La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Nicolas Camphuis, directeur du Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI).
a tout d'abord présenté son association créée en décembre 2006 à la suite d'une mission de préfiguration que le Conseil général du Loiret a portée avec l'appui du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire dès juillet 2003. Destinée aux autorités locales et aux pouvoirs publics, elle se veut un pôle de compétences scientifiques et techniques sur la prévention du risque d'inondation. Elle regroupe aujourd'hui des collectivités territoriales ainsi que des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), notamment celui de la Loire. Son objet consiste surtout à analyser, à sensibiliser et à formuler des préconisations sur les risques d'inondation. Elle s'intéresse ainsi aux plans de prévention des risques, à la question spécifique des digues, mais aussi au suivi de la législation communautaire. Le cas de la transposition de la directive 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondations en est un exemple. La tempête Xynthia a confirmé la faible préparation des collectivités territoriales face au risque certain que constituent les inondations.
Après avoir relevé les différences de prévisibilité selon que le risque d'inondation résulte de la crue d'un fleuve ou d'une submersion marine, M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir dans quelle mesure ces deux types d'événements sont comparables et si les réponses à leur opposer peuvent être identiques.
a déclaré ne pas faire de distinction entre les inondations causées par les cours d'eaux, les pluies ou les submersions marines, du point de vue de leurs conséquences. Il a cependant indiqué que les écarts sur le plan de leurs origines justifient que les systèmes d'alertes et de prévision soient différents.
a estimé que chacun de ces risques ne peut être modélisé de la même manière et qu'il s'agit donc d'une différence fondamentale. Il lui est apparu que les inondations faisant suite à des précipitations peuvent ainsi être plus facilement anticipées que les cas de submersion.
est convenu de cette spécificité qu'il a toutefois relativisée. En effet, il reste très difficile de prévoir avec précision les crues des fleuves à plus ou moins 50 centimètres près dans un délai de moins de 48 heures, en particulier aux confluents des grands fleuves. L'existence d'outils de suivi régulier ne permet pas d'éviter cette difficulté, qui conduit à des approximations importantes. Or le dépassement des digues peut se jouer à une dizaine de centimètres près alors que les systèmes de prévisions conservent des marges d'erreur de l'ordre de 30 à 50 centimètres. De plus, les alertes ne suffisent pas à prévenir les crises. Ainsi, la tempête Xynthia a suscité une alerte rouge 12 heures avant la catastrophe sans que cela n'ait conduit à des mesures suffisantes. Les difficultés et les drames engendrés par la tempête résultent surtout de l'absence de décision d'évacuation des populations, alors que le scénario de rupture des digues aurait pu être anticipé. Inversement, lors du passage du cyclone Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005 environ 50 000 personnes ont été évacuées avant les inondations parce que le scénario de surverse des digues a été envisagé.
s'est interrogé sur l'opportunité de déclencher des évacuations à chaque alerte rouge.
a attiré l'attention de la mission d'information sur les travaux de M. Patrick Lagadec dont le rapport sur l'examen des enquêtes sur le cyclone Katrina cherche à en tirer des conséquences pour les systèmes d'alerte face aux risques d'inondations. Il a ensuite déploré l'insuffisante culture d'évacuation en France métropolitaine et souligné son existence outre-mer, en raison notamment du passage de cyclones. En outre, il a précisé que la législation oblige les propriétaires de digues à connaître et à entretenir leurs biens. Ils doivent en particulier être en mesure d'indiquer aux maires et aux préfets l'état de leurs digues et l'existence, le cas échéant, d'un risque de rupture.
a relevé le caractère théorique d'une telle obligation puisqu'il semble impossible pour tout propriétaire de digues de savoir comment se comporterait sa digue en cas de survenance d'un événement climatique. Il a donc jugé nécessaire de mieux accompagner les propriétaires, à travers les plans de sauvegarde notamment.
a rejeté le caractère théorique d'une telle démarche. La réglementation procède au contraire d'un important travail de concertation de deux ans entre le Gouvernement, les élus locaux et le CEPRI. Il a rappelé l'exemple du risque incendie, qui a également fait l'objet de réserves similaires pendant un temps assez long : les établissements recevant du public (ERP) n'étaient pas initialement perçus comme étant capables de se mettre au niveau des exigences légales. Et il conviendrait de connaître une évolution similaire dans l'attitude à l'égard du risque inondation, surtout que le risque de mort par incendie serait cent fois moins important que le risque de mort par inondation.
