La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur l'action culturelle à l'étranger.
a rendu compte de son contrôle sur pièces et sur place de l'action culturelle à l'étranger. Il a indiqué que ce travail succédait à un grand nombre de rapports, dont celui de son collègue Louis Duvernois rédigé, en 2004, au nom de la commission des affaires culturelles, intitulé « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence ».
a jugé qu'une démarche « lolfienne » d'évaluation de la performance et de l'efficience de notre activité culturelle à l'étranger était aujourd'hui nécessaire. Il a rappelé qu'il avait fait adopter, au cours des dernières années, plusieurs amendements relatifs à l'action culturelle à l'étranger et qu'après ces différentes initiatives, il avait souhaité conduire une approche plus globale.
a expliqué par ailleurs qu'un article de l'édition européenne du « Time magazine » sur la mort supposée de la culture française l'avait conduit à s'interroger sur notre « rayonnement culturel ». Il a donc effectué des déplacements dans un échantillon de pays et de villes, où il y a eu traditionnellement un « appétit de culture française » : Tokyo, Kyoto, Buenos Aires, Hambourg, Varsovie, Le Caire, New York, San Francisco, et a organisé une vingtaine d'auditions au Sénat, avec les administrations, mais aussi et surtout avec des personnalités culturelles, qui l'ont amené aux constats suivants.
Tout d'abord, contrairement à une idée largement répandue, nous consacrons des moyens très substantiels à l'action culturelle, scientifique et universitaire à l'étranger, de l'ordre de plus d'1 milliard d'euros en 2007.
a indiqué que la tendance actuelle n'étant pas de regrouper l'ensemble de ces crédits sur une seule mission, mais au contraire de les répartir sur un nombre croissant de budgets : l'audiovisuel extérieur (20 % du total) a ainsi été intégré dans une holding et sorti du périmètre du Quai d'Orsay. De son point de vue, ce phénomène correspond à un problème de légitimité du ministère des affaires étrangères dans le pilotage stratégique de l'action culturelle à l'étranger.
Il a insisté sur deux questions :
- tout d'abord, les crédits sont très importants par rapport à nos partenaires européens. La France disposait ainsi en 2007 de 60 centres culturels dans les pays développés, et de 85 dans les pays émergents ou en développement, auxquels il faut ajouter des instituts, soit un total de 145 centres ou instituts. 220 alliances françaises sont dirigées par un agent de l'Etat expatrié et 255 autres alliances françaises bénéficient de financements plus modiques de la part de nos postes à l'étranger. Si l'on considère que 158 pays accueillent une ambassade française à l'étranger, on parvient à 3,9 centres culturels ou alliances françaises par pays où nous sommes présents.
Il a précisé que les alliances françaises étaient autofinancées, comme les centres culturels l'étaient parfois, mais de manière très variable.
a tenu à mettre en perspective ces données avec le budget total de l'institut Cervantès, subventionné à 88,7 % par l'Etat espagnol (89,4 millions d'euros en 2007). Il a indiqué qu'en Allemagne, un montant de 680 millions d'euros était consacré en 2008 à l'action culturelle à l'étranger, dont 180 millions d'euros pour les instituts Goethe, 117 millions d'euros pour les écoles, et 120 millions d'euros pour la coopération universitaire. De même, le British Council dispose de 183 millions de livres en 2006-2007.
Il en a conclu que la France se situait dans les mêmes ordres de grandeur que ses partenaires, pour le budget des centres culturels. Il a observé que notre pays s'enorgueillissait d'avoir le premier réseau culturel au monde : mais certains de nos partenaires (Espagne par exemple), qui n'avaient pas la même antériorité, étaient en croissance, alors que la France vivait la tendance inverse. Elle était revenue de 173 centres culturels en 1996 à 144 en 2008.
s'est alors interrogé sur les résultats de l'action culturelle à l'étranger, par nature difficiles à évaluer.
S'il n'est pas évident de qualifier « le rayonnement culturel français aujourd'hui, » comme celui d'ailleurs de la plupart des autres cultures, il a jugé que la France n'était ni en déclin, ni, ce que de nombreux diplomates appelaient, par autosatisfaction, « une puissance économique moyenne et une hyperpuissance culturelle ».
