La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres des métiers (APCM).
Après avoir remercié la mission d'information de lui permettre d'évoquer l'importance de l'artisanat dans l'économie des DOM, avec près de 34 000 entreprises, M. François Moutot a fait trois observations liminaires : il s'agit par essence d'une activité de transformation et l'éloignement ne facilite pas l'équipement des petites entreprises à des coûts satisfaisants ; le marché local n'est pas favorable, compte tenu de l'impact des coûts de distribution ; enfin, à la suite des événements récents, des mesures ont été annoncées, telles que le report des délais de paiement, mais sont d'ordre conjoncturel et tardent à se mettre en place, notamment les mesures d'accompagnement bancaire, ce qui pose la question de leur crédibilité alors même que, localement, la société place en elles un grand espoir, surtout en Guadeloupe.
Répondant à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a estimé que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (PLODEOM) n'avait pas pris en compte les propositions de l'APCM et que le nouveau dispositif de défiscalisation dans le bâtiment, orienté vers le logement social, était défavorable aux petites entreprises. Il s'est cependant félicité de l'apport du débat parlementaire sur cette question, atténuant les effets négatifs de l'évolution du dispositif pour le secteur de l'artisanat avec un lissage de la période de transition et l'intégration des opérations de réhabilitation de logements dans le champ du dispositif. Néanmoins, il faudra rester vigilant sur la passation des marchés et favoriser les groupements d'artisans pour la construction sociale.
Concernant le commerce de proximité, il a regretté la suppression de la TVA non-perçue récupérable (TVA NPR) qui constituait une aide efficace pour l'équipement des entreprises artisanales.
a considéré que divers problèmes restaient à régler : l'adaptation du statut de l'auto-entrepreneur au secteur du bâtiment, la question du développement endogène et de l'ouverture sur les marchés régionaux ainsi que celle du financement d'un système de garantie particulier pour les entreprises artisanales comparable à celui géré par OSEO en métropole.
Au nombre des sujets suscitant de fortes préoccupations, il a souligné le déficit en ressources humaines qualifiées, en particulier en Guyane, département pour lequel il faudrait un plan spécifique de formation, et les problèmes structurels liés à l'étroitesse et à l'isolement des marchés locaux (transports, coûts d'accès des intrants, travail irrégulier...).
Il a imputé le coût de la vie au poids des taxes et des charges fiscales et à l'existence de multiples intermédiaires.
Enfin, au-delà des mesures de défiscalisation et des aides à la construction, il a souhaité que soient encouragés les regroupements des entreprises artisanales en réponse aux appels d'offres, afin de leur permettre un meilleur accès aux marchés publics.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a indiqué que la crise avait provoqué une forte baisse du nombre des inscriptions au répertoire des métiers et qu'un ralentissement de l'activité était sensible. Dénombrant à environ 40 000 les entreprises artisanales dans les DOM, il a souligné que leur densité était de 292 pour 10 000 habitants en Guadeloupe contre 180 à la Réunion, la répartition par secteurs étant la suivante : 46 % pour le bâtiment (contre 40 % en métropole), 8 % pour l'alimentation (contre 15 % en métropole), le solde étant pour l'essentiel concentré sur les transports et les services.
S'agissant de la formation, il a insisté sur la disparité des situations d'un département à l'autre. En Guadeloupe, un nouveau plan de développement du CFA a reçu le soutien du conseil régional et la situation de la chambre des métiers locale a pu être assainie. La Martinique souffre d'un corps d'enseignants pléthorique par rapport au nombre d'élèves au niveau du CFA. La Guyane connaît une situation plus sombre avec un CFA qui n'a pas les moyens humains et financiers de remplir ses missions et la nécessité de s'interroger sur la pertinence d'une gestion du CFA par la chambre des métiers.
Afin d'abaisser les coûts d'approvisionnement, il a suggéré d'encourager l'émergence de structures d'achats groupés et, sur la question des auto-entrepreneurs, il a annoncé la tenue d'une réunion prochaine à l'initiative du secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
a estimé que le problème structurel de la chambre des métiers de Guyane méritait un changement en profondeur car elle n'a réellement plus les moyens d'assurer son rôle.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a reconnu le soutien apporté par la région aux actions de formation, a souligné la nécessité de former des experts, notamment dans le secteur du bâtiment, susceptibles d'intégrer dans les opérations la préoccupation des risques naturels et celle du développement durable par le recours aux matériaux locaux.
Puis la mission a procédé à l'audition de M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières.
Accueillant M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, M. Serge Larcher, président, a souhaité qu'il présente la situation spécifique des différents départements d'outre-mer en matière de lutte contre l'immigration illégale.
a indiqué que la Guyane connaissait la situation la plus délicate en matière d'immigration illégale, même si celle de Mayotte était encore plus préoccupante.
Il a indiqué que le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière s'était élevé à quelque 13 000 en 2007, soit presque 10 % des interpellations réalisées en métropole. Ce nombre a connu une baisse sensible en 2008, de l'ordre de 20 %, avec 10 000 interpellations et cette tendance s'est confirmée au premier trimestre de l'année 2009, même si on constate une légère hausse ces dernières semaines.
