La France a perdu entre 500 000 et 700 000 emplois industriels depuis une dizaine d'années et l'industrie ne représente plus que 16 % de son PIB, contre 22,4 % en Europe et 30 % en Allemagne. C'est afin de dresser un bilan et d'esquisser une politique de réindustrialisation que nous avons voulu auditionner des universitaires et des industriels. Nous recevons aujourd'hui M. Hervé Pichon, délégué du groupe PSA Peugeot Citroën, l'un des fleurons de notre industrie automobile.
J'aborderai la question de la présence de l'industrie en France à partir d'un exemple vécu, celui du groupe PSA Peugeot Citroën. PSA est le deuxième constructeur automobile d'Europe, le premier pour les véhicules utilitaires légers. Le coeur de notre dispositif industriel reste en France : sur 3,2 millions de véhicules vendus en 2009, 1,452 million avaient été construits dans notre pays, où sont implantés 18 de nos 31 usines et employés près de 100 000 de nos 200 000 salariés, et même 66 % de ceux de la « division automobile ». C'est en France, en Lorraine et dans le Nord surtout, que sont produits 85 % de nos moteurs et boîtes de vitesse. Nos capacités d'innovation y sont concentrées, avec 14 700 salariés sur 17 350. En revanche, un quart de nos véhicules seulement sont vendus en France : c'est dire que le groupe PSA est exportateur net.
Quelles sont aujourd'hui nos ambitions ? Le secteur de l'automobile est marqué par une forte concurrence mondiale, comme l'a illustré le salon du mondial de l'automobile du mois d'octobre. Tandis que les marchés d'Europe de l'Ouest sont des marchés de renouvellement, ceux des pays émergents sont en forte croissance. La population mondiale vit de plus en plus dans les villes, ce qui change l'approche de l'automobile. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est désormais une stratégie dominante de la filière et la réglementation dans ce domaine s'est durcie. Il faut également tenir compte de l'instabilité de l'approvisionnement en matières premières et des exigences de responsabilité sociétale qui s'imposent à nous.
Nos clients veulent aujourd'hui des voitures qui soient belles, sobres au plan énergétique, dotées de « services intelligents » et produits de manière responsable. Notre ambition, selon les termes de Philippe Varin, président du directoire, est d'avoir toujours un coup d'avance sur la compétition mondiale, que ce soit au plan du design ou des performances énergétiques : notre objectif est de vendre en 2012 un million de véhicules émettant moins de 120 g/km de CO2, nous lancerons cette année deux voitures entièrement électriques et nous serons les premiers à mettre sur le marché un véhicule hybride au diésel, en attenant les hybrides rechargeables de deuxième génération.
Philippe Varin veut aussi que PSA soit un « groupe global ». En Europe de l'Ouest, la demande progresse lentement et il nous faut donc aller chercher la croissance là où elle est, en Asie, en Amérique latine et en Europe de l'Est. Nous réalisons déjà 36 % de notre chiffre d'affaires hors d'Europe, mais nous voulons porter cette proportion à 50 % en 2020. L'Asie concentrera 80 % de la croissance du marché dans les dix prochaines années. En Chine, nous coopérons depuis longtemps avec le groupe Dongfeng et nous avons conclu un nouveau partenariat avec Changan. Le meilleur symbole de cette nouvelle orientation est l'installation à Shanghai de Grégoire Olivier, membre du directoire. Nous réfléchissons aussi au développement de nos activités en Inde. Le marché latino-américain, malgré quelques péripéties, reste porteur d'avenir, car les consommateurs du sous-continent aiment les voitures françaises pour leur style et leur motorisation ; nous avons investi au Brésil et en Argentine. Enfin, nous sommes convaincus que le marché russe, après un repli brutal en 2008 et 2009, va rebondir ; nous avons ouvert avec Mitsubishi une usine à Kaluga. Afin de cibler la classe moyenne des pays émergents, nous élargissons nos gammes : la Peugeot 408 est destinée à la Chine et à l'Amérique latine, la 508 sera produite en Chine, et un véhicule sera conçu pour l'arc méditerranéen.
