Amendement N° 344 (Rejeté)

Mise au point au sujet d'un vote

Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Demande de retrait

Déposé le 9 juin 2016 par : Mmes Meunier, Blondin, Lepage, Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel, Féret, Bricq, MM. Guillaume, Caffet, Mmes Campion, Claireaux, MM. Daudigny, Durain, Mme Emery-Dumas, MM. Godefroy, Jeansannetas, Labazée, Mmes Riocreux, Schillinger, MM. Tourenne, Vergoz, Mme Yonnet, les membres du Groupe socialiste, républicain.

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Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1235-3-1. – Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Exposé Sommaire :

L’article 54 du projet de loi était issu d’un amendement portant article additionnel qui été adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le prolongement des travaux de la Délégation aux droits des femmes de cette assemblée, et sous-amendé par le rapporteur Christophe Sirugue.

Il a ensuite été supprimé en commission des affaires sociales du Sénat.

Cet article prévoyait pour le salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne pouvait être inférieure aux salaires des « six » derniers mois (dispositions issues d’un sous-amendement adopté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale alors que l’amendement initial prévoyait l’instauration d’un plancher d’indemnisation de « douze » mois), lorsque le juge constate :

– que le licenciement est intervenu en méconnaissances des articles L. 1132-1 (ensemble des motifs de discriminations), L. 1153-2 (sanction, licenciement ou mesure discriminatoire suite à des faits de harcèlement sexuel), L. 1225-4 (protection légale contre le licenciement lors de la grossesse et maternité) et L. 1225-5 (annulation du licenciement d’une salariée lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte) ;

– et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible.

L’article 54 du projet de loi prévoyait par ailleurs que cette indemnité était due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement (article L. 1235-3-1).

Il convient à cet égard de rappeler que dans le droit actuel, en matière d’indemnisation :

– pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse : les salarié.e.s de plus de deux ans d’ancienneté et ceux travaillant dans une entreprise de plus de 11 salarié.e.s bénéficient d’une indemnisation qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (L. 1235-3) ; en revanche pour les salarié.e.s de moins de deux ans d’ancienneté et pour un licenciement opéré dans les entreprise de moins de 11 salarié.e.s, aucun minimum n’est prévu par la loi (l’indemnité de licenciement correspond au « préjudice subi », selon l’article L. 1235-5) ;

– pour les licenciements nuls, et notamment ceux intervenus en violation des dispositions relatives au harcèlement sexuel (victimes de harcèlement ou salarié.e.s ayant témoigné en leur faveur), la loi ne prévoit rien. La Cour de cassation a toutefois pallié ce manque en décidant, dans une jurisprudence constante, que le préjudice découlant d’un licenciement déclaré nul lorsque le/la salarié.e ne réintégrait pas l’entreprise, devait être indemnisé par une somme ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois, et ce, quels que soient le nombre de salarié.e.s dans l’entreprise et leur ancienneté (Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2005 et 6 octobre 2010). La Cour de cassation a donc institué une protection plus importante pour les salarié.e.s victimes d’un licenciement discriminatoire, et en toute logique, puisque ce sont les licenciements considérés comme les plus graves et les plus attentatoires à l’ordre public.

Le présent amendement propose de rétablir cet article, avec une indemnité minimale correspondant aux salaires des « douze » derniers mois, et ce pour plusieurs raisons :

– d’une part, l’amendement présenté en commission reprenait à l’identique les dispositions qui avaient déjà été adoptées par le Parlement en 2014, avec le soutien du Gouvernement, dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et qui prévoyaient notamment une indemnité minimale correspondant aux douze mois de salaires (dispositions annulées ensuite par le Conseil constitutionnel mais uniquement pour des raisons liées à la procédure parlementaire) – autrement dit, le législateur avait déjà considéré que six mois n’étaient pas suffisants pour indemniser les salarié.e.s concerné.e.s – ; lors de son audition par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale en juin 2015, le Défenseur des droits avait d’ailleurs soutenu le rétablissement des dispositions prévues par cet article de la loi pour l’égalité réelle femmes-hommes ;

– d’autre part, le minimum actuel de six mois ne contraint pas les employeurs à mettre en place la prévention du harcèlement sexuel, alors qu’il s’agit d’une obligation légale (l’article L. 1153-5 du code du travail prévoit en effet que « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ») ; or rares sont les entreprises françaises qui se conforment à ces dispositions : pour changer la donne, le risque pour les entreprises de se voir condamnées à des dommages et intérêts dissuasifs permettrait d’inciter plus efficacement au développement de politiques de prévention en entreprise ;

– enfin, comme l’a souligné à juste titre l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), ce minimum de six mois ne répare pas le cataclysme que les violences sexuelles au travail ont provoqué dans la vie des victimes : atteintes à la santé, dislocation de la vie de famille, perte de chance de retrouver un emploi équivalent, ou même de retrouver un emploi, désocialisation, etc.

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