est convenu du fait que le régime particulièrement exigeant en matière de prévention des incendies, est aujourd'hui connu et généralement accepté.
a considéré que la comparaison entre Xynthia et Katrina était excessive. De même, il s'est étonné de l'assimilation entre les dégâts causés par submersion et ceux résultant d'une simple inondation fluviale puisque la violence mécanique est sensiblement supérieure dans les cas de submersion: des causes différentes ne sauraient donc conduire au même traitement. Enfin, il s'est interrogé sur les dispositifs existants en matière d'évacuation et d'information des populations et s'ils peuvent être améliorés, de manière à clarifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales dans des contextes d'urgence.
a redit qu'il existait une similarité entre les inondations fluviales et maritimes. Si le choc mécanique des vagues constitue un facteur aggravant, il ne représente pas pour autant une différence significative, surtout qu'un cours d'eau peut être tout aussi violent que la mer, à l'instar des coulées de boue ou des laves torrentielles. Il a enfin précisé que le niveau de la submersion n'emportait que peu de conséquences : le fait qu'elle soit de 50 centimètres ou de 2,50 mètres n'entraînerait pas de variations majeures sur l'ampleur des dommages.
a souligné que l'absence de différences selon le niveau de la submersion est avérée pour ce qui concerne les dommages aux biens, en revanche, comme en témoigne le nombre de décès dans le cas de la tempête Xynthia, l'impact sur les personnes n'est pas comparable.
est convenu de cette distinction et précisé que sa remarque ne visait que les dommages aux biens. Il a ensuite indiqué les difficultés rencontrées par les populations à se représenter les risques d'une inondation. La maison représente en effet le lieu où l'individu se sent par essence en sécurité. Un effort particulier et un accompagnement psychologique sont donc nécessaires pour réussir à sensibiliser les populations concernées. Il a invité à l'adoption de plans communaux de sauvegarde et à une meilleure explication des procédures en décrivant avec pédagogie les risques existants. Les deux expériences de graves inondations connues par la Grande-Bretagne en 2000 et 2007 ont ainsi conduit à des politiques de prévention particulièrement performantes. Les campagnes de communication sur les inondations réalisées chaque année s'élèvent ainsi à plus d'un million de livres sterling.
est ensuite revenu sur la répartition des compétences entre le préfet et le maire en rappelant les clarifications apportées par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : le maire est en charge de la sauvegarde tandis que le préfet est responsable des secours. Il a également reconnu la responsabilité d'autres acteurs, au-delà du secours aux personnes : ainsi, les infrastructures, de transport, d'énergie ou, encore, de télécommunications, doivent également bénéficier de plans de crise et de solutions de continuité. Enfin, il a relevé le caractère intercommunal de la lutte contre les inondations : le fait que le cadre de la commune soit souvent dépassé montre que les systèmes de plans communaux sont insuffisants. Dès lors, il convient d'envisager des coordinations intercommunales des plans de sauvegarde. Elles pourraient permettre d'éviter les difficultés en matière d'abris pour les sinistrés (utilisation des mêmes gymnases), de disponibilité de groupes électrogènes ou de motos-pompes.
a relativisé la pertinence de cette préconisation : ainsi il n'existe que 14 plans de sauvegarde pour l'ensemble du département de Vendée.
a réfuté l'assimilation entre les dégâts par inondation fluviale et par inondation marine dans la mesure où l'eau salée ne conduit pas aux mêmes dégâts que l'eau douce.
a reconnu le caractère agressif du sel contenu dans l'eau de mer mais a indiqué qu'une inondation supérieure à 12 heures engendre des dégâts comparables quel que soit le type d'eau.
a souhaité avoir des précisions sur les plans d'évacuation et sur les dispositifs d'alerte des populations mis en oeuvre à l'étranger.
a indiqué que, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, les habitants peuvent s'abonner à un système d'alerte par téléphone.
a relevé l'utilisation à la Nouvelle-Orléans, avant le passage de Katrina, de haut-parleurs installés sur des véhicules et alertant les habitants des zones concernées.
a déploré que les digues ne constituent pas une protection efficace contre le risque d'inondation alors que les collectivités locales ont investi des moyens considérables sur ce type d'ouvrage. Elle a souhaité savoir si d'autres instruments sont plus adaptés.
