Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Réunion du 19 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Richert, sur le projet de loi n° 389 (2007-2008) instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles élémentaires et maternelles publiques pendant le temps scolaire obligatoire, l'urgence étant déclarée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

a tout d'abord rappelé qu'un service d'accueil était proposé depuis plusieurs années par certaines communes en l'absence de tout cadre légal. Depuis le mois de janvier 2008, ces premières initiatives ont connu un essor certain avec l'expérimentation du service minimum d'accueil, les communes concluant pour le mettre en oeuvre des conventions avec le ministère de l'éducation nationale. La volonté du président de la République n'est donc pas de créer ce service, mais de le généraliser et de lutter ainsi contre les inégalités qui naissent à l'occasion de chaque journée de grève dans les écoles élémentaires et maternelles entre les familles qui se voient offrir un tel service et celles qui n'en bénéficient pas et doivent en conséquence s'organiser avec les moyens inégaux dont elles disposent.

Le projet de loi a donc pour principal objet de lever les obstacles qui s'opposaient encore à la généralisation du service d'accueil et c'est dans ce même esprit que le rapporteur a mené ses travaux, avec pour seul souci de parvenir à un dispositif qui puisse rendre le plus efficacement possible aux familles un service dont elles ont besoin, sans pour autant représenter une charge excessive pour les maires, ni une mise en cause de l'exercice du droit de grève.

Le service d'accueil n'est pas en effet un service minimum, sans quoi il faudrait proposer aux enfants des enseignements dispensés par des professeurs remplaçants. Il s'agit plutôt d'un service offert à titre subsidiaire, qui évite aux familles de pâtir à la fois de l'interruption des cours et de la fonction d'accueil que l'école remplit également. Aussi les effets d'une grève dans l'enseignement primaire public ne seront-ils qu'atténués par la mise en place de ce service, la cessation concertée du travail restant dès lors un moyen de pression significatif.

a ensuite présenté à la commission les dispositions du projet de loi :

- l'article premier insère un nouveau chapitre dans le titre III du livre Ier du code de l'éducation. L'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires figurera donc parmi « les principes généraux de l'éducation » ;

- l'article 2 définit le principe général selon lequel « tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Lorsque ces enseignements ne peuvent être dispensés, il bénéficie d'un service d'accueil » ;

- l'article 3 crée une procédure de négociation préalable et obligatoire fortement inspirée de celle instaurée par la loi sur le service minimum dans les transports, adoptée l'été dernier et déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le projet de loi prévoit en effet que les syndicats d'enseignants du primaire doivent d'abord notifier au ministère leur intention de déposer un préavis. Une fois cette notification faite, le ministère doit impérativement ouvrir des négociations, qui durent 8 jours au maximum. Si, à l'issue de ces négociations, aucun accord n'est trouvé, les organisations déposent alors leur préavis de grève, cinq jours au plus tard avant le début de celle-ci. Cette procédure est une innovation importante : elle permet d'inverser l'esprit habituel des relations sociales dans notre pays. Le plus souvent, en effet, la grève est utilisée comme un préalable pour arriver en position de force à la table des négociations. Désormais, elle jouera le rôle de dernier recours lorsque les négociations achoppent. Le même article prévoit également l'interdiction des « préavis glissants », ce terme désignant l'habitude prise par certains syndicats de déposer un préavis pour chaque jour de la semaine, ce qui empêche l'organisateur du service public de savoir quand la grève commencera ;

 - l'article 4 reprend le principe général énoncé à l'article 2, en l'appliquant au cas de la grève ;

- l'article 5 précise les circonstances dans lesquelles l'organisation du service d'accueil revient à la commune. Cela suppose tout d'abord de connaître le nombre prévisible d'enseignants grévistes. Le projet de loi prévoit donc que les professeurs du primaire qui envisagent de faire grève doivent déclarer à l'autorité administrative leur intention d'y prendre part.