Notre croissance doit être rentable, si nous voulons avoir les moyens de nos ambitions. Toute l'entreprise est mobilisée pour diffuser le lean management et une politique modulaire, qui consiste à concentrer sur quelques plateformes des types de véhicules apparentés, afin d'élargir les process, d'allonger les séries et de réaliser des économies d'échelle. Tous les salariés y sont associés, grâce à un intense dialogue social : les partenaires sociaux ont conclu en septembre un accord visant à réorganiser le travail sur les sites français en créant des équipes variables et en facilitant le travail temporaire, afin de donner plus de souplesse et de réactivité à notre appareil productif face aux fluctuations du marché ; cela nous a permis de recruter 900 salariés supplémentaires, dont 500 à Sochaux.
Se pose la question de la compétitivité de l'industrie automobile française. PSA a consenti des efforts importants pour la compétitivité de ses sites, mais celle-ci dépend d'un environnement global auquel participent les décisions des pouvoirs publics. L'État s'est tenu à nos côtés au plus fort de la crise, à la fin de 2008 et au début de 2009, alors que le collapsus bancaire avait provoqué de graves problèmes de liquidités : 3 milliards d'euros ont été prêtés à chacun des deux grands groupes français, et la prime à la casse, assortie du bonus-malus, a eu pour double effet d'amortir la crise et d'assainir le parc, avec des effets très positifs sur l'environnement et la sécurité. Le crédit d'impôt recherche (CIR) est un dispositif intelligent, qui nous a permis de continuer à investir pendant la crise : nous avons dépensé 2,1 milliards d'euros pour la recherche en 2009, et PSA est le premier déposeur de brevets de France. Nous souhaitons instamment que le législateur ne touche pas au CIR à l'occasion de la prochaine discussion budgétaire. Je n'oublie pas la suppression de la taxe professionnelle, qui pesait sur la production et l'investissement.
La question du coût du travail doit être au coeur de vos travaux, car c'est par là que notre pays perd en compétitivité : de 2000 à 2008, le coût horaire du travail a augmenté de 19 % en Allemagne et de 31 % en France. Le financement de la protection sociale pèse lourdement sur le travail : en Allemagne, la part des prélèvements sociaux représentait 47 % du salaire net en 2008 contre 49 % en 2000, alors qu'elle était en France de 83,2 % en 2008 au lieu de 80,9 % en 2000 ! PSA estime que cet écart équivaut à un surcoût de fabrication de l'ordre de 400 euros par véhicule.
La filière automobile a su faire preuve de solidarité en temps de crise. PSA veut entretenir des relations de confiance avec ses fournisseurs, afin de sécuriser ses approvisionnements, et parce qu'un grand groupe doit avoir une vision de « l'entreprise étendue ». En 2009, nous avons versé près de 2 milliards d'euros pour soutenir la filière : 1,3 milliard de transferts de liquidités suite à la réduction des délais de paiement votée dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie (LME), 240 millions d'aides directes, 200 millions de dotation au fonds de modernisation des équipementiers automobiles, et 323 millions au titre de la recapitalisation de Faurecia. Nous avons même créé une cellule d'une quarantaine de personnes dédiée au traitement des problèmes des entreprises de la filière, auxquelles nous apportons soit une aide financière, soit une expertise financière et sociale, soit un appui pour trouver des repreneurs ou imaginer des solutions industrielles pérennes. Nous avons participé aux travaux de la Plateforme de la filière automobile, qui a remis au mois de novembre un rapport identifiant un certain nombre de problèmes structurels.
Le temps de l'action est venu. Nous avons demandé aux pouvoirs publics de nommer dans les grandes régions concernées un référent pour l'automobile, sous l'autorité du préfet, apte à faire coopérer tous les acteurs de la filière et à faciliter les mutations. Il faut diffuser les nouvelles technologies et favoriser de nouvelles configurations industrielles plus rentables, mieux dotées en fonds propres ou en quasi fonds propres. Je signale que la France ne produira plus que 2,1 ou 2,2 millions d'automobiles en 2013, contre 3,4 millions en 2003 ! Dans chaque grande région, PSA a désigné un délégué régional aux mutations du « tissu fournisseurs », qui collabore étroitement avec les pouvoirs publics, les banques, le Fonds stratégique d'investissement et Oséo.
Le groupe PSA a les moyens de relever les défis de demain. Il n'abandonne pas le territoire français où sont ses racines, même s'il va chercher la croissance là où elle est, pour financer des dépenses de recherche indispensables dans un contexte concurrentiel. Le problème principal que vous devez affronter est celui de la compétitivité de l'industrie française : il faut donc s'interroger sur le mode de financement de la protection sociale, sur les capacités d'innovation des entreprises françaises, sur les moyens de créer un environnement favorable à l'industrie, et pourquoi pas sur une politique industrielle européenne qui reste à construire.