Il a souligné que la Guyane était principalement confrontée à une immigration clandestine en provenance des pays voisins, comme le Surinam, le Guyana, Haïti ou le Brésil et, dans une moindre mesure, la République dominicaine, immigration de proximité de nature davantage économique que politique.
Il a indiqué que la police aux frontières était déployée à trois endroits, à Cayenne, dans l'aéroport et au centre de rétention, à Saint Laurent, à la frontière avec le Surinam, et à Saint Georges de l'Oyapock, à la frontière avec le Guyana, et que l'ensemble des services de police, de gendarmerie nationale et même de l'armée étaient impliqués dans la lutte contre l'immigration clandestine, les frontières de la Guyane étant très perméables.
a estimé que la situation de la Martinique était très différente, avec une immigration illégale de moindre importance et en diminution.
Il a indiqué qu'il avait été procédé à 477 interpellations d'étrangers en situation irrégulière en 2008, contre 527 en 2007, soit une baisse de 10 % et que cette tendance s'était confirmée au premier trimestre 2009.
Il a toutefois rappelé que cette diminution faisait suite à une forte hausse de l'immigration clandestine à la Martinique jusqu'en 2005, qui avait pu être maîtrisée grâce à la conclusion d'une série d'accords bilatéraux de libre circulation des personnes et de réadmission avec les pays voisins, comme Sainte-Lucie ou la République dominicaine.
Il a souligné que la Martinique était également confrontée à une immigration illégale de proximité, en provenance d'Haïti et de Sainte-Lucie, employée principalement dans la production de canne à sucre mais impliquée aussi dans le trafic de stupéfiants.
Evoquant ensuite le cas de la Guadeloupe, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a estimé que la situation était plus délicate que celle de la Martinique, avec environ 1 800 interpellations d'étrangers en situation irrégulière par an jusqu'en 2007, même si on a constaté une diminution de 11 % en 2008, avec près de 1 600 interpellations, les flux migratoires clandestins provenant essentiellement des pays voisins, Haïti et la République dominicaine.
a enfin précisé que La Réunion était relativement épargnée, avec seulement 120 interpellations d'étrangers en situation irrégulière en 2008 contre une centaine en 2007, principalement des ressortissants malgaches et mauriciens et, dans une moindre mesure, des personnes originaires des Comores, de l'Afrique du Sud ou des Seychelles.
s'est interrogé sur la politique des visas en soulignant les différences entre la métropole et les départements d'outre-mer, un ressortissant brésilien étant exempté de visa pour se rendre en métropole alors qu'il doit en obtenir un pour se rendre en Guyane.
a renchéri en confirmant qu'il était plus facile pour un Brésilien de passer par la métropole pour se rendre en Guyane, plutôt que de franchir directement la frontière.
a indiqué que la politique des visas ne relevait pas des attributions du ministère de l'intérieur mais de celles du ministère de l'immigration, même si la direction centrale de la police aux frontières alertait les services compétents en cas de forte pression migratoire en provenance d'un Etat afin que ces services étudient la possibilité de rétablir l'obligation de visa à l'égard des ressortissants de ce pays.
a souhaité avoir des éclaircissements sur trois points : le manque d'effectifs de la police aux frontières en Guyane, notamment à Saint-Georges et à Saint-Laurent ; les manquements constatés dans le dernier rapport de la commission nationale de déontologie des services de sécurité en matière de respect des droits de l'homme par les services de sécurité outre-mer à l'égard des étrangers en situation irrégulière ; le délit d'assistance aux personnes en situation irrégulière, compte tenu de la situation particulière de la Guyane.
a apporté les précisions suivantes :
- la police aux frontières a vu ses effectifs augmenter sensiblement en Guyane, passant de 200 agents en 2004 à 253 en 2008, soit une augmentation de 25 % ; les contraintes budgétaires et les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques rendant difficile toute augmentation des effectifs et nécessitant d'opérer des redéploiements entre les territoires ; la police aux frontières est toutefois confrontée à une réelle difficulté en matière de recrutement, notamment en ce qui concerne les adjoints de sécurité, en raison de l'image peu valorisante de cette fonction, tant aux yeux des jeunes policiers, qui lui préfèrent souvent les missions de sécurité publique, que dans l'opinion publique, même si ces agents réalisent un métier difficile et indispensable ;
- le ministre de l'intérieur devrait répondre prochainement aux observations formulées par la Commission nationale de déontologie des services de sécurité dans son dernier rapport, qui ne correspondent pas toujours aux enquêtes approfondies réalisées en Guyane par les services de l'Inspection générale de la police nationale ; en tout état de cause, les services de police agissent toujours en matière répressive sous l'autorité du procureur de la République et, s'il existe des procédures particulières d'audition des étrangers en situation irrégulière, hors de la procédure de garde à vue et des garanties qu'elle comporte, afin de faire face à l'afflux du nombre d'étrangers en situation irrégulière et d'éviter un engorgement des procédures, c'est toujours dans l'intérêt des personnes concernées et avec leur accord ;
- concernant ce qu'il est convenu d'appeler le délit de solidarité, actuellement examiné à l'Assemblée nationale, il est clair qu'il ne jouera pas dans le cas d'une assistance humanitaire apportée à un étranger en situation irrégulière. Même dans les cas où la personne concernée est entendue dans le cadre d'une enquête, il n'existe aucun exemple d'une personne poursuivie ou condamnée pour avoir porté secours à un étranger en situation illégale.
a considéré qu'une application stricte de ce délit de solidarité pourrait conduire à faire de la société guyanaise un Etat policier, compte tenu du nombre important d'étrangers en situation irrégulière.