Il a précisé que quelques chiffres appelaient à plus de « modestie » : si le cinéma français est « la première cinématographie mondiale en termes de marché à l'export » après la cinématographie américaine, au Royaume-Uni, sa part de marché est de 1,8 % en 2007, contre 67 % pour le cinéma américain et 28,5 % pour le cinéma britannique. Aux Etats-Unis, la France représente 50 % des films étrangers, mais seulement 2 % du marché en 2006.
Il a expliqué que la langue française continuait à être parlée dans le monde entier, mais qu'elle était, soit enseignée le plus fréquemment, et même en Europe, en troisième langue, (après l'anglais et une grande langue régionale), soit comme une « langue de niche », grâce à d'excellentes sections bilingues. En revanche, il a jugé que dans les pays non francophones, il y avait un tassement général, voire un repli inquiétant en Europe et en Afrique du Nord-Moyen Orient. 9 % des élèves scolarisés apprenaient le français dans les pays non francophones d'Europe en 1994, contre 6 % en 2002.
Enfin, il a rappelé qu'il existait un contraste entre l'ouverture internationale de la scène artistique française et la faible présence des artistes français à l'étranger. Ainsi, entre 2001 à 2005, aucun artiste français contemporain n'a bénéficié d'une exposition monographique au MOMA de New York, à la Tate Modern de Londres, au Stedeljik Museum d'Amsterdam ou à la Hamburger Bahnhof de Berlin, sur la quinzaine d'expositions monographiques en moyenne dédiées à des artistes contemporains non nationaux par chacune de ces institutions. S'agissant des collections permanentes, il a constaté qu'en 2005, la Tate Modern n'exposait qu'un seul artiste de la scène française contemporaine, tandis que le Centre Reina Sofia n'en exposait que deux, parmi la cinquantaine (Tate Modern) ou la trentaine (Reina Sofia) d'artistes contemporains non nationaux. Les indicateurs synthétiques montrent des résultats équivalents : le nombre des artistes français classés au sein des 100 premiers artistes du « Kunst Kompass » diminue encore entre 2000 et 2006, revenant de 5 à 4 artistes.
Il a considéré que notre action culturelle à l'étranger ne pouvait prétendre qu'à une responsabilité marginale dans ses résultats. Elle n'a évidemment pas une part déterminante dans les succès de « La môme » à l'étranger, ou de Michel Houellebecq, mais pas davantage non plus dans les insuccès de certains de nos auteurs à l'étranger. S'il a souligné l'absence d'impact déterminant du réseau, il n'en a pas pour autant conclu qu'il était inutile, évoquant par exemple l'audience indéniable de RFI ou TV5.
Il a indiqué qu'il faudrait mesurer la valeur ajoutée de ce réseau : les tableaux de bord étaient absents dans nos postes à l'étranger. Ainsi, l'évolution du nombre d'inscrits aux cours de langue dans nos centres culturels n'est pas connue au-delà d'une antériorité de deux à trois ans.
a remarqué que notre réseau culturel à l'étranger fonctionnait « à l'aveugle », et s'est interrogé sur le rôle stratégique du ministère des affaires étrangères dans ce domaine, sur le métier de conseiller culturel et l'adaptation du « modèle centre culturel » à notre temps. Il a noté qu'il n'avait pas trouvé de modèle étranger très pertinent.
Il a expliqué que le contraste entre les moyens publics consacrés au soutien à la création en France et son rayonnement à l'étranger trouvait pour une part sa source dans un « Yalta » remontant à André Malraux : au ministère de la culture la culture en France ; au ministère des affaires étrangères le monopole de la culture à l'étranger. Malgré quelques modifications, cette distinction demeure ce qu'il a considéré comme « déraisonnable » : la politique culturelle française à l'étranger n'est pas une variante de la diplomatie française, et doit être une partie intégrante de la politique nationale de soutien à la création et à la diffusion culturelles.
Ce constat est encore plus évident en ce qui concerne l'internationalisation des universités, et le développement de leurs programmes d'échange d'étudiants et de chercheurs.
L'action culturelle étant d'abord un service rendu à la création française, il en découle plusieurs conséquences.
Il faut en premier lieu envisager trois visions stratégiques émanant de trois pilotes distincts, s'agissant de l'enseignement supérieur (pour les universités), de la recherche (pour la recherche) et de la culture (pour l'action artistique et les industries culturelles).
