Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 2 novembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le directeur général, l'Agence française de développement, dont vous assurez la direction générale depuis le mois de juin, est le principal opérateur de notre aide bilatérale au développement.

Vous avez été directeur délégué de la Caisse française de développement en 1993, il y a 17 ans. Depuis, la caisse est devenue l'AFD. Au-delà du changement de nom, cette institution a, aux dires de tous, profondément évolué.

L'AFD a multiplié par 4 le montant de ses interventions. Elle a considérablement diversifié ses instruments financiers. Elle a étendu la zone géographique dans laquelle elle intervient. Autrefois très concentrée sur l'Afrique où la Caisse française de développement est née, l'AFD est aujourd'hui présente sur tous les continents du Sud, l'Afrique bien sûr, mais également l'Asie et l'Amérique du Sud. L'agence a élargi ses secteurs d'intervention, en s'imposant notamment comme un opérateur central dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle s'est ouverte à de nombreux nouveaux partenaires français et étrangers.

Vous avez pu, depuis le mois de juin, mesurer la réalité de ces évolutions. Pouvez-vous nous dire celles qui vous ont le plus marqué ?

En matière budgétaire, vous nous décrirez la situation de votre agence. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. Quelles conséquences cette diminution a eu sur la programmation de l'AFD ?

Monsieur le directeur général, vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

L'AFD fonctionne comme une banque universelle de développement, avec diverse catégories de partenaires : les pays les moins avancés (PMA), les pays à revenus intermédiaires (PRI) et, depuis peu, les pays émergents, sans oublier les pays en voie de devenir émergents. On considère souvent que l'Agence n'a aucune limite géographique ou sectorielle. C'est une erreur. Le champ géographique des interventions de l'AFD est très précisément limité par sa tutelle, comme le sont les domaines d'intervention sectoriels dont sont notamment exclus la culture et l'enseignement supérieur. L'Agence a su augmenter fortement ses interventions pour un coût budgétaire très faible. J'ai hérité à ma venue à l'AFD d'un modèle économique performant que j'entends préserver. Dans le même temps, en accord avec mes autorités de tutelle, je souhaite que les éléments de concessionnalité présents dans les prêts aux pays émergents soient progressivement supprimés et concentrés vers l'Afrique sub-saharienne. J'ai proposé à mes autorités de tutelle que 80 % des dons gérés par l'AFD soient concentrés vers les 14 pays prioritaires et sur les secteurs de la santé et de l'éducation.

Dans le cadre du redressement des finances publiques, les moyens budgétaires provenant de l'Etat et mis à la disposition de l'AFD sont globalement satisfaisants. Les pouvoirs publics nous demandent en outre de faire, au même titre que les administrations, des efforts d'économies sur nos modes de fonctionnement. Dans cette perspective, l'AFD continuera à recruter mais diminuera ses frais de fonctionnement autres que ses frais de personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Il y a quelques mois, nous avons étudié le projet de document-cadre de coopération au développement qui devrait définir pour les dix ans à venir les principales orientations de notre politique de coopération. Nous avions, à cette occasion, fait part au ministre des affaires étrangères et à vous-même, lors de votre audition par la commission, de notre souhait que les moyens budgétaires de la coopération française soient recentrés sur l'Afrique subsaharienne.

Je suis heureux d'entendre que vous êtes attentif aux priorités que nous avons dégagées. Nous avions également pointé du doigt le fait que l'AFD utilisait des prêts concessionnels impliquant un élément de subvention pour intervenir en Chine, alors même que ce pays semble disposer des ressources pour assumer aujourd'hui lui-même le financement de son développement. Comme nous l'avons constaté lors de notre mission avec André Vantomme au Mali, les moyens de la coopération française en Afrique subsaharienne sont aujourd'hui très limités. Il est surprenant de constater que, dans un pays comme le Mali, avec lequel nous sommes liés par l'histoire, nous ne sommes plus que le dixième bailleur de fonds.

Je constate que l'AFD est devenu le principal opérateur français en matière de lutte contre le réchauffement climatique. J'aimerais savoir quelles sont, dans ce domaine, vos priorités et quelle est la répartition des rôles dans les négociations internationales entre l'AFD, le ministère de l'environnement, celui des affaires étrangères et celui des finances ?

Vous avez, à plusieurs reprises, affirmé votre priorité au soutien à l'agriculture africaine. Pouvez-vous nous dire comment se traduit concrètement cette priorité et quelle est l'articulation entre votre action et celle du Fonds international pour le développement agricole ?

Nous sommes beaucoup à penser que le décollage de l'Afrique doit passer par l'entreprise. L'AFD mène des programmes dans ce sens dans de nombreux pays d'Afrique. Pouvez-vous nous faire un bilan de ces initiatives ? Un des freins au développement est sans nul doute la mauvaise administration. Que fait l'AFD en matière de soutien à la gouvernance ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Il est important que l'AFD intervienne dans les pays émergents. D'une certaine façon, l'AFD poursuit ce qui, autrefois, relevait des projets financés sur protocole financier du Trésor. En revanche, l'utilisation de prêts bonifiés dans ces pays est en effet problématique au regard de la rareté des crédits budgétaires consacrés à l'aide au développement. Nous allons cesser progressivement la bonification des prêts dans ces pays, mais nous entendons continuer à être présents dans les pays émergents. L'AFD est en effet très sollicitée dans le domaine de la préservation de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le plan indonésien de préservation de l'environnement, élaboré conjointement avec la coopération japonaise, a été, en particulier, un succès tel que la banque asiatique de développement nous a demandé de présenter la démarche française dans ce domaine à l'occasion de sa prochaine assemblée annuelle.

Nous souhaitons être présents dans le domaine de l'agriculture en mobilisant notamment des entreprises françaises de la laiterie. Il y a au Mali un cheptel de 12 millions de bêtes, 30 millions au Sénégal. Et pourtant ces pays importent de la poudre de lait. L'AFD compte intervenir non seulement en soutien des Etats, mais également en soutien des entreprises locales. Financer directement des entreprises locales, dans le cadre de projets de développement permet notamment de contourner certains problèmes de gouvernance.

Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, l'AFD intervient aussi bien en Indonésie qu'au Mexique. L'expertise de l'AFD dans ce domaine est reconnue. C'est cette capacité de proposition qui a permis à l'AFD de suggérer l'engagement de la France en matière de biodiversité.

L'AFD a de nombreuses tutelles : le ministère des affaires étrangères bien sûr, celui des finances, mais également le ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sans oublier le ministère de l'outre-mer. C'est une situation peu confortable mais inévitable, compte tenu des missions de l'AFD qui sont au coeur de la politique étrangère de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Avant toute chose, je voudrais rappeler que notre commission a apporté une contribution à l'élaboration du document-cadre sur l'aide au développement, en présentant une cinquantaine de propositions, et je regrette que nous n'ayons toujours pas été informés des suites réservées à ces propositions.

