La commission examine le rapport pour avis de M. Yves Rome et Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Médias (action audiovisuelle extérieure : programme 115).
Je souligne que les co-rapporteurs peuvent intervenir selon les modalités qu'ils définissent eux-mêmes, par accord mutuel. Ceci dit, je rappelle, qu'antérieurement au changement de majorité sénatoriale, une tradition s'était instaurée et qu'il serait logique de nous y tenir, même si cette pratique n'a aucun caractère contraignant.
Je parlerai donc en premier, pour me féliciter, tout d'abord, d'avoir pu travailler en parfaite intelligence avec M. Yves Rome. Nos points de vue ont convergé sur un grand nombre de sujets.
Dans un premier temps, je présenterai, de façon très synthétique, ma position sur les crédits alloués à l'audiovisuel extérieur de la France : j'estime que, dans le contexte de restrictions budgétaires que nous connaissons tous, la fin de l'augmentation des crédits alloués à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (- 3,9 %) se justifie à double titre. Premièrement, cette trajectoire budgétaire s'inscrit dans la logique de la réforme de l'audiovisuel extérieur : l'augmentation continue des dotations était prévue pour soutenir le lancement de la nouvelle société holding. Aujourd'hui, nous sommes dans une deuxième phase où doivent se manifester les effets positifs des synergies mises en place et une capacité de mobilisation de ressources publicitaires. Il s'agit donc d'une démarche cohérente. Le ralentissement des dotations budgétaires, dès lors que la phase initiale d'investissement arrive à son terme, est d'ailleurs une évolution qui était prévisible et a été anticipée par les responsables concernés.
Deuxièmement, si beaucoup de critiques ont été adressées à l'AEF, je tiens à rappeler deux éléments de contexte dont on ne peut se départir. Le premier est qu'on recense aujourd'hui plus de 27 000 chaînes de télévision dont 57 chaines d'information : qui pourrait croire qu'une nouvelle réorganisation de l'audiovisuel extérieur pourrait permettre, par un simple « coup de baguette magique », de diminuer une pression concurrentielle inédite et qui rend plus difficile que jamais l'accès aux ressources publicitaires ? J'ajoute qu'il faut être attentif aux réflexions en cours sur la réforme de l'audiovisuel extérieur : ne risquent-elles pas de nous faire revenir en arrière en dispersant des entités que l'on a légitimement voulu regrouper pour leur donner une cohérence d'ensemble ? Deuxièmement, le rôle de l'État dans cette affaire est difficile : voyez le tollé de protestations qui s'élève lorsqu'il est soupçonné d'intervenir dans l'audiovisuel, alors que, dans le même temps, laisser indéfiniment croître les financements publics serait irresponsable ! J'attire votre attention, mes chers collèges, sur un point important : plutôt que de céder à la frénésie législative et à l'instabilité juridique qui en découle, laissons le temps à la réforme d'aboutir et de produire ses effets. En revanche, il convient de réfléchir attentivement aux ajustements susceptibles de conforter TV5 Monde.
J'en viens à la présentation de la seconde partie de ce rapport pour avis budgétaire. J'insisterai sur les trois principaux enjeux que sont la situation des vecteurs du rayonnement français que sont France 24, RFI et TV5, les perspectives de synergie et la contribution de la réforme de l'audiovisuel extérieur au rayonnement de la France. Tout d'abord, je souhaite insister sur le contexte concurrentiel très difficile dans lequel évolue l'AEF. Selon le dernier rapport de l'Inspection des finances, la France investit dans son outil audiovisuel extérieur un niveau de ressources publiques comparable à ceux du Royaume-Uni et de l'Allemagne. En revanche, les ressources propres représentent un peu plus de 5 % des produits d'exploitation de l'AEF, ce qui constitue un « ratio » comparable à celui de Deutsche Welle, mais trois fois inférieur à celui de BBC Global News.
Ce rapport atteste que la mutation rapide de l'AEF s'est accompagnée de « belles réussites » et il ressort de l'ensemble des analyses de l'Inspection des finances que l'AEF reste, dans son architecture actuelle, un outil suffisamment performant pour conserver des chances non négligeables de succès face à la concurrence très rude qui caractérise le secteur audiovisuel au niveau international.