s'est interrogé sur les apports escomptés du plan exceptionnel de reconstruction et de renforcement des digues annoncé par M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
a précisé que toute digue est susceptible de connaître un événement climatique de nature à la faire dépasser par l'eau. Il n'existe donc aucun outil en mesure de garantir une sécurité totale. Toutefois, les digues utilisées aux Pays-Bas, depuis la catastrophe de février 1953, ont été renforcées et rehaussées au point d'apporter une sécurité plus significative.
a indiqué que la mission se rendrait aux Pays-Bas et a relevé que le plan « digues » annoncé par le Gouvernement ne prévoit pas de rehaussement.
a souligné que les renforcements permettent d'accroître la capacité de résistance des digues, ce qui conduit à une plus grande sécurité, même sans rehaussement du niveau de la digue. Il a observé que la Commission européenne et les Nations-Unies dans leurs guides de bonne pratique sur les inondations préconisent de ne pas construire dans les zones inondables. Le Gouvernement néerlandais déclare ainsi ne construire dans ces zones que parce qu'il y est contraint, ce qui n'est pas le cas en France. A moyen et long termes, la hausse du niveau de la mer et l'affaissement des sols devraient conduire à réfléchir avec une prudence encore plus grande à la question de la construction en zone inondable.
s'est interrogé sur les modalités du phénomène d'affaissement des sols.
a précisé que les polders, anciens marais souvent tourbeux, se tassent naturellement sous l'effet de l'assèchement. Il s'agirait ainsi d'environ 30 centimètres perdus aux Pays-Bas, comme le montre le rapport de la commission Delta 2 présidée par M. Cees Veerman. Il convient d'observer que, en Grande-Bretagne, la régulation de la construction en zone inondable passe directement par les assurances privées : en l'absence de régime public d'indemnisation des catastrophes naturelles, le coût des polices se veut dissuasif afin de décourager de telles constructions. Cette culture du rapport coûts/avantages pourrait avantageusement être développée en France.
Evoquant le cas d'une évacuation de 10 000 habitants en moins de 4 heures, M. Charles Gautier a estimé que les outils d'information mobilisables doivent être de nature diverse : radios locales, passages de véhicules avec haut-parleurs, alertes téléphoniques etc.
a estimé que les difficultés et les préconisations sont connues des pouvoirs publics mais restent à traduire en actes. Ainsi, le risque d'inondation demeure particulièrement sous-estimé. Il a regretté que les collectivités territoriales financent les commissions de sécurité et que l'Etat soit, comme souvent, seul à exercer sa tutelle.
a souligné la plus grande facilité à anticiper les crues lentes et leurs effets. Il est convenu de l'existence d'outils pour faire face aux inondations à l'instar de la loi sur l'eau qui a obligé à faire figurer sur les actes de vente et de location l'existence de risques éventuels d'inondation, bien que cette disposition reste toutefois difficile à appliquer. Il a souhaité le développement d'exercices dans le cadre de la prévention des risques, alors que la participation des habitants et des élus locaux reste notoirement insuffisante. Il a à son tour déploré que l'Etat reste l'acteur quasi unique des plans de prévention.
a relevé l'existence d'outils juridiques satisfaisants, à l'image des plans de prévention, de la loi sur l'eau, ou encore de la directive sur l'évaluation et la gestion des risques d'inondation. Il a souhaité savoir si cette dernière apporterait une contribution réelle à la prévention des risques.
a estimé que cette directive constitue une chance pour la France dans la mesure où elle encouragera les dispositifs de prévention. L'inondation, fluviale, maritime ou pluviale, y est pleinement reconnue comme un risque. Elle prend en compte les effets des risques sur la compétitivité économique. Enfin, elle conduira à une évaluation préliminaire des risques dans les zones inondables. Le rapport sur les politiques de prévention des inondations remis par M. Yves Dauge au Premier ministre en 1999 exigeait d'ailleurs déjà une telle évaluation.
En conclusion et en réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Nicolas Camphuis a exprimé trois propositions :
- la France doit s'inspirer de l'expérience de la gestion des inondations aux Pays-Bas. Depuis le grave accident de 1953, ce pays s'est en effet doté d'une stratégie nationale ambitieuse de prévention du risque inondation ;
- les PPR ne représentent pas un outil suffisant. Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) pourraient mieux répondre aux attentes des élus locaux, en dépit de la question de la pression foncière ;
- les digues doivent faire l'objet d'un pilotage plus exigeant alors que deux difficultés sont mises en évidence : d'une part, la multiplication des propriétaires privés plaide pour la création d'un établissement public national assurant la gestion des digues ; d'autre part, la dilution des responsabilités complique les modes de financements et retarde les travaux.