Ma première question portera sur l'Afrique subsaharienne.

D'après un article paru récemment dans la presse, alors que les crédits d'intervention de l'AFD sont de 6,2 milliards d'euros, seulement 2,074 milliards d'euros seraient consacrés à l'Afrique subsaharienne. En outre, plus de 77 % des financements se feraient sous forme de prêts, les dons ne représentant que 8,5 %, le reste étant constitué à hauteur de 6,5 % par les participations, les garanties avec près de 5 % et les aides budgétaires autour de 2 %. Enfin, l'aide publique au développement est financée à hauteur de 5,4 milliards d'euros par des emprunts sur les marchés financiers, à hauteur de 476 millions d'euros par des aides pour les prêts bonifiés et à hauteur de 348 millions d'euros par des subventions de l'Etat.

Alors que le Gouvernement vient de demander à l'AFD de cibler davantage l'Afrique subsaharienne et d'augmenter la part des dons par rapport aux prêts, comment comptez-vous procéder concrètement pour parvenir à ces objectifs et selon quel calendrier ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Votre question est fondamentale. Je souhaite être parfaitement clair sur ce point.

Tout d'abord, ce n'est pas moi qui décide le montant des dons dévolus à l'AFD, qui résulte d'un arbitrage du Gouvernement, et je n'ai pas le pouvoir de transformer d'un coup de baguette magique les prêts en dons, même s'il est possible de faire des prêts à très forte concessionnalité qui s'apparentent à des dons.

D'après les derniers chiffres dont je dispose, le montant total des dons du ministère des affaires étrangères qui nous serait alloué devrait être de 205 millions d'euros.

Sur ce montant, l'AFD devrait proposer de consacrer 37 millions d'euros aux pays en crise, comme Haïti et les Territoires palestiniens, et 158 millions d'euros, soit 80 %, aux quatorze pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne, principalement dans deux secteurs prioritaires, la santé et l'éducation. Mais il ne s'agit là que d'une proposition de l'AFD et il faut encore qu'elle soit validée par les tutelles ministérielles, ce qui ne va pas de soi compte tenu des nombreuses sollicitations dont elles font l'objet.

Je suis donc convaincu de la nécessité de concentrer davantage les dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, et dans deux secteurs particuliers, la santé et l'éducation.

De même, je suis persuadé qu'il faut concentrer les prêts dans trois secteurs : l'agriculture, l'industrie agroalimentaire et les infrastructures, en particulier l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Il me semble qu'en 2009, 177,6 millions d'euros de dons étaient consacrés à l'Afrique subsaharienne.

A la conférence de Monterrey, les pays de l'OCDE avaient mis en avant une sorte de contrat avec les pays en voie de développement à travers lequel les pays de l'OCDE mobilisaient de nouveaux fonds pour atteindre les objectifs du millénaire en échange de quoi les pays en développement s'engageaient à mobiliser leur ressources fiscales pour participer de façon accrue à leur développement. De votre point de vue, y-a-t-il eu des progrès dans ce sens ? L'AFD mène-t-elle des actions pour aider les pays en développement à mettre en place un système fiscal qui puisse assurer à ces états des ressources pérennes ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Le sujet que vous évoquez relève davantage de la compétence des tutelles ministérielles que de l'AFD. C'est un débat que nous avons au sein de l'AFD dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan stratégique.

A titre personnel, je considère que certains sujets sur lesquels l'AFD intervenait dans les années 1950 ou dans les années 1990, notamment dans le cadre des plans d'ajustement structurel, ne sont plus toujours adaptés aujourd'hui et je considère que l'action de l'AFD devrait être davantage concentrée sur les projets créateurs de valeur ou d'emplois, outre l'utilisation des dons pour l'éducation et la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Dans l'architecture actuelle, coexistent, dans les pays partenaires, auprès de nos ambassadeurs, les SCAC et les agences de l'AFD. En matière de développement, les SCAC n'ont plus qu'environ 20 % des crédits, les agences gérant les 80 % restants. A terme, les SCAC seront à terme intégrés dans le réseau de l'agence culturelle française : l'Institut français. Qu'adviendra-t-il de leurs compétences en matière d'aide au développement ? Peut-on imaginer à terme que les agences de l'AFD reprennent l'intégralité des compétences des SCAC en matière d'aide au développement ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

C'est également une question qui relève des tutelles et l'AFD n'a pas à se prononcer sur l'organisation des services de l'Etat à l'étranger. Je rappelle que le CICID a décidé que l'AFD n'interviendrait pas dans le secteur de la culture et de l'enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD a ainsi participé à l'extension des transports publics dans la Ville de Curitiba au Brésil, à une ferme éolienne dans le Yunnan en Chine, au plan climat et protection des forêts en Indonésie, à un programme de cogénération dans une décharge à Durban ou dans des projets d'efficacité énergétique en Inde.

Ces initiatives suscitent des interrogations quant aux moyens utilisés. La Chine figure en 2008 parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il nous semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

Mais au-delà de cette remarque, nous nous interrogeons sur les objectifs de ces initiatives. Je voudrais savoir si vous estimez qu'à travers ces opérations nous pouvons avoir une quelconque influence sur la trajectoire de ces pays, tant nos moyens apparaissent dérisoires par rapport à ce qui s'y passe ? Que cherche-t-on ? Avoir une influence, faire de l'argent ? Quels sont les objectifs précis ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

En 2008, la Chine s'est trouvée au 6e rang des pays bénéficiaires de l'aide française au développement et cela nous a naturellement conduits à nous interroger. A l'avenir, nous allons faire en sorte de corriger cette tendance, tout en veillant à assurer une transition, compte tenu du stock de 770 millions d'euros de prêts en cours, et en apportant des correctifs plutôt qu'un véritable bouleversement. Il faut certes infléchir cette tendance mais pour autant ce serait une erreur de renoncer à toute intervention en Chine. Principalement pour deux raisons. D'une part, dans un monde globalisé, il est important de nouer des stratégies de coopération, en particulier avec les grandes puissances émergentes, et alors que la France est fortement sollicitée sur des sujets comme le réchauffement climatique ou le transport urbain, qui intéressent également les entreprises françaises. D'autre part, au moment où la France a fait du développement de l'agriculture en Afrique subsaharienne l'une de ses priorités, notamment dans le cadre de sa triple présidence du G7, du G8 et du G20, il est plus qu'opportun de nouer des coopérations avec la Chine sur des pays africains, à l'image de ce que nous faisons avec le Japon.

