Commission des affaires économiques

Réunion du 12 décembre 2007 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • anne
  • areva
  • centrale
  • lauvergeon
  • répondant
  • stratégie
  • technologie
  • éolienne

La réunion

Source

Debut de section - Permalien
Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva

Au cours d'une seconde séance qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva.

A titre liminaire, rappelant l'importance de l'enjeu énergétique dans le contexte économique et environnemental actuel, Mme Anne Lauvergeon a précisé que le métier d'Areva était de proposer des solutions aux compagnies d'électricité afin, d'une part, de produire de l'électricité sans CO2 et, d'autre part, de l'acheminer vers les grands centres de consommation.

Elle s'est félicitée du modèle de croissance d'Areva en termes de profitabilité, d'emploi et d'investissement. Présent dans 41 pays, son chiffre d'affaires s'élève à 10,8 milliards d'euros en 2006, affichant un résultat net de 649 millions d'euros. Elle a indiqué que ces performances exceptionnelles allaient être renouvelées sur l'année 2007, soulignant la première place d'Areva dans le domaine du nucléaire et sa troisième position sur le marché des réseaux électriques. Cette dynamique a été soutenue par un programme majeur d'investissement, s'élevant à 1 milliard d'euros par an en moyenne. Elle a fait valoir que cette politique d'investissement internationale allait être amplifiée, afin d'investir 14 milliards d'euros d'ici à 2012. S'agissant de l'emploi, elle a indiqué que le groupe était constitué de plus de 65.000 personnes à ce jour, contre 50.000 il y a trois ans. 10.000 personnes ont rejoint Areva cette année. Elle s'est déclarée, en outre, particulièrement satisfaite du faible « turn-over » du groupe, estimé à 2,5 %.

Puis elle a présenté les différents marchés d'Areva en indiquant qu'outre le domaine nucléaire, le groupe était présent sur le marché de l'éolien, de la pile à combustible et de la biomasse, qui consiste en l'utilisation des débris végétaux aux fins de production d'électricité.

S'agissant du marché des réseaux électriques, elle s'est félicitée du positionnement du groupe au coté des deux leaders mondiaux, ABB et Siemens, soulignant la seconde place d'Areva sur le marché du réseau électrique indien ainsi que l'augmentation de 30 % de sa croissance en un an en 2006 dans ce pays. Elle a déclaré vouloir faire du groupe le fournisseur de référence dans le domaine de l'ultra haute tension.

A propos du marché du nucléaire, elle a estimé que l'offre à ses clients de solutions complètement intégrées, de la mine d'uranium au recyclage, constituait un avantage compétitif capital, à l'origine des bonnes performances du groupe. Elle a jugé que la renaissance de l'intérêt pour l'énergie nucléaire était désormais avérée. Ceci se justifie non seulement par la forte demande en électricité liée à la croissance démographique, mais également par le renchérissement du prix des énergies fossiles, la production d'énergie nucléaire étant plus rentable que le pétrole, dès que celui-ci atteint le seuil de 18 dollars le baril. Cet avantage compétitif perdure en raison de la prise de conscience de la fin des ressources en hydrocarbures. En outre, le contexte géostratégique participe à l'attrait pour l'énergie nucléaire. Les conflits larvés au Moyen-Orient et les tensions géo-politiques avec la Russie sur le gaz conduisent notamment à la recherche d'une source domestique d'énergie sécurisée telle que le nucléaire, ce dernier s'imposant, en outre, comme énergie de base dans la lutte contre les émissions en CO². Elle a d'ailleurs souligné que les ressources en uranium étaient abondantes et qu'Areva entendait doubler sa production en la matière. On peut ajouter que si les énergies éolienne, solaire et issue de la biomasse constituent également des énergies propres, leur production les limite à un usage d'appoint, contrairement à l'énergie nucléaire et hydraulique.

Se félicitant du nouvel intérêt mondial pour l'énergie nucléaire, Mme Anne Lauvergeon a cependant fait valoir que le souhait manifesté par certains pays de se doter de cette technologie ne se traduisait pas immédiatement par la construction de centrales. En effet, elle a insisté sur les conditions préalables à toute construction d'une centrale nucléaire, notamment en termes de cadre légal et de sûreté. Elle a jugé, à ce titre, que le maintien de l'image et de la réputation exemplaire d'Areva constituait une priorité stratégique. Elle a aussi tenu à mettre en valeur, sur ce point, la méthode de management « Areva way » en attirant l'attention sur les critères de performance, en termes de qualité et de sûreté environnementale, imposés aux managers et conduisant à la recherche d'un progrès continu dans le domaine du développement durable.