Il a fait valoir que la direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) « doublonnait » avec la direction des relations internationales du ministère de l'enseignement supérieur, par ailleurs très active. Il a souhaité que le monopole de la direction de la coopération culturelle et du français soit aménagé par une montée en puissance du ministère de la culture.
Il a appelé à créer les agences CulturesFrance et CampusFrance vraiment interministérielles, avec un pilotage paritaire et a considéré que l'on n'avait pas besoin aujourd'hui de deux politiques d'extraduction (traduction du français vers l'étranger), l'une gérée par le ministère de la culture, l'autre par le ministère des affaires étrangères et européennes. Il faut rationaliser les résidences d'artistes : le ministère des affaires étrangères et CulturesFrance en gèrent certaines à l'étranger, le ministère de la culture administrant de son côté, avec son budget, la Villa Médicis. Il a donc proposé une politique unique des résidences d'artistes, avec une réflexion globale sur les artistes que la France soutient, sur les pays où il faut désormais les envoyer, et une seule autorité de tutelle : CulturesFrance.
S'il a admis que les conseillers culturels à l'étranger restent rattachés au quai d'Orsay, il a appelé à une sélection conjointe de ces personnels par le ministère des affaires étrangères et européennes et à un rattachement des conseillers de recherche et des attachés universitaires directement auprès de l'ambassadeur.
Il a regretté que la fonction de conseiller culturel n'ait jamais été considéré comme un vrai métier : les titulaires de ces postes sont le plus souvent des autodidactes, certes de grande qualité, et les formations prévues sont insuffisantes : 5 jours, sans aucun contact avec des représentants de métiers du livre, du cinéma, de l'audiovisuel, que les conseillers culturels ont pourtant pour mission d'épauler à l'international. Il a donc souhaité une professionnalisation du métier de conseiller culturel.
Il a regretté que les actions culturelles à l'étranger parviennent difficilement au-delà du premier cercle de nos ambassades : les partenaires habituels, les personnes francophones, les amoureux de la France, etc. Il a appelé à toucher ceux qui ne connaissaient pas notre pays et sa culture, et à faire donc preuve de souplesse dans les partenariats.
a considéré que le rôle des conseillers culturels était à la fois modeste et essentiel. Ils ne sont pas eux-mêmes des créateurs et n'ont pas vocation à monter une programmation culturelle, mais il faut les laisser agir dans leur domaine, les soutenir financièrement, et vérifier que nos services ne développent pas une action concurrente sur les mêmes fonds publics.
Les conseillers culturels doivent être des « passeurs culturels », et mettre en relation les institutions et industries culturelles de notre pays avec celles du pays qui accueille leur action.
Il a fait part de ses doutes quant à l'intérêt des « centres culturels », notamment dans les pays de l'OCDE, où il existait déjà des industries culturelles et des institutions artistiques puissantes. En Afrique francophone, son analyse est complètement différente, car ces centres sont souvent la seule institution culturelle de référence.
s'est inquiété que les grands pays occidentaux, et en particulier en Europe, confondent centre culturel français et présence culturelle : on peut avoir une présence culturelle, avec un conseiller artistique dynamique, sans aucun centre.
Les Allemands, Américains ou Japonais ont le même mode de consommation culturel que les Français : ils ne viennent pas dans nos centres culturels, dont les salles d'exposition sont inadaptées, et les salles de spectacle de petite taille, mais dans leurs lieux culturels habituels, où il faut programmer de la culture française, au sens large. Il a aussi souhaité que les intellectuels soient plus présents dans les universités ou dans les medias que dans les centres culturels français.
Il a donc appelé à une politique « hors les murs ».
S'agissant des employés locaux des centres culturels, au nombre de 3.400, il a précisé qu'ils ne rentraient pas dans le plafond d'emploi du ministère et que leur masse salariale était très dynamique, car il y avait eu dans les débuts des années 2000 des recrutements importants. Comme pour tout opérateur, les effectifs des centres culturels entrent désormais dans le plafond d'emploi prévu par la LOLF, ce qui donnera plus de liberté aux gestionnaires pour les redéploiements d'effectifs.
a indiqué qu'il était conscient que les préoccupations d'efficience pourraient encore conduire à la fermeture de plusieurs centres culturels. Cela ne doit pas être dramatisé, en particulier par les communautés françaises à l'étranger, et par les syndicats, car il s'agit du moyen de redéployer des crédits vers des « actions hors les murs », plus efficaces.
