Déposé le 26 mars 2024 par : MM. Brossat, Bacchi, Mmes Cukierman, Nathalie Goulet, M. Wattebled, Mme Gréaume, M. Bocquet.
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa de l’article 131-21 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « porte également sur les », sont remplacés par les mots : « est obligatoire s’agissant des » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
L'objet de cet amendement est de rendre obligatoire, sauf motivation contraire, la confiscation des biens meubles ou immeubles dont l'origine n'a pu être justifiée, en cas de délit ou de crime puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect.
Cette mesure permet notamment de répondre à l'urgence et à la gravité du phénomène du narcotrafic en France. Les auditions réalisées par la commission d'enquête sénatoriale sur le sujet ont mis en lumière l'ampleur alarmante de cette criminalité et ses effets dévastateurs, notamment dans des villes comme Marseille où elle engendre violence, morts, et souffrance sociale.
Actuellement, Le code pénal punit déjà le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier l'origine d'un bien détenu. Cependant, ces articles sont très peu utilisés dans la lutte contre le narcotrafic comme le déplore le rapport Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner des députés Saint-Martin et Warsmann de novembre 2019.
Les enquêteurs et magistrats sont trop souvent découragés par les difficultés engendrées par l'enquête patrimoniale. L’identification des avoirs criminels est perçue comme une charge supplémentaire et non vraiment justifiée dans la mesure où, in fine, leur confiscation n'est pas obligatoire mais facultative. La rendre obligatoire donnera tout son sens à l'enquête patrimoniale.
L'Assemblée Nationale a adopté le 5 décembre 2023 la modification du troisième alinéa de l'article 131-21 du code pénal : « Sous les mêmes réserves et sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, la confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure est obligatoire lorsqu'ils ont servi à la commettre ou lorsqu'ils sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction. »
Le présent amendement modifie le cinquième alinéa du même article afin de combler un vide juridique en ce qui concerne la confiscation des biens meubles ou immeubles dans le cas où le condamné n’a pu en justifier l’origine. Il propose une avancée majeure dans la lutte contre le blanchiment d’argent, en dotant la justice d’un levier efficace et puissant pour contrer la pénétration de l’argent du crime dans l’économie légale, empêcher le bénéficiaire effectif du produit infractionnel de se servir de l’organisation patrimoniale frauduleuse qu’il a mise en place pour s’opposer à la confiscation.
Au demeurant, ce dispositif répond aux préconisations de l’article 5 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne.
La confiscation obligatoire des avoirs criminels en cas de condamnation pénale doit être la pierre d'angle de la lutte contre les organisations criminelles, pour que le crime ne paie pas et que les biens volés à la société civile lui soient rendus.
Ce n'est pas porter atteinte au droit de propriété privée que de confisquer obligatoirement un bien lorsque le condamné n'est pas en mesure de justifier son origine et donc que sa possession est illégitime.
En effet, dans le cadre de la procédure, le condamné est présumé bénéficier en connaissance de cause de ressources ou de biens dont il sait que l’origine est frauduleuse. Il s’agit ici d’une présomption réfragable. Il dispose de la possibilité de prouver que le droit de propriété privée qu’il revendique sur les biens meubles ou immeubles en cause est justifié par des ressources légales. En outre, il a la possibilité d’apporter les éléments de preuve qui démontrent qu’il n’a pas la libre disposition des biens confisqués et qu’il n’en est donc pas le bénéficiaire économique.
La confiscation prononcée, faute pour le condamné de pouvoir justifier l’origine des biens en cause, n’est donc pas disproportionnée par rapport au but d’intérêt général poursuivi. Le condamné ne pourra soutenir que la confiscation intervenue dans ces conditions constitue une ingérence illégale dans la jouissance de ses droits.
Le juge disposera aussi de la possibilité de ne pas prononcer la confiscation à la condition de motiver cette décision.
Cet amendement permet aussi de respecter davantage le principe de prévisibilité qui consiste, pour le justiciable, à pouvoir anticiper les conséquences juridiques de ses actes à partir des normes existantes. En l’état du droit, et faute pour la confiscation d’être obligatoire même si l’origine des biens n’est pas justifiée, le condamné ne sait pas si ces avoirs seront confisqués ou pas. Il s’agit d’une peine complémentaire facultative. En devenant obligatoire, le condamné ne pourra sérieusement soutenir qu’il n’avait pas pu comprendre les conséquences juridiques de ses actes faute pour lui de pouvoir justifier l’origine du bien.
La confiscation obligatoire aurait pour effet, comme en Italie, d'accroître les ressources de l'AGRASC grâce à la confiscation de beaucoup plus de biens meubles ou immeubles, et d’en mettre une partie à disposition des collectivités territoriales, comme le prévoit la présente proposition de loi. L'augmentation, notamment, des saisies et confiscations de numéraires, de biens meubles ou immeubles, permettront de compenser le surcoût potentiel en personnel pour traiter cette augmentation du volume des saisies.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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