Vous avez fait l'éloge du crédit d'impôt recherche (CIR). Je n'y suis pour ma part favorable que s'il permet de financer l'innovation, et non pas la recherche-développement de routine. Il faudrait donc le moduler en fonction de la progression des sommes consacrées à la recherche-développement dans l'entreprise. En outre, la répartition du CIR entre les grands groupes et les PME me semble anormale. Il existe peut-être un problème de structuration des PME françaises.
Vous avez déploré le coût horaire du travail en France en comparaison de l'Allemagne. Mais il faudrait prendre en compte le temps de travail réel des ouvriers français, et surtout leur forte productivité horaire. Quant à la part des prélèvements sociaux par rapport au salaire net, elle est certes plus élevée en France, mais la fiscalité n'y est pas structurée de la même façon qu'en Allemagne. Certes, on peut débattre de la répartition des impôts et des charges qui pèsent sur la production.
En réduisant vos délais de paiement, vous n'avez fait que corriger une anomalie. On peut espérer à ce sujet que les réglementations européennes s'aligneront sur un délai maximal de quarante-cinq jours.
Pourquoi a-t-on pris tant de retard dans la conception de la voiture hybride ? Est-ce parce qu'on faisait le pari du tout-électrique ? Mais la voiture électrique, qui restera insuffisamment autonome, posera à l'avenir des problèmes écologiques à cause de la présence de lithium ; d'ailleurs la pénurie de matières premières se fera un jour sentir.
Vous avez rappelé l'attachement à la France du groupe PSA. L'avenir, dites-vous, réside dans l'innovation. Mais avec la crise, le besoin s'est fait sentir de voiture simples, solides, dotées d'un minimum d'outils électroniques et bon marché, construites dans des pays où la main-d'oeuvre est à bas coût : d'où le succès de l'association de Renault-Nissan avec Dacia pour construire des voitures en Roumanie. Peut-on envisager de construire en France des véhicules de ce type ?
Quel est l'avenir du site de Sevelnord, dans le Valenciennois ? On n'y construit plus de nouveaux modèles depuis des années.
PSA a choisi de maintenir le site de Valenciennes, où sont construites des boîtes de vitesse automatiques, alors qu'une proposition lui était faite en Hongrie. C'est l'un des meilleurs sites de ce type. Voilà la preuve que, malgré le coût prétendu de la main-d'oeuvre, il est possible de maintenir une industrie en France !
Daniel Raoul a posé les questions cruciales de la productivité, des coûts horaire et hebdomadaire et du niveau des prélèvements obligatoires en France et chez nos voisins. Sur ce point, j'appelle de mes voeux une opération vérité.
Venons-en à la question chinoise. Lorsque la Chine investit pour produire des véhicules de qualité, elle exporte, ce qui lui rapporte des devises. Mais dans quelques années le consommateur chinois sera lui-même devenu très exigeant. Quelles sont les conséquences de l'implantation de PSA en Chine sur son activité dans d'autres régions, notamment en Europe ?
J'ai été heureusement surpris par l'évolution du dialogue social à PSA, malgré ses insuffisances. Chez Citroën, il y a vingt ou trente ans, c'était la préhistoire sociale ! Le dialogue social est une condition de la réussite : je vous parle en connaissance de cause.
J'oubliais de vous interroger sur la Russie. On dit que vous y avez perdu beaucoup d'argent, comme votre concurrent Renault, lorsque le marché a subi une chute brutale il y a deux ans. Aujourd'hui il reprend, mais les autorités russes obligent les constructeurs étrangers à fabriquer un certain nombre de pièces sur place. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
Je tiens à apporter un nouvel éclairage sur la situation respective de la France et de l'Allemagne : alors que 80 % des équipements entrant dans la composition d'une voiture allemande sont construits en Allemagne, cette proportion tombe en France à 20 % !
Elle est plutôt, je crois, de 40 ou 50 %.
Certes, le coût officiel du travail est plus élevé en France qu'en Allemagne. Mais il faut tenir compte des 100 milliards d'euros d'exonérations fiscales et sociales dont ont bénéficié depuis dix ans les entreprises françaises ! À y regarder de près, le coût du travail est à peu près équivalent dans nos deux pays : il est même possible que nous ayons un léger avantage.
