Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de Mme Claudie Haigneré, présidente d'Universcience (en commun avec le groupe d'études Innovation et entreprise).
Il est essentiel de renouer le lien de confiance entre la société et la science, car on constate une défiance à l'égard des avancées scientifiques et des innovations dont la population ne comprend pas toujours l'impact sur la société.
Le regroupement de la Cité des sciences et de l'industrie et du Palais de la découverte au sein de l'établissement public Universcience a pour objectif de faire de ce dernier un opérateur national de référence afin de promouvoir, sur tout le territoire et avec l'ensemble des partenaires de terrain, le rayonnement de la culture scientifique et technique. Nous allons d'ailleurs organiser, en septembre prochain, un forum territorial de la culture scientifique et technique.
Cette réunion de deux institutions très différentes de par leur taille et leur statut n'est pas facile, chacune ayant peur de perdre ses spécificités, et on avance pas à pas. Créé le 1er janvier 2010, l'établissement public est encore en voie de préfiguration et l'année 2010 sera nécessaire pour sa mise en place.
Mon ambition va au-delà de la simple addition de deux institutions, l'enjeu étant de réfléchir aux mutations de notre civilisation et de remettre la société au coeur des réflexions. Au-delà de la diffusion classique des connaissances, il s'agit aussi d'aller vers une co-création, Universcience voulant être un acteur de l'éducation informelle, permettant à chacun, à partir de projets innovants, de prendre part aux débats de société posés aujourd'hui par la science.
Toutes ces orientations supposent des partenariats avec les régions, avec les acteurs du territoire et toute la communauté de la recherche.
En définitive, je résumerai nos quatre missions principales de la façon suivante :
- constituer une plateforme d'innovation pédagogique, une convention partenariale étant en cours de signature avec l'éducation nationale ;
- reconstruire des liens de confiance entre la société et la science et l'innovation technologique ;
- devenir un opérateur sur le plan national, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche projetant de transférer à Universcience le volet opérationnel de sa politique en la matière ;
- conserver la spécificité des deux institutions tout en développant synergies et complémentarités. Je pense, à cet égard, à un projet d'université ouverte de la science et de la technologie.
Il nous faut aussi réfléchir aux nouvelles bibliothèques du vingt-et-unième siècle et à un campus technologique, des propositions innovantes devant permettre au public de passer du concept à la pratique.
J'attache aussi beaucoup d'importance à ce que nous mettions en relation l'art et la science. A cette fin, je suis en relation suivie avec M. Jean-Paul Cluzel, président de l'établissement public du Grand Palais, et j'ai pris part au rapport relatif à la rénovation de ce dernier. Un portail Internet ambitieux est en cours de lancement ainsi que l'embryon d'une chaîne de télévision scientifique.
Je regrette que la culture passe souvent après le reste, et la culture scientifique plus encore. Les deux établissements concernés réalisent un important travail, que les Français apprécient. Mais il reste très difficile pour la province de coopérer avec la Cité des sciences et de l'industrie, les grandes expositions n'étant pas forcément transposables dans de plus petits locaux.
Nous souhaiterions, ma collègue Marie-Christine Blandin et moi-même, pouvoir actualiser le rapport d'information sur la diffusion de la culture scientifique, que nous avions élaboré au nom de notre commission en 2003.
Pourriez-vous nous préciser comment les personnels concernés vivent la mutation de leurs établissements, si vous aurez les moyens de vos actions et comment pourraient s'organiser les relations entre Universcience et le Grand Palais, des inquiétudes s'étant exprimées à ce sujet ?
Enfin, la culture scientifique doit avoir « pignon sur rue », afin de développer l'esprit critique et de permettre à la population de s'approprier tous les progrès, dans le domaine de la bioéthique, par exemple, pour ne citer que celui-là.
J'apprécie votre intervention et votre ambition. J'aimerais témoigner de la naissance de la Cité de la Villette, qui s'est opérée dans le doute et les critiques, grâce à la fois à une volonté politique remarquable et à des personnalités du monde scientifique. Nous nous étions posé la question de la fusion des deux établissements à l'époque, mais c'était prématuré. Le moment est venu d'avancer, même si un tel projet n'est pas sans risques.
