La commission a procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
a rappelé que cette audition, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales, devait permettre de faire le point sur deux sujets :
- d'une part, les modalités de gestion du revenu minimum d'insertion, la commission devant examiner le lendemain le rapport de M. Auguste Cazalet sur la proposition de loi de M. Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (RMI) ;
- d'autre part, la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), dont le président de la République a annoncé la généralisation en 2009.
a souligné que les départements avaient besoin d'informations complémentaires à celles qui leur sont aujourd'hui transmises par les caisses d'allocations familiales, afin de mieux piloter la dépense liée au RMI. Il a observé que la mise en place du RSA impliquait donc, au préalable, une gestion satisfaisante du RMI.
a indiqué que le RMI, dont on fêtait le vingtième anniversaire, avait connu trois périodes :
- une première phase au cours de laquelle ce dispositif avait permis d'accorder un revenu minimum à des personnes qui ne pouvaient pas travailler et qui n'avaient pas de ressources. Il était ainsi monté en charge conformément aux prévisions initiales pour bénéficier à quelques centaines de milliers de personnes ;
- une deuxième période durant laquelle le nombre de bénéficiaires du RMI avait crû, globalement, de manière importante. Cette prestation avait également été accordée à des personnes capables de travailler, pour lesquelles elle n'avait pas été conçue à l'origine, à la suite notamment de périodes de chômage. Ceci reflétait certains dysfonctionnements économiques et sociaux, notamment du marché du travail ;
- une troisième période, entamée en 2003, marquée par la décentralisation aux conseils généraux de la responsabilité de la gestion du RMI, les caisses d'allocations familiales (CAF) continuant à servir la prestation.
a observé que ces réformes avaient été absorbées rapidement et n'avaient pas posé de problèmes majeurs en termes de gestion, les acteurs ayant su répondre aux défis auxquels ils étaient confrontés.
En revanche, il a noté que deux démarches complémentaires étaient aujourd'hui menées :
- d'une part, le souci, traduit dans la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier, de tirer des enseignements des relations entre les CAF et les conseils généraux et d'assurer une plus grande transparence ainsi qu'une meilleure information sur la gestion du RMI ;
- d'autre part, le projet de mise en oeuvre du RSA, dont une préfiguration était actuellement expérimentée par certains départements.
a déclaré partager les objectifs tendant, d'une part, à ce que ces prestations remplissent leur rôle de « sortie par le haut » vers le marché du travail, permettant d'atteindre un équilibre dans lequel les revenus du travail constituent la majeure partie des revenus et, d'autre part, à ce que les prestations soient financées et contrôlées conformément aux principes de gestion rigoureuse des finances publiques. Il s'est dit en accord avec les orientations de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier, même s'il s'est interrogé sur le calendrier de mise en oeuvre de ces dispositions et sur la manière de les instaurer, compte tenu de la perspective de généralisation du RSA en 2009.
Il a indiqué que deux chantiers étaient en cours :
- le renforcement des contrôles, grâce notamment à la récente mise en place d'un fichier national des allocataires, qui devrait être étendu d'ici la fin de l'année 2008 à l'ensemble de leurs ayants droit. Il a précisé que ce renforcement des contrôles s'appuyait également sur des croisements de fichiers, notamment ceux de l'administration fiscale et des organismes d'indemnisation du chômage, et a jugé souhaitable que les fichiers des CAF et des URSSAF soient également rapprochés ;
- la réforme des minima sociaux et la mise en place du RSA, qui se substituerait au RMI, à l'allocation de parent isolé (API), à la prime pour l'emploi (PPE), aux dispositifs d'intéressement ou de primes forfaitaires de retour à l'emploi, afin de définir un ensemble homogène destiné à assurer une croissance régulière des revenus en cas de reprise du travail. Cette réforme aurait un impact important sur les bénéficiaires de ces prestations et sur les acteurs impliqués dans leur gestion. M. Martin Hirsch a ajouté que seraient également refondus les systèmes d'information des CAF, afin notamment de tenir compte des expériences actuelles et du besoin d'informations complémentaires en matière de gestion des prestations. Cela le conduisait à porter une attention particulière à la question du calendrier de mise en oeuvre des dispositions de la proposition de loi présentée par M. Michel Mercier.
a précisé que la version future du RSA serait plus large que la version en cours d'expérimentation dans certains départements et a souligné deux différences notables :
- la nouvelle version du RSA engloberait les travailleurs pauvres, alors que la version actuelle est limitée aux allocataires du RMI et de l'API ;
- elle serait plus simple que la version actuelle, qui se conjugue avec d'autres prestations ou dispositifs existants comme la prime pour l'emploi (PPE), dans la mesure où le RSA aurait vocation à s'y substituer.
