Amendement N° 6 (Rejeté)

Avenir de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes frontex

Discuté en séance le 8 février 2023
Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Défavorable

Déposé le 6 février 2023 par : MM. Fernique, Benarroche, Breuiller, Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé, Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme Mélanie Vogel, les membres du groupe Écologiste - Solidarité, Territoires.

Photo de Jacques Fernique Photo de Guy Benarroche Photo de Daniel Breuiller Photo de Ronan Dantec Photo de Monique de Marco Photo de Thomas Dossus Photo de Guillaume Gontard Photo de Joël Labbé Photo de Paul Toussaint Parigi Photo de Raymonde Poncet Monge Photo de Daniel Salmon Photo de Mélanie Vogel 

Alinéas 48 à 50

Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :

Les policiers aux frontières seront dotés de moyens humains et matériels supplémentaires pour que les personnes étrangères arrivant aux frontières terrestres :

- puissent exercer leurs droits et ne fassent pas l’objet de procédures illégales ou de détournements de procédure ;

- soient correctement informées de leur situation, de la procédure applicable et de leurs droits, notamment en ce qui concerne le droit de demander l’asile ;

- puissent bénéficier de l’assistance d’un interprète professionnel et d’une assistance juridique effective à tout moment et dès le début de la procédure (grâce à la mise en place par l’État d’une permanence gratuite d’avocats) et la présence d’un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés étrangers ;

- soient traitées dignement et ne fassent plus l’objet de pratiques arbitraires ni de violences ;

- ne soient plus privées de liberté pour des raisons liées au contrôle migratoire.

L’administration sera dotée de moyens humains et matériels supplémentaires pour :

- organiser le sauvetage des personnes en danger notamment en haute montagne et la prise en charge des personnes blessées et/ou malades ;

- étudier individuellement la situation de chaque personne se présentant aux frontières et le cas échéant, justifier en fait et en droit les refus d’entrée et les éventuelles mesures privatives de liberté prises à son encontre ;

- enregistrer les demandes d’asile des personnes exilées et former au respect de la procédure d’asile telle que définie par la loi ainsi que le principe de non-refoulement des demandeurs d’asile, valable y compris aux frontières internes ;

- prendre en charge les mineurs isolés étrangers sur le territoire ;

- permettre à la société civile et aux associations d’exercer réellement leur droit de regard dans les lieux privatifs de liberté conformément au droit européen.

Exposé Sommaire :

Frontex est l’agence européenne la plus dotée. Avec un effectif de 700 personnes et un budget de 544 millions d’euros en 2021, elle dispose de moyens humains et matériels conséquents pour mener ses missions. À l’horizon 2027, elle devrait bénéficier d’un contingent de plus de 10 000 agents opérationnels et d’un budget de 900 millions. Son développement exponentiel depuis 2015 pour faire face à l’immigration, notamment avec des agents armés, aurait dû se poursuivre dans une transparence exemplaire.

Or, depuis près de deux ans, Frontex fait face à de multiples accusations de la part d’ONG, de médias et de la Commission européenne. Ces attaques, additionnées au rapport accablant de l’Office européen de lutte antifraude, ont contribué à la démission de son directeur, M. Fabrice Leggeri, le 28 avril 2022. Le rapport de l’OLAF, jamais intégralement publié, met en lumière l’échec des dirigeants de Frontex et souligne des manquements importants. Parmi les manquements de Frontex, le rapport insiste sur un irrespect des procédures légales, des violations de droits fondamentaux, un manque de loyauté envers l’Union européenne et une mauvaise gestion du personnel.

Les accusations d’implication de Frontex dans des mauvais traitements, au moins de manière indirecte, remontent à plusieurs années, avec une intensification depuis 2019. Depuis cette date, les moyens de l’agence ont été décuplés. En 2019, plusieurs enquêtes menées par des médias d’investigation dénoncent la responsabilité de l’agence en tolérant des maltraitances de la part de garde-frontières en Hongrie, en Grèce et en Bulgarie. Des accusations qui portaient également sur des agents de Frontex, lesquels auraient par exemple expulsés des mineurs non accompagnés. L’agence avait alors répondu ne pas avoir "autorité sur le comportement des polices aux frontières locales".

En octobre 2020, une nouvelle enquête de plusieurs médias (dont Der Spiegel et le New York Times) rapporte l’implication d’agents de Frontex dans des refoulements illégaux de personnes cherchant refuge en mer Egée. L’enquête révélait notamment qu’un avion de Frontex a pris des photos montrant comment un navire des gardes-côtes grecques repoussait un bateau dans les eaux territoriales turques. Alors que les refoulements, pratiques illégales au regard du droit international, font partie, désormais, des stratégies d’éloignement de nombreux États européens (Chypre, Malte, Grèce, Lituanie, Pologne, Espagne…), l’implication de Frontex dans ces mauvais traitements est inacceptable.

Entre 1993 et 2022, 48 647 personnes ont perdu la vie à nos frontières selon le recensement annuel du réseau européen UNITED for Intercultural Action. Des milliers de personnes noyées en Méditerranée ; abattues aux frontières ; mortes par suicides dans des centres de rétention, torturées et tuées après avoir été expulsées. Cette politique de militarisation des frontières est mortifère. Dans ce contexte, envisager une véritable intégration du corps des garde-frontières de Frontex à la gestion des frontières extérieures de la France est totalement déraisonnable. Au contraire, la France doit plaider pour une refonte complète de l’agence qui met en œuvre une politique aussi meurtrière qu’inefficace.

Par ailleurs, le durcissement croissant des politiques européennes et françaises pour lutter contre un soi-disant afflux massif de personnes en situation irrégulière conduit à une mise en danger toujours plus grande des personnes exilées. C’est la réalité depuis 2015 à la frontière franco-italienne. Les personnes exilées font ainsi quotidiennement l’objet de pratiques illégales de l’administration française qui ne respecte pas la législation en vigueur, met en œuvre des procédures expéditives et viole les droits humains et les conventions internationales pourtant ratifiées par la France.

Les personnes exilées sont pourchassées dans les montagnes ou sur les chemins de randonnée, sont traquées dans les bus et les trains par les forces de l’ordre. Face à cette situation, des personnes et des associations travaillent des deux côtés de la frontière franco-italienne pour faire vivre la solidarité et la fraternité et ainsi redonner aux personnes exilées un peu d’espoir et de dignité. Les moyens publics déployés, qui s’élèveront à 900 millions en 2027, ne devraient l’être qu’à condition que et dans l'objectif que les droits humains fondamentaux soient garantis.

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