Interrogé par Mme Lucienne Malovry sur le nombre de récidive en matière d'immigration clandestine outre-mer, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a estimé que malgré l'absence d'études précises sur cette question, le phénomène était certainement important.
Observant que l'immigration clandestine se manifestait soit par un franchissement illégal de la frontière, soit par une arrivée régulière suivie d'un maintien sur le territoire après expiration du titre de séjour, M. Daniel Marsin s'est interrogé sur la possibilité de mettre en place un système d'enregistrement des entrées et des sorties du territoire.
En réponse, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a indiqué que la mise en place d'un tel système, utilisant la technique de la biométrie, était à l'étude au sein de l'Union européenne et qu'une expérimentation était actuellement conduite à La Réunion, avec l'accord de la CNIL.
Puis la mission a entendu M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer.
Après que M. Serge Larcher, président, eut rappelé que la réforme constitutionnelle du 18 juillet 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République avait offert aux départements et régions d'outre-mer des facultés nouvelles en matière d'organisation institutionnelle et statutaire et qu'une réforme des structures de l'Etat concernant l'outre-mer était engagée depuis près de deux ans, M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a rappelé que depuis lors la Constitution offrait aux collectivités territoriales d'outre-mer la possibilité d'être régies par deux régimes juridiques : celui de l'article 73 et celui de l'article 74, le statut de collectivité d'outre-mer ne devant pas apparaître comme un statut mineur.
Il a souligné que le changement éventuel de statut des départements d'outre-mer n'avait aucune incidence sur l'appartenance de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne prévu par l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne.
Evoquant les possibilités d'évolution ouvertes par l'article 73, il a indiqué que ce dernier permettait en premier lieu la création d'une assemblée commune aux collectivités départementale et régionale, la question du mode de scrutin devant être appliquée à une telle assemblée restant néanmoins posée, puisque dans sa décision du 2 novembre 1982, le Conseil constitutionnel avait censuré l'évolution institutionnelle envisagée par le législateur en raison du mode de scrutin retenu. Il a néanmoins estimé que le mode de scrutin choisi dans le cadre de l'article 73 pourrait comporter des adaptations par rapport au droit commun.
Il a souligné que l'article 73 permettait, en second lieu, de substituer au département et à la région une collectivité unique, le législateur bénéficiant dans ce cadre d'une très grande liberté pour mettre en place une organisation institutionnelle spécifique, citant la possibilité d'un exécutif collégial responsable devant une assemblée délibérante ou l'attribution à la collectivité unique de compétences plus étendues que celles actuellement dévolues aux départements et à la région.
Analysant les facultés d'évolution offertes par l'article 74 de la Constitution, M. Stéphane Diémert a fait observer que la liberté du législateur était encore plus importante puisque s'imposait seulement à lui le respect des principes constitutionnels communs ainsi que des compétences régaliennes mentionnées par la Constitution. Il a précisé que, pour le reste, l'organisation institutionnelle pouvait être librement définie, que le régime législatif pouvait être celui de l'identité législative -à l'instar de Saint-Pierre-et-Miquelon ou Saint-Barthélemy-, ou de l'autonomie législative -à l'exemple des îles Wallis et Futuna ou de la Polynésie française-, et que la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité pouvait contribuer à donner une plus grande part à la collectivité, comme en Polynésie, ou à l'inverse à l'Etat. Il a précisé que si l'article 74 permettait de s'affranchir totalement du principe d'identité législative, il ne permettait pas à la collectivité de s'auto-organiser.
Il a indiqué qu'en cas de transfert à la collectivité de compétences dans des domaines relevant du champ d'application du droit communautaire, la collectivité devenait elle-même responsable de la bonne exécution des obligations européennes.
Il a souligné qu'en général les collectivités relevant de l'article 74 bénéficiaient de l'autonomie fiscale et avaient des relations financières spécifiques avec l'Etat, évoquant sur ce point la situation de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Il a ajouté que la question d'une telle autonomie pouvait néanmoins se poser différemment sur un plan politique pour des collectivités plus largement peuplées, telles que les départements d'outre-mer.
Abordant les modalités procédurales permettant l'évolution institutionnelle et statutaire des collectivités territoriales d'outre-mer, M. Stéphane Diémert a souligné que la Constitution organisait une consultation obligatoire des électeurs des collectivités concernées soit dans le cadre d'une évolution à l'intérieur de l'article 73, soit à l'occasion d'un changement de régime pour passer de l'article 73 à l'article 74 ou inversement. Il a précisé que la décision de consultation des électeurs relevait du pouvoir du Président de la République, le Conseil d'Etat exerçant un contrôle juridictionnel restreint sur la question posée aux électeurs.