Cette analyse réaliste du marché a conduit le groupe à définir un objectif stratégique de conquête d'un tiers des parts de marché des ventes de centrales nucléaires. Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva, a cependant souligné que la stratégie du groupe devait se situer dans le long terme, tout en sachant s'adapter rapidement aux évolutions du marché. En effet, elle a rappelé qu'en termes d'investissement, l'action du groupe s'inscrivait à horizon 2020 en raison du montant des investissements et de la longue durée des process en matière nucléaire, mais que le groupe doit dans le même temps disposer d'un vision à plus court terme imposée par la nécessité d'être réactif sur le marché.

C'est pour cette raison qu'elle s'est déclarée particulièrement satisfaite du modèle de vente de solutions intégrées d'Areva qui a conduit à des gains de part de marché significatifs ainsi qu'à une fidélisation de ses clients. Elle a ajouté qu'une telle stratégie donnait au groupe un avantage compétitif par rapport à ses concurrents, notamment en Chine, où Areva avait obtenu des conditions particulièrement favorables en termes de change et de coopération technologique. Elle a fait valoir que les accords avec la Chine avaient conduit à la création d'un partenariat équilibré à long terme dans le domaine de l'ingénierie.

Puis Mme Anne Lauvergeon a ensuite abordé le triple défi auquel le groupe doit faire face pour adapter son appareil industriel à la nouvelle demande mondiale : défi des ressources humaines, des capacités industrielles et du financement. S'agissant des investissements, elle a fait valoir que la « recherche et développement » occupait une place majeure en soulignant le doublement des effectifs d'ingénierie d'Areva depuis 2004, ainsi que le programme à hauteur de 1,2 milliard d'euros prévu en ce domaine l'année prochaine.

S'agissant du financement de ces investissements, elle a noté les conditions difficiles dans lesquelles était placé le groupe face à ses concurrents. En effet, elle a mis l'accent sur sa contribution au fonctionnement du CEA (à hauteur de 2 milliards d'euros depuis la création de ce dernier), combiné avec l'arrêt des subventions étatiques au profit d'Areva, alors que certains de ses concurrents en bénéficient.

Ce constat l'a conduite à aborder la question de l'ouverture du capital déjà évoquée en 2001 par le Gouvernement, puis en 2004 et 2005. Elle a, pour l'avenir du groupe, insisté sur la nécessité de maintenir le rôle prééminent de l'Etat. Puis elle a tenu à souligner le besoin de préserver le modèle intégré d'Areva, en faisant valoir qu'approximativement 85 % des clients du groupe lui achetaient plus de trois produits dans le domaine du nucléaire. Elle a également mis en lumière l'importance d'assurer le financement des 14 milliards d'investissement programmés d'ici à 2012, sans provoquer un surplus d'endettement. Enfin, rappelant le caractère structurant de la relation franco-allemande de l'European Pressurized Reactor (EPR), elle a insisté sur le besoin de conserver la dynamique de ce partenariat, dont elle s'est déclarée particulièrement satisfaite.

Eu égard à ces contraintes, elle a exposé trois scénarios possibles d'évolution capitalistique du groupe. La première, qui emporte son choix, consiste en une ouverture du capital dans son périmètre actuel, tel que décidé en 2001 et 2004. Elle a jugé qu'une telle opération permettrait non seulement de lever rapidement des capitaux pour satisfaire les besoins d'investissement précédemment cités, mais encore de conserver le modèle intégré, le partenariat avec Siemens et la part majoritaire de l'Etat dans le groupe.

En revanche, elle a émis des réserves quant à une fusion avec le groupe Alstom, qui ne répond à aucune logique industrielle, mais risquerait d'engendrer des synergies négatives. En effet, elle a souligné qu'en termes industriels une telle fusion conduirait à créer un conglomérat hétérogène n'apportant aucune valeur ajoutée à la stratégie actuelle du groupe, mais conduirait en revanche à son démembrement. En outre, elle a attiré l'attention sur le fait qu'une telle opération ne pourrait résoudre le problème de financement de l'investissement parce que n'entraînant pas d'augmentation de capital. Elle a également émis des craintes quant à l'obtention de l'autorisation de la fusion de la part des autorités bruxelloises. Elle s'est, en outre, déclarée défavorable à toute remise en cause du partenariat avec Siemens qui pourrait résulter de cette fusion. Elle a enfin évoqué une troisième solution, consistant à créer au sein du groupe un pôle minier des matières premières en montant au capital d'Eramet afin de répondre à la concentration minière mondiale.

