Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à des auditions sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Elle entend, autour d'une table ronde, des élus de communes et d'intercommunalités.
Nous remercions nos invités d'avoir répondu à notre appel pour cette audition, qui sera télévisée. Hier, nous avons reçu les élus d'Ile-de-France, de Lyon et des Bouches-du-Rhône, puis le président de l'Association des départements de France.
Nous sommes saisis de trois textes ouvrant une nouvelle étape de la décentralisation. Le premier comprend quelques considérations sur les compétences, le chef de file et une éventuelle conférence territoriale régionale avant d'évoquer les métropoles. Parmi ces dernières, il met en exergue Paris, Lyon et Marseille - ce qui a fait du bruit. Que pensez-vous du texte en l'état ? Quelles modifications faudrait-il y apporter à votre sens ? Nos deux rapporteurs, M. Vandierendonck pour la commission des lois et M. Dilain pour la commission des affaires économiques, sont des spécialistes du sujet - deux autres sont en cours de nomination. Rien n'est décidé à ce stade : nous sommes là pour vous écouter et proposer des modifications au texte, afin qu'il corresponde au mieux aux attentes des élus.
maire de Grenoble, député, président de l'Association des maires de grandes villes de France. - C'est un honneur d'être entendu par la Haute assemblée sur une loi aussi importante pour notre République. Disons d'emblée qu'il est difficile, en France, de faire des lois universelles pour l'ensemble de nos territoires : il y a région et région, département et département, ville et ville. L'unité doit primer sur l'uniformité. Il faut ensuite de la cohérence entre tous les textes. Ainsi, la future loi Duflot sur l'urbanisme et le logement ne devra pas être en contradiction avec ce texte-ci. Je pense, entre autres, au plan local d'urbanisme (PLU) intercommunal.
Le statut des métropoles pose problème. Le projet de loi les détermine, de façon claire et nominative, en fixant un seuil de 400 000 habitants dans une zone urbaine de plus de 500 000 habitants. Les maires des grandes villes souhaitent adjoindre, au critère démographique, les fonctions métropolitaines, telles qu'elles sont définies par la DATAR. Le texte gagnerait à ce que d'autres, possédant des pôles de compétitivité, une université, un CHU, un aéroport, puissent accéder à ce statut.
Ayons le courage de clarifier l'articulation entre régions et métropoles. Le fait de traiter la question dans deux textes va compliquer l'opération. Evitons une grande diversité dans le pays et de longues négociations. Comment une métropole ne pourrait-elle pas investir dans les sociétés d'accélération de transfert de technologie ?
Les grandes villes et communautés urbaines qui ne sont pas des métropoles doivent être associées aux différents schémas de planification relatifs à l'aménagement du territoire, les transports et l'environnement et copiloter les pôles de compétitivité. Il importe également de reconnaître les compétences en matière d'enseignement supérieur et de recherche. En outre, les pôles métropolitains, créés par la loi de décembre 2010, doivent être confortés pour passer des compétences à l'action.
Se pose enfin le problème de la gouvernance : les exécutifs de ces métropoles devront être élus à terme au suffrage universel direct.
Au moins. Il serait déraisonnable de ne pas prévoir un pas supplémentaire lors du renouvellement de 2020.
Je suis un peu gêné de parler après M. Michel Destot, dont, sur le fond, je partage l'avis. C'est un bon signe que nos associations soient sur la même longueur d'ondes, à quelques nuances près.
Ces textes comportent quatre points forts : consolider les régions, renforcer les intercommunalités, reconnaître le fait métropolitain et créer une conférence territoriale de l'action publique (CTAP). Je regrette toutefois qu'ils soient aussi riches ou touffus et qu'il y en ait trois au lieu d'un.
La philosophie générale nous convient, qu'il s'agisse de renforcer les régions, de consolider les intercommunalités ou de reconnaître le fait métropolitain ; de même, la méthode me semble extrêmement positive, avec la CTAP : les élus locaux peuvent s'organiser dans un cadre national.
Quatre points forts donc, mais deux écueils : il ne faut pas opposer les métropoles aux régions, d'une part, et les métropoles aux communes et départements, d'autre part. Le statut de la métropole devrait pouvoir être ouvert, sur la base du volontariat, à des agglomérations qui assurent des fonctions métropolitaines en matière universitaire, hospitalière ou économique. Aux yeux du maire de Rennes, Brest devrait pouvoir accéder à ce statut si elle le désire. Nous souhaitons une intégration plus forte des compétences et des délégations. Le transfert de certaines compétences départementales fait débat ; j'y suis pour ma part favorable, pour ce qui est de la voierie départementale ou de la compétence DALO.
On ne parle pas assez des aspects fiscaux. Rennes a mis en place la taxe professionnelle dès 1992, grâce à qui vous savez.
L'intégration fiscale est un outil de solidarité des territoires. Développons celle-ci en allant vers une unification de la fiscalité locale des ménages : dans un premier temps, je plaide pour une taxe foncière unique, décidée par un vote à la majorité qualifiée et non à l'unanimité. Nos métropoles doivent être plus que les communautés urbaines époussetées et relookées, prévues par la loi de 2010 avec le succès que l'on sait.
Je rejoins Michel Destot sur la question démocratique. Si le fléchage marque une avancée réelle, prévoyons une élection directe en 2020 pour ces communautés. Cela laisse sept ans.
Je ne suis pas choqué que Paris, Lyon et Marseille soient traités à part. C'est indispensable vu leur rôle et leur histoire particulière.
Nous ne sommes pas en opposition fondamentale sur les grands sujets. Présidents d'associations d'élus, ils ont une vision plus large que moi.
Je veux dire notre satisfaction de voir reconnu le statut de nos agglomérations même si le texte renvoie au décret. Le statut de métropole nous invite à interroger le statut de l'intercommunalité. Le paradoxe de la métropole est de devoir à la fois faire vivre ensemble des territoires disparates et exercer des compétences essentielles, économiques et universitaires entre autres, au nom de l'intérêt général. Les enjeux métropolitains ne recoupent pas les enjeux communaux, d'où la nécessité d'une élection au suffrage universel, tout en assurant une représentation de l'ensemble des communes : une clarification sera nécessaire.
En matière de fiscalité, il faudra, faute de taxe professionnelle unique (TPU), un impôt qui marque l'appartenance au même territoire.
L'agglomération grenobloise ne se limite pas au périmètre de la communauté d'agglomération : l'aire du schéma de cohérence territoriale (SCOT) comprend 800 000 habitants, nous ne sommes que 400 000. Les pôles métropolitains suffisent-ils pour élaborer une approche économique à l'échelle d'un bassin ?
Nos concitoyens peinent à comprendre ce qui relève de l'un ou de l'autre. Ouvrons le champ des transferts des compétences départementales, sans que ceux-ci soient automatiques et brutaux. Nous préfèrerions un cadre négocié avec nos collègues départementaux, que nous ne voulons pas déshabiller.