Il a suggéré que, lors des prochaines demandes d'évolution statutaire ou institutionnelle, les référendums portent non sur une question unique mais sur deux questions distinctes, à l'instar de ce qui avait été soumis aux électeurs lors du référendum du 21 octobre 1945 sur les pouvoirs de l'assemblée nouvellement élue. Il a estimé que rien n'interdirait qu'une première question adressée aux électeurs porte sur un éventuel changement statutaire et que, en cas de réponse négative à cette interrogation, une seconde question permette aux électeurs de se prononcer sur une évolution institutionnelle dans le cadre de l'article 73.
A une question de M. Eric Doligé, rapporteur, sur les demandes d'évolution statutaire ou institutionnelle exprimées dans les différents départements d'outre-mer, M. Stéphane Diémert a rappelé que Mayotte venait de se prononcer pour sa transformation en un département d'outre-mer et, qu'à l'inverse, La Réunion ne semblait pas souhaiter modifier ses institutions, alors qu'en Martinique et en Guyane, une volonté d'être soumis à l'article 74 s'exprimait. Il a indiqué qu'aucune position officielle n'avait été exprimée en Guadeloupe en dépit de l'orientation de certains élus en faveur d'une évolution institutionnelle ou statutaire.
ayant demandé si le maintien du statut communautaire des départements d'outre-mer en cas d'évolution statutaire était soumis au respect de certaines conditions, M. Stéphane Diémert a insisté sur le fait que le passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74 était sans conséquence sur le statut européen des départements d'outre-mer, soulignant que l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne faisait référence aux départements d'outre-mer en tant qu'entités géographiques ; M. Serge Larcher, président, a ajouté que le traité de Lisbonne avait substitué aux départements d'outre-mer une référence expresse à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.
a en revanche souligné que la transformation statutaire pouvait avoir des conséquences pour l'application du droit communautaire, la collectivité ayant l'obligation de respecter les dispositions du droit communautaire relevant de son domaine de compétences, illustrant son propos par l'exemple de Saint-Barthélemy, compétent dans le domaine de l'environnement. Il a précisé que, au regard du droit communautaire, l'Etat restait responsable de la mauvaise application des prescriptions communautaires par une collectivité relevant de l'article 74 et que, corrélativement, la loi statutaire devait prévoir un pouvoir de substitution du représentant de l'Etat en cas de défaillance de la collectivité.
s'étant interrogé sur la différence conceptuelle entre évolution statutaire et évolution institutionnelle, M. Stéphane Diémert a répondu que l'évolution statutaire visait un changement de régime, c'est-à-dire un passage de l'article 73 vers l'article 74 ou inversement, tandis que la notion d'évolution institutionnelle recouvrait les modifications intervenant dans le cadre soit de l'article 73, soit de l'article 74.
A la question de M. Daniel Marsin sur les effets d'un changement de statut pour l'application des dispositions de droit commun relatives à la santé, au travail et à la protection sociale, M. Stéphane Diémert a précisé que le transfert de la compétence en ces matières devait être traité au cas par cas par le statut de chaque collectivité, en précisant que ces matières continuaient à relever de la compétence de l'Etat à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nonobstant leur transformation récente en collectivité d'outre-mer.
a regretté que les consultations des électeurs intervenues en 2003 en Guadeloupe et en Martinique sur la question d'une éventuelle évolution institutionnelle se soient adossées à des questions qui n'avaient pas permis à la population de se prononcer en connaissance de cause sur l'étendue des compétences transférées.
a indiqué que, dans un avis rendu en 2003, le Conseil d'Etat avait estimé qu'il n'appartenait pas au Gouvernement de soumettre à la consultation des électeurs une question détaillant les orientations retenues dans le cadre du futur statut, une telle possibilité étant jugée comme attentatoire à la loyauté de la consultation référendaire.
Il a néanmoins précisé qu'en vue de ces consultations les élus de Martinique et de Guadeloupe avaient élaboré des documents d'orientation dont les termes avaient été rappelés par le Gouvernement à l'occasion du débat intervenu au Sénat et à l'Assemblée nationale, préalablement à ces consultations.
s'est demandé si le fait de doter une collectivité de l'autonomie fiscale avait pour effet de faire perdre à celle-ci les avantages dont elle peut actuellement bénéficier dans le cadre de l'article 73.
a précisé que la transformation d'un département d'outre-mer en une collectivité régie par l'article 74 n'imposait pas nécessairement de doter cette dernière de l'autonomie fiscale.
a souligné que la question essentielle était celle de l'ampleur et de la nature des compétences transférées à la collectivité, M. Jean-Paul Virapoullé rappelant que certaines matières énumérées par l'article 74 de la Constitution ne pouvaient faire l'objet d'un transfert.
l'ayant interrogé sur le calendrier de consultation des électeurs dès lors qu'un document d'orientation était adopté par les élus, M. Stéphane Diémert a indiqué que cette décision relevait du président de la République, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe de l'Assemblée nationale et du Sénat.
s'interrogeant sur l'intérêt que présente le passage du régime de l'article 73 vers celui de l'article 74, compte tenu des larges facultés d'adaptation offertes par l'article 73, M. Stéphane Diémert a indiqué que les deux régimes pouvaient permettre d'aboutir à des organisations institutionnelles très proches, avec toutefois deux différences : la nécessité d'adopter une loi organique statutaire dans le cadre de l'article 74 et l'impossibilité de remettre en cause le principe de l'assimilation législative, du fait de sa portée constitutionnelle, dans le cadre de l'article 73.