a enfin insisté sur la prise en compte du développement durable et la volonté de faire du groupe un organisme irréprochable en ce domaine. Elle s'est déclarée particulièrement satisfaite de l'offre de recyclage d'Areva à ses clients dans le cadre du modèle intégré, puisque 96 % du combustible usé est retraité. Elle a ajouté que le recyclage tel qu'il est pratiqué par Areva constituait une arme contre la prolifération. Puis elle a mis l'accent sur la capacité du groupe à garantir un approvisionnement à ses clients.

Debut de section - Permalien
Mm. René Beaumont, Philippe Darniche

A l'issue de cette présentation s'est ouvert un large débat. En réponse à MM. René Beaumont, Philippe Darniche et François Fortassin s'interrogeant sur le conservatisme, voire la crainte de l'opinion française face à l'utilisation de l'énergie nucléaire, elle a tenu à nuancer ce constat en soulignant tout particulièrement l'attitude favorable qu'avait eue le Sénat à l'égard de l'industrie nucléaire en général et du groupe en particulier. Elle a mis l'accent sur la nécessité de recourir à la communication dès l'école primaire sur l'utilité de l'énergie nucléaire afin de mieux informer sur ce sujet.

En réponse à MM. René Beaumont et François Fortassin sur l'éventuelle mise en oeuvre de projets intéressant la biomasse en partenariat avec des collectivités territoriales, Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva a évoqué l'expérience de la construction de petites unités de 10 à 15 mégawatts, dotées de procédés de maintenance simples, menée par Areva dans des communautés villageoises indiennes. Elle a annoncé vouloir étendre cette expérience en Europe dès la résolution des problèmes de compatibilité de cette technologie avec la réglementation européenne. En réponse aux craintes émises par M. François Fortassin sur la disponibilité des espaces à cultiver, elle a tenu à préciser que contrairement aux bio-carburants, le recours à la biomasse ne menaçait pas l'approvisionnement de denrées alimentaires, puisqu'elle consiste en l'utilisation des débris de l'agriculture.

En réponse à la question de M. Henri Revol sur les projets du groupe sur le site de Bure, elle a rappelé qu'Areva y était fortement impliqué à plusieurs égards, notamment par le biais de la politique d'achats du groupe, par une politique ambitieuse d'accompagnement économique des projets locaux et elle a mentionné la construction dans le département de la Meuse d'un bâtiment destiné à recevoir les archives du groupe. Elle s'est félicitée de ce que la vente d'un EPR provoque des retombées financières au niveau national pour environ 250 petites et moyennes entreprises impliquées dans le projet. En outre, elle a tenu à relever que statistiquement, un emploi créé au sein du groupe conduisait à la création de deux à trois emplois en moyenne chez les entreprises sous-traitantes.

Répondant à la question de René Beaumont sur l'état des relations du groupe avec le Japon, elle a fait part des excellentes relations qu'entretenait Areva avec les entreprises japonaises de production d'électricité, ainsi qu'avec les autorités de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Puis Mme Anne Lauvergeon a répondu à l'interrogation de M. Jean Desessard relative au coût de démantèlement d'une centrale nucléaire en convenant de la difficulté d'en déterminer la totalité. Elle a cependant fait remarquer que le démantèlement des centrales de la première génération donnait lieu à des interventions plus complexes, donc plus coûteuses que celles de la seconde génération.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

S'agissant du problème du traitement des déchets évoqué par M. Philippe Darniche, elle a reconnu qu'après recyclage de 96 % du combustible usé, il convenait de traiter les 4 % restants qui, eux seuls, constituent des déchets. Aujourd'hui vitrifiés pour être stockés le moment venu, les déchets pourront un jour être traités afin de réduire considérablement leur durée de vie. Elle a regretté cependant que le réacteur Superphoenix, qui permettait la recherche sur ces techniques futures, ait été arrêté.