Sans entrer dans le détail des objectifs et des modalités du déménagement de RFI à Issy les Moulineaux dans un immeuble contigu à celui de France 24, je signale que le coût de cette opération est estimé a priori à 24,5 millions d'euros et il pourrait être majoré, essentiellement si un éventuel retard amène à acquitter un double loyer. Cette évolution se déroule, en effet, dans un climat social tendu : le 31 août dernier, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a demandé une expertise sur les projets de fusion juridique et de réorganisation opérationnelle sur lequel les tribunaux doivent bientôt statuer. Ma principale suggestion résulte des échanges que nous avons pu avoir en commission sur le nombre de langues de diffusion qui semble avoir atteint un seuil minimal. Je relève avec satisfaction que le rapport de l'Inspection générale des finances consacré à l'audiovisuel extérieur estime également que la poursuite de la réduction du nombre de langues de diffusion est désormais une piste de réforme à écarter : il en subsiste douze à RFI contre 27 à la BBC et 28 à la Deutsche Welle. Notre capacité à diffuser dans plusieurs langues est essentielle, non seulement pour accroître notre audience, mais aussi et surtout dans une perspective de défense de la diversité culturelle et linguistique qui est l'une des valeurs phares de la francophonie. Dans cette perspective, il importe de favoriser le recours au sous-titrage d'émissions diffusées en français. En revanche, je reste perplexe quant à l'intérêt, pour la France et la francophonie, d'un certain nombre d'émissions diffusées en anglais sur France 24, dont les contenus semblent calqués sur l'audiovisuel anglo-saxon et ne reflètent pas suffisamment un angle de vue « à la française ».
S'agissant de l'analyse de l'évolution et des perspectives de France 24, je souligne un fait essentiel, qui résume la problématique budgétaire -du coté des ressources- de l'AEF : entre 2007 et 2010, les recettes publicitaires de France 24 ont progressé dix fois moins que son audience (+ 20 % contre + 200%). Le bilan des audiences établi pour 2010 a permis de quantifier celle de France 24 à 29,9 millions de téléspectateurs hebdomadaires, dont 19,5 millions en Afrique, 6,9 millions en Afrique du Nord/Moyen-Orient (y compris 3,2 millions en langue arabe) et 3 millions en Europe.
Par ailleurs, il convient de rappeler que TV5 monde est unanimement appréciée et reconnue comme le pilier de notre audiovisuel extérieur. Cependant, en droit des sociétés, comme en droit de la famille, il y a toujours, à un moment ou à un autre, des craintes sur la répartition des flux financiers. A notre demande, l'évolution des moyens financiers de TV5 Monde en 2012 a fait l'objet d'une réponse précise de l'autorité de tutelle lors de son audition par la commission : en dépit de la diminution globale des ressources allouées à l'audiovisuel extérieur, les financements TV5 Monde devraient être, au minimum, préservés. Je vous propose de soutenir cette chaîne emblématique non seulement par un hommage appuyé, mais par une prise de position très concrète. En effet, le rapport de l'Inspection des finances, contient une recommandation tendant à diminuer les coûts de diffusion de TV5 monde. Or, comme l'a très bien rappelé la directrice générale des médias et des industries culturelles, Mme Laurence Franceschini, lors de son audition, la diffusion c'est « le nerf de la guerre » de l'audiovisuel. C'est sur ce point précisément que ce rapport me semble avoir été un peu au-delà des limites qui lui étaient assignées. On peut admettre que certaines économies de gestion sont envisageables, mais il est important de distinguer l'« intendance » de « l'essentiel ». Or amputer la diffusion, c'est s'attaquer aux leviers fondamentaux du rayonnement audiovisuel et il s'agit d'une décision hautement stratégique qui ne relève pas d'un audit « organisationnel ».
