Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Réunion du 13 février 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • américain
  • littéraire
  • littérature
  • traduction
  • États-unis
  • éditeurs

La réunion

Source

La commission a procédé, tout d'abord, à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 126 (2006-2007) relative à la création de l'établissement public CulturesFrance.

Debut de section - Permalien
Mm. Jacques Valade, Alain Dufaut, Ivan Renar

A l'article 2 (Missions de l'opérateur CulturesFrance), après un large débat auquel ont participé MM. Jacques Valade, président, Jacques Legendre, Alain Dufaut, Ivan Renar et Louis Duvernois, rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 1 du Gouvernement tendant à limiter l'exercice de la mission de CulturesFrance relative au soutien et au développement des expressions artistiques aux pays de la zone de solidarité prioritaire.

La commission a procédé ensuite à l'audition de Mme Emma Archer, directrice de la French-American Foundation (FAF), et de M. Fabrice Rozié, attaché du livre et des échanges intellectuels à l'ambassade de France aux Etats-Unis, sur les relations franco-américaines dans le secteur de l'édition.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

a indiqué que le poste d'attaché du livre à l'ambassade de France aux Etats-Unis avait été créé à l'automne 2004. Il a précisé que le marché américain du livre était très prospère et dynamique, même si les flux de traduction s'avéraient très inégaux. En effet, une enquête de 2004 montre que la part des traductions ne représente que 2,8 % du marché américain du livre, la place du français et de l'allemand étant réduite à 0,8 % du marché (répartie à parts égales entre ces deux langues).

Il a expliqué cette situation par le fait que la traduction représente un coût et une prise de risques supplémentaires pour les éditeurs, qui interviennent sur un marché régi par la concurrence et la rentabilité.

Il a souligné que les programmes, conduits en partenariat avec la fondation franco-américaine, tendaient à permettre aux éditeurs américains d'avoir une meilleure connaissance et un meilleur accès aux publications francophones. Il a évoqué aussi la création, par le ministère des affaires étrangères, d'un site Internet (Frenchbooknews) consacré à ce secteur et d'une lettre mensuelle d'information sur l'activité de publication, notamment dans les domaines de la littérature ainsi que des sciences humaines et sociales. Il a cité l'existence de deux programmes, le premier d'aide à la traduction et le second, plus récent, destiné à sensibiliser les professionnels américains à l'importance du développement de la traduction, en écho au festival littéraire créé il y a deux ans.

En effet, le secteur de la traduction souffre d'une crise, qui a provoqué la mobilisation de nombreux représentants des élites américaines. Cette situation est aussi à l'origine de l'organisation du voyage, à Paris et à Berlin, d'éditeurs et de journalistes américains, que les membres de la commission des affaires culturelles sont invités à rencontrer après l'audition.

Debut de section - Permalien
Emma Archer

a précisé que cette mission avait recherché une véritable mixité professionnelle en associant éditeurs, journalistes et traducteurs, et que les 9 participants avaient été sélectionnés sur une pluralité de critères, et notamment pour leur intérêt envers les traductions.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

a indiqué que la mission donnerait lieu à une conférence de presse organisée à New-York le 8 mars prochain. Il a précisé que, dans la composition de la délégation, un équilibre entre les générations avait été recherché, de façon à associer des personnalités émergentes dont on pouvait penser qu'elles étaient à l'orée d'une belle carrière, et des personnalités pleinement reconnues dans leur profession. Il a expliqué le choix de Berlin par la volonté de donner une dimension européenne à ce projet et de prendre en compte l'impact de la foire du livre de Francfort sur le marché mondial du livre.