L'AFD dispose d'une expertise reconnue sur des sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique ou le développement des transports urbains, à l'image du projet de bus rapides en Jordanie. Il serait dommage de s'en priver.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

En 2009, l'AFD avait reçu la responsabilité de la gestion des crédits de subvention aux ONG. Certains ont douté de la capacité de l'AFD à gérer des projets de petite taille. En 2010, il semblerait que le ministère des affaires étrangères ait souhaité reprendre la responsabilité de ses crédits. Qu'en sera-t-il pour 2011 ? Et quel bilan faites-vous de ces actions ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

L'AFD acceptera naturellement la décision du ministère des affaires étrangères et européennes. Il me semble que les ONG étaient plutôt satisfaites de la gestion de leurs projets par l'AFD, mais l'expérience est trop courte pour tirer des conclusions définitives. Une des difficultés porte sur les frais de gestion et la rémunération de l'AFD par l'Etat du traitement de ces projets, qui sont des « petits dossiers ». C'est une question qui relève du futur contrat d'objectifs et de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Je souhaiterais avoir des précisions sur le montant total des prêts bonifiés dans les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne et sur leurs modalités.

Par ailleurs, je souhaiterais vous interroger sur les projets de l'AFD dans les territoires palestiniens, à la lumière de votre récent déplacement dans la région.

Je pense en particulier à la construction de la zone industrielle de Bethleem, qui semble se heurter à des difficultés compte tenu de l'occupation israélienne et des restrictions à la liberté de circulation, mais aussi à la construction de la station de retraitement des eaux usées de Beit Lahia, située au nord de la bande de Gaza, dont nous avions visité les installations avec notre collègue Bernadette Dupont, mais qui a été sérieusement endommagée lors de l'intervention de l'armée israélienne à Gaza et dont les travaux de reconstruction semblent marquer le pas en raison du blocus de la bande de Gaza, qui empêche notamment l'acheminement de ciment et de matériel de construction.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

La réduction du montant des dons nous oblige à être plus efficaces et donc à concentrer davantage les financements disponibles sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne et sur les deux secteurs clés que sont la santé et l'éducation, ce qui permettra à la fois de renforcer la lisibilité et l'efficacité de notre action.

Nous menons actuellement des consultations pour mettre en place un ou deux projets phares destinés aux quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans l'un ou l'autre de ces deux secteurs.

Ainsi, l'AFD travaille avec de nombreuses ONG sur un projet intitulé « Santé sexuelle et reproduction », consistant à apporter un soutien aux adolescentes enceintes, qui pourrait être mis en place dans les quatorze pays de l'Afrique subsaharienne.

De même, l'AFD a financé la construction d'une maternité dans la capitale de Mauritanie, qui assure à elle seule 7 500 naissances par an, ce qui représente un sixième de toutes les naissances du pays. L'existence de cette seule maternité a permis à la Mauritanie de diminuer le taux de mortalité infantile, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement.

De la même manière que nous souhaitons concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, l'AFD souhaite consacrer 80 % des prêts bonifiés sur ces pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Quel sera le montant des prêts consacrés par l'AFD à l'Afrique subsaharienne en 2011 ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

En 2011, l'AFD devrait consacrer 1,5 milliard d'euros de prêts à l'Afrique subsaharienne.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Je ne suis pas en mesure de vous répondre car les conditions de prêts dépendent dans une large mesure des conditions d'emprunts sur les marchés financiers. Toutefois, pour les pays les moins avancés, ces prêts sont constitués jusqu'à 65 % d'élément-don.

S'agissant des projets cofinancés par l'AFD dans les territoires palestiniens, les choses progressent, comme j'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent déplacement.

Le site de la zone industrielle de Bethleem n'est certes pas idéal, mais le bâtiment administratif devrait être inauguré le 24 décembre et le responsable commercial s'est montré confiant sur le nombre d'entreprises qui seraient intéressés pour s'y implanter.

L'eau est naturellement un enjeu essentiel dans la région et j'ai eu l'occasion de m'entretenir sur ce point avec le Premier ministre palestinien.

La construction de la station d'épuration de Beit Lahia, dont je rappelle qu'elle devrait profiter aussi bien à la partie palestinienne qu'à la partie israélienne, me semble en bonne voie. Je devais me rendre sur place mais cela n'a finalement pas été possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Vous dites vouloir passer d'un financement des Etats à un financement des entreprises afin de contourner les problèmes de gouvernance. Quelles précautions prenez-vous pour encadrer l'utilisation que ces entreprises font des deniers publics, quels sont les engagements que prennent ces entreprises à votre égard ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Un certain nombre de pays d'Afrique sub-saharienne ne sont pas éligibles aux prêts, conformément aux règles de discipline financière édictées par le FMI. Dans certains cas, pour contourner cette interdiction et poursuivre notre mission, nous sommes conduits à soutenir des projets d'entreprises publiques, dans des domaines comme la santé ou le traitement des eaux, par exemple. Ces projets sont menés avec la même rigueur que les projets conduits en partenariat avec des Etats.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

J'aimerais savoir selon quels critères vous définissez les pays dans lesquels vous intervenez. Lors d'une mission, j'ai pu constater que vous interveniez aussi bien au Nigéria qu'en Angola ou en Afrique du Sud. Pouvez-vous m'indiquer les raisons qui vous ont conduit à intervenir dans ces pays ? Pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez augmenter les recrutements de l'AFD tout en diminuant les frais de fonctionnement ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

La liste des pays d'intervention est définie par nos autorités de tutelle. Le choix des projets dépend d'une série de critères de faisabilité. Dans ces choix, nous sommes guidés, d'une part, par des documents de stratégie, comme le document cadre de coopération, les documents « cadre d'intervention » par pays ou par secteur, d'autre part, par les propositions qui nous sont faites par nos partenaires. Le choix se porte généralement par des projets qui sont à la croisée de nos préoccupations stratégiques et d'une demande locale. Car, évidemment, nous n'intervenons qu'à la demande de pays partenaires. Nous avons environ 270 millions d'euros de frais de fonctionnement dont 170 millions d'euros de dépenses de personnel. Les gains de productivité doivent donc être obtenus sur les 100 millions d'euros de frais de fonctionnement, hors masse salariale.

Les 14 pays pauvres prioritaires ont été définis par le CICID et correspondent pour l'essentiel à des pays d'Afrique francophone. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas intervenir dans les pays anglophones d'Afrique comme l'a souligné le Président de la République lors du dernier sommet France-Afrique tenu à Nice. L'AFD intervient notamment au Ghana et au Nigéria. Il faut faire attention lorsqu'on compare nos interventions en Afrique et dans les pays émergents car les « tickets d'entrée » dans les projets de coopération dans ces derniers sont, compte tenu de leur taille, nécessairement plus élevés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Vous avez commencé à donner des informations sur les modalités de fonctionnement de l'AFD. Je voulais rester sur ce terrain, finalement très terre à terre, dans nos relations avec les pays de l'Afrique sub-saharienne, et notamment les 14 pays prioritaires. Est-ce que cette priorité vous conduit à modifier les modalités de travail de l'agence, soit à Paris, soit sur place à travers vos antennes ? Parmi les critiques les plus souvent formulées à l'égard de notre politique d'aide au développement depuis des décennies, la première c'est d'abord que çà n'a pas été très efficace puisque 60 ans après les indépendances, on ne peut pas dire que le développement soit au rendez-vous. Mais une autre critique, fondée à mes yeux, c'est que les objectifs ont souvent été plaqués par la France sur ces pays et de manière unilatérale. Les demandes que vous évoquiez étaient sérieusement cadrées par nous. De ce point du vue, envisagez-vous des changements de méthode pour qu'on puisse enfin parler d'un partenariat sur les projets de développement dans ces pays ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Je ne crois pas que l'on puisse dire que la politique d'aide au développement n'ait pas été efficace. Il faut avoir à l'esprit la vigueur de la croissance démographique de l'Afrique. La situation aurait été bien pire si nous n'étions pas intervenus dans ces pays à la suite de leur indépendance. Il faut en outre avoir conscience de la formidable crise qu'ont connue les pays d'Afrique dans les années 90 avec la baisse des cours des matières premières.