Enfin, il a souhaité préciser les priorités géographiques en matière culturelle vers les pays prescripteurs : Etats-Unis, Japon, Chine, Royaume-Uni (en ce qui concerne par exemple l'industrie musicale), Allemagne (en pointe par exemple dans le domaine des arts plastiques). Il a jugé qu'il y aurait des redistributions d'enveloppes à opérer entre pays africains, en fonction de nos priorités culturelles. De la même manière, en Europe, il a relevé un tropisme italien : si l'on ajoute les enveloppes de la Villa Médicis à celles du conseiller culturel à Rome, on parviendrait à des montants sans proportion avec les budgets alloués aux autres pays européens : il faut donc combattre « l'héliocentrisme » culturel français.
Un débat s'est ensuite engagé.
soulignant la pertinence du contrôle, a fait valoir que l'internationalisation de la Sorbonne à Abu Dhabi, ou l'ouverture d'une antenne du Louvre, constituent une modalité nouvelle de rayonnement culturel dont il faut se féliciter, et qui apporte des ressources budgétaires très substantielles.
a évoqué l'exemple des centres culturels français à Mexico, qui lui paraissent à la fois trop nombreux et peu actifs, appelant à regrouper l'ensemble des moyens autour de l'Alliance française.
s'est inquiété du déclin de la langue française dans les pays d'Europe de l'Est et également en Turquie.
a lui aussi montré la perte d'influence de la langue française en Turquie, soulignant que le lycée Galatasaray, de grande qualité, n'avait pas réussi à rayonner au-delà d'un certain milieu. Il a relevé le rôle fondamental en Amérique latine des alliances françaises.
membre de la commission des affaires culturelles, a rappelé le rôle majeur de l'enseignement du français à l'étranger et de l'audiovisuel extérieur dans le rayonnement de notre pays. Il a regretté que les ministres des affaires étrangères successifs n'aient accordé que peu d'importance à l'action culturelle à l'étranger, dont ils avaient pourtant la responsabilité. Il a jugé que ce domaine devait être profondément réformé, que le métier de « conseiller culturel » devait être repensé, et que l'association du ministère de la culture était évidemment une nécessité. Il a rappelé que cette idée était incluse dans sa proposition de loi relative à CulturesFrance adoptée à l'unanimité des groupes politiques au Sénat le 13 février 2007. Il s'est plu à souligner que le rapporteur spécial avait repris deux thèmes développés dans son rapport de 2004 : stratégie et influence.
membre de la commission des affaires culturelles, a regretté la perte d'influence de la langue française, rappelant que celle-ci devenait marginale dans les réunions officielles internationales.
est convenu que l'on souffrait un peu dans son orgueil en examinant la situation de la culture et de la langue françaises à l'étranger, mais qu'il ne fallait pourtant pas interrompre les efforts, ce à quoi il s'était employé.
La commission a ensuite donné acte au rapporteur de sa communication et a donné à l'unanimité son accord pour sa publication sous la forme d'un rapport d'information.
La commission a ensuite entendu une communication de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la taxation de l'industrie du médicament, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a précisé qu'il s'était efforcé, au cours de sa mission de contrôle, de croiser une approche budgétaire et une approche industrielle.
Rappelant le contexte dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, il a présenté les principales caractéristiques du marché français du médicament, l'un des plus importants au monde après ceux des Etats-Unis et du Japon, avec un chiffre d'affaires de 25,5 milliards d'euros en 2007.
Un tel chiffre d'affaires se traduit mécaniquement par des dépenses importantes et dynamiques pour l'assurance maladie, les dépenses de médicament représentant près du tiers des dépenses de soins de ville du régime général en 2007.
Dans un contexte marqué par un déficit important de l'assurance maladie, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a jugé qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie de contribuer à l'effort d'ensemble de régulation des dépenses de santé, ce qui a pris la forme, en particulier, de taxes spécifiques.
a précisé que la France était le premier producteur de médicaments en Europe et qu'elle se situait au deuxième rang européen en termes d'emplois directs dans le secteur pharmaceutique. Il a également présenté les principaux enjeux auxquels l'industrie du médicament est aujourd'hui confrontée : d'importants mouvements de fusion-acquisition, une érosion de la productivité de la recherche pharmaceutique, une concurrence accrue et une attractivité croissante des pays émergents.