La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de MM. François Jacq, président directeur général de Météo France, et Alain Ratier, directeur général adjoint.
a indiqué que la tempête Xynthia, d'une durée de retour de cinq à dix ans et de nature non explosive, n'était pas exceptionnelle, comparée aux cyclones Lothar et Martin ou bien à la tempête Klaus. En revanche, sa trajectoire, partant du large des côtes du Maroc pour remonter vers le Sud-Ouest, puis vers le Nord-Ouest de l'Europe, était relativement rare, tout comme la conjonction d'une élévation du niveau général de la mer et du déferlement de vagues puissantes. Si la surcote d'un mètre, soit la différence entre la hauteur de l'eau observée et celle prévue, n'avait rien non plus d'exceptionnel, en-dehors de La Rochelle, où elle atteignait huit mètres, elle était cependant suffisante pour provoquer de graves dégâts dans les zones les plus exposées.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. François Jacq a jugé impossible de déterminer si la fréquence des tempêtes s'accroissait. Rapportant que Xynthia avait été anticipée par ses services dès le 26 février, et le communiqué d'alerte national prédisant une surcote d'un mètre envoyé le 27, il a fait observer que le dispositif de vigilance n'incluait pas la submersion marine et qu'il n'existait pas de croisement entre les prévisions météo et les éléments de vulnérabilité locale. L'avis de fortes vagues a été diffusé dès le matin du 27 février vers les instances de sécurité civile, et le passage a l'état d'alerte rouge opéré dans l'après midi, les avertissements ayant été donnés selon le niveau le plus élevé de l'état de l'art actuel en météorologie, a-t-il estimé.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la procédure de vigilance « vagues submersion » annoncée par le Président de la République, M. François Jacq a indiqué que sa mise en oeuvre serait sans doute longue et qu'il faudrait veiller, en tout état de cause, à ne pas banaliser la procédure d'alerte, sous peine d'affecter sa crédibilité, ainsi qu'à adapter les messages à chaque zone spécifique, l'échelle efficiente étant selon lui infra départementale.
ayant fait remarquer que le système de vigilance et d'alerte n'intégrait pas le risque de submersion marine, M. François Jacq a rappelé qu'il était en effet basé sur le risque de tempête, plus facile à appréhender, et qu'il faudrait prendre en compte les spécificités propres au littoral.
l'ayant interrogé sur la coordination des outils existants en matière de prévision météorologique, M. François Jacq est convenu qu'il en existait une pluralité et qu'ils n'étaient pas intégrés. Ainsi, le modèle de prévision atmosphérique constitue une base de départ, dont les données sont ensuite injectées dans un modèle océanographique.
Répondant à nouveau à M. Alain Anziani, rapporteur, M. François Jacq a indiqué que la conjonction des phénomènes observée dans le cas de la tempête Xynthia avait incité Météo France à modifier sa démarche d'alerte classique.
A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait ce qui serait advenu si un modèle anti- submersion marine avait existé, M. François Jacq a répondu que, dans la mesure où des seuils d'exposition et de vulnérabilité auraient été définis au niveau départemental, il aurait été possible de lancer des messages d'alerte suffisamment tôt pour éviter les dommages les plus graves.
A Mme Gisèle Gautier, qui l'interrogeait sur la variabilité du niveau de vigilance selon les côtes, M. François Jacq a répondu qu'il était identique, et n'intégrait donc jamais le risque de submersion, mais simplement l'alerte « grandes vagues ». Il a précisé qu'en l'absence de marées en Méditerranée, la conjonction des phénomènes observée sur la côte atlantique ne pourrait s'y produire, et qu'il faudrait y mener un travail de définition des seuils de submersion différent.
Rapportant que les élus avaient été informés de l'occurrence de vents forts ne laissant en rien présager d'aussi sérieux dégâts, M. Philippe Darniche a souhaité connaître la façon dont les messages d'alerte avaient été diffusés dans les médias.
a indiqué que la tempête avait été traitée par Météo France dans le cadre du dispositif de vigilance associant des couleurs aux degrés de risque, lequel ne fait toutefois pas apparaître les prévisions de fortes vagues.