A M. Georges Patient qui s'inquiétait du régime applicable aux communes dans le cadre statutaire de l'article 74, M. Stéphane Diémert a souligné que se posait effectivement la question de savoir comment accorder aux communes le même principe de libre administration que celui reconnu par l'article 72 de la Constitution. Il a jugé nécessaire, pour les statuts de ces collectivités, de prévoir expressément le bénéfice de ce principe pour les communes situées sur leur territoire.
a relevé que cette problématique était présente en Polynésie française, tout en soulignant que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer venait, lors de son examen à l'Assemblée nationale, de procéder à la validation d'une ordonnance réformant le régime communal dans cette collectivité, texte pourtant devenu caduc faute d'avoir fait l'objet d'une ratification expresse dans les conditions prévues par l'article 74-1 de la Constitution. Il lui a semblé que ce procédé était juridiquement inacceptable, même si sur le fond les modifications opérées par l'ordonnance étaient pertinentes.
a indiqué que le retard pris pour ratifier ce texte, qui s'expliquait en partie par la faiblesse des moyens dévolus au secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer, ne devait pas masquer les évolutions permises par l'ordonnance, qui permettait de mettre fin à l'application du régime de tutelle administrative s'exerçant sur les communes polynésiennes, en complet décalage avec la situation de l'ensemble des autres communes françaises depuis 1982. Il a estimé que rien n'interdisait au Parlement de procéder à une telle mesure de validation, dans le respect de l'autorité de la chose jugée.
Puis M. Serge Larcher, président, a demandé si, dans le cadre de l'évolution statutaire des départements d'outre-mer, il serait possible de s'inspirer du régime spécifique imaginé pour la ville de Paris.
a répondu que l'organisation de la ville de Paris résultait de contraintes spécifiques, notamment des compétences accordées au préfet de police, et que le système institutionnel retenu ne lui semblait pas entièrement transposable outre-mer.
A M. Georges Patient qui s'interrogeait sur les suites qui seraient données, pour l'outre-mer, aux propositions d'évolution institutionnelle énoncées par le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Edouard Balladur, M. Stéphane Diémert a indiqué que si ce comité avait proposé l'institution, dans les départements et régions d'outre-mer, d'une assemblée unique, l'évolution institutionnelle outre-mer était désormais déconnectée de celle de la métropole, même si la question du mode de scrutin retenu en cas de fusion des élections des conseillers régionaux et départementaux, proposé par le comité, aurait sans doute une incidence sur les choix opérés par la suite dans les départements d'outre-mer.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Colin Niel, chef de bureau des parcs nationaux et des réserves à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT).
a rappelé qu'il a été rapporteur des travaux du comité opérationnel (dit « COMOP 27 ») consacré à l'outre-mer tenu en juillet 2008 et présidé par Mme Nassimah Dindar, Présidente du conseil général de La Réunion.
Il a précisé que le COMOP 27 avait pour objet la déclinaison opérationnelle des sept engagements du Grenelle spécifiques à l'outre-mer (engagements 174 à 180), présentés de manière détaillée dans le document de référence « Vers un outre-mer exemplaire », ainsi que le suivi des actions spécifiques à l'outre-mer, issues des autres engagements du Grenelle et sous la responsabilité d'autres COMOP.
Il a aussi indiqué que, compte tenu du champ d'action très large couvert par le COMOP 27, les travaux s'étaient organisés en ateliers reprenant les engagements du Grenelle et auxquels avaient participé des élus et personnalités d'outre-mer.
Après avoir cité les atouts représentés par l'outre-mer pour la France, en termes de superficie maritime et de biodiversité notamment, et relevé que 14 des éco-régions françaises étaient situées outre-mer, il a évoqué les nombreuses contraintes pesant sur elles : risques naturels, effets du changement climatique, retard des infrastructures, dépendance énergétique...
Enfin, il a énuméré les huit domaines sur lesquels les propositions du COMOP s'étaient concentrées (l'énergie, les déchets, les risques naturels, la biodiversité, les activités extractives, les eaux, la pollution et la santé), soit un coût total, pour la période des cinq années de mise en oeuvre du Grenelle, estimé à 1,6 milliard d'euros.