Dans ce contexte globalisé, il a plus particulièrement insisté sur les déterminants de la localisation des entreprises du médicament : d'une part, ils varient fortement selon les phases du cycle du médicament, et, d'autre part, la fiscalité ne joue pas un rôle déterminant à elle seule, car elle n'est qu'un élément parmi d'autres.
Dressant ensuite le panorama des taxes spécifiques auxquelles les laboratoires pharmaceutiques sont assujettis, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que la principale critique formulée à leur encontre était moins le niveau global de taxation de l'industrie du médicament que son incessante évolution, la fiscalité de ce secteur ayant souvent joué, de l'avis même de la direction de la sécurité sociale du ministère chargé de la santé, le rôle de variable d'ajustement budgétaire.
Il a cependant souligné que les industriels portaient une part de responsabilité dans ces variations, dans la mesure où ils ont parfois préféré être davantage taxés plutôt que de subir des baisses de prix. Il a observé que les entreprises du médicament pouvaient également bénéficier de dépenses fiscales, en particulier au titre du crédit d'impôt recherche.
Rappelant qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie pharmaceutique de contribuer à l'effort de régulation des dépenses de santé, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a insisté sur les principaux problèmes soulevés par le dispositif de taxation appliqué à ce secteur, notamment son manque de lisibilité et son insuffisante cohérence avec la politique de soutien à l'innovation et les autres modes de régulation des dépenses de médicament mis en place.
De façon plus précise, il a relevé :
- l'apparition, pour les industriels, d'un nouvel acteur dans la régulation des dépenses de médicament, à savoir l'assurance maladie. L'année 2006 a, de ce point de vue, constitué un « tournant », en raison de la mise en oeuvre d'un plan d'économies sur le médicament d'une ampleur sans précédent ;
- les difficultés posées par le dispositif de la « clause de sauvegarde », notamment son incohérence avec le niveau de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et la politique de soutien à l'innovation ;
- l'empilement et l'instabilité des dispositifs fiscaux, ce qui nuit à l'attractivité de la France, alors que celle-ci dispose de réels atouts et a essayé de valoriser son image par le biais de plusieurs instruments, notamment le conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le crédit d'impôt recherche et les pôles de compétitivité.
Insistant sur le fait qu'il ne s'agissait pas de renoncer à faire contribuer l'industrie du médicament, mais de le faire le plus intelligemment possible, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a exposé ses principales préconisations :
- replacer l'instrument fiscal dans un cadre pluriannuel, afin de donner plus de sécurité et de visibilité aux entreprises ;
- rechercher une meilleure cohérence, d'abord, entre la fiscalité affectée à l'Etat et celle affectée à l'assurance maladie, ensuite, entre la fiscalité et les autres instruments de régulation de la dépense de médicament, et, enfin, entre l'approche française et les actions mises en oeuvre au sein de l'Union européenne ;
- orienter davantage la fiscalité vers l'innovation et le bon usage du médicament.
a cependant noté que ce schéma ne pouvait être effectif que s'il s'accompagnait de plusieurs autres mesures de régulation de la dépense : un déremboursement plus systématique et rapide des médicaments à service médical rendu insuffisant ; une baisse de prix progressive, régulière et préalablement définie des médicaments de marque ou princeps, comme des génériques, après la perte de protection liée au brevet ; une généralisation du dispositif de « tiers-payant contre générique » ; enfin, une action résolue sur les prescriptions, afin d'éviter des glissements médicalement injustifiés vers des médicaments plus coûteux.
Il a insisté, par ailleurs, sur deux autres points importants qui, tout en s'éloignant du strict sujet de la fiscalité, ont un impact non négligeable sur ces questions : la nécessité de réduire les coûts de distribution du médicament et la prise en compte de la situation des organismes complémentaires.
a indiqué que ce constat devait placer les autorités publiques devant leurs responsabilités afin de procéder à l'amélioration de la justice sociale et de la santé publique.
a précisé que l'avenir de la santé publique dépendait de l'existence d'une industrie pharmaceutique dynamique, qui risquerait de ne plus l'être si un dispositif de taxation disparate continuait à lui être appliqué. Il a également rappelé que, si le secteur du médicament constituait un domaine propice aux mesures de régulation, il ne représentait néanmoins qu'un tiers environ des dépenses de soins de ville du régime général. Par conséquent, des marges de manoeuvre existent sur d'autres postes de dépenses. Il a enfin insisté sur la nécessité, pour la France, de conserver une capacité de recherche et a évoqué, à cet égard, « l'initiative pour les médicaments innovants », lancée au niveau communautaire.
a indiqué que la solvabilisation des dépenses de médicament par le système de protection sociale constituait un facteur pris en considération par les laboratoires pharmaceutiques au moment de leur décision d'investissement.