A M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les procédures de diffusion des messages d'alerte, M. François Jacq a répondu que les informations étaient mises à disposition de l'Etat et des institutions en charge de la sécurité civile, lesquelles avertissaient à leur tour les élus locaux. En parallèle, les sites Internet comportent des cartes de vigilance et des conseils.
ayant fait observer qu'une certaine banalisation des alertes provenait, dans certains cas, de leur manque de pertinence, M. François Jacq a fait valoir que la proportion de fausses alertes s'élevait à 17 %, conforme à la moyenne européenne.
s'étant enquis d'une comparaison avec les systèmes de prévision d'autres Etats membres et de l'intérêt pour les collectivités territoriales d'avoir un agrément auprès de Météo France, M. François Jacq a répondu, sur le premier point, que le phénomène Xynthia, qui a surtout touché la France, n'était pas le plus adéquat pour réaliser des comparaisons à l'échelle européenne. A une plus vaste échelle, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) situe le dispositif français parmi les meilleurs au monde. Des coopérations sont par ailleurs développées avec d'autres pays européens, dont il n'est pas établi qu'ils aient des pratiques fondamentalement différentes ou meilleures.
a indiqué que les communes agréées possédaient des systèmes de prévision et de gestion des crues intégré dans des schémas directeurs, toutefois orientés sur les rivières et les cours d'eau.
Enfin, répondant à M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur l'expérience à retirer de la tempête Xynthia en matière de prévision et d'alerte, M. François Jacq a insisté sur la nécessité de renforcer la pédagogie à l'égard des différents publics.
Puis, la mission a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Ayant rendu hommage aux familles de victimes et aux services de secours qui sont intervenus dans les départements sinistrés, M. Bruno Retailleau, président, a estimé nécessaire de tirer les conséquences de la tempête Xynthia, qui résulte non seulement de la conjonction extraordinaire d'événements climatiques violents, mais aussi de carences et de négligences. Il a tout d'abord interrogé le ministre d'Etat sur la cartographie des « zones noires », ou « zones mortelles », dévoilée ce même jour par les préfets aux conseils municipaux concernés dans des réunions à huis clos, et dès le lendemain aux habitants dans des réunions publiques.
Soulignant la violence du traumatisme subi par les populations, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat a indiqué que l'organisation de réunions sur la cartographie des « zones noires » à peine cinq semaines après la tempête Xynthia permettrait aux habitants d'être informés rapidement sur l'avenir de leur patrimoine ; il a en outre noté que, bien qu'elle ait été élaborée par des experts indépendants, une telle cartographie était par nature difficile à établir et contestable. Il a précisé que trois types de zones seraient instituées :
- les « zones blanches », ne présentant pas de risque particulier ;
- les « zones jaunes », qui seraient habitables à condition que des travaux de confortation et de sécurisation des bâtiments y soient réalisés ;
- les « zones noires », inhabitables en raison d'un niveau de risque trop élevé.
Ayant fait valoir que cette cartographie ne serait pas imposée, mais qu'elle ferait tout au contraire l'objet d'un débat entre les conseillers municipaux et les préfets au cours de la journée, il a estimé qu'elle ne devrait pas poser de difficulté en Vendée où les habitations concernées étaient essentiellement des résidences secondaires. Il a précisé que, dans quatre des seize communes de Charente-Maritime où des « zones noires » devaient être instituées, des débats complémentaires seraient organisés entre les maires et la préfecture. Il a indiqué que, en l'état actuel de la cartographie, environ 1 200 bâtiments (résidences ou locaux d'activité) seraient placés en « zone noire » et devraient donc être détruits ; dans ce cadre, il a souligné que les biens en cause seraient indemnisés à l'amiable, à leur valeur antérieure à la tempête (c'est-à-dire sans incidence du risque connu) et que cette valeur serait évaluée par le service des Domaines. Ayant estimé que cette opération coûterait entre 300 et 400 millions d'euros -ce montant reposant sur les estimations des services gouvernementaux et étant susceptible d'être révisé pour garantir une indemnisation totale des sinistrés-, il a précisé que l'État interviendrait, le cas échéant, pour financer la différence entre le montant réglé par les assurances et la valeur évaluée par le service des Domaines. Il a annoncé que le Parlement serait sollicité, dans le cadre de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle 2 »), pour modifier la législation régissant le fonds « Barnier », notamment afin de supprimer le plafond de 60 000 euros et, si nécessaire, d'assouplir les conditions d'indemnisation au titre de ce fonds. Il a considéré que le traitement amiable de l'indemnisation des sinistrés pourrait être effective d'ici à l'été 2010 et, au plus tard, avant la fin de l'année.