En revanche, vous avez raison de dire qu'il se passe quelque chose en Afrique. Il y a aujourd'hui les éléments d'une croissance endogène des pays africains et en particulier des pays sahéliens qui se portent mieux que les pays côtiers. S'agissant de nos méthodes de travail, je ne crois pas que nous puissions accumuler les priorités comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Je crois qu'il faut nous concentrer sur un certain nombre de pays, sur certains secteurs. J'ai l'intention de regrouper certaines de nos implantations pour constituer des agences régionales et ainsi revoir la cartographie de notre réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Je souhaiterais également vous interroger au sujet de certaines interventions de l'Union européenne en Israël et dans les territoires palestiniens, qui me paraissent soulever des interrogations. Ainsi, il semblerait que l'Union européenne ait financé un logiciel ayant pour objet de renforcer les contrôles aux frontières. Auriez-vous des éléments à ce sujet ? Est-ce que l'AFD est amenée à participer à de tels projets ?

Ma deuxième question concerne la lutte contre le réchauffement climatique. Est-il réellement pertinent que l'AFD intervienne dans ce domaine ? Quels sont les projets concrets financés par l'AFD ? Est-ce qu'il n'existe pas un risque que ce sujet soit privilégié au détriment d'autres priorités, comme la santé ou l'éducation ? Est qu'au préalable, il ne faudrait pas financer des études sur l'évolution du soleil ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Concernant les interventions de l'Union européenne, je ne dispose pas d'éléments me permettant de répondre à votre interrogation. Je peux simplement vous dire que l'AFD n'a pas reçu de délégation de la part de l'Union européenne pour gérer des financements au titre de l'aide au développement dans les territoires palestiniens, à la différence par exemple de ce qui se passe dans certains pays d'Afrique, comme au Sénégal ou au Mali. Les projets financés par l'AFD dans les territoires palestiniens se concentrent sur trois secteurs prioritaires : l'eau, le développement urbain et le secteur privé. Outre la station d'épuration de Beit Lahia et la zone industrielle de Bethleem, l'AFD a participé à la construction d'un tunnel à Naplouse destiné à désengorger la circulation au centre ville. L'AFD intervient également par le biais des ONG.

S'agissant de la lutte contre le réchauffement climatique, il est important que l'AFD intervienne sur ce sujet car celui-ci fait l'objet de nombreux financements multilatéraux. Dans ce domaine, l'action de l'AFD consiste essentiellement à apporter un soutien aux pays qui le souhaitent dans la définition du cadre juridique de lutte contre le réchauffement climatique, en intervenant parfois lors de l'élaboration des législations. L'AFD a notamment développé un projet très important de lutte contre le réchauffement climatique en Indonésie, en aidant les autorités indonésiennes à élaborer une stratégie et un cadre juridique en la matière, qui est un véritable succès.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Comment l'AFD intervient-elle dans les pays en crise, comme l'Afghanistan ? Est-elle amenée à travailler essentiellement par le biais des ONG ? Les interventions de l'AFD sont-elles concentrées en priorité sur les zones de présence des forces françaises ? Ne faudrait-il pas augmenter notre effort d'aide au développement dans ce pays, car cela participe aussi au renforcement de la stabilité et de la sécurité ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

L'AFD dispose d'une expérience pour intervenir dans les pays en crise. Toutefois, compte tenu des moyens dont nous disposons, il faut bien faire un arbitrage entre les différentes priorités. On ne peut pas avoir l'ambition d'une politique universelle d'aide au développement avec des moyens financiers réduits. Il faut faire des choix et c'est la raison pour laquelle l'AFD propose de concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans les deux secteurs prioritaires de la santé et de l'éducation. Les évènements récents au Sahel me semblent d'ailleurs conforter la pertinence de ce choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

J'ai pris connaissance avec un grand intérêt d'une étude sur le financement de « petits projets » par le biais du microcrédit en Afrique, qui avait donné des résultats très positifs. Or, lors d'un récent déplacement en Mauritanie, j'ai eu la surprise de constater que certains « petits projets », comme la construction d'un hôtel par exemple, ne pouvaient pas recevoir de financements de l'AFD, en raison d'un seuil trop faible. Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la situation de l'éducation au Sénégal, qui me paraît préoccupante.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

L'AFD ne refuse pas de financer les « petits projets ». Il existe simplement deux procédures différentes, l'une pour les « grands projets », qui sont mis en oeuvre directement par l'AFD, l'autre pour les « petits projets ».

La situation dramatique de l'éducation en Afrique subsaharienne explique la raison pour laquelle l'AFD souhaite en faire l'une de ses deux priorités, avec la santé. Toutefois, à titre personnel, je m'interroge. Cinquante ans après les indépendances africaines, devons nous continuer à intervenir dans le secteur de l'éducation, qui est un domaine régalien ? L'AFD n'aurait-elle pas davantage vocation à concentrer ses interventions sur la formation de maîtres et la formation professionnelle ? La formation des maîtres permet de s'inscrire dans la durée, et la formation professionnelle présente l'avantage de déboucher sur un emploi, comme elle le fait par exemple au Maroc.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Avant d'exercer un métier, il faut d'abord savoir lire et écrire !

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Certes, mais nous sommes encore sollicités pour la construction d'écoles ou l'achat de manuels scolaires. Est-ce, cinquante ans après les indépendances, réellement la vocation de l'AFD ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Vous n'avez pas mentionné l'Union européenne dans votre intervention, alors qu'elle dispose de fonds très importants en matière d'aide au développement.

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater lors d'un déplacement au Mali, avec notre collègue M. André Vantomme, chaque Etat membre a tendance à intervenir de manière dispersée et sans réelle coordination dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Comme je vous l'ai indiqué, l'Union européenne délègue parfois à l'AFD la gestion des crédits consacrés à l'aide au développement dans certains pays.

Il existe également des réunions de coordination entre les différents acteurs, comme l'Union européenne ou la Banque européenne d'investissement, afin d'apporter des cofinancements sur certains projets et d'avoir ainsi un « effet de levier ».