Enfin, la tutelle de l'AEF est aujourd'hui interministérielle, puisque partagée entre le ministère de la culture, le ministère des affaires étrangères et les ministères des finances (direction du budget, agence des participations de l'État). Comme le souligne le rapport de l'IGF, cet éclatement est probablement déresponsabilisant pour les administrations concernées et n'est sans doute pas étranger au fait que la direction de l'AEF a eu tendance à développer un dialogue direct avec le cabinet du Premier ministre. Constatant que la multi-tutelle suscite, quasiment dans tous les domaines et de façon récurrente, des difficultés, je vous propose de préconiser de s'en tenir à la logique selon laquelle le rayonnement audiovisuel de la France relève par nature du ministère en charge des affaires étrangères
Avant de passer la parole à mon co-rapporteur Yves Rome, je conclurai mon intervention par une observation plus générale : compte tenu de la présentation relativement cloisonnée des crédits budgétaires, nous ne nous interrogeons pas assez souvent sur le meilleur arbitrage possible entre les différents « vecteurs » de la langue et de l'influence française tels que l'audiovisuel extérieur mais aussi l'enseignement du français à l'étranger ou l'action culturelle extérieure.
Chacun s'accorde à reconnaître que le nouveau contexte technologique impose aux dirigeants de l'audiovisuel d'homogénéiser les contenus entre internet, le téléphone mobile, la radio et la télévision et, pour ma part, je préconise une approche encore plus transversale. Il s'agit notamment d'intégrer la problématique de l'influence française par le canal de l'écrit et, en particulier, de la diffusion du livre. Une autre dimension qui doit, à mon sens, faire l'objet d'une attention soutenue est celle du rôle d'internet. N'oublions pas que, dans certains pays, l'accès à l'audiovisuel public français est soit inaccessible pour des raisons juridiques, soit onéreux puisqu'il est conditionné à la souscription à des abonnements : il est donc essentiel de le diffuser sur internet pour en permettre l'accès libre.
Je rattache cette problématique à la question que nous avons soulevée, la semaine dernière, de l'articulation entre l'audiovisuel extérieur et l'Institut français présidé par Xavier Darcos, et je suggère à la commission d'encourager les efforts consentis à cet égard.
Je vous présenterai quelques remarques sur les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2012 pour vous éclairer sur le sens du vote que je vous propose.
Nous aurions pu nous étendre longuement sur les difficultés relationnelles et les problèmes récurrents de management au sein de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF), comme la presse d'ailleurs a pu s'en faire l'écho à de nombreuses reprises. Nous avons cependant pris le parti de nous poser les questions essentielles pour que la voix de la France à l'étranger soit mieux entendue : le Parlement est-il en mesure, cette année encore, d'apprécier avec une précision suffisante où va la dotation allouée à l'AEF ? Je ne le crois pas. Le Gouvernement lui-même semble partager ces inquiétudes, sinon ces certitudes, puisqu'il s'est vu dans l'obligation de diligenter une inspection de l'Inspection des finances, dont les conclusions ont été mises en ligne, il y a quelques jours à peine, mais ne nous ont jamais été communiquées. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'objet même de ce rapport.
Comme vous le savez, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF, est gouvernée par le principe de sincérité budgétaire dont le but est de permettre aux parlementaires de se prononcer en toute connaissance de cause sur les crédits. Je rappelle également que, dans certains programmes, la justification des crédits va très loin dans le détail : par exemple, dans le « bleu budgétaire » n° 185 consacré à la diplomatie culturelle, certains crédits consacrés à l'audiovisuel sont explicités à 20 000 euros près.