Une question subsidiaire : depuis quarante ans, notre département soutient fortement les transports publics. Le texte rend caduque cette intervention : c'est une très mauvaise nouvelle, sachant que le département consacre 40 millions d'euros par an aux transferts urbains, à comparer aux 80 millions de notre budget d'investissement. Ne nous coupez pas les vivres !
Nous restons une intercommunalité : il faut conserver une représentation. Pas de coupure avec notre histoire commune ! La métropole ne doit pas se traduire par un rejet des communes. Enfin, le débat sur l'intérêt métropolitain me paraît stérile. Je me réjouis que le texte précise enfin les compétences.
Tirons les leçons de l'expérience récente du référendum alsacien : lorsqu'on affiche des objectifs de simplification, de clarification, de rationalisation, d'économie, il y a loin de la coupe aux lèvres. On a du mal à s'y retrouver en lisant le projet. Un texte riche, touffu ? Confus, peut-être... Je plaide pour une vraie simplification : élaguons tout ce qui ne paraît pas indispensable pour fixer un cadre à la négociation. On ne pourra pas tout régler depuis Paris. On envisage la création de CTAP mais les conférences d'exécutifs travaillent déjà un peu partout à travers le pays. Faisons confiance aux élus locaux, qui sont sous le contrôle des électeurs. Evitons ces textes ambitieux qui risquent de constituer des niches à contentieux.
La philosophie générale du texte n'est pas claire. On oscille entre deux écueils : d'abord, l'impuissance potentielle, faute de cadre clair ; ensuite une contradiction entre les chefs de filât et la loi Defferre, qui pose l'interdiction de tutelle d'une collectivité sur une autre. Nous aurons à trouver une voie moyenne. Ce projet est amendable, il passera à la moulinette parlementaire. Si on le rétrécit, si on lui donne du nerf, on pourra en faire un cadre aux négociations. A Lyon, n'a-t-on pas su trouver un accord sans projet de loi ? Tous les maires vous diront que leur ville n'est pas une ville comme les autres...
J'ai la faiblesse de penser que Strasbourg a deux spécificités, à commencer par la proximité d'une frontière. Nous avons, comme à Lille, créé un groupement européen de coopération territoriale afin de jeter les bases d'une agglomération transrhénane. Deuxième spécificité : avec le Conseil de l'Europe, le Parlement européen, la Cour européenne des droits de l'homme, la Fondation européenne de la science ou encore l'Eurocorps, nous accueillons des institutions européennes qui font de Strasbourg une euro-métropole, suivant l'expression du président de la République. L'Etat doit les prendre en compte car la ville ne joue pas dans la même cour que le Parlement européen : je rejoins Martine Aubry....
dans sa demande de reconnaissance de nos spécificités.
Une inquiétude, enfin, sur notre calendrier : nous commençons la discussion du premier texte de l'acte III de la décentralisation le 30 mai, après une interruption de quinze jours... Il faudra mettre les bouchées doubles.
Je suis également vice-présidente du conseil général, en charge des transports. Nous attendons du texte une simplification et plus de lisibilité pour nos actions. La légitimité de nos institutions serait moins contestée si le public savait qui fait quoi. De ce point de vue, la mise en oeuvre des chefs de filât devrait clarifier les choses, mieux organiser les coopérations entre collectivités et établissements publics. C'est pourquoi la communauté urbaine de Bordeaux ne considère pas que le problème tient au nombre d'échelons : chacun a su démontrer sa pertinence. Oui à l'élection au suffrage universel des conseils communautaires : vu nos budgets, il est inconcevable que nous ne soyons pas directement élus par le peuple.
Ce texte a le mérite de reconnaître le fait métropolitain (60% de la population vit dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants), et de mettre en place une conférence territoriale. Celle-ci serait utilement renforcée par des contrats de territoire, sur le modèle des contrats de plan Etat-région.
Le projet de loi traduit la confiance faite aux territoires, je m'en réjouis après les commentaires de certains sur les qualités de gestionnaires des élus locaux. Rétablissement de la clause de compétence générale, possibilité de coopérations à géométrie variable, droit à l'expérimentation en témoignent.
Quelques points de vigilance toutefois : la compensation des charges transférées devrait être précisée dans la loi ; rien n'est dit sur un éventuel transfert de fiscalité. Or, les transferts de compétences doivent s'accompagner de transferts de ressources.
Le transfert obligatoire de la compétence sociale des départements au 1er janvier 2017 n'est pas pertinent : laissons le choix aux territoires. Les départements ont fait la preuve de leur efficacité en la matière. Scinder cette compétence, c'est prendre le risque d'une fracture et d'inégalités sur le territoire. Nos travailleurs sociaux travaillent en réseau, entre territoires urbains et territoires ruraux.
Je m'interroge ensuite sur la mise en place d'établissements publics fonciers d'Etat, un au plus par région d'après le texte. Cela n'interdit pas la création d'établissements publics fonciers locaux (EPCI), n'est-ce pas ?
Enfin, les conseils de territoire introduisent un échelon supplémentaire qui annonce la disparition des communes, je n'y suis guère favorable.
Ce texte, globalement satisfaisant dans son architecture, ne doit pas être démantelé durant la discussion parlementaire.
Mettre à part Paris, Marseille et Lyon n'a rien de choquant : ces villes ont leur spécificité : plus d'un million d'habitants. En même temps, ne galvaudons pas le concept de métropole : le seuil de 500 000 habitants a du sens. La création de petites communautés urbaines ne se justifiait pas. Métropole ne doit pas être confondue avec intercommunalité : le terme de commune disparaît. Il serait bienvenu que la loi fixe le nombre de métropoles.
La suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par quatre ou cinq dispositifs fiscaux incompréhensibles est véritablement hallucinante. Même nos meilleurs spécialistes ont besoin de réviser à chaque fois leurs dossiers pour s'y retrouver... Les métropoles ont besoin d'une ressource véritable et dynamique. La taxe foncière unique, intéressante dans son idée, n'est guère la solution : vu l'injustice des valeurs foncières, elle gèlerait les inégalités, voire les aggraverait.
J'ai toujours été énervé qu'on fasse voter le conseil d'agglomération et l'ensemble des communes selon des règles complexes. Quand des conseils comme le nôtre comprennent 70 communes, la disparition de ce système de double votation serait bienvenu... Je regrette que l'on n'utilise pas le texte pour achever la carte intercommunale : certaines communes ne sont pas intégrées, éventuellement pour des raisons de personnes.
Les délégations de compétence devront être plus souples : les zones d'aménagement concerté (ZAC) pourraient être déléguées à la commune concernée, même si la compétence d'urbanisme revient à la communauté d'agglomération. Dans les plus anciennes communautés urbaines, comme Lyon, d'ailleurs, certaines l'ont fait en matière d'urbanisme.
Les conseils de territoire ont leur intérêt à condition de ne pas multiplier le nombre de personnes qui y siègent. Le seuil de 500 000 habitants, pourquoi pas, mais ne recréons pas des super-communes. La loi ou le décret devra préciser le nombre de territoires, de conseillers et de vice-présidents.