Une fois recueilli le nombre de grévistes, l'autorité administrative et le maire seront en mesure d'apprécier si l'ampleur du mouvement social permet à l'État d'assurer lui-même l'organisation du service. Le projet de loi prévoit ainsi que la commune prend en charge le service lorsque le nombre de professeurs déclarés grévistes dépasse les 10 % dans l'ensemble des écoles publiques de la commune, ce mode de calcul devant sans doute être refondu pour être pleinement adapté aux contraintes pesant sur les différentes communes ;

- l'article 6 apporte des garanties sur l'usage des déclarations d'intention des professeurs grévistes, en punissant d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la violation du secret professionnel qui découlerait de l'usage de ces informations à d'autres fins que l'organisation du service d'accueil ;

- l'article 7 facilite l'organisation de ce service par les communes en prévoyant que celles-ci peuvent utiliser dans le cadre de ce service les locaux des écoles, y compris lorsqu'elles sont encore partiellement utilisées pour les besoins de l'enseignement ;

- l'article 8 prévoit que l'État verse une contribution à chaque commune au titre des dépenses de personnel qu'elle expose pour mettre en place le service. Cette contribution est fonction du nombre d'élèves accueillis, son montant précis étant renvoyé à un décret ;

- l'article 9 tend à ouvrir la possibilité à une commune de confier par convention à une autre commune ou à un EPCI l'organisation du service d'accueil ;

- l'article 10 détermine la date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi, en subordonnant ainsi la mise en place effective du service d'accueil à la parution du décret précisant le montant de la contribution versée par l'État.

Sous réserve des amendements proposés à la commission, M. Philippe Richert, rapporteur, a proposé d'adopter ce projet de loi, qui ne se contente pas de généraliser le service d'accueil attendu par les familles, mais aussi de l'assortir de toutes les précisions nécessaires pour le mettre en oeuvre aussi simplement et efficacement que possible.

Un large débat a suivi l'exposé de l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Après avoir salué la qualité des travaux du rapporteur, M. Ivan Renar a indiqué qu'au-delà du droit d'accueil institué par le projet de loi, le Sénat aurait à se prononcer une nouvelle fois sur le principe même de l'existence d'un service minimum, qui limite fortement les effets des mouvements sociaux et conduit à poser des conditions significatives à l'exercice du droit de grève, pourtant garanti par la Constitution. Au surplus, il est loin d'être certain qu'il soit opportun de légiférer, la question essentielle tenant à l'absence d'une véritable culture de la négociation dans notre pays. Ce serait pourtant là la seule vraie manière de prévenir les conflits. Enfin, la contribution versée par l'État devrait être calculée à partir des frais effectivement engagés par les communes, afin d'être une véritable compensation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

a ensuite souligné que le projet de loi était particulièrement attendu par l'ensemble des familles, avant de se réjouir que les travaux du rapporteur aient permis de dissiper les zones d'ombre et les imprécisions qui régnaient encore au sujet de certaines dispositions. Le régime de responsabilité des communes, les modalités pratiques d'organisation du service et les questions de financement restaient encore mal déterminées, mais sont largement clarifiées par les propositions du rapporteur.

Il a également indiqué qu'il présenterait à titre personnel deux amendements permettant de garantir que la compensation versée aux communes prendrait en compte leurs contraintes à raison de leur situation géographique ou de leur taille et prévoyant l'indexation de ladite contribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

a exposé les deux attitudes possibles face à ce texte. La première consiste à s'interroger sur l'opportunité de l'intervention du législateur, compte tenu des restrictions au libre exercice du droit de grève qu'elle entraînera. A cet égard, il n'est pas certain que s'appuyer sur les sondages soit la meilleure manière pour le législateur d'accomplir ses missions. La seconde est inspirée par le souci d'améliorer les modalités pratiques de mise en oeuvre du service par les communes. Ces deux logiques sont largement incompatibles et le moment venu, chacun devra choisir entre elles. Pourtant, des interrogations sur le texte demeurent, notamment dans les cas où la commune aura à mettre en oeuvre le service d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Émin

a mis l'accent sur l'intérêt qu'il y aurait à indexer la compensation versée par l'Etat, afin de garantir aux communes qu'elles disposeront toujours du niveau de ressources suffisant pour mettre en oeuvre le service.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

s'est déclaré étonné de la rédaction de l'article 9 du projet de loi, qui précise que la commune peut confier par convention le service d'accueil à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Il s'est interrogé sur l'opportunité d'un tel mode de transfert et sur l'effet que ce dernier pourrait avoir sur le régime de responsabilité applicable. Il a estimé que le transfert de la compétence scolaire à un EPCI devait valoir transfert de compétence pour l'organisation du service d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

a mis en exergue l'importance symbolique qu'aurait la consécration de l'accueil comme dans les missions de l'école. Au moment où de nombreux parents semblent parfois assimiler cette dernière à une garderie, il n'est pas certain que cette reconnaissance soit réellement opportune.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

s'est enfin interrogée sur le mode de calcul de la compensation versée aux communes, qui devrait être fonction du nombre d'élèves que ces dernières prévoient d'accueillir et non du nombre d'élèves qu'elles accueillent effectivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le service d'accueil n'est pas un service minimum, puisqu'il faudrait pour cela proposer des enseignements délivrés par des professeurs remplaçants et non un simple accueil ;

