Déposé le 25 juillet 2022 par : Mme Paoli-Gagin, M. Levi, Mme Demas, MM. Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Mme Mélot, MM. Capus, Hingray, Folliot, de Nicolay, Houpert, Lévrier, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Alain Marc, Sautarel, Wattebled, Mme Havet.
Après l'article 9 bis (nouveau)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
« et le versement des sommes y figurant »
par les mots :
« et le versement de l’intégralité des sommes y figurant, sur lesquelles aucun frais d’aucune nature ne peut être prélevé ».
(Cet amendement reprend le texte de la proposition de loi n°554 du Sénateur Vanina PAOLI-GAGIN, déposée le 23 février 2022.)
En France, mourir coûte très cher.
On le sait : les impôts qui frappent la transmission des héritages sont particulièrement élevés dans notre pays, déjà champion des prélèvements obligatoires. Ainsi, selon la récente étude du Conseil d’Analyse Économique, Repenser l’héritage, publiée en décembre 2021, les droits de mutation représentent en France environ 0, 6 % du PIB, contre environ 0, 3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Aussi les Français, en plus de subir le taux de prélèvements obligatoires le plus important des pays de l’OCDE tout au long de leur vie, doivent-ils encore s’acquitter d’un impôt à leur décès.
En outre, ces impôts sont très mal perçus par les Français. Ainsi, toujours selon la même étude, « un ensemble d’enquêtes récentes réalisées sur un large échantillon de la population […] confirment que la taxation des successions est impopulaire parmi les Français (et en particulier qu’elle est plus impopulaire que l’ISF qui taxait également le patrimoine). » À cela s’ajoute « une très mauvaise compréhension» de la part des Français. Et pour cause : une grande part des Français qui est hostile à ces impôts n’est pas concernée par ces prélèvements.
Mais ces droits de succession, sombrement qualifiés de « taxe sur la mort », si l’on peut à raison en interroger les taux si élevés, ont au moins un double mérite : d’une part, sous l’angle impôt, ils participent à renforcer l’égalité des chances à la naissance par la redistribution des richesses ; d’autre part, sous l’angle recettes publiques, ils contribuent au financement des services publics dont nous bénéficions tous.
Ce n’est pas le cas de tous les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les défunts.
En octobre 2021, l’association UFC-Que Choisir ? publiait une étude mettant en lumière le poids des frais bancaires prélevés sur les comptes bancaires des défunts. Selon cette étude, ces pratiques généreraient au global quelque 50 millions d’euros de recettes pour les banques et 233 euros en moyenne par défunt. Ces frais seraient près de trois fois plus importants que ceux constatés chez nos voisins européens. Certains pays, comme l’Allemagne, ont décidé d’interdire le prélèvement de tels frais.
Mais au-delà des montants payés par les Français et perçus par les banques, c’est le principe même de ces pratiques qui pose question. Quel est le cadre légal qui permet aux gestionnaires de compte de prélever des frais sur les montants qui y sont placés après que leurs clients sont décédés ? À l’heure actuelle, la loi n’interdit ni n’encadre ces pratiques, même si plusieurs évolutions ont eu lieu au cours des dernières années qui ont déjà amélioré la situation.
L’arrêté du 8 mars 2005 portant application de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier impose aux banques la gratuité de la clôture d'un compte. La formulation retenue (« la convention doit rappeler au client qu'aucuns frais ne peuvent être mis à sa charge au titre de la clôture ou du transfert d'un compte de dépôt opéré à sa demande») empêche toutefois que cette mesure ne concerne effectivement les défunts.
La loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires prévoit, dans son article 72, que la personne qui se charge des obsèques du défunt peut obtenir un débit du compte de ce dernier pour financer les frais funéraires. En modifiant l’article L312-1-4 du Code monétaire et financier, le droit prévoit ainsi que « sous réserve de justifier de sa qualité d'héritier, tout successible en ligne directe peut […] obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l'établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
Par ailleurs, la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, dite « loi ECKERT », prévoit pour les banques l'obligation de rechercher les titulaires de comptes décédés et le plafonnement des frais qui seront facturés si les comptes sont inactifs, c’est-à-dire sur lesquels aucun mouvement, à l’exception de ceux effectués par la banque elle-même, n’a été constaté au cours des 12 derniers mois.
En conséquence, le cadre législatif actuel accuse une grave lacune : s’il impose la gratuité pour la clôture d’un compte bancaire, et oblige les banques à clôturer, à frais limités, les comptes des défunts après un an d’inactivité, il est muet sur l’encadrement des frais prélevés sur les comptes bancaires au moment du décès.
C’est pourquoi le présent amendement qui reprend ma présente proposition de loi vise à interdire les prélèvements de frais sur les comptes bancaires de défunts, en modifiant l’article L312-1-4 du Code monétaire et financier de sorte que les sommes présentes sur les comptes bancaires des défunts soient versées aux héritiers dans leur intégralité.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
Déclaré irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution par la commission saisie au fond
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