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Albert Camus affirmait qu’« une société se juge à l’état de ses prisons » et cette phrase m’a souvent hanté lorsque je visitais, avec des collègues de la commission des lois, d’innombrables maisons d’arrêt, centres de détention ou maisons centrales et pouvais échanger avec tous ceux qui y vivent ou, parfois, y survivent. Dans mon rapport, au nom de la commission des lois, j’ai tenté, modestement mais avec détermination, d’inscrire notre réflexion dans la continuité...
Pardonnez-moi une remarque personnelle, mes chers collègues, pour vous dire que si ce projet de loi ne devait pas modifier fondamentalement la situation de nos prisons, s’il n’était qu’un texte parmi d’autres, si la montagne devait accoucher d’une souris, ce serait là la pire déception de ma vie de parlementaire ! Toutefois, j’ai déjà le sentiment d’avoir été partial et injuste à l’égard de l’administration pénitentiaire, dont l’évolution, pourtant, se révèle considérable. Que l’on songe quelques instants aux prisons des années 1970 – ce n’est pas si lointai...
...teur a permis, dans le nouveau code pénal de 1992, que, dans l’hypothèse où le trouble mental a seulement altéré – et non aboli – le discernement, l’auteur des faits soit punissable. D’autre part, les évolutions de la psychiatrie contemporaine ont entraîné une réduction drastique du nombre de lits et de la durée des séjours hospitaliers. Dans ces conditions, les jurys d’assises, estimant que la prison peut désormais seule répondre à la nécessité de protéger la société des personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux, ne prononcent plus que très rarement d’acquittements motivés par l’irresponsabilité pénale. En outre, l’altération du discernement, qui devrait à tout le moins constituer une circonstance atténuante, entraîne au contraire un allongement de la peine.
Comme le note M. Nicolas About dans son rapport pour avis au nom de la commission des affaires sociales, « le fait d’enfermer en prison des malades souffrant de troubles psychiatriques aboutit à nier le sens d’une peine qu’ils ne parviennent pas à comprendre ». Une réforme s’impose, mais qui nécessitera un travail conjoint de la justice, de la santé et de l’intérieur. Une modification des dispositions du code pénal, par exemple, n’aurait guère de sens si elle ne s’accompagnait pas d’une évolution de la psychiatrie et de la réou...
...sidérable des aménagements de peine imposera la création de postes de conseillers d’insertion et de probation, postes qui, dans l’étude d’impact elle-même, sont évalués à 1000. Pour important qu’il soit, cet effort s’avère loin d’être inaccessible, même à budget constant, lorsqu’on se remémore l’importance, ces dernières années, des créations de postes de surveillants imposées par l’ouverture de prisons nouvelles. Je me permets, sur ce point, de proposer à votre réflexion, mes chers collègues, cette citation de l’Institut Montaigne : « Mieux vaut doubler l’effectif des 3 600 agents des SPIP – services pénitentiaires d'insertion et de probation – que d’embaucher 12 000 gardiens pour faire régner l’ordre sur 30 000 nouvelles places de prison ».
... de la discussion des articles, d’évoquer les cent sept amendements qui, sur l’initiative des membres de la commission des lois et de moi-même, ont modifié de nombreuses dispositions du projet de loi. Avec le texte qui vous est proposé, mes chers collègues, c’est le Parlement qui reprend la main sur l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires, alors que le droit de la prison relève pour l’essentiel aujourd’hui de mesures réglementaires, voire de circulaires. Chacun s’accorde enfin à reconnaître que, puisque l’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques, c’est au législateur qu’il appartient éventuellement de limiter les droits et garanties du ...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, ne laissons pas passer la chance de faire en sorte que notre République n’ait plus jamais à avoir honte de ses prisons !
C’est bien là une différence d’inspiration ! Ensuite, et nous sommes sur ce point en complet désaccord avec Mme la garde des sceaux, nous pensons qu’en toute chose ou presque le pouvoir judiciaire doit être en mesure de contrôler les décisions prises à l’intérieur de la prison.
J’espère que nous aurons davantage de chance avec cet amendement ! Pourquoi mentionner ces grands principes pénitentiaires européens dans la loi ? Pour une raison simple : nous avons accumulé un tel retard et notre vision des prisons est si passéiste qu’il est devenu nécessaire de rappeler les grands principes, de changer de culture et de faire un effort pédagogique.
Chacun ici devrait approuver cet amendement de principe, qui tend à reprendre la règle pénitentiaire européenne 3, car celle-ci constitue une sorte de mode d’emploi à l’usage de l’administration pénitentiaire. De même qu’une loi fixe des normes, il me semble important qu’elle définisse également des façons de faire. Ce mode d’emploi est nécessaire pour changer véritablement la vie en prison.
... être sévère et aller jusqu’à l’enfermement, parce que la gravité de l’acte commis l’exige et parce que le comportement de l’auteur de l’acte incriminé le nécessite. Pour autant, notre justice se doit de toujours garder un visage humain et de rester attentive, non seulement aux victimes, mais également à la situation des personnes qui ont été condamnées au nom de la République, en notre nom. L’emprisonnement doit toujours s’effectuer dans des conditions qui s’accordent avec le respect de la personne humaine. Ainsi, la privation de liberté ne signifie pas la privation de l’accès au droit. Notre assemblée a toutes les raisons de se réjouir que ce projet de loi soit enfin soumis à son examen. L’adoption de ce texte, déposé – faut-il le rappeler ? – le 28 juillet 2008 sur le bureau du Sénat, ne p...
Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, comment faire de la prison un lieu d’espérance, alors qu’elle est aujourd’hui un lieu de désespérance, si ce n’est en ayant le sens de l’humain ? Je tiens tout d’abord à rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, Jean-René Lecerf, car son action et son discours ont été ceux d’un homme de conviction, qui sait faire entendre à la fois le cœur et la raison. Nous avons tous été touchés par sa force de conviction ...
Le texte intitulé « projet de loi pénitentiaire » ne saurait être appréhendé hors du contexte général de la politique pénale de notre pays. Il ne saurait être un instrument de communication destiné à masquer la réalité : la situation catastrophique des prisons françaises et une justice française considérée en Europe comme l’un des plus mauvais exemples. N’oublions pas ce qu’est notre univers carcéral, qui sont les détenus, quelles sont leurs origines – 95 % d’hommes, 50 % d’illettrés ! – et de quels milieux ils sont issus. La réalité, c’est cela ! Ce constat est la résultante non pas de la politique d’un seul gouvernement, mais d’une responsabilité n...
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat a souvent débattu de textes relatifs à la prison. Il y a plus d’un siècle, René Bérenger, catholique et républicain, est monté à cette tribune pour dresser ce constat si actuel : la récidive a pour cause l’état misérable des prisons, la promiscuité favorise la corruption ; Robert Badinter le rappelle dans son ouvrage La prison républicaine. René Bérenger ajoutait que le sursis, l’encellulement individuel, l’aménagement des peines, la lib...
Il avait à examiner un projet de loi qui, selon les termes de son rapport, était resté « au milieu du gué », entraînant « une déception largement partagée ». Le texte se trouvait très en retrait des travaux du comité d’orientation restreint que le Gouvernement avait installé pour préparer une grande loi pénitentiaire. Il ignorait, bien sûr, les observations de l’Observatoire international des prisons et semblait mépriser le vaste chantier des états généraux de la condition pénitentiaire, au sein duquel notre collègue Robert Badinter a joué un grand rôle. Pourtant au cours de ces états généraux, le candidat Nicolas Sarkozy avait assuré : « Je me suis clairement engagé à ce que la dignité de la condition carcérale soit une priorité de notre action. » Où en est le droit commun en prison ? Malh...
...mière fois, sous la Ve République, que le Parlement a à connaître d’un texte cadre consacré à la question pénitentiaire. Ce simple fait nous interpelle. Il est assez révélateur du déni qui a trop longtemps été celui de la puissance publique quant aux conditions réelles d’incarcération. Ce déni avait été stigmatisé par le Sénat, en 2000, dans le rapport d’information au titre plus que parlant : Prisons, une humiliation pour la République. Comment a-t-on pu en arriver à qualifier le système carcéral d’humiliation pour la République ? L’examen du présent projet de loi nous permet aujourd’hui de le comprendre et de regarder en face ce qui pourrait apparaître comme un paradoxe : tandis que le droit en prison a progressé au cours des trente dernières années, ces avancées ne se sont pas accompa...
...avaux forcés, instaurer la libération conditionnelle, placer le reclassement social des condamnés au centre de la peine privative de liberté. Après l’abolition de la peine de mort, de la perpétuité réelle, après les lois Badinter de 1983-1985, après la création des services d’insertion et de probation, comment notre pays en est-il arrivé, au XXIe siècle, à être montré du doigt pour l’état de ses prisons ? Le constat est sévère et, depuis longtemps, des voix s’élèvent pour appeler les politiques à se ressaisir et à reconnaître enfin les détenus comme des sujets de droits. Aujourd’hui, hélas ! on est loin de l’esprit qui prévalait en 1945 ; on est loin de la commission d’enquête sénatoriale sur les prisons françaises qui proposait de se garder « de tout parti pris », qui constatait « que la sit...
Sur les deux axes de la détérioration des conditions de détention, le nombre d’entrées en prison et la durée des peines, vous n’avez fait qu’aggraver la situation. Cette frénésie législative répressive hypothèque aujourd’hui la sincérité du projet de loi. Le constat est sévère : 115 suicides en 2008, 96 en 2007 ; 1 519 tentatives et 2 021 actes d’automutilation de janvier à novembre ; près d’un suicide tous les deux jours depuis janvier 2009. Heureusement, il semble que cela se ralentisse....
L’exposé des motifs du projet de loi rappelle fort justement que « l’incarcération doit, dans tous les cas, constituer l’ultime recours ». Ce texte permettra-il de limiter le recours à la prison ? Il ne le permettra pas si la loi continue de remplir les prisons, ce que tend à indiquer l’augmentation du nombre de places : 13 200 places supplémentaires sont prévues entre 2002 et 2012 C’est donc considérer qu’il y aura au moins autant de détenus. Sans remise en cause de la politique pénale en œuvre, la fuite en avant continuera : construction de prisons pour accueillir davantage de détenu...
Tout le monde le sait, et nombreux sont ceux qui l’ont souligné ici même, le nombre de personnes emprisonnées atteintes de troubles mentaux qui existaient avant leur incarcération ou qui sont apparus durant la détention ne fait que croître. La réduction drastique des lits en psychiatrie publique alliée à la frénésie répressive fait de la prison un hôpital psychiatrique. Il est vrai que celle-ci coûte dix fois moins cher, ce qui est très intéressant du point de vue de la RGPP, mais certainement pas au...