Par ailleurs, constatant qu'il serait indispensable de recourir à un outil de portage intermédiaire pour gérer les terrains en « zone noire », il a envisagé que le Conservatoire du littoral intervienne sur les parcelles ayant vocation à retourner à l'état naturel, ou qu'un établissement public foncier ad hoc soit créé. En tout état de cause, il a jugé que les collectivités territoriales devraient être associées à ces mesures et assurer un portage local de la reconversion des sites rendus inhabitables.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, qui a fait valoir que la définition de critères objectifs et transparents faciliterait l'acceptation du zonage par la population, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, a indiqué que 12 « zones noires » (couvrant 600 habitations) seraient créées en Charente-Maritime, et 4 en Vendée (couvrant 800 habitations, dont 80 % environ de résidences secondaires). Il a également précisé que le classement en « zone noire » répondrait à trois critères :
- la hauteur d'eau constatée (celle-ci devant être supérieure à un mètre pour justifier un classement en « zone mortelle ») ;
- la vitesse et la force de la vague ;
- la capacité de protection des populations résidant dans la zone.
En outre, deux critères complémentaires seraient pris en compte :
- les conditions d'évacuation ;
- la nécessité d'éviter le mitage urbain.
A cet égard, M. Michel Doublet a indiqué que, dans le sud de la Charente-Maritime, certaines parcelles avaient subi une submersion marine d'une hauteur d'environ 1,80 mètre, mais qu'elles n'avaient pas été classées en « zone noire », ce que les maires des communes concernées déploraient ; il a donc souhaité que les préfectures tiennent compte de ces cas particuliers et soient attentives aux demandes des élus.
Ayant rappelé que les maires estimant que certaines zones étaient trop risquées pour être habitées pouvaient prendre des arrêtés de péril sur les bâtiments qui y étaient situés et, en conséquence, rendre ces zones inhabitables, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a rappelé que la cartographie des « zones mortelles » n'était pas figée et pouvait faire l'objet d'une concertation entre les préfectures et les élus locaux.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la manière dont il serait procédé aux expropriations des propriétaires d'habitations situées en « zone noire » qui refuseraient l'offre d'indemnisation à l'amiable de l'État, M. Jean-Louis Borloo a déclaré que, pour faire face à ces situations, le Gouvernement pourrait proposer d'adapter le cadre législatif par voie d'amendements au projet de loi « Grenelle 2 ».
a ensuite demandé si l'État verserait un acompte aux sinistrés afin de leur permettre d'acquérir un bien ou un terrain avant la fin du processus indemnitaire.
En réponse, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a indiqué que l'État interviendrait en complément des assurances privées. Il a fait valoir qu'il n'était pas possible de définir le montant de l'indemnisation que l'Etat attribuerait à chaque sinistré, et donc de verser une avance, avant de connaître le montant des indemnités allouées par les compagnies d'assurance, d'autant plus que ce montant dépendra du type de contrat souscrit et devra donc être apprécié au cas par cas. Il a toutefois estimé que ce principe pourrait être remis en cause dans certains cas particuliers -par exemple, en cas de divorce ou d'indivision. Il a estimé que globalement les compagnies d'assurance cherchaient à traiter au mieux les dossiers des sinistrés et que, face à l'ampleur du drame et de l'élan de solidarité nationale qui l'a suivi, elles ne pouvaient pas chercher à optimiser leur position dans les contrats individuels. Enfin, ayant considéré qu'un effort de la caisse de réassurance serait indispensable pour permettre au fonds « Barnier » de couvrir les dépenses d'indemnisation consenties par l'État et que, si tel n'était pas le cas, l'État devrait intervenir via le budget général, il a indiqué que l'indemnisation ne soulevait pas de problèmes financiers réels, contrairement au plan de renforcement des digues, qui correspondait à des montants beaucoup plus important et dont les modalités de financement étaient encore incertaines.
Répondant à une question de M. Alain Anziani, rapporteur, sur le rôle du « Monsieur Assurances » nommé le 5 mars 2010, M. Jean-Louis Borloo a expliqué que celui-ci avait un rôle de médiation entre les experts des assurances et les sinistrés ; il a ajouté que, à ce stade de ses travaux, ce médiateur n'avait pas identifié de difficultés particulières. Il a souligné que la fédération française des sociétés d'assurance s'était montrée réactive face à la catastrophe.