Le coût du RSA devrait correspondre à la somme des dépenses liées au RMI (6 milliards d'euros), à l'API (un milliard d'euros), à la prime de retour à l'emploi et aux dispositifs d'intéressement (quelques centaines de millions d'euros), à la prime pour l'emploi (4,5 milliards d'euros), à laquelle s'ajouterait 1,5 milliard d'euros supplémentaires mobilisés à l'occasion de cette réforme. Au total, le nouveau dispositif devrait être plus juste, plus progressif et permettre d'éviter les trappes à inactivité et à pauvreté.
Il a précisé que le coût supplémentaire provenait de l'intégration, dans le dispositif, des personnes aux revenus faibles, afin d'assurer une égalité de traitement en cas de situation équivalente. En outre, il a indiqué que la mise en place du RSA serait l'occasion de revoir le régime des droits connexes, afin qu'ils soient fonction des ressources et non plus des statuts liés au bénéfice de telle ou telle prestation.
a souhaité savoir si l'allocation de solidarité spécifique (ASS) serait intégrée dans le dispositif du RSA.
a indiqué que ce point faisait l'objet de discussions. Il a estimé que, dans un souci de simplification, l'ASS pourrait être intégrée dans le RSA, mais il a précisé que cette question devrait être abordée avec les partenaires sociaux et prendre en compte les réflexions en cours sur l'indemnisation du chômage.
s'est montré très favorable à l'inclusion de l'ASS au sein du RSA, en jugeant inutile d'attendre que la personne se trouve dans une situation plus précaire pour être prise en charge par ce dispositif.
Il a salué la volonté, annoncée par le président de la République, de redéployer une partie de la prime pour l'emploi vers le RSA, en notant qu'elle rejoignait une analyse antérieurement conduite par la commission et devrait permettre une meilleure soutenabilité des finances publiques. Il a toutefois souhaité obtenir des précisions sur les projections de montée en charge du RSA, ainsi que sur les modalités concrètes de redéploiement de la PPE.
a indiqué que la première étape de la mise en oeuvre du RSA consistait à rassembler l'ensemble des crédits consacrés aux prestations et des publics concernés - bénéficiaires de minima sociaux ; travailleurs pauvres dont la moitié ne bénéficie ni de la prime pour l'emploi, ni du RMI ; personnes gagnant un peu plus que le SMIC - et à ajouter 1,5 milliard d'euros au montant actuel de ces dépenses, afin de constituer l'effort global correspondant au revenu de solidarité active. La question qui se pose ensuite est celle du « centre de gravité » retenu pour la nouvelle prestation. Il a observé qu'une prestation trop diluée, selon l'analyse de la Cour des comptes, n'avait ni effet redistributif, ni effet incitatif et que la solution retenue consisterait donc à recentrer le champ de la PPE sur les plus bas revenus.
a indiqué, par ailleurs, que la réflexion sur les modalités de recentrage de la PPE sur les personnes les plus modestes, dans le cadre de la mise en place du RSA, se poursuivait, rappelant que l'arbitrage sur le montant consacré au RSA avait été rendu très récemment. Il a précisé que des consultations étaient en cours à ce sujet, notamment avec les partenaires sociaux et l'Assemblée des départements de France. Il a estimé, pour sa part, qu'un recentrage de la PPE, pour un montant pouvant varier entre 100 millions et 2 milliards d'euros, était souhaitable. Jugeant que le RSA serait plus incitatif et plus redistributif que le système actuel, il a fait observer que le retour au travail des bénéficiaires, favorisé par ce nouveau dispositif, permettrait d'en alléger le coût.
a indiqué avoir constaté, au cours de ses déplacements sur place, que les conseils généraux ne disposaient pas des instruments de pilotage nécessaires en matière de gestion du RMI. Il a précisé que le problème résultait en partie des systèmes d'information des caisses d'allocations familiales qui ne permettent pas de fournir des indicateurs de gestion performants. Il a ainsi jugé que la proposition de loi de M. Michel Mercier était opportune et nécessaire dans la perspective de la mise en place du RSA et a demandé à M. Martin Hirsch s'il était prêt à soutenir cette démarche. Il a enfin souligné que les conclusions de la commission sur cette proposition de loi, qu'il présenterait le lendemain, veilleraient à assurer une transition avec le dispositif du RSA.
Sur le fond de la proposition de loi, M. Martin Hirsch a déclaré être à « 100 % favorable » à ce que les relations entre les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux soient plus transparentes. Il s'est toutefois déclaré soucieux de l'intégration du dispositif prévu par la proposition de loi dans le chantier général de refonte des minima sociaux.
a remarqué que si l'objectif poursuivi par le RSA était largement consensuel, il convenait toutefois, pour assurer sa réussite, d'apporter au préalable davantage de transparence dans la gestion du RMI. Il a rappelé que la compensation par l'Etat du transfert du RMI aux départements était déficitaire de plusieurs millions d'euros, précisant que cette somme s'élevait à 30 millions d'euros par an dans le département du Rhône. Par ailleurs, il a regretté que l'aide de l'Etat prévue pour participer au financement des contrats d'avenir n'ait jamais été versée. Jugeant que, dans ce contexte, les dépenses de RMI pesaient sur les finances départementales, il a appelé de ses voeux un éclaircissement des engagements de l'Etat sur ces sujets. Enfin, tout en reconnaissant la « bonne volonté » des caisses d'allocations familiales, il a souhaité, pour que le RSA fonctionne, qu'il soit remédié à une situation où le département ne sait pas précisément à quoi correspondent les sommes qu'il verse et prend néanmoins à sa charge les paiements indus.
Sur la question des relations entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales, M. Martin Hirsch a indiqué prendre en compte la situation des départements et travailler, à ce sujet, en étroite liaison avec certains départements et avec l'Assemblée des départements de France. Il s'est par ailleurs engagé à ce que le RSA produise moins de paiements indus que le RMI. M. Jean Arthuis, président, a demandé si, pour parvenir à cet objectif, une déclaration mensuelle remplacerait l'actuelle déclaration trimestrielle. M. Martin Hirsch a indiqué y être favorable.
Sur la question de la contribution de l'Etat au financement des nouveaux contrats aidés, il a rappelé l'engagement pris par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, de verser les sommes dues par l'Etat. Au sujet de la compensation par l'Etat aux départements du transfert du RMI, il a fait valoir que l'Etat versait 500 millions d'euros par an aux départements dans le cadre du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI). Enfin, il a souligné que le surcoût du RSA serait financé par l'Etat et non par les départements et qu'un accord était actuellement recherché avec l'Assemblée des départements de France sur la répartition du financement du RSA.
a mis en garde contre une éventuelle généralisation du RSA avant que des solutions n'aient été apportées aux questions soulevées par son expérimentation. Il s'est inquiété des modalités de compensation du coût du RSA pour les départements, indiquant que, dans le Loiret par exemple, ce coût pourrait atteindre 8 millions d'euros. Il a enfin interrogé M. Martin Hirsch sur l'éventuel surcoût résultant du versement du RSA à un grand nombre de travailleurs qui se situent en dessous du seuil de pauvreté.
a souligné son intérêt pour le RSA, qui devrait permettre de remplacer plusieurs allocations par une prestation unique. Il a toutefois manifesté des craintes quant à la complexité du futur dispositif. Il a rappelé, en accord avec les déclarations de MM. Michel Mercier et Eric Doligé, le manque de compensation par l'Etat du transfert du RMI aux départements, évaluant ce manque à 24 millions d'euros dans la Sarthe. Il a déclaré être favorable au RSA, souhaitant néanmoins, au préalable, que la proposition de loi de M. Michel Mercier soit adoptée et que soit mise en place une forme de solidarité interdépartementale.
s'est interrogée sur l'éventuel impact du RSA sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Elle a, par ailleurs, demandé si la compensation des écarts territoriaux, prévue dans le Livre vert relatif au RSA, était incluse dans le montant de 12 milliards d'euros prévu pour son financement.