Enfin, pourquoi distinguer dans les délégations entre régions et départements ? Elles ne sont obligatoires que pour les départements, ce qui donne au texte une connotation régionaliste qui ne se justifie en rien.
La CREA, structure récente, date du 1er janvier 2010 : elle est née de la fusion de deux communautés d'agglomération et de deux communautés de communes. Elle regroupe 70 communes sur plus de 100 kilomètres de Seine.
Dans un pays où la tradition communale est très ancrée, affirmer le fait métropolitain représente une évolution importante. Nos concitoyens ont trois grandes attentes : les économies d'échelle à tirer de la simplification ; l'équilibre et la cohérence territoriale ; la compétitivité dans une monde plus concurrentiel. Alors que les mauvaises nouvelles s'accumulent, nourrissant le sentiment d'un déclin inexorable de notre pays, la métropole peut être un vecteur de compétitivité à l'échelle internationale. Le 16 avril dernier, mon territoire apprenait la fermeture définitive d'une raffinerie ; il faut aller plus vite. Le recours à la loi pour affirmer les métropoles à partir de 400 000 habitants se justifie pleinement ; les décrets de création devront paraître rapidement.
L'organisation de services communs, et pas seulement la mutualisation des procédures de marchés publics et de fonctionnaires, garantira une réforme peu coûteuse et source d'économies.
Toujours dans un souci de simplification, renforçons l'articulation entre les différents niveaux de collectivités. Dans le texte, il est question de supprimer les financements croisés en cas de désaccord. Posons une exigence de stratégie partagée à l'heure où l'on rétablit la clause de compétence générale pour les départements et les régions. La contractualisation, dont on fait trop peu mention, donnera de la visibilité, c'est une nécessité pour nos concitoyens.
Pour une décision efficace, la métropole doit assumer l'entièreté du dispositif du schéma de cohérence territoriale jusqu'aux plans locaux de l'habitat, en passant par le PLU. Du reste, le PLU se généralise pour les autres communautés et les élus s'en félicitent. Même s'ils constatent les méfaits de l'émiettement de la compétence urbanisme, ils ne sont pas prêts à s'en dessaisir. Les conseils de territoire peuvent constituer une solution, je proposerai à mes 70 communes de former des territoires - le législateur pourrait envisager de le rendre obligatoire.
Le transfert automatique de plein droit de certaines compétences départementales en 2017 est étonnant : on impose un calendrier, une liste de compétences. Rien de tel pour les régions... Laissons de la souplesse.
Nous devrons régler la question de la légitimité démocratique des assemblées métropolitaines et de son articulation avec celle du maire. Mieux vaut que les élections métropolitaines, si elles se font au scrutin de liste, se tiennent le même jour, en espérant que les électeurs voteront pour les mêmes candidats.
Nulle mention dans le texte de la stratégie portuaire. Or, Rouen travaille avec Le Havre et Paris ; Marseille est également concernée au premier chef. La reprise en main des ports par l'Etat ces dernières années est fâcheuse s'il n'y a pas d'articulation avec la stratégie économique de la métropole.
Après ces exposés clairs, complets et complémentaires, je salue M. Filleul, fraîchement nommé rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
Je vous remercie tous de votre disponibilité. Entrons dans le détail de ce projet de loi, auquel vous êtes globalement favorables, et qui est largement amendable. Premier problème, nous devrons résister à tous ceux qui voudront des métropoles... à leur niveau. En somme, qu'est-ce que le fait métropolitain ? La référence à la métropolisation européenne en fonction d'une taille critique pollue un peu le débat. Pour moi, une métropole en France est d'abord une intercommunalité, qu'elle soit ancienne ou non, qui affiche un degré d'intégration de la compétence économique et de cohésion sociale. Monsieur Baïetto, vous avez tout à fait raison : retirons du texte les conférences et autres conseils, laissons les élus locaux décider, cela simplifiera les choses.
M. Ries a parlé de dimension européenne. Où se situe-t-elle ? Faut-il retenir les chiffres d'Eurostat ou la labellisation par l'Europe à travers les groupements de coopération transfrontaliers ? Si je ne prohibe pas la liste, je cherche des critères franco-français, si j'ose dire, sans ignorer la question des compétences économiques et de cohésion.
D'accord pour l'élagage, mais taille douce ou taille sévère ? Edmond Hervé avait esquissé des pistes... Déjà, des collègues m'interpellent : en 1982-1983, c'était le souffle de la nuit du 4 août, aujourd'hui, c'est la servitude volontaire.
Quand il y aura métropole, elle devra contextualiser le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) avec le département et la région. Pas question de déshabiller les conseils généraux. Le département n'est pas une variable d'ajustement.
Quelques questions pour finir : comment définir une autorité organisatrice des réseaux dans les métropoles ? Que pensez-vous du stationnement et de sa dépénalisation ? Quel est votre avis sur les pouvoirs de police ?
Nous commençons à y voir plus clair ; Simplifier et faire confiance aux élus locaux, voilà des objectifs nets et partagés. En revanche, nous devrons préciser le fait métropolitain. Déjà possibles dans les communautés urbaines, des services communs ne sont pas un critère distinctif. Il en est de même pour l'intégration des communes. Elle n'est qu'un moyen. Pour faire quoi ? Là est la question essentielle. Pour les uns, la métropole représente un outil stratégique au service du développement économique et de l'aménagement du territoire. Pour les autres, elle doit s'occuper aussi du quotidien, avec des services communs, pour plus de solidarité des territoires ; la fiscalité unique y concourrait. Peut-on concilier ces deux visions ? Cela devra être le fil rouge de notre réflexion.
Enfin, il y a des points d'opposition. Tout le monde a frémi quand M. Sanchez a vanté le PLU intercommunal ! Du reste, il a eu des positions différentes sur le chef de file ou sur le conseil territorial.
Ce nouvel acte de la décentralisation intervient au moment où l'on retire 1,5 milliard d'euros aux collectivités territoriales en 2014, de même que l'année suivante, et où la fiscalité locale a atteint des plafonds. Y aura-t-il de l'argent à la clé de cette réforme ? Que nenni ! L'Etat nous demande de faire plus avec moins. Il ne faudrait pas crier métropole ! métropole ! en sautant sur nos chaises comme des cabris : ne réclamons pas plus de compétences quand nos ressources diminuent.
La première partie du texte est contradictoire. On commence par y dire que régions, départements et communes auront tous la compétence générale, puis on met en place les coordinations nécessaires à une spécialisation volontairement acceptée - nous ne vous guillotinerons pas, entendez-vous pour le faire...
Le laïus autour de la CTAP, monsieur Vandierendock, devra être simplifié. Si la concertation est nécessaire, n'échafaudons pas une usine à gaz au lieu de nous mobiliser. Cette CTAP, c'est comme si on nous demandait de nager en nous liant les pieds. Il est vrai qu'il s'agit d'affirmer l'esprit général d'une réforme qui a été scindée en trois.
Je suis favorable aux métropoles. Au législateur d'en préciser l'idée. Pour certains, elles doivent être importantes et spécifiques. A voir... Certaines petites communautés urbaines ont grossi parce qu'elles avaient la volonté de s'intégrer, contrairement à des grandes villes qui ne l'ont jamais eue.
Il faudra bien aborder la question des ressources et des dotations hors fiscalité avec les associations de maires ruraux, de grandes villes, de montagne..., comme avec les départements et les régions. Nous pouvons chercher du côté de la fiscalité écologique ; nous pouvons également réfléchir à la part que les collectivités territoriales prendront à la production d'énergie dans le cadre de la transition énergétique.
L'élection des conseillers métropolitains au suffrage universel, parce qu'elle implique la disparition des communes, ne peut pas être imposée par la loi. Les gens veulent de la proximité avec la commune, comme l'ont montré les dernières élections sénatoriales et le référendum alsacien.
Je viens tout juste d'être nommé rapporteur. Si les métropoles sont une bonne idée, nous avons besoin de nous interroger sur le fait métropolitain sans oublier les autres territoires, car des gens y vivent aussi.
Le texte ressemble à une usine à gaz. On revient sur la loi de 2010 en rétablissant la clause de compétence générale pour tous, d'un côté et on crée des compétences spécialisées, de l'autre. Les maires, et j'en suis, sont inquiets. La loi sera difficile à porter.
M. Destot a des propositions à faire sur une définition des métropoles selon les fonctions, et non par la démographie. Nous sommes preneurs. La CTAP mérite réflexion. J'en ferais bien l'économie par souci de simplification, mais nous devons tenir compte des avis de chacun, communes, départements et régions.
Différentes conceptions de la métropole s'opposent : Mme la maire de Lille ne veut que les compétences stratégiques, les élus lyonnais souhaitent, pour leur part, reprendre toutes les compétences du département. Rassurez-vous : les sénateurs tiennent aux communes comme à la prunelle de leurs yeux ! Ils les sillonnent tous les vendredis, samedis et dimanches. La démocratie de la communauté et la démocratie de la commune ne sont pas contradictoires, nous pouvons très bien imaginer des solutions. Il y a beaucoup de pistes. Quoi qu'il en soit, ceux qui lèvent l'impôt doivent être élus par le peuple ; c'est un principe hérité de la Révolution française. Nous aurons deux lectures devant chaque assemblée sur ce texte, nous avons le temps d'y réfléchir.
Quid des communes ? Voilà la question. Les communautés d'agglomération ont pris des axes différents : certaines s'occupent des questions sociales, d'autres pas. Chez nous, le département a délégué l'action sociale à l'intercommunalité ; nous avons un CIAS. Toute la difficulté sera de ne pas imposer trop de contraintes par la loi afin d'adopter les choses à la diversité des territoires français. A la Révolution, monsieur le Président, les brassiers du bord de la Loire se plaignaient dans leurs cahiers de doléances de manger du saumon tous les jours : il faut toujours relativiser !
Remettant le doigt là où ça fait mal, je reviens aux communes que l'on va étouffer à force de les aimer. La notion de métropole a fait le deuil de la notion communale. Avec le suffrage universel, le fléchage n'aura pas vécu beaucoup plus longtemps que le conseiller territorial. Tout le conseil y passera bientôt. Lille-métropole compte 85 communes. Un maire qui a la légitimité communale pourra ne pas être représenté à l'intercommunalité quand celui qu'il a battu le sera ! S'il s'agit, comme le proposait le rapport Guichard, de supprimer les communes associées, de leur réserver l'inauguration des chrysanthèmes avant qu'elles meurent de leur belle mort, disons-le clairement !
Commencer par la métropole a rendu les choses plus confuses. Qu'advient-il des autres collectivités ? C'est un gros handicap pour ce texte.
Plusieurs sénateurs ont insisté pour que les trois textes fussent présentés en même temps en conseil des ministres. Je regrette que nous ne les examinions pas simultanément. Le problème de démocratie existe. J'estime qu'un système unique ne peut pas s'appliquer partout. Le fléchage est un grand progrès : pour les communautés de communes, je suis partisan de ne rien changer.
A vouloir dire trop de choses, j'ai peut-être été confus. Après les municipales de 2014, le président de la CREA aura une assemblée constituée d'élus communaux. Une structure de concertation en matière d'urbanisme assurera à ceux-ci une forme de droit de veto concernant le devenir de leur territoire. J'organiserai de tels dispositifs sur le territoire de la CREA. Nous avons d'ailleurs adopté une charte en ce sens afin d'apporter une garantie procédurale aux élus communaux. Je ne veux absolument pas que la métropole se substitue à la commune, qui restera le lieu d'exercice des responsabilités métropolitaines.
Si l'on veut aller vite, il faut acter un seuil démographique dans la loi et renvoyer au décret pour le reste. Pourquoi empêcher ceux qui le voudraient d'adopter ce statut ? Procédons comme pour les communautés urbaines.
Je ne souhaite pas la disparition des communes, même après 2020. Notre beau pays conservera des maires pendant des décennies : le dispositif choisi devra s'articuler avec l'élection communale : pour moi, le vote se déroulera le même jour. Nous verrons en 2014 comment aura fonctionné le fléchage, grâce auquel les minorités communales siègeront au conseil communautaire.
Le Sénat est attaché aux communes comme à la prunelle de ses yeux. Soit ! Mais que signifie au juste le concept communal ? La commune va de zéro à 800 000 habitants. La commune sans habitant n'est pas une hypothèse d'école : la France en compte neuf. Il n'y a pas la commune mais les communes.
A titre personnel, je suis très favorable à des listes intercommunales. Risque de différence de légitimité, avez-vous dit, si le maire élu n'était pas représenté au conseil communautaire. Ce risque, je l'ai vécu à mon élection à la mairie de Rouen : les sept conseillers généraux étaient des opposants et se sont opposés à la volonté exprimée par la commune sur des sujets qui la concernaient. Deux légitimités coexistaient sur le territoire. A un moment donné, il faut trancher, sachant que le choix sera toujours contestable.
Vous avez raison, il ne faut pas présenter comme un épouvantail, ce qui existe déjà. Ce qui nous attache puissamment à la commune, c'est le coeur, les communes sont des êtres vivants, que nous aimons.
Dans une agglomération comme Rouen, un tiers de la population se renouvelle tous les dix ans. Beaucoup s'installent dans une commune voisine, tout en estimant vivre encore à Rouen. Le coeur est plus large que vous le dites.
Nous sommes tous citoyens de la commune et de la communauté à la fois, comme l'on est Français et Européen.
En effet, n'agitons pas d'épouvantail, la cogestion a fait ses preuves au-delà des opinions politiques. Nous sommes tous des élus responsables, avec une vision de nos territoires. Le législateur doit nous faire confiance et laisser la porte ouverte à l'expérimentation.
