Commission des affaires sociales

Réunion du 5 décembre 2012 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur l'enquête relative à la politique vaccinale de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Merci à M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, ainsi qu'à Mme Marianne Lévy-Rosenwald et M. Pascal Samaran, d'être venus nous présenter les conclusions de l'enquête confiée par notre commission à la Cour sur la politique vaccinale de la France. Celle-ci fait l'objet de débats récurrents : obligation ou simple recommandation ? Quel niveau de couverture effective de la population ? Quelle répartition des coûts ? Quels effets, et quels risques ? Nous avons désigné la semaine dernière notre rapporteur : M. Georges Labazée. Il sera chargé d'analyser les conclusions de l'enquête de la Cour.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

La politique de vaccination de la France se caractérise par un objectif encore insuffisamment ferme et par des résultats contrastés. Mais c'est aussi une politique fragilisée car le consensus assez large dont fait l'objet, dans notre pays, la vaccination, comme protection à la fois individuelle et collective, se réduit : entre 2005 et 2010, la proportion de personnes ayant une opinion positive de la vaccination est passée de 90 % à 60 %. C'est sans doute le résultat des difficultés rencontrées par de récentes campagnes de vaccinations spécifiques, contre l'hépatite B et contre la grippe H1N1.

Par la loi de santé publique du 9 août 2004, notre pays s'est assigné, en matière de vaccination, des objectifs ambitieux qui ne sont pas atteints aujourd'hui. Cette loi comprenait cent objectifs de santé publique, dont deux visaient spécifiquement la vaccination : porter le taux de couverture vaccinale de la population contre dix principales maladies à 95 %, et celui de certains groupes à risques, contre la grippe, à 65 %. Huit ans après la fixation de ces objectifs, nous avons cherché à évaluer dans quelle mesure ils avaient été atteints. Les données manquent ; c'est une des fragilités de la politique vaccinale. Mais nous avons pu constater que les résultats sont mitigés : les taux visés n'ont que rarement été atteints au terme du délai de cinq ans que la loi avait fixé. En effet, ces objectifs n'ont pas été définis avec suffisamment de finesse. Le taux de 95 % s'appliquait uniformément à toutes les pathologies, alors que la situation était pour chacune bien différente. Pour certaines maladies, l'objectif était donc extrêmement difficile à atteindre, quand pour d'autres il décrivait quasiment l'existant. Quant au taux de 65 % qui s'appliquait aux groupes à risques - personnes en affection de longue durée, professionnels de santé, personnes âgées de plus de soixante-cinq ans - il était trop ambitieux : par exemple, la définition de l'objectif de couverture vaccinale des professions de santé a été faite en s'inspirant de la situation aux Etats-Unis, qui est difficilement transposable !

Notre taux de couverture est donc très nettement insuffisant pour certaines pathologies : pour la grippe, il est inférieur de dix points à celui de la Grande-Bretagne, pour l'hépatite B, il est le plus faible d'Europe après la Suède, et pour la rougeole, il ne suffit pas à empêcher le maintien de poches de réceptivité, car 1,5 million de personnes ne sont pas immunisées contre cette maladie. C'est ainsi que nous avons connu récemment une résurgence très importante de la rougeole : 22 000 cas entre 2008 et 2011, engendrant 900 pneumopathies, 26 encéphalites et 10 décès. Triste record des pays d'Europe occidentale !

Quelles sont les causes de cette situation peu satisfaisante ? D'abord, la difficulté du suivi de la couverture vaccinale : les données sont insuffisantes et fragiles. Les données administratives concernent surtout les enfants, avec le certificat de santé qui doit être rempli au vingt-quatrième mois, et les jeunes scolarisés. Mais l'information, qui doit être centralisée dans chaque département avant d'être transmise à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) est incomplète : elle porte sur un quart environ des quelque huit cent mille enfants nés chaque année, et est transmise de manière très irrégulière par les départements. La consolidation des données sur le statut vaccinal des très jeunes enfants est donc difficile, alors que c'est l'essentiel : plus l'enfant acquiert une mémoire immunitaire tôt, plus celle-ci est efficace. Pour les enfants scolarisés, les données sont transmises par la médecine scolaire, mais elles sont assez imprécises et peu suivies. Elles montrent en tout cas que tous les enfants ne sont pas à jour de leur couverture vaccinale. Il existe enfin des enquêtes sur le statut vaccinal des personnes, mais elles sont ponctuelles. A cet égard, la disparition du service national a privé l'épidémiologie du dernier dispositif qui permettait de couvrir au moins la partie masculine de la population. Malgré les efforts de l'Inpes, qui procède également à des sondages, les données manquent et, quand elles existent, elles ne sont consolidées qu'avec retard : l'Inpes a réussi à gagner un an sur les trois ans de délai, mais cela reste trop long. Des progrès ont été faits, en revanche, dans la surveillance épidémiologique des incidents vaccinaux et dans la pharmacovigilance.

Le calendrier vaccinal est de plus en plus complexe (il est passé de 2 à 52 pages), alors que le nombre de vaccinations obligatoires est restreint : tétanos, diphtérie, et poliomyélite, tous les autres vaccins ne faisant l'objet que de recommandations, souvent nuancées. Cela traduit sans doute l'hésitation croissante de la communauté médicale et scientifique sur le bon usage de certains vaccins, mais le calendrier s'apparente de ce fait davantage à un document scientifique qu'à un guide pour les familles. Nous n'avons évidemment pas pris partie dans le débat sur le choix entre recommandation obligatoire et vaccination recommandée, car cela excède nos compétences, mais nous avons cherché à l'éclairer en rendant compte des positions des uns et des autres.

La multiplication des recommandations figurant dans le calendrier vaccinal découle aussi de la concurrence d'expertise qui s'est instaurée entre les institutions qui concourent à son élaboration. L'Agence nationale de sécurité du médicament (anciennement Afssaps) donne, pour un vaccin, une autorisation de mise sur le marché, si le rapport entre bénéfices et risque est positif. Le comité technique de la vaccination intervient ensuite : il dépend du Haut Conseil de santé publique, et est rattaché à sa commission des maladies transmissibles. Composé d'une vingtaine d'experts, il réfléchit pour chaque nouveau vaccin à la stratégie vaccinale dont il pourrait faire partie. La Haute Autorité de santé (HAS), créée par la loi de 2004, comprend une commission de la transparence qui intervient pour évaluer le service médical rendu par chaque vaccin, ainsi que l'amélioration du service médical qu'il permet. Enfin, le comité économique des produits de santé négocie, sur la base des éléments précédents, le prix du vaccin avec ses fabricants. Mais cette mécanique ne fonctionne pas aussi clairement qu'elle le devrait. Il y a concurrence d'expertise entre le comité technique de la vaccination et la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé : ainsi, quand le comité technique de la vaccination avait prévu, dans le cas de la vaccination contre l'hépatite A, un certain périmètre de vaccination, la commission de la transparence de la HAS, sur la base d'une autre expertise, l'a diminué.

La commission de la transparence propose toujours, pour les vaccins, le taux de remboursement maximal : 65 %. Contrairement à ce qui se fait avec un médicament, il n'y a aucune modulation de l'appréciation du service médical rendu et de l'amélioration du service médical rendu. Pourtant, tous les vaccins n'apportent pas la même contribution, et souvent d'autres choix sont possibles. Par exemple, avant la découverte, en 2006-2007, des vaccins contre le papillomavirus (qui est le facteur principal du cancer du col de l'utérus), la seule stratégie était le dépistage par frottis, et cela restait une stratégie individuelle : une expérimentation de dépistage organisé a été menée dans quatre départements (dont les deux départements d'Alsace) mais n'a jamais été généralisée. Quand le Gardasil et le Cervarix sont arrivés, l'administration a demandé à l'Université de Lille de procéder à une étude médico-économique des stratégies en présence : fallait-il mieux investir dans un dépistage organisé systématique, ou développer une stratégie vaccinale ? Le prix de ces vaccins était en effet très élevé. Les résultats furent clairs : le dépistage organisé, pour des résultats analogues, était plus de deux fois moins cher que le recours au vaccin.

La recommandation du comité technique de la vaccination, ainsi que celle du Haut Conseil de la santé publique, ont donc été de donner la priorité au dépistage organisé, et de le compléter par une vaccination ciblée sur les jeunes filles à partir de quatorze ans. Mais les pouvoirs publics n'ont retenu que la stratégie de vaccination, sans la coupler avec une stratégie de dépistage organisé. Résultat : notre pays a un taux de vaccination inférieur à celui des autres pays européens. Beaucoup de jeunes femmes ne se font faire que la première des trois injections nécessaires à l'efficacité du vaccin : seules 15 % vont jusqu'au bout du processus, sans doute à cause du prix trop élevé du vaccin (environ 400 euros pour les trois injections, auxquels s'ajoute le coût des consultations chez le médecin). L'absence de dépistage organisé et l'absence de mise à disposition du vaccin dans de bonnes conditions de prise en charge cumulent leurs effets chez les femmes les plus modestes : cette stratégie de santé publique va au rebours des objectifs qui seraient souhaitables. Le prix du vaccin est, de surcroît, beaucoup plus élevé qu'aux Etats-Unis, ce qui est très étonnant. Nous préconisons donc une renégociation du prix de ce vaccin par le comité économique des produits de santé : elle semble en passe d'être engagée.

