La commission a procédé à l'audition de MM. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul Briet, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS), venus présenter les conclusions de leur rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire, remis aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi qu'au haut commissaire en charge des solidarités actives contre la pauvreté.
a souligné que bien que l'analyse de certains aspects du sujet n'ait pas pu être approfondie faute de temps ou en raison de l'absence d'informations, notamment dans le domaine hospitalier, ce rapport permet d'éclairer les enjeux liés à l'instauration d'un bouclier sanitaire et les principales difficultés à surmonter pour sa mise en oeuvre.
Ce mécanisme a pour objectif de garantir aux assurés que leur participation à leurs propres dépenses de soins médicaux sera plafonnée. Au-delà d'un certain seuil, en effet, leurs dépenses de santé seraient intégralement prises en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression de « bouclier sanitaire ».
Ceci étant, le système d'assurance maladie permet déjà la prise en charge des dépenses de santé les plus onéreuses, comme celles liées aux affections de longue durée ou aux dépenses hospitalières, mais il recèle parfois quelques imperfections : par exemple, un malade hospitalisé sur une longue durée doit régler des forfaits journaliers dont le total cumulé peut atteindre une somme importante.
Il est vrai que cette situation ne concerne qu'une minorité de personnes, celles qui ne sont pas couvertes par un régime d'assurance complémentaire, soit environ 8 % des assurés. Pour les autres, en effet, le « reste à charge » qui n'est pas pris en compte par le régime obligatoire d'assurance maladie est remboursé, en tout ou partie, par les assureurs complémentaires.
L'intérêt du bouclier sanitaire serait donc de limiter le montant des dépenses restant à la charge des assurés. Cet objectif suppose de définir ses modalités d'application, et notamment de décider si le plafond doit être unique ou modulé en fonction des revenus de l'assuré.
Aujourd'hui, la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources. Faire varier le bouclier sanitaire en fonction des ressources constituerait une mutation profonde du système d'assurance maladie, mais permettrait aussi d'assurer une meilleure couverture des assurés les plus modestes. Une décision aussi importante relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.
a observé que la mise en oeuvre du bouclier sanitaire aura des effets sur l'offre des assureurs complémentaires. Aujourd'hui, les contrats « Santé » proposés par les assureurs sont tarifés en fonction du risque, principalement l'âge, et non en fonction du revenu : les personnes âgées supportent les cotisations les plus élevées. Le législateur a d'ailleurs ébauché, notamment depuis 1991, les contours d'une protection spécifique de ces assurés en prévoyant que leurs cotisations ne doivent pas être plus de trois fois supérieures à celles des plus jeunes.
La mise en oeuvre du bouclier sanitaire va conduire les assureurs à modifier leur politique tarifaire pour tenir compte des nouvelles modalités de prise en charge des assurés par le régime obligatoire d'assurance maladie, ce qui devrait faciliter l'accès des ménages les plus modestes à une couverture santé complémentaire.
a observé que le bouclier sanitaire a vocation à se substituer à tous les dispositifs d'exonération de ticket modérateur existants, et donc au plus important d'entre eux : celui dont bénéficient les patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD).
Le système actuel des ALD est conçu dans un double objectif : éviter aux malades de supporter une charge financière excessive, de nature à restreindre l'accès aux soins dont ils ont besoin ; grâce au protocole instauré par la loi du 13 août 2004, assurer l'insertion de ces patients dans le parcours de soins coordonné.
Or, bien qu'ils soient exonérés de ticket modérateur, les patients souffrant d'une ALD supportent un reste à charge très élevé, supérieur à 600 euros par an pour un million d'entre eux. Ce dispositif de protection des assurés ne remplit donc qu'imparfaitement son rôle et justifie qu'on envisage de déterminer le montant de la participation de l'assuré sans prendre en compte le critère médical. Le bouclier sanitaire permet justement d'aborder cette question sous un angle social, à charge pour les autorités sanitaires d'organiser la prise en charge du patient autour du médecin traitant.
Ce dispositif pourrait être mis en oeuvre à compter du 1er janvier 2010, ce qui suppose d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de savoir gérer chaque dossier en temps réel pour que la prise en charge intégrale des dépenses de santé s'applique dès le plafond atteint, et d'intégrer dans le système d'information de l'assurance maladie les éléments relatifs aux revenus des assurés.
Dans ce contexte, le bouclier sanitaire est de nature à améliorer la prise en charge des assurés les plus modestes, ce dont il faudra informer clairement les assurés pour qu'ils ne s'inquiètent pas de ces modifications de l'architecture du système d'assurance maladie.
La Belgique et la République fédérale d'Allemagne ont su mettre en oeuvre des dispositifs de ce type sans déclencher l'hostilité des assurés disposant des revenus les plus élevés.
a estimé que le dispositif ALD n'assure aux patients ni une prise en charge sanitaire optimale, ni une couverture suffisante de leurs dépenses de santé, notamment pour les assurés à revenus modiques, dénués d'assurance santé complémentaire. Le bouclier sanitaire constitue bien une réponse qui relève plus du domaine social que sanitaire. Ceci étant, la complexité technique du dossier suscite des réserves sur la possibilité de déployer ce bouclier en deux ans.
A son tour, M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a douté de la capacité des opérateurs à mettre en oeuvre le bouclier sanitaire avant le 1er janvier 2010. Il s'est interrogé sur la manière dont s'articuleraient ce bouclier sanitaire, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et le dispositif d'aide à l'acquisition d'une complémentaire réservée aux ménages modestes par crédit d'impôt.
a souligné le fait que 9 % des assurés hospitalisés aient à prendre à leur charge des dépenses supérieures à 1 000 euros, d'autant que les malades hospitalisés en longue durée ou en psychiatrie sont soumis à un dispositif complexe de reste à charge comprenant le ticket modérateur de 20 %, le ticket modérateur de 18 euros sur les actes importants et le forfait journaliser de 16 euros. Cette situation rend indispensable le plafonnement de la participation versée par les assurés dans le cadre d'une hospitalisation.
a rappelé son opposition aux mécanismes de franchise qui remettent en cause les principes de la sécurité sociale en rompant le principe de solidarité.
Il a observé que le dispositif du bouclier sanitaire ne prend pas en compte les dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins, qu'un récent rapport de l'Igas évalue à deux milliards d'euros. Ces pratiques tarifaires ont un impact important sur les dépenses demeurant à la charge des assurés : celles-ci sont alors évaluées, en moyenne, à 400 euros, contre 260 euros si l'on ne tient pas compte des dépassements. Dès lors, il convient que le bouclier sanitaire tienne compte de ces dépassements ainsi que des sommes restant à la charge des assurés dans le domaine de l'optique et des soins dentaires.
Il s'est étonné de ce que le bouclier sanitaire, dont l'objectif est d'assurer une meilleure protection des assurés les plus modestes, puisse être la cause d'une augmentation des dépenses demeurant à la charge des assurés.
a voulu connaître les modalités de financement de ce bouclier sanitaire.
s'est interrogée sur la contribution apportée par le bouclier sanitaire à la maîtrise des dépenses de santé. Elle a voulu connaître l'appréciation que MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet portent sur les propositions de bouclier sanitaire émises par le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
a estimé que le développement des aides permettant aux ménages les plus modestes d'accéder à une assurance complémentaire peut constituer une alternative à la mise en oeuvre du bouclier sanitaire, sans toutefois offrir les mêmes avantages.
Les propositions formulées dans le rapport n'entraînent pas de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie mais redistribuent, selon de nouveaux critères, le montant des dépenses demeurant à la charge des assurés. Elles ne constituent pas non plus une recette miracle pour résorber les déficits.
Enfin, la non-prise en compte des dépassements d'honoraires limite effectivement la protection offerte par le bouclier, sans qu'il soit possible d'y remédier dans l'immédiat. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé le montant annuel de ces dépassements à dix milliards d'euros et a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures pour limiter cette évolution des pratiques tarifaires, et en premier lieu dans les établissements de santé.