M. Vandierendonck a parlé de servitude volontaire, ce qui m'a fait songer à La Boétie. Si l'on impose la servitude, les élus n'arriveront pas à travailler ensemble. En revanche, quand ils se mettent autour de la table, ils savent trouver des convergences, par delà les sensibilités politiques. Je le vois au GART.
La ville de Strasbourg a la compétence sociale, déléguée par le département, et cela marche très bien. Faut-il transférer cette compétence à la métropole ? Je l'ignore. Ne touchons pas trop à ce qui marche et gardons la souplesse suffisante.
Les communautés urbaines avaient jadis la compétence urbanisme mais les POS - les PLU d'aujourd'hui - relevaient de la commune. Nous sommes passés à un PLU communautaire, il y a eu quelques grincements de dents mais il faut bien se préoccuper de la cohérence ; et les cahiers communaux ont permis de préserver l'identité de chaque commune. Le PLU communautaire n'est pas une révolution copernicienne !
Si la communauté urbaine de Strasbourg n'est pas une métropole, elle en a toutes les compétences. En définitive, la lisibilité de cette euro-métropole seule compte, afin de mettre un terme aux querelles picrocholines avec Bruxelles et Luxembourg - car on nous conteste parfois notre statut... Faisons confiance au travail parlementaire pour parvenir à un texte plus lisible !
Nous attendons un texte sur le statut de métropole, pour savoir qui pourra y prétendre. Mais par pitié, évitons de tout définir, de tout corseter. Attention à ne pas perdre notre force : être une métropole, c'est être un peu plus grand qu'on ne l'est réellement, c'est jouer un rôle de locomotive économique. Mais il y a une réalité incontestable, une spécificité de l'agglomération métropolitaine : la nôtre concentre la presque totalité de l'habitat social. Nous avons à la fois la richesse et la faiblesse...
La compétence générale nous aide à dialoguer, alors que des compétences figées nous enserrent dans le contrôle de légalité. Le président de la chambre régionale des comptes contestait l'intervention du département en matière de transport car aucun texte ne le prévoyait. Aucun texte ne l'interdisait non plus ! Il faut de la souplesse.
La notion d'interterritorialité, nous la vivons concrètement. Souvenez-vous du sens que La Boétie donnait à la servitude volontaire : ne rentrons pas dans des rapports tordus et compréhensibles par nous seuls.
Le maire qui paye la taxe plutôt que de se conformer à la loi SRU peut en tirer profit - il montre à ses électeurs qu'il résiste. Mieux vaut se mettre d'accord pour répartir les usines d'incinération, d'épuration, les parcs de stationnement d'autocars, etc. Personne n'en veut près de chez soi, c'est ainsi que l'étalement urbain se poursuit... Enfin, comment une commune qui n'a pas les moyens d'employer un cadre A peut-elle survivre aujourd'hui ?
Nous avons besoin des métropoles, qui sont des EPCI, c'est-à-dire des outils de coopération intercommunale. Opposer la métropole aux communes ou aux régions est un faux débat, absurde et archaïque ! Allons vers plus d'interprétation. Ce qui compte, ce sont les fonctions des métropoles dans la compétition européenne.
Le PLU intercommunal fait bondir. Mais tous les plans sont aujourd'hui élaborés pour les communes par les services intercommunaux ; et sans un document commun, comment parler de développement durable et de programme de développement de l'habitat ? Il est indispensable pour lutter contre l'étalement urbain.
Au nom de nos quatre rapporteurs et de tous les sénateurs présents, je vous remercie pour la richesse de vos propos, enracinés dans l'action concrète.
Elle entend ensuite, autour d'une table ronde, des représentants d'associations d'élus.
Il n'est pas de petite collectivité dans la République : toutes sont solidaires et complémentaires. Si le premier texte de l'acte III de la décentralisation traite des métropoles, nous recevons les associations d'élus sans exception, car tout le monde a quelque chose à dire. Elus de Brest, de Nantes, de Rennes : un vent d'ouest souffle sur ce débat, ce n'est pas une mauvaise chose, nonobstant la question délicate d'un certain amendement visant à autoriser un département à rejoindre la Bretagne.
Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), Association des communautés urbaines de France (ACUF), président de la communauté urbaine Brest Métropole Océane. - Merci pour votre invitation. La décentralisation n'est pas une fin en soi, mais une manière de mieux gérer nos services publics. Ces projets de loi sont importants, même s'ils n'ont pas la portée des grandes lois de 1982 et 1983. Ils sont néanmoins perfectibles.
Le rétablissement de la clause de compétence générale est une bonne chose, car c'est une marque de confiance envers les élus. Personne n'ignore plus l'importance du fait métropolitain. Opposer la grande ville à la campagne n'a pas de sens, car la ville a un rôle d'entraînement, de prestataire de service pour tout un territoire, par exemple en matière de grands équipements culturels ou sportifs. Confortons ces locomotives, sans négliger les wagons. Qu'est-ce qu'une métropole ? L'article 31 du projet de loi retient le critère démographique : 400 000 habitants, sur une zone urbaine de 500 000 habitants. L'AMGVF et l'AdCF, rejointes par l'ACUF, ont écrit au Premier ministre pour s'opposer à cette conception, comme Mme Gourault et M. Hervé l'ont fait dans leurs récents rapports. Organisons les métropoles autour des convergences économiques pour les intercommunalités intégrées qui le souhaitent. C'est le sens de la modification que nous suggérons à l'article 31 du projet de loi : à leur demande, peuvent obtenir par décret le statut de métropole les EPCI au centre d'une zone d'emploi de plus de 400 000 habitants qui exercent certaines responsabilités en lieu et place des communes.
A l'article 39, l'ACUF souhaite que les communautés urbaines, comme les métropoles, soient associées aux différents schémas de planification et au contrat de développement territorial. Idem pour les pôles de compétitivité et l'entrée au capital des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), sujets traités dans le deuxième texte de décentralisation.
Seuls les services fonctionnels pourraient être fusionnés au sein de la métropole, c'est un recul par rapport à la loi de décembre 2010 qui autorisait une gestion unifiée du personnel. Nous en avons profité à Brest.
Le conseil de territoire doit rester une faculté ; s'il est bienvenu de confier la compétence tourisme aux métropoles et communautés urbaines, le transfert de gestion en eau ne paraît en revanche pas opportun.
On a l'impression que l'Etat cherche un moyen de s'en débarrasser. Nous souhaitons des compétences non pas au menu mais à la carte, pour le logement, les universités, etc.
Brest pratique le PLU communautaire depuis 1974. Il a été annulé deux fois : la première pour une note de synthèse jugée insuffisante, la seconde pour une étude environnementale incomplète. Qu'ajoutera le prochain texte ? Attention à ne pas créer l'inertie par le droit. Nous vivons très bien le PLU communautaire, il est indispensable surtout avec la loi littoral. Accorder un droit de veto à une commune serait aberrant. Enfin, nous sommes la première collectivité à avoir adopté un PLU facteur 4 comprenant l'urbanisme, l'habitat et le plan climat énergie.