Nous avions souhaité développer de nombreux liens avec les grands musées du monde et cette dimension internationale doit continuer à s'affirmer.
Il serait intéressant d'intégrer la culture scientifique au sein du réseau de la France dans le monde. Le développement de relations avec le ministère des affaires étrangères devrait permettre à la future agence culturelle de s'intéresser davantage à cette dimension, alors que le réseau de la France à l'étranger n'entretient pour l'instant aucune relation avec la Villette.
Pouvez-vous nous indiquer vos projets concernant la travée de 40 000 mètres carrés, dite quatrième travée, qui reste inoccupée à la Villette ?
La science fait en effet partie de la diplomatie culturelle et nous sommes très impliqués dans l'action internationale. Il nous faut développer des liens avec la nouvelle agence culturelle pour renforcer notre présence et nous réfléchissons même à la création d'une sorte de G8 de la culture scientifique.
Le forum territorial, que je viens d'évoquer, pourrait donner l'occasion de compléter le rapport du Sénat de 2003. Vos messages pourraient aussi être transmis à l'occasion des réflexions de l'Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMSTI).
S'agissant des relations avec le Grand Palais, son directeur est sensible au patrimoine intellectuel, mais je soumets à votre vigilance le suivi du schéma proposé par le rapport que j'ai évoqué.
Pour ce qui concerne les moyens, et bien que la fusion des établissements résulte de la révision générale des politiques publiques (RGPP), leur budget n'a subi aucune contraction. Nos discussions se déroulent à la fois avec le ministère du budget et avec M. René Ricol, commissaire général aux investissements d'avenir. En effet, afin de financer le volet territorial de notre projet, nous avons sollicité cent millions d'euros, puis soixante quinze millions, au titre de l'emprunt national ; par ailleurs, il est nécessaire de développer des partenariats avec le monde économique afin d'obtenir des ressources propres complémentaires aux subventions publiques. Nous travaillons aussi à des partenariats avec les universités - notamment le campus Condorcet en cours de réalisation et l'Institut d'études politiques - et avec l'Agence nationale de la recherche (ANR), les chercheurs devant se sentir concernés par la diffusion des connaissances.
Nos deux tutelles sont attentives, mais il est toujours nécessaire d'avancer pour obtenir une bonne reconnaissance de ce sujet.
Les personnels expriment quelques réticences et il faut beaucoup de diplomatie afin d'avancer autour d'un projet mobilisateur.
Par ailleurs, je vous signale que la Géode, dont j'assure la présidence, fêtera ses vingt-cinq ans demain.
Je vous rappelle que la quatrième travée de la Villette n'a jamais été occupée, ni développée. C'est pourquoi nous avons le projet de confier une concession commerciale à un partenaire privé afin d'encourager un public varié à accéder aux lieux et à les faire vivre, autour d'un multiplexe cinématographique et de magasins spécialisés dans les hautes technologies. Universcience garderait un droit de regard afin d'éviter toute dérive.
Je distingue diffusion et partage. Il manque, au titre des missions d'Universcience, l'émancipation et l'épanouissement des individus.
Je suis attachée aux identités remarquables des deux établissements concernés. S'agissant de la quatrième travée de la Villette, les salariés du Palais de la découverte ont craint, un moment, de devoir y déménager mais le climat est aujourd'hui apaisé.
Je rappelle que c'est le rapport de notre commission qui avait recommandé à l'établissement d'intégrer la dimension territoriale à ses missions, alors que cela ne figurait pas dans le projet initial.
Vous avez évoqué la notion « d'opérateur national de référence ». Je crains que l'établissement ne devienne une agence de financement des Centres de culture scientifique technique et industrielle (CCSTI), ce qui serait un piège.
Je suis, moi aussi, très attentive à ce qui se passe au Grand Palais, en ma qualité d'élue de Paris. Il est très important que l'établissement s'intéresse au public des jeunes et qu'il soit un lieu, même informel, d'éducation.
Pouvez-vous apporter des précisions sur la Cité des métiers, s'agissant notamment de la formation professionnelle et de l'orientation des jeunes vers les métiers scientifiques, et nous indiquer combien d'élèves et de lycées d'Ile-de-France fréquentent les lieux ?