Répondant à M. Eric Doligé, rapporteur, sur le risque d'un conflit d'intérêts entre les territoires, ceux à protéger et ceux à développer, M. Colin Niel a réfuté l'idée d'une opposition entre protection et développement dans le domaine des espaces protégés, citant l'exemple des parcs naturels régionaux qui marient les deux problématiques, avec un centre protégé et la périphérie accueillant les activités de développement.
a proposé de valoriser l'outre-mer dont le patrimoine est trop ignoré en partant d'une évaluation préalable et complète par des experts, par exemple ceux de la Commission européenne, afin de mieux déterminer les moyens à engager ; il a demandé si le parc régional à La Réunion pouvait être un obstacle au développement agricole local.
a rappelé que ce projet était largement porté par des élus locaux et qu'il existait de nombreux exemples de valorisation économique à partir d'un parc régional, citant notamment le cas de la Guadeloupe.
A M. Georges Patient qui regrettait que la Guyane soit mise « sous cloche », 50 % au moins du territoire étant interdit d'exploitation des ressources naturelles pour des raisons environnementales, et qui a rappelé que le schéma minier, du fait de son élaboration par l'Etat et non par les élus locaux, était largement rejeté par ces derniers, M. Colin Niel a indiqué que la planification dans ce domaine était un processus de long terme.
Enfin, M. Jean-Paul Virapoullé a insisté sur le fait que l'outre-mer vivait « un tournant » de son histoire nécessitant une évolution rapide des mentalités et sur la nécessité absolue d'une évaluation préalable en vue d'une valorisation effective de ses atouts.
Puis la mission a auditionné M. Jean-Pierre Bastié, inspecteur général de l'agriculture, qui a précisé d'emblée la position atypique de la Mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer (ML-DOM) qu'il dirige auprès de l'administration centrale du ministère de l'agriculture et de la pêche, celle-ci étant chargée d'apporter un appui fonctionnel au cabinet et de coordonner l'action des directions générales du ministère sur les questions de l'outre-mer. A titre personnel, M. Richard Samuel lui a aussi confié, dans le cadre des Etats généraux de l'outre-mer, la fonction de rapporteur sur le sujet des produits locaux.
S'agissant des secteurs de l'agriculture et de la pêche, M. Jean-Pierre Bastié a précisé l'importance de l'outil que représente le programme POSEI pour la France, doté par l'Europe de 273,4 millions d'euros par an et non limité dans sa durée.
Après avoir évoqué les faiblesses de l'outre-mer, il a mis en exergue ses forces : une croissance et un niveau de qualification supérieurs à la majorité des pays voisins, l'opportunité d'exporter vers le marché européen, un réel savoir-faire dans des productions agricoles respectant les normes environnementales, le rôle des centres de recherche et des connaissances dans le domaine phytosanitaire...
En ce qui concerne les outils disponibles, outre le programme POSEI, il a évoqué le programme de développement rural qui permet de verser environ 200 millions d'euros par an aux DOM, les contrats de projet Etat-Région (13 millions d'euros) et le l'ODEADOM (6 millions d'euros). Il a également cité la caisse de développement de l'aménagement rural, les pôles d'excellence rurale et les pôles de compétitivité, même si la situation est variable selon les DOM.
Cependant, M. Jean-Pierre Bastié a dressé un constat très alarmant concernant l'évolution de la surface agricole utile (SAU), en recul partout dans les DOM à l'exception de la Guyane, en raison du phénomène de concentration des exploitations et de la diminution du poids relatif de l'agriculture face à la tertiarisation.
Quant à la loi LODEOM, il a salué les avancées que constituent la meilleure valorisation des écoproduits agricoles et l'aide pour baisser les surcoûts des intrants, en plus de l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti et le dispositif de défiscalisation des investissements, tout en appelant à la vigilance sur les décrets d'application à venir.
Pour le développement économique des DOM, M. Jean-Pierre Bastié a insisté sur l'importance de trois sujets :
- la politique de recherche et de développement : le rôle des instituts tels que l'IRA ou le CIRAD et du FEDER est important mais des problèmes de méthode et de valorisation persistent ; il faudrait aider les chambres d'agriculture à mieux exprimer les besoins et mettre en place un projet global de formation ; les lycées professionnels pourraient être dotés de conseils exécutifs et créer des pépinières de jeunes agriculteurs, par exemple ;
- le foncier : la situation est gravissime aux Antilles et on considère que, dans vingt ou trente ans, il n'y aura plus de SAU (surface agricole utile), d'où la nécessité d'un véritable « plan Marshall du foncier », alors même qu'il existe des outils comme les SAFER ; il faudrait généraliser la création d'observatoires du foncier et accompagner la reconversion des agriculteurs victimes du chlordécone ;
- les financements : il faudrait étendre les dispositifs métropolitains qui n'existent pas pour l'outre-mer (fonds de garantie, capital risque, prêts bonifiés, dotations jeunes agriculteurs...).
A cet égard, il a estimé que les Etats généraux étaient très importants pour faire mûrir un projet de développement endogène bénéficiant d'un appui public plus performant.
Puis M. Jean-Pierre Bastié a évoqué la question des biocarburants qui a fait l'objet d'une étude des Mines en 2006 (rapport Dupré), concluant en faveur du développement de la bagasse et de la filière bois, surtout en Guyane qui a un potentiel énorme et a fait un vrai travail de certification.