Ce texte est une reconnaissance du fait métropolitain que vivent tous les jours nos citoyens, par exemple, à travers les grands projets structurants comme le tramway : un fait métropolitain qui, dans l'ouest, ne fait aucun doute non plus pour le conseil général et la région.
L'enjeu est de travailler encore mieux avec les autres territoires. La loi devra conforter nos compétences économiques, transport, aménagement en levant les obstacles.
Les CTAP sont perfectibles : attention au risque de déséquilibre aux dépens des territoires urbains. Pourquoi ne pas imaginer des conférences thématiques ?
Les métropoles, parce qu'elles sont au service des entreprises et des citoyens, doivent être la locomotive du développement économique. Laissons-leur la possibilité d'élaborer leur propre schéma de développement et de copiloter les pôles de compétitivité.
Territorialiser la politique du logement est une nécessité pour atteindre nos objectifs et assurer la mixité sociale. Pourquoi ne pas transférer les aides à la pierre ? Ce serait un pas dans le bon sens. La compétence Dalo, la gestion du contingent préfectoral, pourquoi pas ? Tout cela va dans le bon sens. En revanche, attendons avant de transférer l'hébergement d'urgence.
La compétence environnement, en cette période de transition énergétique, est essentielle. Les collectivités doivent s'engager massivement dans les réseaux de distribution de chaleur qui, aujourd'hui, n'est pas reconnue, alors que celle de l'eau ou du gaz le sont.
Oui à l'élection au suffrage universel du conseil métropolitain en 2020, en créant ou en confortant le conseil des maires. Dans la communauté urbaine de Nantes, depuis 2001, nous avons mis en place des pôles de proximité, qui ne sont pas un échelon supplémentaire mais un lieu de dialogue, de travail, de préparation des décisions. La question de la gouvernance sera déterminante.
La convergence de vues entre nos trois associations n'est pas anodine, elle est le fruit d'un travail commun et d'une vision partagée du développement de l'intercommunalité.
Le projet de loi a été coupé en trois. Le premier morceau nous semble, sur le fond, très positif. Pour l'AdCF, la métropole ne peut pas être dissociée de la montée en puissance de toutes les structures intercommunales. Nous avons besoin de métropoles fortes mais aussi de communautés de communes et de communautés d'agglomération puissantes, qui seront traitées dans le troisième texte. L'idée est d'aller vers une unification des statuts entre ces différents types de structures.
Puisqu'on ne peut réinjecter le troisième texte, qui sera sujet à des contraintes de calendrier, dans le premier texte, prenons garde à bien définir l'intérêt communautaire. Evitons les usines à gaz : certains sujets sont d'intérêt communautaire alors qu'ils sont traités au niveau infra-communautaire. Bref, évitons l'inertie qu'entraînerait une rigidification des délégations de compétences.
Les CTAP ont leur utilité, gardons-en une vision opérationnelle : elles doivent être des lieux où l'on fabrique du consensus, non des instances de décision.
Je me réjouis de cette convergence entre les trois grandes associations représentant le mouvement intercommunal.
Merci à M. Cuillandre d'avoir bien distingué, en introduction, métropole européenne et métropole d'équilibre, car il faut savoir de quoi l'on parle. Vous revendiquez pour Brest le statut de métropole d'équilibre, avec un statut d'EPCI, n'est-ce pas ?
Tout à fait.
Ce n'est pas le cas de Lyon. L'intérêt communautaire est effectivement une notion clé.
Rien ne m'a choqué dans les propos de M. Cuillandre. Je comprends la revendication sur le tourisme, sur la santé. Le comité régional du tourisme finance des actions, les départements ont vocation à organiser le tourisme sur tout leur territoire, et les intercommunalités s'en occupent aussi. Si l'on veut illustrer le gaspillage d'argent et d'énergie en France, le tourisme fournit un bon exemple !
Monsieur Delaveau, la contractualisation au sein de l'intercommunalité pour mutualiser au niveau infracommunautaire et supracommunal que vous pratiquez est bonne, je l'ai d'ailleurs imitée à Lille. En revanche, laissons cela dans le règlement intérieur plutôt que de rigidifier en l'inscrivant dans la loi.
Je suis preneur de vos compétences sur les réseaux de chaleur ; ce serait un comble que de freiner dans ce texte la poursuite des objectifs du Grenelle I et du Grenelle II.
Nous essaierons d'obtenir de meilleures conditions d'examen pour le troisième texte. Sans quoi, ce serait une très mauvaise manière de légiférer. Non, tout n'est pas dans tout...
A Tours, ville de 297 000 habitants, nous organisons des réunions avec les maires, et les présidents du conseil général et du conseil régional y participent également. Mais ne figeons pas les choses dans la loi, sinon cela ne fonctionnera pas, on créera une usine - même pas une usine à gaz.
Nous devrons, un jour, parler des finances : le temps n'est pas encore venu, mais le projet de loi de finances pour 2014 ne va pas tarder. Sur les réseaux de chaleur, avançons avec les métropoles en sachant que la période est à la réduction des dotations aux collectivités territoriales - moins 1,5 milliard d'euros en 2014 et autant en 2015 - et qu'il faudra bien voir ce que l'on enlève au bloc communal...
Si je comprends bien, il y aurait, d'une part, la métropole à la lyonnaise avec un statut de collectivité et, de l'autre, une métropole d'équilibre en milieu urbain. Nos concitoyens reconnaissent le fait métropolitain et le réclament ; ils veulent plus de services. Tout le monde veut sa métropole ! Il faudra concilier ces différentes visions et attentes, sachant que la métropole videra dans certains cas le département de sa substance.
Merci à Mme Gourault d'avoir éclairci le souhait de Brest : un EPCI qui tienne compte du fait métropolitain. Avec des métropoles d'équilibre, en quoi le critère de 400 000 habitants se justifie-t-il ?
Après la création de la métropole rennaise, qui comptera 500 000 habitants, que deviendra l'Ile-et-Vilaine ? Un département centré sur les territoires ruraux ? Nous ne voulons pas opposer l'urbain et le rural !
Le découpage de la réforme en trois textes est problématique. Je suis partisan du développement de l'interterritorialité. Pour présider un SCOT de 500 communes dans le sud du département de Meurthe-et-Moselle, je sais que cela incite au dialogue et à la coopération. Cette notion d'interterritorialité résorbera la fracture ressentie entre le fait rural et le fait urbain. C'est en traitant des questions concrètes comme la collecte des ordures ménagères que nous ferons apprécier l'intercommunalité à nos concitoyens.
Hormis Paris, Lyon et Marseille, les métropoles seront des établissements de coopération intercommunale. Le vécu de nos concitoyens, comme l'économie, évolue plus vite que nos institutions. Au législateur d'essayer de s'adapter, Monsieur de Legge, Rennes s'est vu déléguer la compétence sociale il y a plus de 25 ans. La convention, ou la contractualisation, est la bonne voie ; d'autant que la loi sera moins bavarde, elle ira plus vite à l'essentiel.
Oui, faisons confiance à l'intelligence locale. Contrats de codéveloppement, communauté de communes, conseil des maires, conférences territoriales, les lieux de dialogue ne manquent pas. Il faut associer les conseillers municipaux et communautaires au projet de métropole. La réduction du nombre de vice-présidents aura des incidences : à Nantes, chaque maire était vice-président de l'EPCI, il faudra trouver un autre système de gouvernance pour la suite.
Nous n'avons pas besoin de demander un transfert de compétences du département, puisqu'il existe déjà une contractualisation. Le transfert des compétences de voirie, de transports scolaires, de zone d'activité économique ne nous pose aucun problème. Nous travaillons territoire par territoire et nous aurons un contrat métropolitain avec la région, comme nous avons aujourd'hui des contrats de territoire.
Je tire de ces auditions une leçon : faisons confiance aux élus pour trouver les bonnes formes de coopération et élaguons la loi. Plus elle sera courte, plus elle sera forte.
La commission procède ensuite à l'audition de l'Association des maires de France.
Nous sommes très heureux de recevoir des représentants de l'Association des Maires de France (AMF). Madame Jacqueline Gourault, vous y jouez vous aussi un rôle éminent. Parce que les métropoles, dont nous parlons, sont constituées de communes et même de communautés de communes, nous sommes très soucieux de recueillir l'avis de l'AMF.
C'est un honneur d'être auditionné par le Sénat. Le texte qui nous est proposé manque d'ambition par rapport au projet initial, voire de cohérence. On verse dans un aménagement de l'espace français qui ne correspond pas à notre tradition historique. Certaines aspérités déçoivent. Ainsi, le texte crée des contraintes lourdes pour les collectivités locales. Vous l'avez souligné, schémas et conférences s'empilent alors que nous sentons chez les ministres un élan véritable pour le desserrement des contraintes.
Nous craignons que l'on ne porte atteinte à la libre administration des collectivités locales. Parler de simplification à propos de ce texte est une plaisanterie ! On atteint un rare sommet de complexité !
Ce texte ne rapproche pas le citoyen de la décision. D'un côté, le citoyen élira les conseillers communautaires au suffrage universel direct ; de l'autre, on modifie les périmètres et les structures. Difficile de s'y retrouver. Nous comptons sur le Sénat et l'Assemblée nationale pour corriger ces incohérences.
Nous sommes tous en phase au sein de l'AMF, Mme Gourault peut en témoigner. Ce projet de loi traduit une conception rigide de l'intercommunalité. Les communes sont marginalisées, parfois réduites à une fonction d'exécution. Les schémas, régionaux comme départementaux, ne fonctionneront que dans une démarche de co-élaboration, et non de tutelle. Communes ou groupements doivent être associés à la gouvernance des schémas, d'autant qu'ils en supporteront les conséquences financières. Le développement de l'intercommunalité selon un principe de subsidiarité, voilà ce vers quoi il faut se diriger. La libre définition de l'intérêt communautaire est possible. Nous sommes contre les transferts en bloc, préjudiciables à une action publique de proximité, a fortiori contre les transferts obligatoires, comme celui de la voirie. Si le PLU peut être intercommunal, ce doit être avec l'accord des élus concernés. Nous savons gérer la mutualisation, la co-élaboration, la contractualisation ; et nous adapter aux spécificités des territoires. Ne nous contraignez pas dans un cadre légal trop étroit, une codification, une standardisation.
Le projet de loi n'envisage pas la consultation des conseils municipaux au moment de la création des métropoles : c'est difficilement acceptable. L'AMF propose que toutes les communes membres de la communauté de communes ou de la communauté urbaine concernée soient consultées, car une fois dans la métropole, elles ne pourront plus s'en retirer.
Pour les métropoles existantes, pourquoi ne pas procéder par décret ? Faut-il abaisser le seuil de création de métropole pour ouvrir la porte à Saint-Etienne, à Dijon ou à Brest ?
L'AMF est fermement opposée à la création de conseils de territoires ou de conférences locales des maires, source de complexité et de recul démocratique. Nous préconisons plutôt un conseil des maires, associé à l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de la métropole.
A chaque fois que l'on touche à l'organisation du bloc communal, la question de l'impact financier se pose. Cela n'est jamais neutre... L'AMF n'a de cesse de le dire.
Merci pour vos interventions d'une clarté digne de Descartes ou de Boileau. La forme correspond parfaitement à l'objet.
Vous demandez un assouplissement de la définition de l'intérêt communautaire : je vous ai entendu. Le débat étant fractionné, vous souhaiteriez avoir des garanties. Nous poserons demain à la ministre la question du calendrier exact. Les conditions d'examen des deux autres textes devront être améliorées.
J'ai dit sans ambiguïté que le fonctionnement de la communauté - notamment une conférence des maires - relevait de son règlement intérieur et était de nature contractuelle. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Sur le PLU intercommunal, nous aurons des rencontres plus approfondies. Il s'agit de garantir la coproduction entre la communauté urbaine en charge de la compétence PLU et les communes.
Dès lors que les règles sont claires, il faut une méthode de travail respectueuse des maires. La coproduction, cela fonctionne. Selon Montesquieu, le pouvoir arrête le pouvoir, mais les pouvoirs du PLU et de la délivrance des permis de construire, par exemple, ne se neutralisent pas, ils travaillent de concert. Je l'ai vu, cela marche. Et c'est à cela que nous aspirons, coproduction et mutualisation.
Belle interprétation participative de Montesquieu. Une séparation des pouvoirs constructive, en quelque sorte.
Je partage l'inquiétude qui a été exprimée. La CTAP me paraît quelque chose d'infernal. La communauté d'agglomération de Tours est modeste : 22 communes, 277 000 habitants. Le bureau des maires se réunit régulièrement, avant toute décision. La ville de Tours a renoncé au nombre de sièges auquel elle pouvait prétendre pour respecter la diversité et apaiser d'emblée les craintes des autres, afin de promouvoir une démarche coopérative. Pourquoi l'inscrire dans la loi ? Laissons chacun libre de s'organiser. Nous avons ainsi créé un service qui instruit les demandes de permis de construire pour les petites communes. Notre communauté d'agglomération souhaite accéder au statut de métropole, puisque toutes les compétences lui ont été déléguées.
L'Etat accorde la compétence générale mais tout en réclamant des économies : c'est la grande ambiguïté du texte. Ce n'est pas habile, car on donne l'impression qu'il y aura une tutelle d'une collectivité sur les autres. Les régions risquent au passage de perdre du pouvoir ! Enfin, je regrette que l'on réduise d'1,5 milliard les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales en 2014, puis à nouveau en 2015, sans parler de la péréquation à mettre en oeuvre. Quelle sera la part du bloc communal ? Nous y reviendrons dans quelques semaines. Quant à la dotation de solidarité communautaire, elle est bien trop faible. En matière de transition énergétique, à nous de mener le combat.