Je suis d'accord pour parler davantage de partage que de diffusion.
Il nous faut devenir cet opérateur national de référence, disposant d'un budget indépendant et assuré, et que les CCSTI n'aient pas à en souffrir ; ceci n'est pas complètement clarifié avec le ministère du budget. Toutefois, ce budget n'a pas vocation à apporter des subventions à ces organismes mais Universcience doit pouvoir émettre et financer des appels à projet, par exemple pour des expositions ou des débats itinérants.
La Cité des métiers est un volet très important de notre action et fonctionne très bien, avec le réseau européen et français, en relation avec les académies et rectorats.
750 000 élèves ont été accueillis, dont 500 000 à la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette ; 60 % d'entre eux viennent d'Ile-de-France. En outre, une partie importante de notre portail est consacrée à l'éducation.
Je vous remercie pour votre passion à donner le goût des sciences ainsi que de l'esprit et de la rigueur scientifiques ; je souscris pleinement à votre action.
A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous avions insisté sur l'importance de la diffusion de la culture scientifique et sur les moyens qu'il convient d'y consacrer.
Ce n'est pas à l'acquisition des connaissances qu'il convient de mettre des limites mais à leur usage. Il est également important de conduire des actions au niveau des territoires, sans pour autant disperser les actions. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s'est engagé dans des actions envers les territoires, avec l'Académie des sciences. Quelles actions opérationnelles comptez-vous conduire dans ce domaine ?
Je souhaite revenir sur le projet de quatrième travée : lorsque l'on cherche des financements il est bien sûr facile de répondre aux propositions d'un promoteur privé et d'envisager un multiplexe, mais il faut être vigilant sur ce qui sera proposé. En ma qualité d'élu de l'est parisien, je suis un peu inquiet sur le multiplexe qui généralement ne fait pas suffisamment de place pour le cinéma d'art et essai. Il serait intéressant que des groupes privés puissent montrer les applications des nouvelles technologies du futur et leurs conséquences pour nos concitoyens.
Je souhaiterais aborder la question de vos relations avec les collectivités territoriales qui financent aujourd'hui de nombreux projets éducatifs, à la demande des établissements scolaires à travers des conventions conclues avec des musées pour permettre des visites et des travaux pratiques. Etes-vous intéressée par de tels partenariats ? A l'heure où l'on s'interroge sur la suppression éventuelle de la clause générale de compétence, il est légitime de s'inquiéter sur les conséquences en matière d'éducation à la culture scientifique et technique.
président - Je vous remercie Madame la présidente. Juste une remarque : vous n'avez pas mentionné la Cité de la musique qui est pourtant votre voisine. Quelles sont vos relations avec cet autre établissement culturel ?
Je tiens tout d'abord à remercier le professeur Etienne et à saluer le travail de l'OPECST et notamment aux partenariats lancés avec l'Académie des sciences. Il nous faut réfléchir à la meilleure façon d'associer l'Office à la réflexion engagée dans le cadre du forum territorial.
Concernant la quatrième travée, je rappelle que le contrat a été conclu, il y a plusieurs années, mais que le projet a été interrompu en raison de la crise financière. C'est un engagement conjoint de l'Etat, de la région Ile-de-France et de la ville de Paris depuis plus de vingt ans. Je suis heureuse d'avoir l'opportunité de le concrétiser et de pouvoir bâtir un véritable projet culturel à travers la création d'une Cité du numérique, de résidences d'artistes et pourquoi pas de vitrines des technologies du futur.
Je n'ai pas mentionné la Cité de la musique mais je peux vous rassurer, Monsieur le président, nous entretenons de très bonnes relations avec notre voisin et envisageons une véritable politique de site.
La commission nomme M. Serge Lagauche rapporteur sur la proposition de loi n° 411 (2009-2010) relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.
La commission autorise la publication du compte rendu de la table ronde sur l'avenir de la radio qui s'est tenue le 15 janvier dernier, effectuée dans le cadre du groupe d'études « Médias et nouvelles technologies » présidé par Mme Catherine Morin-Desailly.