Déposé le 19 janvier 2022 par : Mmes Morin-Desailly, Nathalie Goulet, Saint-Pé, Loisier, de La Provôté, MM. Détraigne, Laugier, Kern, Mmes Férat, Sollogoub, MM. Longeot, Hingray, Delahaye, Jean-Michel Arnaud, Delcros, Loïc Hervé, Mmes Gatel, Billon.
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 6. – I. – Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.
La nouvelle rédaction de l’article premier adoptée par la commission des lois procède à une suppression des notions de « menace » et de « préjudice pour l’intérêt général », remplacées par l‘introduction d’un critère de gravité suffisante de la violation d’une règle de droit.
Cette rédaction vient amoindrir le régime juridique du droit d’alerte (issu de la loi dite « Sapin 2 » de 2016) dans la mesure où la version adoptée par l’Assemblée nationale prévoyait une protection de l’ensemble des citoyens dénonçant des faits susceptibles de constituer une menace ou un préjudice pour l’intérêt général.
Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soulignait en 2014 que l’alerte doit permettre de couvrir l’ensemble des atteintes à l’intérêt général, de sorte que doit être qualifiée de lanceur d’alerte « Toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général, dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé ».
Cette référence à l’intérêt général est également au cœur de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) depuis 2008 (arrêt « Guja c. Moldavie ») qui protège tous les lanceurs d’alerte signalant ou divulguant des faits contraires à l’intérêt général.
La CEDH juge qu’il importe donc d’établir si la personne concernée, en procédant à la divulgation, a agi de bonne foi et avec la conviction que l’information est authentique, si la divulgation servait l’intérêt général et si l’auteur disposait ou non de moyens plus discrets pour dénoncer les agissements en question.
La suppression de la référence à la menace ou au préjudice pour l’intérêt général fait peser deux risques sur l’efficacité du dispositif de protection des lanceurs d’alertes.
Tout d’abord, cette rédaction impacte durablement la lisibilité du droit en ce que cette suppression aura un effet dissuasif sur les personnes susceptibles de lancer l’alerte sur des violations de l’intérêt général puisque coexisteront deux dispositifs antagonistes : un régime jurisprudentiel d’une part, qui protège toute personne révélant des atteintes à l’intérêt général, et un dispositif légal d’autre part, ne protégeant que les personnes révélant des atteintes aux règles de droit ou à leur objectif.
Ensuite, elle ne permettra plus, à l’image des révélations ces dernières années (LuxLeaks, Médiator, etc.), de protéger des lanceurs d’alerte ayant révélé des faits qui ne constituent pas strictement des violations de la loi.
L’objet de cet amendement est donc de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale afin de garantir la meilleure efficacité possible du droit d’alerte.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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