Répondant à M. François Trucy, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que l'industrie pharmaceutique contribuait à améliorer le solde extérieur de la France, la balance commerciale dans ce secteur étant excédentaire à hauteur d'environ 6 milliards d'euros.
a souligné le contexte globalisé dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, ce qui rendait difficile l'orientation des comportements des industriels dans un sens vertueux par le biais de l'outil fiscal. Il a également insisté sur la forte rentabilité de ce secteur d'activité, précisant que celle-ci s'expliquait par la solvabilisation des dépenses de médicament.
Rappelant le fort dynamisme de ce poste de dépenses, il s'est en particulier interrogé sur la mise sur le marché de médicaments nouveaux et coûteux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu par rapport aux produits déjà offerts sur le marché.
S'agissant du dispositif fiscal appliqué aux entreprises du médicament, M. François Autain a indiqué, d'une part, que la taxe sur la promotion du médicament ne remplissait pas son rôle et, d'autre part, que la clause de sauvegarde était une contribution fictive, dans la mesure où la majorité des laboratoires avait choisi l'alternative, qui leur était proposée, de conclure des conventions avec le comité économique des produits de santé (CEPS) plutôt que de se voir appliquer cette taxe. Soulignant l'opacité de ce dispositif, il a plaidé en faveur de la suppression de la clause de sauvegarde et de son remplacement par une action sur les prix des médicaments.
Répondant à M. François Autain, qui s'interrogeait sur l'opportunité de faire intervenir un nouvel acteur - le conseil stratégique des industries de santé - dans le système de régulation du secteur du médicament, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que cette instance, qui existait déjà, gagnerait à être réunie plus régulièrement et pourrait constituer le cadre approprié du pilotage global du système de régulation du secteur du médicament, à condition que l'Union nationale des caisses d'assurance maladie y soit représentée. Il s'est également interrogé sur les conditions de mise sur le marché de médicaments nouveaux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu. Il a enfin précisé que les seules données dont il disposait s'agissant de la rentabilité des entreprises du médicament étaient celles transmises par la fédération des entreprises du médicament, le LEEM.
Répondant à M. Adrien Gouteyron, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, a indiqué que son rapport comprendrait des éléments de comparaison internationale.
La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Enfin, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO).
Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a exposé les principales dispositions de la loi du 5 mars 2007 créant le droit au logement opposable (DALO) :
- les trois échéances qui prévoient l'ouverture d'un droit de recours amiable pour les personnes prioritaires à compter du 1er janvier 2008, d'un recours contentieux devant le juge administratif au 1er décembre 2008 et de la généralisation de ce recours contentieux au 1er janvier 2012 à toutes les personnes qui n'ont pas obtenu de logement social à l'expiration d'un délai « anormalement long » fixé par département ;
- les cinq critères qui définissent les catégories prioritaires au titre du droit au logement opposable ;
- les délais impératifs portant sur l'examen des dossiers par les commissions de médiation et sur la proposition d'une présentation de logement ou de place d'hébergement par les préfectures.
Il a ensuite indiqué que le contrôle budgétaire avait pour objectif de vérifier la capacité de l'administration à mettre en place le dispositif dans les délais imposés, de mesurer les enjeux budgétaires d'un droit opposable pouvant conduire à la condamnation de l'Etat, d'évaluer le risque d'un échec du DALO, et de tirer les leçons de la première étape afin de préparer les échéances contentieuses. Il a précisé qu'il avait effectué plusieurs contrôles sur place à Paris et en Seine-Saint-Denis et qu'il se rendrait auprès d'autres commissions de médiation, avant de présenter ses conclusions définitives qui s'inscriront dans la perspective du projet de loi sur le logement qui doit être déposé à l'automne par le Gouvernement.