- s'agissant de la compensation, la loi doit en définir le cadre général, mais la fixation d'un montant précis ou de modalités d'indexation relève à l'évidence du pouvoir règlementaire. Pour autant, il serait effectivement souhaitable que le forfait de 90 € par tranche de 15 élèves accueillis soit revu à la hausse afin de tenir compte des contraintes inégales pesant sur les communes. Il serait donc utile qu'une contribution plancher soit prévue et que le forfait soit révisé afin de passer à 120 € par groupe de 12 enfants accueillis. Si cela se révélait impossible, cette hausse devrait à tout le moins être prévue pour la première tranche d'enfants accueillis ;

- il était nécessaire de légiférer pour confier, dans une hypothèse bien déterminée, la compétence d'organisation du service d'accueil aux communes. Ces dernières sont en effet les seules à pouvoir le mettre en oeuvre dans de bonnes conditions en cas de grève d'importance et offrir ainsi une nouvelle facilité aux familles, qui sont nombreuses à en avoir besoin ;

- l'article 9 prévoit non un transfert de compétence, mais la possibilité pour une commune de recourir aux services d'une autre commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale pour mettre en oeuvre le service d'accueil. Il s'agit donc d'une simple prestation de services ;

- les articles 4 et 5 du projet de loi prévoient que la commune est compétente dans le seul cas où, à la suite d'une grève, la proportion prévisible de professeurs grévistes dépasse 10 % de l'ensemble des enseignants des écoles primaires de la commune. La rédaction de ces articles nécessite une clarification et un amendement sera proposé en ce sens.

La commission a procédé ensuite à l'examen des articles du projet de loi.

La commission a adopté sans modification l'article premier (Création d'un chapitre III dans le titre III du livre premier du code de l'éducation), les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ayant indiqué qu'ils ne prendraient pas part au vote sur l'ensemble des articles du projet de loi, se réservant pour la séance publique.

A l'article 2 (Consécration du droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques), la commission a adopté deux amendements, tendant d'une part à supprimer la référence au caractère obligatoire du temps scolaire pendant lequel sont délivrés les enseignements et, d'autre part, à affirmer le principe selon lequel le remplacement des professeurs absents doit être opéré chaque fois qu'il est matériellement et légalement possible.

A l'article 3 (Prévention des conflits dans l'enseignement scolaire public du premier degré), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 4 (Compétence d'organisation du service d'accueil en cas de grève), la commission a adopté deux amendements, tendant d'une part à expliciter clairement le fait que la compétence de principe en cette matière est confiée à l'Etat, les communes n'intervenant que par exception, et à supprimer la référence au caractère obligatoire du temps scolaire durant lequel le service d'accueil est organisé.

A l'article 5 (Organisation du service d'accueil par la commune), la commission a adopté un amendement tendant à permettre aux organisations syndicales représentatives et à l'Etat de convenir d'un commun accord, pendant la période de négociation obligatoire, des modalités de transmission à l'autorité administrative des déclarations d'intention des professeurs envisageant de participer à la grève.

La commission a ensuite adopté sans modification l'article 6 (Protection des informations issues des déclarations individuelles d'intention de participer à la grève).

A l'article 7 (Utilisation des locaux de l'école pour l'organisation du service d'accueil), la commission a adopté un amendement de précision.

Après l'article 7, la commission a inséré un article additionnel tendant à prévoir que le maire et l'autorité académique établissent d'un commun accord la liste des personnes susceptibles de participer à l'organisation du service d'accueil et autorisant à cet effet l'autorité académique à consulter le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infraction sexuelle ou violente.

A l'article 8 (Contribution financière versée par l'Etat aux communes), la commission a adopté un amendement tendant à substituer le terme de compensation à celui de contribution.

Après l'article 8, la commission a inséré un article additionnel tendant à substituer la responsabilité de l'Etat à celle de la commune dans la mise en oeuvre du service d'accueil.

A l'article 9 (Prestation de services pour l'organisation du service d'accueil), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

A l'article 10 (Entrée en vigueur des dispositions de la loi), la commission a adopté un amendement de cohérence.

Enfin, la commission a modifié l'intitulé du projet de loi afin de supprimer la référence au caractère obligatoire du temps scolaire.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.