a regretté, en qualité de rapporteur des crédits de la mission « Travail et emploi », que de nouvelles dépenses soient prévues, au lieu de poursuivre l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire, et que davantage d'aide publique soit nécessaire pour inciter les chômeurs à la reprise d'activité.
a fait état du succès de l'expérimentation du RSA en Charente-Maritime, tout en précisant ne disposer que d'un recul de quatre mois depuis sa mise en place. Il a appelé de ses voeux une vision dynamique du RSA, jugeant qu'il permettrait de réintégrer davantage de bénéficiaires des minima sociaux au sein du marché du travail. Il a ainsi estimé que les départements gagneraient à mettre en place ce nouveau dispositif, qui favorise la diminution du nombre d'allocataires.
constatant que le système déclaratif actuel du RMI était générateur d'indus, s'est interrogé sur son évolution dans le cadre de l'instauration du RSA. Estimant que le principe du RSA était une bonne chose, il s'est toutefois inquiété de sa charge financière, qui avant d'être évaluée à 1,5 milliard d'euros l'avait été à 3 milliards d'euros.
a enfin demandé si les crédits de la « prime de Noël » seraient ajoutés aux 12 milliards d'euros prévus pour le RSA.
En réponse à M. Eric Doligé, M. Martin Hirsch a indiqué que le RSA n'entrainerait pas de charges supplémentaires pour le département du fait de l'intégration à son dispositif des « travailleurs pauvres », puisque l'éventuel surcoût par rapport à la prime pour l'emploi serait compensé par l'Etat.
En réponse à M. Roland du Luart, M. Martin Hirsch a reconnu que davantage de transparence était nécessaire entre l'Etat et les départements, dans le cadre d'un « contrat de confiance », et que les départements avaient besoin de meilleurs outils de pilotage du RMI. Il a souligné que le RSA permettait déjà, là où il était expérimenté, d'obtenir de meilleures informations sur la situation des allocataires. Revenant sur la question d'une éventuelle péréquation financière entre les départements, il s'y est déclaré favorable, tout en reconnaissant que cette question dépassait le cadre de la mise en place du RSA.
Répondant à Mme Nicole Bricq, M. Martin Hirsch a indiqué qu'en l'état actuel du projet, il n'était pas prévu d'intégrer l'AAH dans le RSA, du fait des spécificités importantes de cette allocation.
a remercié M. Claude Belot pour son implication dans l'expérimentation du RSA. Il s'est par ailleurs félicité que, dans le cadre de cette expérimentation, les deux tiers des retours à l'emploi se fassent vers le secteur marchand.
En réponse à M. Bernard Cazeau, M. Martin Hirsch a rappelé sa volonté que le RSA mette fin au système « archaïque » de déclaration trimestrielle de ressources. Il a proposé, par ailleurs, de prendre en compte les insatisfactions actuelles des départements en matière de financement du RMI pour trouver un accord entre l'Etat et l'Assemblée des départements de France dans le cadre du RSA. Il a enfin souligné que l'objectif poursuivi par le RSA de faire accéder au marché du travail les bénéficiaires de minima sociaux était partagé par l'ensemble des acteurs.
Répondant à M. Serge Dassault, M. Martin Hirsch a fait valoir que le système du RSA permettrait une transition entre l'allocation minimale et les revenus du travail. Il a jugé souhaitable que la France participe au mouvement de nombreux pays, notamment européens, vers la mise en place de systèmes de solidarité active similaires au RSA.
Enfin, en réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Martin Hirsch a relevé que la « prime de Noël » était un système inégalitaire du fait de son caractère ponctuel, car il exclut les allocataires sortis du dispositif au moment de son versement. Il a affirmé sa volonté de corriger cet effet pervers.
La commission a ensuite procédé à la désignation des sénateurs devant participer au groupe de travail commun avec la commission des affaires culturelles sur la réforme de l'allocation des moyens par l'Etat aux universités (révision du système « San Remo »). Ont été nommés MM. Philippe Adnot, Christian Gaudin et Gérard Longuet, en leur qualité respectivement, de rapporteurs spéciaux des missions « Recherche et enseignement supérieur » et « Enseignement scolaire ».