Un débat a suivi cet exposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

a demandé des précisions sur la durée de vie moyenne d'un livre aux Etats-Unis, et sur les centres d'intérêt des lecteurs américains.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

a souhaité savoir par quelles voies s'opérait la promotion des livres aux Etats-Unis, et notamment le rôle éventuel que jouaient les émissions littéraires à la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

citant une information publiée dans un grand quotidien, s'est alarmé de la diminution des traductions étrangères de romans français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

s'est, à son tour, inquiété des informations faisant état d'une quasi-disparition des livres en français des rayons des librairies américaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

a souhaité savoir si la littérature canadienne d'expression française pâtissait de la même désaffection relative auprès des éditeurs et des lecteurs américains.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

En réponse aux intervenants, Mme Emma Archer et M. Fabrice Rozié ont apporté les précisions suivantes :

- la rotation des livres est rapide aux Etats-Unis ; les années 2004 et 2005 ont été particulières, du fait des succès du livre « Da Vinci Code », qui s'est prolongé sur de longs mois ; mais en 2006, un livre ne se maintient que pendant 1 à 4 semaines parmi les 100 titres les plus vendus ; aucun livre étranger n'y figure, à l'exception de rares traductions en collection de poche d'Elie Wiesel et de Paulo Coelho ; 4 auteurs français, dont Michel Houellebecq et Andreï Makine, ont cependant figuré dans les meilleurs livres de l'année sélectionnés par la presse ; le livre de Bernard-Henri Lévy, « Sur les traces de Tocqueville », a été bien médiatisé et sa version américaine a été publiée avant sa version française, mais la présence de l'auteur sur le territoire américain et sa capacité à s'exprimer en anglais, rare chez les auteurs français, explique cette situation particulière ;

- le livre en français souffre de la barrière de la langue, qui limite son auditoire aux Etats-Unis ; l'un des moyens de l'élargir consiste à faire intervenir les auteurs français devant un auditoire qui ne soit pas exclusivement composé d'anglophones, mais aussi de francophones ou d'hispanophones ;

- le livre et les médias aux Etats-Unis ont une relation autre que celle que l'on trouve en France ; tout d'abord, les Américains s'étonnent de l'interdiction de la publicité en faveur des livres et des films à la télévision française ; par ailleurs, les émissions américaines relèvent davantage des « talk shows » ; cependant, un effort pourrait être tenté en direction des radios, en associant plusieurs auteurs français autour de lectures de leurs textes qui seraient confiées à de grands acteurs américains ;

- le reproche le plus fréquent que les éditeurs font aux écrivains français est de ne pas savoir tourner une histoire avec un commencement, des péripéties et un dénouement ; pour le public américain, un bon livre, c'est d'abord une bonne histoire qui se prête ensuite à une adaptation cinématographique ; le lent questionnement, cher aux auteurs français, est pour eux déroutant ; ils ont en revanche apprécié que la dernière série des prix littéraires se soit largement ouverte à des écrivains francophones plus portés au récit et à la saga ;

- le poids relatif des traductions tend à se réduire aux Etats-Unis ; en France, la littérature étrangère traduite représente encore 40 % du marché du livre en France ;

- un projet récent se propose d'associer sur 7 nouvelles, 7 écrivains français qui en imagineront le début, et 7 américains qui en réaliseront la fin ; c'est une forme de jeu littéraire dont l'objet est de faire dialoguer deux imaginaires qui se cherchent ;

- les Américains sont particulièrement friands de livres aux sujets religieux, de biographies d'hommes politiques ou de sujets d'actualité liés par exemple à la guerre en Irak ;

- une comparaison personnelle entre les années 90 et aujourd'hui permet d'inférer la quasi-disparition des librairies indépendantes proposant des livres en français ; quelques grandes librairies continuent cependant de proposer quelques rayons français, mais dans les grandes villes seulement ; les Français vivant aux Etats-Unis achètent leurs livres à l'occasion de leur passage en France ou s'adressent aux réseaux de vente canadiens ;

- la littérature québécoise pâtit autant que la française de la barrière de la langue ;

- il reste cependant, aux Etats-Unis comme en France, un fort désir mutuel de traduction, car cette première étape est souvent le premier échelon pour une reconnaissance internationale.