J'apprécie les efforts de PSA pour soutenir la filière automobile. C'est chose nouvelle : naguère PSA et Renault achetaient leurs pièces sur internet, faisant ainsi subir une pression considérable à leurs équipementiers... Rappelons que pour un emploi à l'usine PSA de Sochaux, il y en a cinq dans la filière ! Il est de notre responsabilité de faire en sorte que les quatre autres ne disparaissent pas. Que pensez-vous d'éventuels contrats de filière ? Je me souviens du temps où les C4 ne pouvaient plus sortir de l'usine d'Aulnay parce qu'un équipementier avait disparu ; à Sochaux, les pouvoirs publics et PSA ont dû lutter pour maintenir en vie Key Plastic. Il faut tout faire pour conserver la richesse d'une filière dense.
PSA n'a pas attendu le crédit d'impôt recherche pour innover, monsieur Raoul. Dès les années 2000, nous avons amélioré de manière spectaculaire la performance énergétique de nos moteurs thermiques classiques, en créant les moteurs à injection directe haute pression et les filtres à particules. Depuis quelques années, PSA travaille en synergie avec les institutions publiques, plus de quatre-vingt laboratoires et une cinquantaine de doctorants ; nous sommes impliqués dans les pôles de compétitivité pour le véhicule du futur en Alsace et Franche-Comté, pour l'automobile de haute gamme dans le grand Ouest et Mov'eo en Ile-de-France et en Normandie. Rappelons que l'industrie automobile est au deuxième rang de la recherche-développement en France après la pharmacie.
Le bénéfice tiré du CIR ne constitue pas un effet d'aubaine : il nous a permis de poursuivre et d'amplifier notre effort en temps de crise. L'enjeu est considérable : il s'agit par exemple de concevoir une chaîne de traction pour le véhicule hybride rechargeable de demain, qui émettra moins de 50 g/km de CO2 tout en offrant une plus grande mobilité que la voiture électrique. Ce n'est pas une recherche de routine !
Pour ce qui est des délais de paiement, il est vrai que nous n'avons fait qu'appliquer la loi. L'effort n'en fut pas moins considérable, en pleine crise. Nous avions d'ailleurs fait remarquer lors du vote de la LME que le raccourcissement des délais ne profiterait pas qu'à des entreprises françaises, puisque certains de nos fournisseurs sont étrangers.
M. Teston m'a interrogé sur notre stratégie low cost. Nous souhaitons proposer une offre à bas coût aux consommateurs des pays émergents, qui achètent souvent leur première voiture, mais nous tenons à ce que tous nos véhicules respectent les normes environnementales et les normes de sécurité active et passive. En revanche, nous n'avons pas pour ambition d'importer sur le marché européen des véhicules de moindre qualité que ceux que nous vendons ailleurs.
La stratégie de votre concurrent Renault, qui s'est allié avec Dacia, ne vous tente-t-elle donc pas ?
Nous produisons en France des voitures d'entrée de gamme, qui conviennent aux besoins de certains usagers. Mais PSA ne veut pas importer en Europe des véhicules de mauvaise qualité.
Monsieur Raoult, il est vrai que l'augmentation des capacités de l'usine de boîtes de vitesses de Valenciennes, la création d'une ligne de production de boîtiers pilotés que j'ose dire futuriste et l'implantation à Metz de la première unité de production de moteurs à essence de nouvelle génération prouvent que la France peut conserver une industrie. Nous avons récemment investi 50 millions d'euros à Rennes pour moderniser notre usine, 225 millions à Mulhouse. Il n'est reste pas moins que notre pays souffre d'un problème de compétitivité, lié notamment à la hausse du coût du travail horaire et plus généralement des charges pesant sur le facteur travail.
Oui, monsieur Hervé, une opération vérité est nécessaire. Certains dirigeants politiques s'emparent aujourd'hui de la question de la compétitivité de l'industrie française dont ils se désintéressaient naguère. Je me réjouis que le Président de la République ait demandé à la Cour des comptes de réfléchir à la convergence de la fiscalité des ménages et des entreprises en France et en Allemagne.