En revanche, s'agissant du programme 115 que j'ai l'honneur de rapporter, il est demandé au Parlement d'approuver une dotation globale exprimée en un seul chiffre : 150,1 millions d'euros auxquels s'ajoutent les crédits issus du produit de la contribution à l'audiovisuel public (166,8 millions d'euros). Au total, pour 2012, il est donc proposé d'allouer à la société holding Audiovisuel Extérieur de la France et, à travers elle, à France 24, RFI et TV5 Monde, une dotation totale de ressources publiques de 315,2 millions d'euros, contre 327,5 en 2011 soit une baisse de 3,9 %. Cette diminution est considérée par les trois opérateurs de l'AEF comme une « double injustice » : leurs représentants nous ont indiqué, au cours des entretiens, d'une part, que cette évolution ne prenait pas en compte les efforts fournis par chacun depuis trois ans (en termes d'audience, de distribution, de réorganisation -nouvelle politique des langues, la fermeture de filiales, le plan social à RFI) et, d'autre part, qu'elle se traduisait par un traitement moins favorable de l'audiovisuel extérieur que de l'audiovisuel national. Certes, le chemin budgétaire suivi depuis 2004 montre que l'AEF a fait l'objet d'efforts soutenus, mais France 24 (avec une hausse de 66 % de ses moyens entre 2007 et 2011) a absorbé l'essentiel des augmentations de crédits alloués à l'AEF. Au cours de la même période, ceux de RFI ont stagné et ceux de TV5 monde ont augmenté de 22 %. On peut donc non seulement s'interroger sur la pertinence du rapprochement entre France 24 et RFI, mais aussi se demander si TV5 Monde reste une priorité pour la direction de l'AEF, alors que la chaîne francophone demeure le principal outil audiovisuel de rayonnement mondial de la France (220 millions de foyers raccordés, 50 millions de téléspectateurs par semaine, 830 millions annuels de nuitées d'hôtel et 8 millions de connections par mois).
Pour 2012, la répartition des financements entre les différentes sociétés de la holding n'est pas disponible. Dans le cas de l'audiovisuel, la loi contrebalance cette relative opacité par l'obligation de communiquer au parlement le contrat d'objectif et de moyens. Je souligne qu'il s'agit ni plus ni moins que d'éclairer les choix et la stratégie sous-jacents à cette subvention : cette obligation légale est donc une composante essentielle de l'information du Parlement. Or depuis 2009, les documents, rapports et avis budgétaires se succèdent et se ressemblent pour annoncer la conclusion imminente d'un COM.
Toujours rien depuis, et on nous renvoie désormais à février 2012. Le Gouvernement semble donc lui-même perplexe puisqu'il a jugé utile de clarifier cette situation en demandant à l'Inspection générale des finances un rapport. Annoncé au Sénat par le ministre en charge de la Culture au printemps dernier, ce rapport qui devait permettre d'apporter des éclaircissements sur l'emploi des crédits publics depuis n'a pas, dans un premier temps, été publié, ni même communiqué aux rapporteurs, ce qui ne plaide pas pour une réelle transparence et peut nous amener à nous interroger sur les motivations véritables dudit rapport.
Le « voile » a été levé in extremis sur les résultats de cet audit alors que commençaient à circuler un certain nombre de rumeurs. Une rapide analyse de ce rapport amène à formuler deux principales observations. Tout d'abord, certaines de ses préconisations semblent contestables : en particulier, comme l'a indiqué Mme Joëlle Garriaud-Maylam, l'Inspection des finances consacre des développements à la diminution des coûts de diffusion et de distribution de France 24 et de TV5 Monde, qui sont des dépenses productives, donc stratégiques pour l'image de la France, sur lesquelles bien entendu les économies ne doivent pas être réalisées, au risque de fragiliser la Charte signée avec les partenaires de la France. Ensuite, il est vrai que ce rapport porte un jugement globalement nuancé sur le bilan de la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur et suggère que l'exacerbation de la concurrence dans le secteur audiovisuel est une donnée incontournable. Mais, au-delà de ces appréciations subjectives, ce document fait état d'irrégularités concernant des contrats passés ou des versements réalisés par l'AEF ; je les cite : absence de transmission de certains contrats au contrôle général économique et financier, défaut de mise en concurrence des prestataires préalablement à l'attribution de certains marchés et absence de contrat à l'appui de prestations ayant fait l'objet de paiements. Le rapport ne comporte toutefois aucune indication supplémentaire sur la gravité et sur les conséquences envisageables de telles irrégularités. A l'évidence, ces dernières, qui s'ajoutent à l'absence de COM et aux dysfonctionnements de la gouvernance, amènent également à s'interroger sur l'efficacité de l'exercice de la tutelle.