Les financements de l'Union européenne en matière d'aide au développement sont effectivement très importants mais l'Union européenne souffre d'un manque de coordination, car les vingt-sept Etats membres n'ont pas les mêmes priorités. Ainsi, aujourd'hui peu de pays membres ont une sensibilité africaine, à l'image de la France. Bien souvent, les négociations à vingt-sept aboutissent à une absence quelques fois de priorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La francophonie demeure-t-elle un objectif prioritaire de notre politique d'aide au développement, par exemple dans le domaine de l'éducation ?

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

Du point de vue démographique, le nombre de locuteurs francophones en Afrique devrait doubler d'ici 2050. Cela justifie aussi la priorité donnée à l'éducation en Afrique subsaharienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Vous avez évoqué les projections démographiques. La population de l'Afrique augmente de près de vingt-quatre millions d'habitants tous les ans et pourrait atteindre près de 2 milliards d'habitants en 2050 et une grande partie de ces habitants seront des francophones. Cela représente une chance extraordinaire pour notre langue mais aussi une responsabilité particulière pour notre pays. L'éducation représente un domaine élémentaire, comme la santé ou l'agriculture. La France fait-elle assez pour aider les pays d'Afrique, notamment francophones ? Je n'en suis pas certain.

Debut de section - Permalien
Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

L'éducation est avec la santé l'une des deux priorités de l'action de l'AFD en matière de dons en Afrique subsaharienne, et je peux ajouter l'agriculture au titre des prêts bonifiés.

La commission auditionne M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique, sur le projet de loi de finances pour 2011 (mission Aide publique au développement).

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Avant toute chose, je voudrais excuser le président Josselin de Rohan, qui participe actuellement au Sommet franco-britannique sur la défense, et qui ne pouvait donc pas être présent aujourd'hui parmi nous. Je suis heureux d'accueillir M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour cette audition consacrée aux crédits du programme 110 « aide économique et financière au développement », de la mission interministérielle « Aide publique au développement » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Je rappelle que ce programme, qui représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'Etat, supporte, pour l'essentiel, la participation française aux institutions multilatérales de développement, notamment au groupe de la Banque mondiale, mais aussi des crédits bilatéraux de dons, de bonification de prêts, d'assistance technique et de traitement de la dette.

Outre la responsabilité de ce programme, le directeur général du Trésor est amené à traiter des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou d'autres banques multilatérales ou régionales de développement, du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone Franc. Ces différentes fonctions font de lui un interlocuteur privilégié de notre commission sur toutes les questions de développement, qu'il s'agisse du pilotage interministériel du dispositif français d'aide publique au développement, des liens entre commerce et développement, des enjeux du traitement de la dette ou encore du financement du développement.

Après une présentation globale du programme 110, nous souhaiterions donc vous entendre sur les priorités françaises en matière d'aide au développement dans le cadre de la double présidence française du G8 et du G2O.

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais faire quelques remarques introductives sur l'action de la France en faveur de l'aide au développement.

Mais, tout d'abord, je voudrais dire un mot du document de politique transversale « politique française en faveur du développement ». Cette année, ce document important n'a été bouclé que très tardivement. Ceci reflète, je ne vous le cache pas, la difficulté et les arbitrages importants qui ont été nécessaires jusqu'à très récemment pour concilier le respect de nos engagements et la contrainte budgétaire. Ce document, qui devrait vous parvenir très prochainement, offre notamment une vision globale des composantes de l'aide publique au développement (APD), nos prévisions sur leur évolution, ainsi que l'expression de notre politique publique.

Ma première remarque sera donc, dans l'esprit de ce document, de souligner que ce budget représente un effort financier très important en faveur du développement. La France était déjà, en 2009, le deuxième bailleur mondial en volume, derrière les Etats-Unis et le deuxième des pays du G7 en part du revenu national brut, après le Royaume-Uni. Notre pays va encore renforcer son effort.

En effet, l'aide publique au développement, qui a atteint 9 milliards d'euros en 2009, devrait continuer à progresser pour passer, pour la première fois, la barre des 10 milliards d'euros en 2012. Cela correspondra, pour la première fois également, à un effort d'un euro par jour pour chaque ménage français. Cette croissance de l'APD portera exclusivement sur l'aide bilatérale, l'aide multilatérale s'inscrivant, en prévision, en baisse après avoir atteint un niveau historique de 4 milliards d'euros en 2009. La part de l'aide multilatérale dans l'APD devrait passer de 44 % en 2009 à 36 % en 2012.

Ces prévisions d'APD sont obtenues, d'abord, en sanctuarisant le socle de cet effort, les crédits budgétaires de la mission APD, qui sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros sur le triennum 2011-2013.

Ensuite, en optimisant le coût budgétaire de cet effort. Ceci concerne essentiellement les prêts, dont nous veillons à ajuster la concessionnalité au niveau minimal permettant la réalisation des projets sans menacer la soutenabilité de la dette des pays emprunteurs.

Enfin, en mettant des ressources additionnelles au service du développement. C'est ainsi que la France, qui bénéficie d'un surplus de quotas carbone grâce à une politique environnementale ambitieuse et efficace, va financer, grâce à ce surplus, 150 millions d'euros d'actions de lutte contre la déforestation dans les pays en développement. C'est aussi grâce à des cessions d'actifs que nous allons accompagner, à hauteur d'environ 60 millions d'euros par an, les augmentations de capital des banques multilatérales de développement décidées au printemps dernier, en réponse à l'appel du G20 de Londres.

Au sein de l'aide bilatérale, la structure de notre aide évolue, conformément à la demande exprimée par le Parlement. C'est sur l'aide-projet et sur l'aide-programme que porte l'effort, principalement par une croissance des engagements de l'AFD. L'hypothèse d'annulations de dette moyenne est en revanche stable, d'environ 1 milliard d'euros par an, correspondant essentiellement aux allègements de dette en faveur des derniers pays éligibles à l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés.

Ma deuxième remarque portera sur les actions entreprises pour répondre à l'exigence d'une politique française de développement plus lisible et plus stratégique.

Pour que notre effort d'aide ait un impact maximal, il nous faut le cibler.

Héritière d'une longue tradition de coopération, notre aide publique au développement est diversifiée. Elle est principalement mise en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), par l'Union européenne et par des opérateurs multilatéraux, comme la Banque mondiale ou des fonds, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais elle comprend également, par exemple, pour près d'un milliard d'euros par an, des dépenses liées à la formation des étudiants étrangers ou de recherche sur le développement et de coopération scientifique.

Face à cette diversité, le risque existe d'une dispersion, et le Sénat, notamment, avait souhaité que la France clarifie sa politique, par un ciblage clair et transparent.

Le gouvernement a depuis 2009 pris plusieurs mesures pour traiter ce risque.