Pour que le dialogue soit loyal, il faut tenir compte de l'utilisation des prélèvements obligatoires au bénéfice de l'économie. Personnellement, je suis très hostile à une convergence fiscale avec l'Allemagne, à moins qu'elle ne s'accompagne d'une convergence sociale : faute de quoi vos ouvriers en seraient les premières victimes.
Toujours est-il que la question de l'écart de compétitivité entre nos deux pays doit être posée. L'Allemagne est notre premier partenaire économique ! Les industriels attendent des décisions rapides.
Le marché russe a connu une véritable fracture en 2009, mais nous restons confiants en l'avenir. Nous voulons être présents sur place et produire des véhicules adaptés à la demande locale : c'est pourquoi nous nous sommes associés avec Mitsubishi pour ouvrir une co-entreprise près de Moscou. Il a d'ailleurs fallu passer par les fourches caudines des autorités russes, et accepter qu'une partie de notre production soit réalisée dans le pays : de telles conditions ne sont pas inhabituelles.
M. Hervé a évoqué la Chine. Nous estimons que les consommateurs chinois ont droit à des voitures de même qualité que les Européens, qu'il s'agisse des moteurs, de la sécurité ou du design. Ils sont d'ailleurs exigeants, et nous nous efforçons d'adapter notre offre à la demande locale : nous avons créé à Shanghai un centre où 300 personnes travaillent sur les attentes des clients chinois. Je ne prendrai qu'un exemple : en Chine nous soignons particulièrement les places arrière des voitures, car les ménages chinois, lorsqu'ils achètent leur première voiture, aiment à y promener leurs vieux parents... Un autre centre a été ouvert à São Paulo.
À ma connaissance, l'usine de Sevelnord devrait continuer à fonctionner comme par le passé. Mais je m'engage, monsieur Raoult, à vous faire parvenir toute nouvelle information.
Je reviens sur l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne. Notre pays ne pourra pas faire longtemps l'économie d'une réflexion sur ses prélèvements obligatoires et la charge qu'ils font peser sur le travail. Certes, les prélèvements permettent de financer des dépenses publiques dont les entreprises bénéficient aussi. Mais peut-on faire supporter à ces dernières une part aussi importante des charges communes ? En 2009, par exemple, les entreprises ont financé la politique familiale à hauteur de 33 milliards d'euros ! N'est-ce pas à l'ensemble des citoyens d'y contribuer ?
Prenons un cas précis : Siemens construit des rames de métro moins chères que celles qui sont produites en France. La raison en est simple : les têtes de rames sont embouties en République tchèque, où la différence de salaire est d'un tiers... Sur cette question, le consensus républicain et européen est en jeu.
Dans notre approche de la filière automobile, nous pratiquons le global sourcing. Nos usines européennes se fournissent pour 67 % auprès d'entreprises françaises et pour 28 % auprès d'autres entreprises européennes : c'est dire que nous apprécions de trouver des biens et services à proximité et souhaitons entretenir avec nos fournisseurs des relations de long terme. Nous avons tissé avec treize fournisseurs stratégiques des liens de coproduction, y compris dans le domaine de la recherche et de l'innovation ; pour ce qui est des autres fournisseurs, nous songeons à une labellisation des sites. L'objectif est de tirer l'ensemble de la filière vers le haut, qu'il s'agisse de qualité industrielle, d'innovation ou d'équilibre financier, pour affronter la compétition mondiale.
Les enchères électroniques ne constituent qu'une part très modeste de nos achats : 220 millions d'euros en 2009, sur un total de 23,2 milliards. Nous n'y recourons le plus souvent que pour des produits hors série à faible valeur ajoutée. En règle générale, PSA privilégie la coproduction sur la base d'une structure de coûts bien identifiée.
N'oublions pas le patriotisme industriel qui prévaut en Allemagne, alors qu'en France, on se résolvait naguère à voir l'industrie disparaître. Il faut réagir.
Les maîtres mots de l'action commune doivent être la compétitivité, l'innovation et un environnement favorable à l'industrie, y compris au niveau réglementaire : la concurrence entre les institutions européennes a conduit à un certain emballement dans ce domaine. La recherche est indispensable : la Chine investit 10 milliards d'euros par an pour le véhicule du futur, les Etats-Unis 18 milliards, le Japon 3 milliards, l'Europe 1 milliard seulement...
Souhaitons que l'Union européenne se saisisse de ce problème : pour l'heure, la Commission songe à une politique industrielle commune à l'horizon 2014... C'est bien tard !