Debut de section - Permalien
Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva

a tenu à rassurer M. Jean Desessard quant à la disponibilité de la ressource d'uranium. Elle a relevé que l'uranium pouvait être exploité non seulement à partir des mines d'extraction, mais encore à partir d'un traitement des phosphates. A titre d'illustration, elle a indiqué que les phosphates marocains contenaient d'importantes quantités d'uranium et s'est félicitée du récent accord avec l'office chérifien des phosphates. Elle a insisté sur la nécessité de disperser les risques d'approvisionnement en rappelant sa stratégie internationale en matière d'exploitation, mentionnant notamment le Canada, l'Australie, le Kazakhstan, la Mongolie, la Namibie et la République Centrafricaine. Elle a en outre fait valoir que l'exploitation de cette ressource était récente, puisqu'elle datait des années cinquante et que tout risque d'épuisement était écarté en raison de la capacité à recycler le combustible usé. Elle a également rassuré les membres de la commission sur l'absence de tout risque d'augmentation du prix du kilowattheure nucléaire, ajoutant que l'uranium n'intervenait qu'à hauteur de 5 % du coût total.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Revenant sur les propos de Mme Anne Lauvergeon sur l'éthique du groupe, M. Jean Desessard s'est interrogé sur les garanties existantes du maintien de la stratégie actuelle visant à une sécurité nucléaire maximale et à la restriction des transferts de technologie vers les nouveaux clients. Mme Anne Lauvergeon a tenu à le rassurer en évoquant non seulement la présence de l'Etat dans le capital du groupe, mais encore l'existence d'une charte des valeurs, dont l'observation est contrôlée par le comité exécutif d'Areva. Quant aux transferts de technologie, elle a souligné que ces derniers présentaient un intérêt réduit pour les clients du groupe, entreprises de production d'électricité, dont l'engagement industriel est d'exploiter les centrales, et non de les construire. Elle a ajouté inversement que le métier d'Areva était d'être un constructeur, et non un opérateur de centrales.

En réponse aux interrogations sur le recrutement en France du groupe posées par M. Jean Desessard, elle a déclaré ne rencontrer aucun problème en ce domaine, se félicitant au contraire de l'image attractive du groupe auprès des écoles d'ingénieurs, comme l'illustre la cinquième position occupée par Areva dans le classement des entreprises préférées par les étudiants des plus grandes écoles d'ingénieurs.

Répondant au souhait de M. Jean Desessard de voir le groupe financer son développement en ayant recours à l'endettement, Mme Anne Lauvergeon a désapprouvé toute stratégie d'endettement excessif qui nuirait à la notation financière actuelle du groupe par les analystes et qui fragiliserait sa solidité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

Quant à la primauté de l'enjeu énergétique souligné par MM. Philippe Darniche et Charles Josselin, elle a reconnu le caractère majeur de la compétitivité du groupe dans l'économie d'innovation. Elle s'est félicitée de la position de champion international du groupe en termes de croissance, de profitabilité, d'emploi et de développement durable, insistant particulièrement sur ce dernier point comme étant une priorité stratégique du groupe, diffusée sur l'ensemble des entreprises sous-traitantes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

En réponse à l'interrogation de M. François Fortassin sur la politique du groupe en matière d'énergie éolienne, elle a indiqué qu'il était notamment spécialisé dans les connexions des éoliennes aux réseaux électriques. Elle s'est en outre déclarée favorable à l'implantation d'éoliennes off-shore de plus de 5 mégawatts. Poursuivant son propos en répondant à M. Michel Teston sur sa stratégie après l'échec de l'offre publique d'achat sur le principal fabricant mondial d'éoliennes off-shore de 5 mégawatts, REpower, elle a tout d'abord indiqué que la contre-offre réussie de l'entreprise indienne Suzlon avait probablement eu pour effet la délocalisation des technologies de REpower vers l'Inde. Rassurant M. Michel Teston sur la stratégie éolienne du groupe, elle a indiqué que ce dernier avait acquis 51 % de la société Multibrid, concepteur et fabricant d'éoliennes off-shore.

Debut de section - Permalien
Anne Lauvergeon, président du directoire d'Area

Puis Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'Area, a fait le point sur la situation géopolitique complexe régnant au Niger en réponse à M. Charles Josselin. Décrivant la situation dramatique qui y règne, elle s'est félicitée de la participation du groupe à hauteur de 25 % dans les dépenses de santé de ce pays, et qui s'est concrétisée par la création de deux hôpitaux dispensant des soins à plus de 200.000 nigériens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Répondant au souhait de M. Michel Teston de voir se créer une filière électronucléaire regroupant non seulement l'Etat mais encore des partenaires français ou européens afin d'offrir un front compétitif face aux géants mondiaux, elle a indiqué que la politique du groupe consistait en la création de partenariats spécifiques, permettant tout à la fois de prendre en compte les synergies industrielles au niveau mondial et le souci du développement durable.