Quelle conclusion tirer de ces constats ? Je rappelle que l'obligation de COM n'est pas sanctionnée juridiquement. Par ailleurs rien n'oblige le commanditaire d'un rapport à le publier en temps utile. Tout ceci place donc le Parlement face à ses responsabilités et à l'exercice de son pouvoir de sanction politique.
J'ajoute que la Gouvernance de l'AEF a beaucoup fait parler d'elle, mais ses éclats -si je puis dire- ne contribuent pas médiatiquement au « rayonnement » de la France. J'ai donc souhaité introduire dans le rapport écrit des développements très précis sur le cadre juridique applicable à la gouvernance de l'AEF, pour tenter d'y repérer des outils permettant de se prémunir contre les risques de dysfonctionnements. Je rappelle ainsi que la désignation du premier président de l'AEF n'a pas été soumis aux commissions parlementaires mais que la « donne » juridique a changé : conformément à la réforme constitutionnelle, la prochaine nomination du président directeur général de la Société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (le mandat de l'actuel président prendra fin le 23 avril 2013) ne pourra s'exercer qu'après avis public de la commission de la culture de chaque assemblée, le président de la République ne pouvant procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Au strict plan budgétaire, cette gouvernance semble aussi s'accompagner de dépenses et de provisions relatives à divers contentieux qui ne paraissent pas correspondre à l'emploi optimal des fonds publics. L'influence de la France doit demeurer la priorité absolue de l'audiovisuel extérieur et je crains que les querelles de personnes ou la volonté de rationaliser la gestion de l'AEF ne brouillent cet objectif essentiel.
J'ajoute, du point de vue financier, que l'AEF semble avoir, pour l'instant, perdu son principal pari. En effet, l'augmentation de l'audience de France 24 n'a pas fait affluer les recettes publicitaires escomptées : le schéma initial était donc sinon un peu simpliste, du moins exagérément optimiste. Il n'a, en tous cas, pas suffisamment pris en compte la transformation majeure de l'audiovisuel et du marché publicitaire, alors qu'en 2008, la « révolution numérique » était déjà largement amorcée.
Pour toutes ces raisons, comment émettre un avis favorable sur une dotation globale destinée à financer une réforme qui ne répond pas aux critères essentiels de transparence et de clarté, de respect de la légalité et qui n'a toujours pas atteint l'objectif d'efficacité qui lui était assignée ?
Je m'interroge également sur les perspectives d'avenir de l'audiovisuel extérieur de la France. La recherche de synergies et de mutualisations n'a eu que peu d'effets, sans doute parce qu'il n'y a de vraie synergie qu'entre ceux qui ont suffisamment d'affinités pour vivre ensemble harmonieusement. Partageant avec la Mission d'information de l'Assemblée nationale dont nous attendons les conclusions, je me demande si le mariage entre une chaine d'information France 24, une radio généraliste RFI et une chaine généraliste TV5 Monde est viable à long terme et s'il ne faudrait pas envisager la dissolution ou le réaménagement de l'AEF pour trouver des partenaires adéquats à certaines de ses composantes.
Je crois particulièrement utile de réfléchir à de nouvelles perspectives pour TV5 monde, qui a un actionnariat spécifique et une vocation particulière puisqu'elle est francophone et multilatérale. L'Etat finance, avec la Belgique, la Suisse et le Canada cette chaine qui remplit de façon très satisfaisante, et avec des moyens limités sa mission. Il m'a d'ailleurs paru intéressant de suggérer que TV5 puisse, encore plus qu'avant, favoriser le rayonnement des collectivités territoriales de la France qui développent de plus en plus des actions de jumelages, de coopération et de promotion des centres d'intérêt de notre pays.
Pour sécuriser et pérenniser le pilotage de l'audiovisuel extérieur de la France, il m'apparaît enfin de plus en plus indispensable, sinon impératif, qu'il soit très rapidement rattaché au ministère des affaires étrangères.