Le gouvernement a apporté une première réponse lors du Conseil interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 5 juin 2009 en définissant les cinq secteurs prioritaires de notre coopération : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance.

Le gouvernement a prolongé cet exercice en rédigeant un document-cadre de coopération au développement, qui devrait être rendu public prochainement. Une large consultation a été conduite par le ministère des affaires étrangères, au niveau interministériel et en direction de la société civile. Je voudrais saluer le rôle moteur joué par votre commission dans cet exercice, avec les auditions, en mai 2010, de MM. Bourguignon, Michaïlof, Severino et Vielajus, et du ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, la publication, au nom de votre commission, du rapport d'information des sénateurs Christian Cambon et André Vantomme « Pour une mondialisation maîtrisée - contribution au projet de document-cadre de coopération au développement », et la représentation du Sénat lors des réunions du groupe de travail.

Nous avons désormais une véritable stratégie pour notre coopération, avec quatre enjeux et quatre partenariats différenciés. Les quatre enjeux sont :

- contribuer à une croissance durable et partagée ;

- lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités ;

- préserver les biens publics mondiaux ;

- promouvoir la stabilité et l'Etat de droit comme facteurs de développement.

Quatre partenariats sont définis :

- le plus important, celui avec l'Afrique subsaharienne pour soutenir sa croissance et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;

- celui avec la Méditerranée pour le développement durable, dans une perspective de convergence ;

- celui avec les pays émergents, pour gérer les équilibres mondiaux ;

- enfin, celui avec les pays en crise, pour en renforcer la stabilité.

Ces partenariats différenciés ne sont pas incantatoires : ils se traduisent aussi par des choix financiers explicites. Ainsi, au moins 60 % de l'effort financier bilatéral de l'Etat devra être affecté à l'Afrique subsaharienne, et pas plus de 10 % aux pays émergents. Par ailleurs, environ 20 % seront affectés aux pays de la Méditerranée et environ 10 % aux pays en crise, comme Haïti ou l'Afghanistan.

Ces partenariats encadreront notamment l'intervention de l'AFD, avec des conséquences, par exemple sur l'intervention de l'AFD en Chine.

Le document insiste aussi sur l'importance de préserver les moyens de l'action bilatérale et je sais que vous y êtes particulièrement attachés. Je vais vous en donner une illustration concrète sur le programme 110 « aide économique et financière au développement » : les crédits de paiement d'aide budgétaire bilatérale y augmentent de 30 %, pour atteindre 86 millions d'euros. Ceci nous permet de concrétiser la relation privilégiée entre la France et les communautés économiques régionales de la zone franc, mais aussi de répondre aux engagements pris envers Haïti. A contrario, le montant consacré aux reconstitutions de l'AID et du FAD s'inscrit en recul par rapport à ce qu'il était en 2007. En conséquence, la France est passée du 2è au 4è rang parmi les bailleurs du Fonds africain de développement, et est celui des bailleurs dont la baisse (10 % en unités de compte) est la plus importante. Afin que ces choix budgétaires ne se traduisent pas par une baisse significative de l'influence française sur ces institutions multilatérales, nous développons parallèlement le partenariat entre celles-ci et l'AFD.

Un effort important et ciblé donc, qui devrait se situer autour de 0,5 % du RNB en 2010 puis décroître légèrement, mais qui ne peut à lui seul suffire pour faire face aux défis mondiaux de moyen terme, et ce sera ma troisième remarque : la mobilisation de ressources nouvelles, via des financements innovants, sera indispensable pour être au rendez-vous de l'objectif d'une APD de 0,7 % du RNB en 2015 comme de l'objectif financier de 100 milliards d'euros par an en 2020 inscrit dans l'Accord de Copenhague.

Vous le savez, la France joue un rôle leader au niveau mondial en matière de financements innovants, et le défi est de convaincre un nombre croissant de pays de mettre en place les mécanismes qui -préfiguration d'une possible fiscalité internationale- devront en particulier permettre de financer les biens publics mondiaux dans les pays en développement.

L'année écoulée a vu des progrès significatifs dans cette direction.

D'abord la reconnaissance, dans l'accord de Copenhague, en décembre 2009, sous l'impulsion du Président de la République, que les financements innovants joueront un rôle dans le financement de la lutte contre le changement climatique.

Ensuite la reconnaissance, par le groupe d'experts mandaté par le groupe pilote sur les financements innovants, mais aussi par le Fonds monétaire international, de la faisabilité d'une taxation internationale des transactions financières ; ces travaux ont débouché sur une déclaration, en marge du sommet des OMD, où Japon, Brésil, Espagne, Norvège et Belgique nous ont rejoints en faveur d'une contribution sur les transactions financières.

Enfin, les travaux du groupe consultatif de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique, dont Mme Christine Lagarde était membre aux côtés, notamment, de Nicholas Stern, Georges Soros et Larry Summers, ont, eux aussi, reconnu le potentiel de financements innovants comme la taxation des émissions de carbone des secteurs aériens ou maritimes, ou la contribution du secteur financier, estimés pouvoir contribuer à cette lutte à hauteur chacun de 10 milliards d'euros par an. Une mise en oeuvre mondiale d'une taxe sur les transactions financières se heurte cependant toujours à la réticence des Etats-Unis et de plusieurs grands pays émergents.

Ce travail de conviction doit être poursuivi, et le calendrier nous en donne l'occasion : ce sera ma quatrième et dernière remarque. Nous mettrons à profit la double présidence française du G8 et du G20 pour progresser sur plusieurs chantiers décisifs en faveur du développement.

Traditionnellement, le développement est plutôt traité dans le cadre du G8 sous l'angle des pays donateurs, alors que le G 20 s'est surtout préoccupé de la stabilité financière, mais le G 20, qui présente l'avantage de réunir également les grands pays émergents, peut constituer un cadre intéressant.

Initialement forum économique et financier, le G20 a été étendu aux questions de développement par la présidence coréenne, qui va proposer à Séoul, dans quelques jours, d'acter un ambitieux plan d'action pluriannuel en faveur du développement. La France a soutenu sans réserve cette initiative, qui va dans le sens d'une plus grande association des pays émergents à l'effort de la communauté internationale vis-à-vis des plus pauvres. La France prendra d'ailleurs, aux côtés de la Corée et de l'Afrique du Sud, la présidence du groupe G20 nouvellement créé et consacré au développement. Au sein de cet agenda, la France mettra plus particulièrement l'accent sur :

- la volatilité des prix des matières premières, notamment agricoles, comment la gérer et comment, en particulier, limiter ses effets néfastes sur la sécurité alimentaire ;

- le développement des infrastructures, avec un accent sur celles qui favorisent l'intégration régionale, élément-clef notamment pour le développement de l'Afrique ;

- et comme je l'ai déjà évoqué et comme l'a souligné le Président de la République lors du sommet de la francophonie à Montreux, la promotion des financements innovants.

Nous considérerons aussi le rôle que pourra jouer le G20 en appui aux négociations sur la lutte contre le changement climatique, en lien avec nos partenaires sud-africains qui hébergeront fin 2011 la conférence des parties de la convention climat.

Le G8 demeurera par ailleurs un forum privilégié de partenariat avec l'Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je tiens à souligner l'engagement sans faille du gouvernement, et en particulier du ministère de l'économie et des finances en faveur du développement, qui se traduit par ce budget ambitieux et des objectifs qui ne le sont pas moins pour les échéances internationales à venir.

Certes, ce budget ne permet pas encore d'atteindre les objectifs fixés pour 2015 et il sera nécessaire de faire preuve d'imagination pour trouver d'autres sources de financements innovants. Par ailleurs, il sera nécessaire à l'avenir de mieux associer les grands pays émergents, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui revendiquent une meilleure place au sein des organisations multilatérales, comme le FMI ou la Banque mondiale, ce qui est légitime mais appelle également de leur part une responsabilité accrue en matière d'aide au développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je constate que nous ne disposons pas encore du document de politique transversale qui nous permettrait d'avoir une vision complète des crédits consacrés. Avec le bleu budgétaire, nous n'avons une vision que sur 40 % de l'effort français en faveur du développement. Mais si on extrapole à partir des données à notre disposition, on se rend bien compte que la France n'atteindra pas les 0,7 % en 2015, comme elle n'a pas atteint les 0,51 % auxquels elle s'était engagée pour 2010. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a bien vu, lors du sommet de septembre à l'ONU, que les Anglais seront en mesure d'atteindre cet objectif. A-t-on officiellement renoncé à notre engagement ? Quand on effectue des missions en Afrique, cet engagement nous est souvent rappelé.

Vous avez évoqué un redressement des crédits de l'aide bilatérale que nous appelons de nos souhaits. Quand on voit les montants de nos contributions multilatérales et la faiblesse des moyens disponibles dans nos postes diplomatiques pour aider des projets de développement, on se dit qu'il ya là un déséquilibre auquel il convient de remédier.

La France est le principal promoteur de la mise en place de financements innovants au service de l'aide au développement. L'inscription de ces mécanismes dans les conclusions du sommet sur les OMD est en soi un succès. Pouvez-vous nous dire quelles sont les chances de faire aboutir ce projet, nous décrire en quoi consisterait cette nouvelle source de financement et quel serait selon les scénarios le montant des sommes ainsi récoltées ? Sait-on, dans les solutions envisagées au sein du groupe de travail consacré à ce sujet, si ces sommes seront destinées aux objectifs du millénaire pour le développement ou si une partie des crédits sera également consacrée à la lutte contre le réchauffement climatique ?

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, les négociations en cours concernent à la fois le prolongement des accords de Kyoto qui arrivent à échéance en 2012, la conclusion d'un accord plus substantiel que celui de Copenhague où les Européens ont finalement été les seuls à s'engager sur des objectifs contraignants et, enfin, la mise en place d'un fonds mondial pour l'environnement. Sur ce dernier point, pourriez-vous nous indiquer les sommes que la France s'est engagée à financer, l'origine de ces crédits, de quel budget parlons-nous, nous dire où en sont les négociations ?

Plus généralement, pouvez-vous nous indiquer la répartition des rôles entre le ministère des finances, qui alimente notamment le Fonds français pour l'environnement mondial, le ministère des affaires étrangères et européennes qui, avec la Direction des biens publics mondiaux, pilote les négociations sur ce thème, notamment dans le cadre du G20 et le ministère de l'environnement qui, j'imagine, ne se désintéresse pas de la question.

La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD intervient en Chine, dans des projets de rénovation urbaine économes en énergie. Depuis 2008, La Chine figure parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il me semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

Il est difficile de trouver le bon équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Notre aide bilatérale présente des avantages en matière de visibilité et de réactivité. Elle nous permet en outre d'accompagner des projets à dimension régionale. Mais si nous souhaitons que les grands acteurs multilatéraux s'impliquent en Afrique, il nous faut pouvoir peser sur leur programmation grâce au poids de nos contributions. Pour le triennum budgétaire 2011/2013, nous allons légèrement diminuer notre contribution à la Banque mondiale ainsi qu'à la Banque africaine de développement afin de rééquilibrer notre aide en faveur de l'aide bilatérale.

S'agissant des pays émergeants, l'AFD a élargi progressivement son champ géographique de compétence. Elle est devenue un acteur important de la coopération dans ces pays, en particulier dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous aurons bientôt le recul nécessaire pour mieux évaluer l'impact de ce qui a été fait. Il est sans doute temps aujourd'hui de diminuer les éléments de concessionnalité des prêts effectués dans ces pays pour concentrer le « coût État » sur l'Afrique.

Les financements innovants constituent une perspective nécessaire pour faire face aux besoins de financement de l'aide au développement et de la lutte contre le réchauffement climatique. L'idée d'une taxe sur les transactions financières est aujourd'hui encore partagée par un petit nombre de pays, comme ce fut le cas lors de l'instauration de la taxe sur les billets d'avion. Nous avions alors dépensé beaucoup d'énergie et de temps pour convaincre nos partenaires de la faisabilité et de l'utilité d'une telle taxe. Nous n'avons pas eu à regretter cet effort puisque cette taxe constitue aujourd'hui un élément essentiel du financement de la lutte contre le sida. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières. Le projet fait son chemin. Les rapports de groupe de travail se multiplient pour souligner sa faisabilité technique. Le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel essaient de convaincre l'ensemble de nos partenaires européens de promouvoir cette idée dans le cadre du G20. Une taxe sur les transactions financières entre 0,001 % et 0,01% permettrait de lever entre 7 et 60 milliards de dollars par an. Les 27 pays de l'Union ont confirmé que la réflexion sur ce sujet doit être menée. Il existe évidemment des pays opposés à ce projet qui évoquent, notamment, la volatilité de la masse taxable. Les sommes ainsi récoltées devraient permettre de financer aussi bien les objectifs du millénaire pour le développement que la lutte contre le réchauffement climatique. Nous n'en sommes pas aujourd'hui à répartir les gains attendus de cette taxe mais il faut d'abord trouver un consensus autour de l'assiette « taxable ».

Vous avez raison, il nous faut trouver les moyens au sein de l'Union européenne de créer pour l'Afrique des programmations conjointes afin d'éviter que nos coopérations respectives ne se recouvrent. Vous avez cité l'exemple du Mali, la Commission européenne vient d'avaliser une expérimentation pilote par laquelle la France sera dans ce pays le chef de file d'une programmation conjointe des pays de l'Union et de la Commission.

Dans le cadre de nos engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la France s'est engagée à financer 420 millions par an, l'essentiel figure dans le projet de loi de finances. Il manque 150 millions sur 2010-2012 qui seront tenus par la vente des droits de tirage liée à nos performances en matière d'émission de carbone.