S'agissant de l'enjeu budgétaire du DALO, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a rappelé que le projet de loi de finances pour 2008 avait prévu la création de 100 équivalents temps plein supplémentaires (ETPT) et une dotation de 4,12 millions d'euros pour le fonctionnement des commissions et les frais d'instruction des dossiers. Il a indiqué que cette instruction avait été confiée, selon les départements, aux caisses d'allocations familiales (CAF), aux associations départementales pour l'information sur le logement (ADIL), et, à Paris, au groupement d'intérêt public « Habitat et interventions sociales ». La loi du 5 mars 2007 et le projet de loi de finances rectificative pour 2007 ont, pour leur part, prescrit une augmentation sensible de la programmation de constructions de logements très sociaux.
Le bilan du dépôt des dossiers de recours au 31 mai 2008 a confirmé l'absence du « raz-de-marée » redouté au vu de l'estimation initiale de la population concernée par le DALO, soit plus de 600.000 personnes. Le nombre de dossiers déposés s'élève à 26.009 pour les demandes de logement et à 1.689 pour les demandes d'hébergement.
a attribué la relative faiblesse de ces chiffres au manque d'information des personnes visées, au scepticisme des demandeurs et des associations, à la complexité du dispositif et aux lacunes de l'information statistique en matière de logement. Il a indiqué que, selon le ministère du logement, le nombre de dossiers serait de 80.000 environ à la fin 2007.
Il a évoqué ensuite les conditions d'installation des commissions de médiation, qui ont d'ores et déjà examiné 8.000 dossiers sur l'ensemble de la France, pour un taux de décision favorable de 42 %, aboutissant au relogement de 600 ménages.
Il a souligné que le bilan de la mise en oeuvre du droit du DALO faisait apparaître une extrême diversité des situations selon les conditions locales. Ainsi, 90 % des recours sont concentrés dans six régions et plus particulièrement en Ile-de-France, qui recueille 63 % des dossiers déposés.
a estimé que les conséquences de cette concentration des besoins n'avaient pas été tirées en ce qui concerne la répartition des moyens et que cette densité aurait justifié une différenciation dans les procédures prévues par la loi DALO. Il s'est également inquiété de l'insuffisance notoire du contingent préfectoral dans les attributions de logements sociaux, qui doit permettre de satisfaire les décisions favorables des commissions de médiation. Ainsi, la Préfecture de Paris disposerait de 1.000 logements annuels pour un « public DALO » estimé entre 30 et 40.000 personnes. Il a, cependant, précisé que les lacunes de l'informatisation en ce domaine étaient telles que le contingent préfectoral réel était, sans doute, le double du contingent connu, mais que les services des préfectures étaient incapables de l'identifier compte tenu de l'ancienneté et de l'absence de suivi des conventions conclues avec les organismes bailleurs.
a exposé ensuite ses premières conclusions. Concernant l'information du public, il a souhaité une implication plus forte des associations et surtout une collaboration entre les services de l'Etat et les communes et collectivités territoriales concernées. Estimant les capacités d'expertise actuelles des commissions de médiation trop limitées, particulièrement dans les zones de marché immobilier tendu, il s'est prononcé pour l'attribution de moyens supplémentaires permettant de réaliser de véritables enquêtes sociales sur les demandeurs et un contrôle sur place de l'état des logements. Il a jugé nécessaire une réduction des divergences de jurisprudence entre les commissions de médiation, en particulier sur l'interprétation des notions d'urgence et de bonne foi du demandeur. Il s'est déclaré en faveur d'un transfert de la gestion du contingent préfectoral du ministère de l'intérieur vers le ministère du logement.
S'agissant enfin de la situation très particulière de l'Ile-de-France, il a estimé que le Gouvernement devrait en tirer les conséquences pour renforcer la territorialisation de sa politique et adapter le cadre juridique et institutionnel du DALO en renonçant au principe de la commission de médiation unique et en élargissant le périmètre administratif au-delà du département. Il a jugé que, seule, la mutualisation du DALO en Ile-de-France permettrait de garantir l'objectif de mixité sociale.
Après les observations de MM. Jean Arthuis, président, et Adrien Gouteyron, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a considéré que le seul contingent préfectoral ne permettrait pas de répondre aux besoins des demandeurs DALO et qu'il serait nécessaire d'élargir l'offre disponible en recourant, notamment pour les salariés pauvres, aux logements du 1 %.
La commission a alors donné acte à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, de sa communication.