Je partage les interrogations, les conclusions et les propositions du rapport qui vient de nous être présenté. Avez-vous des précisions sur les subventions exceptionnelles qui auraient, selon le rapport de l'Inspection générale des finances, été demandées par la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) à hauteur de 100 millions d'euros, ce qui semblerait signifier que la société en charge de l'audiovisuel extérieur a des difficultés structurelles pour équilibrer son budget sans faire appel à des contributions supplémentaires de l'Etat.
J'ai entendu le rapporteur parler d'une éventuelle « dissolution » de l'AEF. Ce mot, qui provoque parfois des sourires, me semble devoir être employé avec précaution dans le cas de l'audiovisuel extérieur. J'attire l'attention, en tant que consommateur de télévision et de radiodiffusion, sur les risques de pertes d'audience inhérents à un tel bouleversement, car les habitudes et la fidélité audiovisuelles s'installent de façon très progressive, surtout à l'étranger. Je marque donc ma préférence pour une méthode plus pragmatique qui s'attache à apporter des améliorations plutôt qu'à tout chambouler.
s. - Je fais toutefois observer, par parenthèses, que lorsque TV5 a choisi, en 2006, sa nouvelle appellation « TV5 Monde », elle a pu créer une nouvelle dynamique qui a encore accru son audience. Ceci dit, le terme de dissolution me paraît, à moi aussi, un peu brutal. Tout en exprimant un certain nombre de réticences à l'égard du canal anglophone de France 24, j'ai d'ailleurs estimé souhaitable, dans mon exposé, de « laisser le temps au temps » pour donner à la réforme toutes ses chances de succès.
Comme l'a indiqué Mme Hélène Conway Mouret, l'AEF a sollicité 104 millions d'euros de subventions exceptionnelles depuis 2009 et en a obtenu un peu moins de 60. La négociation qui semble se poursuivre avec l'Etat sur les 43 millions d'euros restants n'est manifestement pas étrangère aux difficultés de conclusion du contrat d'objectifs et de moyens. Face à une telle incertitude et à de tels déséquilibres financiers, nos collègues de l'Assemblée nationale qui travaillent sur le sujet pourraient, d'après les indications que j'ai pu recueillir, formuler des propositions assez fortes. C'est pourquoi, sans a priori, et pour couvrir tout le champ des hypothèses de réforme, j'ai prononcé le mot de dissolution, de manière interrogative, mais aussi celui de réaménagement.
Compte tenu de la période de restriction budgétaire et de l'importance de la mission de l'audiovisuel extérieur de la France -même si sa mise en oeuvre me semble perfectible- je suis convaincue que nous ne pouvons qu'approuver ces crédits.
L'ensemble des arguments que j'ai pu développer conduisent inévitablement à leur rejet.
Je consulte la commission sur l'avis que nous devons émettre.
Par 22 voix pour, quatorze contre et deux abstentions, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission Médias.
Puis la commission procède à un nouvel examen, suite à l'audition du ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, du rapport de M. Jean-Louis Carrère sur le projet de loi n° 669 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre le Royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR.
Je vous avais présenté, lors de notre réunion de mardi dernier, le projet de loi autorisant la ratification du traité portant création de la force de gendarmerie européenne.
Vous vous souvenez sans doute que je vous avais fait part d'une difficulté concernant le statut et l'usage du français au sein de la force de gendarmerie européenne. Nous avions alors décidé de reporter notre décision dans l'attente de l'audition du ministre de l'intérieur, M. Claude Guéant.
Lors de son audition, mercredi dernier, le ministre de l'intérieur a pris l'engagement de faire une démarche diplomatique afin de renforcer la place du français au sein de la force.
Je vous proposerai donc de prendre acte de cet engagement et donc d'approuver le projet de loi qui nous est soumis. Toutefois, compte tenu de l'importance de ce sujet et de l'intérêt de sensibiliser le gouvernement dans son ensemble, je vous proposerai un examen en séance publique afin d'avoir un débat sur cette question.
A l'issue de cette communication, la commission adopte le projet de loi et propose qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique.