Déposé le 10 novembre 2015 par : MM. Kennel, Chaize, Commeinhes, Danesi, Doligé, Houpert, Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Mme Lopez, M. Mandelli, Mmes Morhet-Richaud, Troendlé, MM. Béchu, Bouchet, J.P. Fournier, Savary, P. Leroy, Mme Micouleau.
Après l'article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 569 du code général des impôts est abrogé.
Le tabac fait partout l'objet de trafics, à tous les stades de sa production, de son transport, et de sa consommation. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 12% des 6000 milliards de cigarettes commercialisées chaque année dans le monde font l’objet de commerce illicite. Les chiffres sont plus importants en France et en Europe, en raison des prix de vente plus élevés.
Le commerce parallèle du tabac offre au consommateur des produits moins chers, principalement en les soustrayant aux taxes prélevées par l’État via la contrebande, la fabrication illégale, le commerce transfrontalier et la contrefaçon. Des prix plus bas encouragent la consommation chez les jeunes et prive l’État de recettes fiscales. En France, le manque à gagner fiscal annuel est estimé à 3 milliards d’euros par an, le manque à gagner annuel pour les buralistes est de 250 millions d’euros, ce qui explique aussi leur colère actuelle.
L’OMS considère que le moyen le plus efficace pour éliminer le commerce parallèle de tabac, qui, à plus de 90%, est composé de vraies cigarettes fabriquées et vendues par les cigarettiers, ce qui amène à s’interroger sur leur rôle dans l’organisation de ces trafics, est l’instauration d’une traçabilité indépendante des produits du tabac telle que définie par le Protocole de l’OMS « pour éliminer le commerce illicite du tabac », en cours de ratification par la France et par l’UE.
L’article 564 duodécies a été introduit au code général des impôts par l’article 13 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012. Il prévoyait un marquage des conditionnements de cigarettes. Le décret n° 2013-463 du 3 juin 2013, décret de codification, a renuméroté le code, l’article 564 duodécies devenant l’article 569. L’article 569 a été modifié par l’article 4 de la loi n° 2014-891 du 8 aout 2014. L’objectif du législateur était d’aligner la rédaction de l’article sur celle de l’article 15 de la Directive Tabac 2014/40/UE du 3 avril 2014.
Pourtant l’article 8 du Protocole et l’article 15 de la Directive Tabac comportent une différence fondamentale : l'article 8 du Protocole stipule que chaque Partie « instaure... un système de suivi et de traçabilité contrôlé par elle » et que « les obligations auxquelles une Partie est tenue ne sont pas remplies par l'industrie du tabac et ne lui sont pas déléguées ». L'article 15 de la Directive Tabac, en revanche, définit la traçabilité mais se borne à imposer que les fabricants et importateurs « concluent un contrat de stockage de données avec un tiers indépendant ». L’article 569 du Code Général des Impôts reprend la même solution que la Directive Tabac, confiant de facto la traçabilité des produits du tabac aux fabricants de tabac, ce qui est contraire au Protocole de l’OMS et contraire au bon sens.
De plus, le 4 mai 2015, la Commission européenne a publié une proposition de décision de conclusion (équivalent européen de la ratification) du protocole par l’UE. Cette procédure est en cours à Bruxelles. Début mai 2015, le projet de loi autorisant la ratification du protocole a été déposé à l’Assemblée Nationale, après adoption par le Conseil des ministres du 29 avril 2015. Le texte a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 17 septembre 2015, et par le Sénat le 14 octobre. Le Protocole de l’OMS sera ratifié par le président de la République dans les jours prochains.
Compte tenu de l’existence de ce conflit de normes, la ratification du Protocole par la France et par l’Union entraîne donc une nécessité de mise en conformité par la modification de l’article 15 de la directive et de l’article 569 du CGI lesquels devront s’aligner sur le Protocole en vertu des règles du droit international public et de l’article 216 du TFUE qui rend les accords internationaux conclus par l’Union supérieurs aux actes de droit dérivé de l’UE. Par ailleurs, le droit de l’UE (article 169-4 TFUE) permet aux Etats membres d’adopter des mesures plus contraignantes que le droit dérivé de l’UE pourvu qu’elle n’en dénature pas l’objet.
Rien ne s’oppose donc à ce que la France mette immédiatement en œuvre le Protocole de l’OMS via la mise en œuvre de la traçabilité indépendante des produits du tabac.
Lors de la discussion en séance de l’Assemblée Nationale le 17 septembre 2015 du projet de loi autorisant la ratification du Protocole de l’OMS, trois groupes politiques (LR, SRC et GDR) ont souligné le caractère caduc de cet article 569. Au Sénat, notre Rapporteur Gilbert Roger a fait de même.
Il s’agit donc d’un amendement de mise en conformité de la loi.
Rappelons également que la mise en œuvre du Protocole via la traçabilité indépendante est prise en charge, selon l’OMS, par les fabricants de tabac (article 8-14). Elle ne coûte donc rien à l’État, ce qui signifie que l’article 40 ne peut être opposé à cet amendement. En revanche, la traçabilité indépendante des produits du tabac doit permettre de récupérer tout ou partie du manque à gagner fiscal annuel engendré par le commerce parallèle de tabac, et de redonner jusqu’à 250 millions d’euros chaque année aux buralistes.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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