Répondant aux questions de M. Eric Doligé, rapporteur, il a insisté sur la gravité de la situation foncière, rappelant qu'une construction nouvelle sur deux en Guadeloupe était réalisée sans permis de construire.
a déploré que 75 % des agriculteurs guyanais n'aient pas de titre foncier, lourd handicap pour l'obtention de prêts, et a rappelé que la surface agricole utile représentait 25 000 ha, soit 0,30 % du territoire.
a jugé qu'il y a un besoin d'évaluation des atouts et des handicaps de l'outre-mer, citant l'exemple de La Réunion, qui est passée d'un système de monoculture à la diversification « à la manière bretonne » et à l'agrotourisme. Il a suggéré l'organisation d'une conférence inter-DOM pour mettre en commun les expériences réussies, les évaluer et les décliner en termes de moyens (formation, foncier, financement). Il a considéré que les défaillances de l'Etat en matière d'évaluation des potentiels de l'outre-mer illustre le fait que celui-ci « ne croit pas en l'outre-mer ». Il a proposé la création d'un fonds capital risque défiscalisé et le développement de la mobilité des jeunes avec des stages d'élèves issus des lycées professionnels de métropole.
Enfin, la mission a entendu M. Christian Vitalien, professeur associé à l'université des Antilles et de la Guyane.
a interrogé M. Christian Vitalien sur les possibilités d'évolution institutionnelle et statutaire offertes par la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2003.
a expliqué que la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République permettait d'envisager quatre scenarii d'évolution pour les départements et collectivités d'outre-mer.
Il a indiqué en premier lieu que l'article 73 de la Constitution répondait aux difficultés posées dans les départements et régions d'outre-mer par l'existence de deux assemblées délibérantes distinctes, en offrant la possibilité de mettre en place une assemblée unique, commune au département et à la région, dotée d'une dualité fonctionnelle. Il a précisé que la question du mode d'élection devant être retenu pour cette assemblée unique se posait dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait sanctionné le mode de scrutin spécifique envisagé par le législateur en 1982.
Il a exposé que l'article 73 permettait, en second lieu, de fusionner les collectivités départementale et régionale en créant une collectivité unique exerçant les compétences du département et de la région. Il a rappelé que cette fusion avait été proposée en 2003 aux électeurs de la Guadeloupe et de la Martinique mais s'était soldée par un refus.
Il a précisé qu'en tout état de cause l'article 73 ne permettait pas de déroger au principe d'assimilation législative, bien que dans des domaines spécifiques certaines mesures relevant du domaine de la loi puissent être exercées par la collectivité.
Evoquant les évolutions statutaires autorisées par l'article 74 de la Constitution, M. Christian Vitalien a rappelé que le régime des collectivités d'outre-mer avait été créé en 2003 afin de mettre en place un « moule unique » rassemblant les anciens territoires d'outre-mer, caractérisés par une grande diversité de statuts. Il a précisé que cette disposition permettait à des départements d'outre-mer de se transformer en collectivités d'outre-mer, ce qui implique en particulier l'adoption d'une loi organique définissant leurs statuts. Il a indiqué que cette loi organique avait pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles la loi et les règlements doivent s'appliquer sur le territoire de la collectivité, soit dans le cadre d'un régime d'identité législative, soit dans celui d'un régime de spécialité législative.
Il a fait observer que l'article 74 offrait une très grande souplesse puisque le statut de la collectivité pouvait donner à celle-ci une compétence de principe, l'Etat ne disposant alors que d'une simple compétence d'attribution, comme c'est le cas en Polynésie française, ou pouvait au contraire retenir un principe d'assimilation en prévoyant l'octroi à la collectivité de simples compétences d'attribution, à l'instar de ce qui a été prévu à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Il a également précisé que l'article 74 permettait de créer des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, ce qui lui semblait constituer une catégorie spécifique de collectivités.
a ensuite estimé qu'il subsistait encore, dans les discours officiels, une équivoque sur les incidences d'un changement de statut des départements d'outre-mer quant à leur appartenance à la catégorie des régions ultrapériphériques de l'Union européenne. Il a mis en exergue le fait qu'une modification statutaire n'avait, en elle-même, aucune incidence sur le statut communautaire d'une collectivité située outre-mer, mais qu'en revanche l'étendue des compétences transférées pouvait conduire une collectivité à perdre son statut de région ultrapériphérique. Il a expliqué que tel était le cas si le statut de la collectivité transférait à celle-ci l'exercice de compétences dévolues à l'Union européenne. Il a souligné que le statut de Saint-Barthélemy prévoyait ainsi qu'en cas de transfert à cette collectivité de la compétence douanière, Saint-Barthélemy deviendrait un pays et territoire d'outre-mer au sens du traité instituant la Communauté européenne.
Il a donc conclu qu'il n'y avait pas d'effet mécanique associé à un changement de statut et que tout dépendait des dispositions particulières de la loi organique.