En ce qui concerne les négociations sur le climat, le ministère des finances est naturellement responsable des aspects financiers. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer est en charge des négociations avec l'appui du ministère des affaires étrangères. De ce point de vue, nous avons le sentiment que la répartition des rôles est claire et efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

L'OCDE, lors de la dernière revue des pairs, avait souligné la complexité de notre organisation administrative en charge de l'aide au développement. Il y a la direction générale de la mondialisation, la direction du Trésor et l'Agence française pour le développement. La réforme entamée en 2004, poursuivie en 2008, avait prévu que la coordination entre ces différents acteurs soit assurée dans les moments forts par le CICID et, au quotidien, par le COCICID. De ce que je comprends, ce dispositif ne fonctionne pas très bien. Le dernier CICID remonte à juin 2009. Il ne s'est même pas réuni pour avaliser la stratégie française d'aide au développement. Quant au COCICID, il ne semble pas qu'il ait un rôle au quotidien. Cette complexité vous paraît elle un handicap ? Partagez-vous l'analyse du CAD ? Et voyez-vous un moyen d'y remédier ?

Vous avez proposé une nouvelle stratégie française à l'égard de la Banque mondiale. Pouvez-vous nous présenter les principaux points de cette stratégie et nous dire en quoi cette stratégie a modifié l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de la Banque mondiale ? Pouvez-vous nous préciser la répartition des rôles entre le FMI et la Banque mondiale, s'agissant de l'aide au développement de l'Afrique ? Pouvez-vous également nous décrire les modalités par lesquelles la France pèse sur la programmation de ces deux institutions et dans quelles mesures elle arrive à faire prévaloir sa priorité pour l'Afrique sub-saharienne ?

De 2006 à 2008, les dons bilatéraux de notre aide ont diminué de 30 %. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. De ce fait, les administrations, l'AFD en tête, ont fait du prêt plus que de la subvention. Le choix de cet instrument les a naturellement conduits à se tourner vers des pays ou des secteurs solvables, c'est-à-dire à se détourner de l'Afrique sub-saharienne et des services publics de base. Cette évolution n'est-elle pas en contradiction avec la volonté affichée de renforcer nos actions en faveur de l'Afrique sub-saharienne et des objectifs du millénaire pour le développement ?

Nous déclarons chaque année 80 millions d'euros de dépenses liés au franc CFA au titre de l'aide au développement. Il s'agit de rémunérations des dépôts dans les banques centrales africaines. A quoi correspondent ces sommes ? En quoi contribuent-elles au développement ? Le Franc CFA est-il un facteur de développement de la croissance en Afrique ?

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

Il y a plusieurs acteurs institutionnels en matière d'aide au développement. Mais cette situation ne se traduit pas par un manque de coordination. J'observe que la revue à mi-parcours du CAD souligne les progrès de la France dans ce domaine. La pluralité des acteurs n'est d'ailleurs, pour un sujet aussi vaste, pas une spécificité française. En ce qui concerne la coordination, elle s'effectue au quotidien entre les différentes administrations et en fonction des sujets. S'il est vrai que le CICID ne se réunit que de façon exceptionnelle, je constate que le conseil d'orientation stratégique de l'AFD, où sont réunis les ministres intervenant dans ce domaine, fonctionne de façon satisfaisante et permet, au-delà du conseil d'administration de l'agence, d'assurer le pilotage stratégique de l'AFD qui est devenu le principal opérateur français dans ce domaine.

Le document-cadre de coopération au développement a fait l'objet d'un arbitrage interministériel récemment. La stratégie française à l'égard de la Banque mondiale élaborée l'année dernière a été utile. Elle a notamment contribué à ce que le Président de la Banque mondiale et les instances dirigeantes de la banque clarifient eux-mêmes la stratégie de la banque et placent notamment, au coeur de leurs priorités, l'Afrique, mais aussi la lutte contre la corruption et le soutien aux Etats fragiles. Toutes nos contributions aux fonds multilatéraux font l'objet d'évaluations, au minimum une fois toutes les deux reconstitutions.

En ce qui concerne le franc CFA, la France octroie une sur rémunération sur les fonds centralisés auprès du Trésor français. Les deux banques centrales africaines du franc CFA, la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest ( BCEAO) et la Banque des États d'Afrique centrale ( BEAC) ont l'obligation de centraliser auprès du Trésor français au moins 50 % de leurs réserves. Ces réserves sont placées sur le compte de l'agence France Trésor et sur les marchés financiers. En contrepartie, les deux Banques centrales africaines reçoivent une rémunération, ce qui est logique, même si elle est supérieure au produit du placement sur les marchés financiers. Au début des années 2000, la France a obtenu, à l'issue d'une négociation, la diminution de la sur rémunération de ces avoirs, qui est désormais légèrement supérieure au produit issu du placement sur les marchés financiers, et notre pays s'est engagé notamment, en contrepartie, à accompagner le développement des programmes économiques de ces deux régions.

La sur rémunération déclarée au titre de l'aide publique au développement est bien une dépense nette pour l'Etat, contrepartie du dépôt d'une partie des réserves des deux Banques centrales auprès du Trésor. C'est aussi la garantie de la stabilité du franc CFA.

S'agissant des subventions-projets, qui sont inscrites dans le programme 209 relevant du ministère des affaires étrangères et européennes, je ne pense pas que l'on a assisté à une diminution en valeur, puisque ces subventions ont augmenté de 2006 à 2010. En revanche, il est vrai que la part relative des prêts a beaucoup augmenté à la même période, ce qui explique la forte diminution de la part relative des subventions-projets. Cela s'explique en partie par l'élargissement du champ géographique. Nous sommes intervenus davantage dans des pays ayant la capacité de souscrire des emprunts. La part croissante des prêts ne se fait donc pas au détriment des dons-projets, car ces instruments sont souvent complémentaires.

Les pays concernés souhaitent souvent, en effet, pouvoir bénéficier de différents types d'instruments de financement (garanties, subventions, prêts, etc.).

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Je souhaiterais avoir des précisions sur le rôle des flux financiers en provenance des migrants en matière d'aide au développement. Les deux Banques centrales africaines jouent-elles un rôle dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

Les deux Banques centrales africaines n'interviennent pas directement sur les flux financiers en provenance des migrants. Elles ont un rôle concernant la définition du cadre juridique régional en matière de lutte contre le blanchiment d'argent par exemple. Elles ont également un rôle d'assistance technique auprès des banques et de mise en relation des banques africaines avec les établissements financiers. Au sein de la zone franc, en 2006-2007, la France avait souhaité mobiliser les différents partenaires, dont les deux Banques centrales africaines, pour mettre en place un cadre plus favorable pour favoriser ces transferts d'épargne. Elles participent ainsi aux ateliers financés par la France et la Banque africaine de développement pour réduire le coût des transferts entre la France et la zone franc.