Ce sont les médecins généralistes et spécialistes qui sont au coeur du dispositif de vaccination, même si en 2008 un décret a ouvert aux infirmières la possibilité de participer à la vaccination contre la grippe. On ignore le nombre exact de consultations qui sont liées à la vaccination. Selon certaines enquêtes, ce serait environ 20 % d'entre elles. Les structures de santé publique ont un rôle assez modeste. Les centres de PMI ont une activité de vaccination, le coût des vaccins étant pris en charge par l'assurance maladie. Les centres de vaccination sont dans des situations très diverses. Dans le cadre de l'acte II de la décentralisation ils ont fait l'objet d'une recentralisation : décentralisés au bénéfice des départements en 1982-1983, ils sont redevenus en 2004 de la compétence de l'Etat, même si certains départements ont souhaité en conserver la gestion. Le coût des vaccins qu'ils mettent à disposition n'est pas pris en charge par l'assurance maladie. Il est donc pris en charge par le budget des centres, et c'est parfois une limite à l'accessibilité des vaccins par leur biais, car certains sont très coûteux.

Le dispositif de vaccination paraît relativement inefficace sur certains types de populations, ou certains territoires. Les populations en situation défavorisée restent à l'écart de la vaccination. Les centres d'examen et de santé qui se sont orientés vers la prise en charge de ces populations ne sont pas autorisés à pratiquer la vaccination, cela pourrait pourtant être le moyen d'opérer un rattrapage ciblé. Si le taux de couverture des jeunes enfants est plutôt bon dans notre pays, le problème de la mise à jour des vaccinations pour les adolescents est lancinant : le dispositif actuel ne permet pas un bon suivi de leur situation vaccinale. Le service de santé scolaire pourrait peut-être aider à l'améliorer. Il existe, enfin, des disparités territoriales : les régions du Sud de la France sont moins bien couvertes. Cela appelle des politiques ciblées de prévention de la part des ARS : à l'exception du Limousin, les ARS n'ont pas fait de la vaccination une priorité de leur action.

La vaccination pose des problèmes spécifiques de communication : il s'agit de convaincre nos concitoyens qu'ils ont intérêt à se protéger individuellement pour protéger collectivement l'ensemble de la population, quitte à accepter, alors qu'ils sont en bonne santé, qu'on leur inocule un germe pathogène. Cela ne va pas de soi, et exige un effort de communication constant, surtout lorsqu'on sent que la confiance traditionnelle envers la vaccination s'érode. La politique de communication devrait être beaucoup plus active et continue, et beaucoup plus réactive : le discours anti-vaccinal qui se développe sur les réseaux sociaux doit y trouver une réponse. Les pouvoirs publics ont déjà été amenés à créer des cellules de veille sur internet, le temps d'une campagne de vaccination. Mais cette politique n'est ni continue, ni pérenne. La participation des industriels du vaccin aux campagnes de communication est un sujet controversé. Pour les médicaments, les fabricants sont par principe exclus de la promotion. Nous avons analysé les conditions dans lesquelles l'exception qui est faite pour les producteurs de vaccins est encadrée. Le Haut Conseil de la santé publique envisagerait favorablement une mutualisation des contributions des industriels des vaccins, mais la DGS craint qu'une telle mutualisation ne fasse disparaître les contributions ! Or, la politique de santé publique a très peu de moyens de communication, et la DGS estimait qu'elle pouvait difficilement se priver de la contribution des industriels du vaccin.

Notre rapport illustre bien les contradictions de la politique de prévention dans notre pays : volontariste, elle s'appuie sur des données peu établies qui en fragilisent les résultats. Elle manque souvent de cohérence et de continuité, est soumise à des pressions diverses... Bref, elle a besoin d'un nouveau souffle, et nous espérons que les seize recommandations que nous formulons pourront contribuer à le lui donner !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Pourquoi cette défiance actuelle envers la vaccination ? Il y a quelques années, on vaccinait les enfants contre de nombreuses maladies, il y avait les piqûres pendant le service militaire... L'opinion publique, les familles, voyaient cela comme un acte de protection. Or aujourd'hui cela fait l'objet d'une répulsion. Pourquoi ? Comment peut-on y remédier ?

Les conclusions de votre rapport en appellent à une politique beaucoup plus ambitieuse. La loi de santé publique à venir pourrait-elle être le véhicule de dispositions qui iraient dans ce sens ?

Qui doit prendre en charge le coût de la vaccination ?

N'y aurait-il pas lieu de fusionner le comité technique de la vaccination et la Haute Autorité de santé ? Ils ont été conçus en 2004 par la même loi ...

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Il s'agissait de deux lois différentes, mais parallèles : l'une du 9, l'autre du 13 août 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Quel doit être, selon vous, le rôle des collectivités territoriales ? Les départements font un travail précieux dans le domaine de la protection maternelle et infantile, mais le suivi des enfants laisse à désirer, car la médecine scolaire fonctionne mal.

Les centres d'examen de santé de la sécurité sociale, qui ont une mission de prévention, ne pourraient-ils pas proposer des vaccinations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je remercie M. Durrleman de son exposé si précis. La politique de vaccination, comme toutes les politiques de prévention, a besoin de persévérance, de cohérence, et aujourd'hui d'un nouveau souffle. Le rendez-vous du service militaire n'existe plus. Les jeunes enfants sont correctement suivis, très peu de parents refusent de les vacciner, et les vaccins précoces sont efficaces jusqu'à l'âge scolaire. Mais c'est ensuite, au collège notamment, qu'il y a un vide. Les médecins généralistes, que les familles consultent régulièrement, ont leur rôle à jouer ; ils devraient systématiquement demander où en sont les vaccinations des enfants. Le suivi des adultes est encore plus difficile : plus on vieillit, plus on oublie les rappels.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je félicite M. Durrleman de ses compétences médicales.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Doctus cum libro !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce qui m'inquiète, c'est la complexité du calendrier de vaccination. Autrefois, dans le carnet de santé, une page était consacrée aux vaccinations, à renouveler tous les cinq ans. Depuis, certaines vaccinations sont devenues facultatives, le nombre et les délais des rappels varient, etc.

Des complications passées, à propos de l'hépatite B notamment, ont rendu la population rétive : il faut travailler à une prise de conscience. Il est vrai que la vie de certaines personnes a été bouleversée. Les supports de certains vaccins posent problème. Les médias ne parlent que des complications, jamais des vies sauvées grâce aux vaccins... Quant aux notices d'AMM, elles indiquent obligatoirement les contre-indications et complications éventuelles : on comprend que les gens soient effrayés...

La gratuité du vaccin contre la grippe pour certains publics n'a pas suffi à rendre le taux de couverture satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C'est que les patients doivent payer une visite médicale pour se faire vacciner...

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Rarement : beaucoup de médecins saisissent l'occasion d'une visite pour proposer une vaccination. La sécurité sociale fait d'ailleurs des efforts, puisque le taux de vaccination est pris en compte dans l'évaluation des médecins. Une meilleure communication n'est-elle pas nécessaire ?

Certains vaccins multiples, comme le tétagrippe, sont devenus introuvables. Les médecins ne sont pas avertis des changements de calendrier. Le suivi des jeunes enfants est satisfaisant, grâce à la PMI et aux services sociaux des départements, mais la médecine scolaire manque d'efficacité. Passé l'âge de cinq ans, un enfant n'est plus malade, il a développé des anticorps ; la surveillance médicale se relâche.

Vous avez dit que les départements tardaient trop à faire remonter les certificats de vingt-quatrième mois. Pourquoi ne pas dématérialiser la procédure ? On obtiendrait ainsi un reflet national de la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Je félicite à mon tour M. Durrleman. Je suis très surpris de voir que les spécialistes de médecine parallèle et autres charlatans savent très bien communiquer - une commission d'enquête se penche en ce moment sur le sujet, pour discerner d'éventuelles dérives -, tandis que les médecins de ville sont peu mobilisés sur la vaccination. Même les professionnels hospitaliers, que j'ai beaucoup fréquentés, sont réticents, alors que la vaccination est obligatoire à l'hôpital !

Vous avez proposé la nomination d'un chef de projet chargé de la vaccination dans chaque ARS, mais à qui s'adressera-t-il ? Il est difficile de parler à toute la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

En effet, la politique de vaccination a besoin d'un second souffle. Ne faut-il pas la clarifier ? Certains vaccins, naguère obligatoires, ne le sont plus ; on vaccinait systématiquement les collégiens contre l'hépatite B, on en est revenu... Dans ces conditions, on comprend les réticences des gens. Il faut les rassurer, en éclaircissant aussi le rôle des laboratoires pharmaceutiques : chacun doit être sûr que l'intérêt économique ne prévaut jamais sur l'intérêt médical. C'est en convaincant les gens de se faire vacciner que l'on évitera des épidémies.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

L'information et l'adhésion de la population sont en effet primordiales. Il est vrai que certains professionnels de santé tiennent un discours anti-vaccinal. Il n'entre pas dans les attributions de la Cour des comptes de dire si cela relève de procédures disciplinaires au sein de l'Ordre, voire de poursuites pénales... Toujours est-il que l'on accrédite ainsi des arguments fallacieux. La vaccination est d'intérêt général, elle assure notre protection collective et doit donc reposer sur la cohésion sociale. Au temps des ravages de la tuberculose, on parlait de « défense sanitaire » : la société s'estimait fondée à se protéger contre les épidémies. Mais aujourd'hui, le souvenir des grandes épidémies s'est effacé, sauf peut-être celui de la grippe espagnole.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

La communication reste trop intermittente ; l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé a très peu de moyens. On dépense moins en France pour la prévention sanitaire que pour la sécurité routière ! Or de telles campagnes doivent être finement conçues, afin d'éviter le style moralisateur, être précédées et suivies d'essais. Comparées aux dépenses d'assurance maladie, les dépenses de prévention sont très faibles, et en leur sein la prévention est réduite à la portion congrue. En la matière, il faut un discours public de conviction.

Les médecins sont très vaccinés, les infirmiers très peu : cela montre qu'il faut aussi améliorer la protection des professionnels, considérés par la loi de 2004 comme un public prioritaire.

Quant à la prise en charge collective de la vaccination, il faut reconnaître que la gratuité des vaccins contre la rougeole ou la grippe n'a pas amélioré la couverture. Il n'est pas sûr qu'il faille dépenser davantage en ce domaine. Que tous les vaccins soient pris en charge à 65 % ne va pas de soi : certains pourraient l'être à 30 %, si l'on estimait que leur apport collectif ne méritait pas un taux de remboursement plus élevé. Cela dit, les vaccins ne coûtent que 400 millions d'euros par an, hors consultation ; c'est très peu, en comparaison des 167 milliards de l'assurance maladie.

Le rôle des institutions doit être clarifié : la HAS doit absorber le CTV, ou le CTV se voir transférer certaines compétences de la commission de la transparence. Les querelles d'experts en la matière ne sont pas de nature à favoriser la décision collective.

Les collectivités territoriales jouent un rôle important, non seulement en ce qui concerne la PMI, mais aussi par le biais des centres de santé entretenus par de nombreuses communes. En revanche, les communes auraient intérêt à regrouper leurs achats pour peser face à des firmes souvent monopolistiques. La Ville de Paris paie les vaccins en-dessous du prix de référence, d'autres communes les paient fort cher.

Pour mieux suivre la population après l'enfance, malgré l'extrême complexité des recommandations, un carnet de vaccination électronique serait précieux. Le carnet de santé des jeunes enfants est régulièrement mis à jour, mais par la suite il s'égare, se déchire, et l'on perd toute traçabilité. Ce carnet électronique pourrait être interfacé avec le dossier médical personnel. Les choses se mettent en place progressivement.

La dématérialisation du certificat de vingt-quatrième mois est en cours : j'ai pu le constater l'an dernier en examinant la politique de périnatalité. Elle simplifiera beaucoup la procédure.

Quant aux ARS, il leur appartient d'animer le réseau de prévention, puisqu'elles ont absorbé les anciens groupements régionaux de santé publique. Dans certains domaines, des campagnes régionales peuvent être utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Je vous propose d'entendre prochainement les représentants du CTV et de la HAS, ainsi que des industriels et des chercheurs.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il faudrait aussi connaître l'avis des caisses de sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Ajoutez-y, si je puis me permettre, la direction générale de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Un an après la crise du H1N1, le taux de vaccination s'est effondré.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

En effet. La crédibilité de nos campagnes de vaccination est en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

D'autant que certains patients, effrayés par les contre-indications, exigent que les médecins prennent leurs responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Et ces derniers ont parfois peur des conséquences...