Après avoir rappelé que des volontés d'évolutions institutionnelle et statutaire avaient surgi dès 2003 en Martinique et en Guadeloupe mais s'étaient alors heurtées au refus des électeurs, M. Christian Vitalien a précisé que des demandes d'évolution étaient à nouveau aujourd'hui formulées en Martinique et en Guyane.
Il a précisé qu'en Guyane, premier département à avoir historiquement souhaité voir son organisation institutionnelle évoluer, le congrès des élus régionaux et départementaux avait adopté un avant-projet de document d'orientation, le 18 décembre 2008, envisageant la transformation de la Guyane en une collectivité unique régie par l'article 74 de la Constitution.
S'agissant de la Martinique, il a indiqué que le congrès des élus avait adopté également, le 12 janvier 2009, le principe d'une évolution statutaire dans le cadre de l'article 74, sans que la question de savoir si la nouvelle collectivité serait dotée de l'autonomie ait été précisée.
Il a indiqué qu'en cas de transformation en collectivité d'outre-mer se posait la question de savoir si le statut envisagé pouvait donner compétence à la collectivité pour prendre des mesures destinées à protéger l'emploi local ou à limiter les acquisitions foncières. Il a souligné que ce type de dispositions figurait déjà dans le statut de certaines collectivités d'outre-mer, telles que la Polynésie française s'agissant de l'emploi local et Saint-Barthélemy et Saint-Martin s'agissant de l'acquisition de biens fonciers. Il a cependant fait observer que le Conseil constitutionnel n'autorisait ce type de dispositions que dans la mesure où elles respectaient le principe d'égalité des citoyens devant la loi et étaient conformes aux obligations internationales de la France. Or, il a précisé que certaines règles du droit communautaire, à commercer par le principe de libre circulation, semblaient mettre en cause ce type de dispositif.
A l'interrogation de M. Daniel Marsin sur le contenu de la distinction souvent faite entre évolution institutionnelle et évolution statutaire, M. Christian Vitalien a rappelé que cette distinction avait été initiée historiquement dans les Antilles afin de différencier les modifications qui n'avaient pour objet que de modifier a minima l'organisation institutionnelle actuelle de celles qui tendaient à un bouleversement institutionnel. Il a toutefois précisé que ce type de distinction répondait à des considérations, non juridiques, mais politiques. Il a indiqué qu'aujourd'hui les juristes estimaient être en présence d'une évolution institutionnelle lorsqu'une modification des structures était envisagée sans remise en cause des conditions d'application de la loi nationale sur le territoire, tandis que le passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74, ou inversement, pouvait être qualifié d'évolution statutaire.
a indiqué que les élus guyanais s'interrogeaient sur la possibilité de voir la Guyane se transformer en une collectivité sui generis, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie.
a souligné que l'article 74 permettrait de doter la Guyane d'un statut très particulier et distinct des autres statuts existants. Rappelant que la Nouvelle-Calédonie disposait d'un statut constitutionnel propre, il a souligné que le recours à une collectivité sui generis impliquerait une révision constitutionnelle et ne se justifierait que si le cadre juridique et institutionnel s'écartait résolument des contraintes prévues par la Constitution.
a fait observer que le débat public organisé en Guyane sur l'évolution statutaire avait fait naître l'hostilité d'une certaine partie de la population, avec la crainte souvent exprimée qu'une plus grande autonomie ne conduise à l'indépendance pure et simple, n'aboutisse à la perte des avantages sociaux, ne réduise les ressources des collectivités locales, n'entraîne la perte du statut de région ultrapériphérique et n'aboutisse à favoriser l'immigration illégale en raison du désengagement de l'Etat.
a répondu que les compétences de police n'étaient pas transférables et resteraient, en tout état de cause, du ressort de l'Etat, quelle que soit l'évolution statutaire envisagée. S'agissant de la question de la perte des avantages acquis, il a rappelé que cette crainte avait déjà été exprimée en 1982 et qu'il convenait de faire un travail de pédagogie vis-à-vis de la population, l'évolution statutaire n'impliquant pas la suppression de l'application des lois sociales dans la collectivité. Il a précisé que les statuts de Saint-Barthélemy et Saint-Martin avaient maintenu un principe d'assimilation législative s'agissant des droits sociaux et qu'une collectivité pouvait, bien entendu, choisir de récupérer la compétence en matière sociale, comme l'avait fait la Polynésie française, mais que cela nécessitait de prendre la mesure des moyens nécessaires. Il a expliqué que les lois organiques statutaires prévoyaient généralement, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, des mécanismes de compensation mais que cela n'exonérait pas de la mise en place de services spécifiques.
a rappelé qu'en matière institutionnelle La Réunion avait adopté une approche très prudente, les Réunionnais aspirant à un cadre institutionnel stable, et a qualifié cette approche de raisonnable et volontariste. Demandant si, hors la compétence douanière, d'autres transferts étaient susceptibles d'entraîner la déchéance de la qualité de région ultrapériphérique (RUP), M. Christian Vitalien lui a répondu que l'ensemble des compétences relatives à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux étaient concernées.