Interrogé par M. Michel Doublet sur la prise en compte du prix du terrain dans l'indemnisation des sinistrés, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que l'État tiendrait compte de cet élément. En réponse à une remarque de M. Jean-Claude Merceron, il a également déclaré que l'État prendrait en charge, avec les collectivités territoriales, les coûts de remise en état des terrains devenus inhabitables.
a alors souligné que le cas des agriculteurs, dont les terres sont devenues incultivables pendant au moins trois ans à la suite de la submersion, devrait être traité avec une attention particulière.
Répondant à M. Philippe Darniche, qui s'interrogeait sur la prise en compte du préjudice moral, M. Jean-Louis Borloo a salué la constitution d'associations de victimes, celles-ci permettant aux sinistrés de faire mieux face à leur angoisse et aux problèmes matériels qu'ils rencontrent. Il a rappelé que le Gouvernement, en décidant d'indemniser le patrimoine des victimes à sa valeur d'avant la tempête et de procéder rapidement à cette indemnisation, avait voulu rassurer les populations touchées par ce drame.
Ayant rappelé que l'État était le garant de la prévention des risques naturels et ayant, en conséquence, marqué son accord avec la mise en place de « zones noires » inhabitables et inconstructibles, M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si ce dispositif serait étendu à d'autres parties du territoire national.
a alors exposé qu'une cartographie des zones à risque mortel serait désormais établie systématiquement ; ainsi, il a annoncé qu'une cartographie nationale était en cours d'élaboration et qu'elle serait rendue publique dans un délai de 8 à 12 semaines.
En réponse aux interrogations de M. Bruno Retailleau, président, sur les conclusions du pré-rapport de la mission d'inspection instituée par le Président de la République le 1er mars dernier, M. Jean-Louis Borloo a déclaré que la conjonction exceptionnelle de phénomènes climatiques, plutôt que la faiblesse des digues, était la principale cause explicative du grand nombre de morts. À ce titre, il a indiqué que les digues, construites lorsque les territoires qu'elles abritaient n'étaient pas urbanisés, n'avaient pas été conçues pour protéger les populations ; dans cette optique, il a estimé que le plan « Digues » ne devait pas être l'occasion de renforcer des digues pour urbaniser des territoires exposés aux risques, mais devait permettre de rendre lesdits territoires à leur fonction initiale.
Au sujet du plan de renforcement des digues, sur lequel il était interrogé par M. Bruno Retailleau, président, qui a fait valoir qu'en dessous d'un seuil de 50% de participation de l'Etat, les collectivités territoriales ne pourraient pas assumer le financement des travaux nécessaires, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, a indiqué que la participation de l'Etat à hauteur de 40% était acquise et que s'y ajouteraient à hauteur de 10% des financements assurés par le FEDER. Les collectivités territoriales pourraient donc compter sur la prise en charge de la moitié du financement.
lui a alors objecté que, en Charente-Maritime, les coûts afférents à la consolidation des digues étaient estimés à 200 millions d'euros et que 90 % de ces digues appartenaient au domaine de l'État ; au vu de l'état des finances du département, il a affirmé que le conseil général ne pourrait pas financer 50 % du plan « Digues ».
Ayant indiqué qu'en Vendée, les coûts de rénovation des digues étaient évalués à 100 millions d'euros, M. Bruno Retailleau, président, a observé qu'après la tempête de 1999, la région et le département avaient financé les travaux de reconstruction pour que les « petits » maîtres d'ouvrages (qui étaient, le plus souvent, des syndicats de communes) n'atteignent pas un taux de financement supérieur à 20 % ; dès lors, il a estimé nécessaire une solidarité à la fois européenne, nationale, régionale et départementale pour assurer le financement du plan « Digues ».
Soulignant que le problème de la propriété et de la gestion des digues était marqué par l'extrême diversité des situations observées sur le terrain, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a précisé que l'État et les collectivités territoriales débattraient, au cas par cas, des solutions les plus efficaces pour assister les propriétaires privés ou publics n'ayant pas les moyens d'assurer l'entretien de leurs digues, et que le taux de financement assumé par chacune des parties prenantes dépendrait de leurs capacités contributives respectives. Il a estimé que ce problème était particulièrement complexe et qu'il était impossible de l'appréhender totalement dans un laps de temps de cinq semaines, mais que des solutions pourraient être trouvées en s'inspirant de la stratégie générale impulsée par le Grenelle de la mer.
