine arménienne : de ce fait, la création d'une incrimination spécifique de contestation de l'existence du génocide de 1915 paraît excéder les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d'expression.

NB:En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.

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