Faisant état des déclarations des experts entendus par la mission, Mme Gisèle Gautier a questionné le ministre d'Etat afin de savoir si les zones où les digues devraient être rehaussées étaient déjà définies, et afin de connaître les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour lutter contre les habitations illégalement implantées sur des zones inconstructibles.
Ayant rappelé que le législateur avait, en 2009, doublé le montant du fonds « Barnier » afin d'accélérer la mise en place des cartographies des zones à risque et des plans de prévention des risques, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, a affirmé que les zones de rehaussement des digues seraient connues au début du mois de mai 2010 et que, en matière de lutte contre les habitations illégales, des recours devant le juge administratif pouvaient être formés. Par ailleurs, il a jugé que les procédures d'adoption des plans de prévention des risques (PPR) étaient trop lourdes, ce qui retardait leur mise en place, et qu'une modification de la législation était nécessaire sur ce point. Il a annoncé que le Gouvernement proposerait au Parlement, dans le cadre du projet de loi « Grenelle 2 », de prévoir un délai maximal de deux ou trois ans au-delà duquel les PPR seraient opposables, même sans l'accord des élus locaux, dans certaines zones à risque définies par l'État ; il a considéré que cette innovation constituerait un progrès substantiel dans un contexte où, en pratique, certaines procédures de PPR ont été engagées il y a plus de dix ans et n'ont pas abouti depuis lors. Ainsi, il a souligné que les PPR, malgré leur jeunesse, avaient été efficaces dans les zones fluviales (celles-ci sont, en effet, presque toutes couvertes par un PPRI), mais qu'ils étaient encore insuffisants sur le trait de côte.
Revenant, à la demande de M. Bruno Retailleau, président, sur les premières conclusions de la mission d'inspection consacrée à la tempête Xynthia, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que celle-ci saluait la qualité des services de sécurité civile et formulait un certain nombre de recommandations pragmatiques : par exemple, il a déclaré qu'elle préconisait de mieux coordonner les systèmes de vigilance et d'information afin de garantir que les alertes soient effectivement transmises à la population locale, de réaliser des travaux d'urgence et d'en assurer le suivi par des visites régulières des ouvrages d'art, et, à titre transitoire, d'appliquer le principe de précaution aux documents d'urbanisme.
Puis, interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'existence de dysfonctionnements dans la délivrance des permis de construire, M. Jean-Louis Borloo a indiqué que les préfets avaient été chargés de conduire une analyse exhaustive des situations à risque et qu'ils mobiliseraient, à cette fin, les moyens satellitaires de l'État et de ses opérateurs. Toutefois, il a déclaré que les réflexions sur l'opportunité de modifier les règles en vigueur en matière de délivrance des permis de construire étaient toujours en cours et que cette question n'avait pas, à ce stade, été tranchée. De plus, il a estimé que le double rôle des préfectures (instruction des demandes de permis de construire adressées aux petites communes par les services de l'équipement, et contrôle de légalité des permis de construire par les services dédiés) ne remettait pas en cause l'impartialité du déféré préfectoral, dans la mesure où les services instruisant les demandes de permis de construire se bornaient, en réalité, à vérifier leur conformité avec les documents d'urbanisme.
a rappelé que le projet de loi « Grenelle 2 » était soumis à la procédure accélérée et que, ayant déjà fait l'objet d'une lecture devant la Haute Assemblée, il ne serait plus examiné par le Sénat en assemblée plénière. Dès lors, il a appelé le Gouvernement ne proposer des amendements à ce texte que pour répondre aux questions urgentes soulevées par la tempête Xynthia, comme l'indemnisation des sinistrés et la modification corrélative des dispositions relatives au fonds Barnier, ou pour régler des points consensuels. Il a fait valoir que, sur les autres sujets, une proposition de loi serait mieux adaptée.
a pris acte de cette demande : ainsi, il a jugé que l'allègement des procédures de PPR pourrait être traité à l'occasion du projet de loi « Grenelle 2 ». En revanche, il a fait valoir que d'autres problématiques, telles que l'équilibre à définir entre les responsabilités locales et celles de l'État en matière de sécurité civile, appelaient un débat de fond et devraient être examinées à part.
Remerciant le ministre d'Etat, M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que la mission d'information serait aussi appelée à examiner la question des biens non assurables des collectivités territoriales et il a souligné la nécessité de développer une véritable culture du risque en France.