A propos de la simplification qui complique tout, Marcel Gauchet juge qu'une forme extrême de la démocratie peut conduire à sa disparition. Autrement dit, le mieux est parfois l'ennemi du bien.
Vous avez rappelé le rôle des intercommunalités en matière d'ingénierie, face au désengagement de l'Etat. Les très petites communes ont effectivement besoin de l'aide de la communauté. A mes yeux, la solidarité territoriale relève d'abord de l'intercommunalité.
Quelle stupeur de voir que certains territoires souhaitent devenir métropoles ! Chez moi, ce n'est pas le cas. La culture du Nord n'est pas celle du Sud : la même méthode ne vaut pas pour tous. Or, la loi ne tient pas compte de la volonté des collectivités. Plutôt que de faire confiance aux élus, on veut forcer les communes autour de Marseille à intégrer la métropole, quand 109 élus sur 119 sont contre, dont douze maires qui veulent quitter la communauté urbaine. Il faut savoir accompagner le mouvement, laisser le temps au temps. On veut créer la métropole Aix-Marseille-Provence dès 2015, mais nous sommes loin d'être prêts.
Au Nord, on aime le travail en commun, le vivre ensemble. Chez nous, un peu moins ! Nous avons vécu des moments difficiles lorsqu'il a fallu entrer dans une intercommunalité. Et nous en sommes sortis au bout de deux ans. Avec ce texte, il n'y aura plus de libre administration des collectivités locales : on ne leur demandera pas leur avis et elles ne pourront plus quitter la métropole une fois dedans. C'est du viol, du mariage forcé ! Ne bousculons pas les gens, nous n'y gagnerions rien.
Le débat d'hier se poursuit, je vois ! Le sénateur maire de Marseille, il m'en a parlé ce matin, n'en a pas manqué une miette à la télévision ! Reste que la République est une.
Je reviens sur la solidarité entre communes riches ou pauvres, pour autant que l'on puisse définir ce qu'est une commune riche. La mienne compte des habitants riches tout en connaissant des difficultés. L'intercommunalité est le bon niveau pour la péréquation. Je pense, entre autres, aux EPCI. La péréquation est plus supportable quand on est plusieurs, et que l'on peut mutualiser.
Le texte confie aux métropoles un bloc de compétences insécable intégrant les aides à la pierre, le Dalo et la compétence hébergement. L'AMF a toujours souhaité que ces deux dernières compétences relèvent de l'Etat, car il y va de la solidarité nationale. L'exercice de cette compétence par les intercommunalités serait source de conflits.
Montesquieu, lorsqu'il voyageait, se rendait sur le point le plus haut d'une cible pour « regarder le tout ensemble », l'organisation et la cohérence.
Mais je veux attirer votre attention sur des détails.
L'article 3 fait des communes et EPCI les chefs de file de la mobilité durable et de la qualité de l'air - l'un des rares domaines où il n'y a ni textes, ni sanctions. Voudrait-on rendre les communes et l'intercommunalité responsables pénalement des décès qu'entraînent les microparticules ?
L'article 4, qui créée des CTAP au niveau régional, ne garantit pas une représentation équitable des communes. Articulons mieux les compétences et répartissons-les plus équitablement.
J'ai moi aussi sursauté en voyant que l'on chargeait les communes de la qualité de l'air qui est aussi mobile que la mobilité dite durable. Il faudra changer cela car ce n'est pas respectueux !
La commission procède enfin à l'audition de l'Association des régions de France.
Le Gouvernement est maître de l'ordre du jour : nous examinerons le premier texte de l'acte III de la décentralisation en commission le 15 mai, après l'interruption des travaux. Nous avons déjà procédé à 38 auditions en gardant les régions pour la fin. Que pensez-vous du dispositif proposé ? Que pensez-vous du texte sur les métropoles, et notamment de ses premiers articles, des compétences du chef de filât et des CTAP ? Que pensez-vous de la place faite aux régions et de leur articulation avec les métropoles ?
Le Sénat a conforté le rôle des régions dans la BPI, espérons qu'il en sera de même sur ce texte qui appelle de la part des présidents de région d'immenses réserves.
Nous sommes loin de l'acte fort de décentralisation qui s'impose. Les économistes, dont le professeur Nicolas Bouzou de l'université Panthéon-Assas, estiment qu'un système décentralisé favorise l'innovation dans les entreprises. En l'état, ce texte crée des doublons, ce qui alourdit le coût et rallonge le temps de l'action publique. L'emploi, le développement économique sont pourtant de la compétence des régions !
Le rétablissement de la clause de compétence générale ne fait pas l'unanimité chez les présidents de région : une majorité était plutôt pour une clarification précise des compétences. Une répartition claire des compétences serait un acte de responsabilité. A chaque fois que des compétences ont été transférées aux régions, elles ont été parfaitement assumées.
Il est inacceptable que la région n'ait plus de compétence en matière d'aménagement du territoire. La déposséder de l'aménagement du territoire est absurde, surréaliste, impensable. Idem pour le tourisme, où la répartition est claire : la région modernise les équipements touristiques, elle fait la promotion de la destination régionale. Imagine-t-on la Bretagne ne plus faire sa promotion comme destination de vacances ?
Autre exemple, le numérique qu'on donne aux départements au prétexte que ces derniers investissent davantage sur ce chapitre. Mais sans l'apport financier des régions, que se passera-t-il ? On ne pourra plus négocier avec les opérateurs au niveau régional. Ce texte, qui n'est pas de décentralisation, compliquera et renchérira l'action publique. C'est insensé ! Au reste, les départements investissent dans le réseau et pas dans les outils comme le fait la région.
Pourquoi revenir sur les expériences réussies, en Bretagne ou en Auvergne ? Non, décidément, cela n'a pas de sens.
La mobilité durable revient au bloc communal. Faut-il que les régions arrêtent de faire rouler les trains ?
Bref, de quelque bout qu'on le prenne, ce texte produit de l'insensé. Le summum est atteint avec la création des CTAP, sorte de troisième assemblée régionale, qui serait d'une lourdeur effarante. Il faudra bien voter les schémas. Ce sera un Sénat régional. On recrée les établissements publics d'avant 1985 où les élus venaient faire leur marché sur le budget régional. Le conseil des exécutifs est le lieu où nous pouvons réfléchir sur l'eau, l'irrigation agricole, les fonds européens, le foncier, et cela ne coûte rien ! On crée les CTAP car on ne veut pas trancher la question des compétences : c'est Ponce Pilate ! L'alourdissement des schémas et l'empilement des instances coûteront une fortune. Tout cela pour éviter de dire clairement qui fait quoi. Seul point positif, les dispositions concernant les financements croisés.
A propos des métropoles, je suis surpris, pour en avoir présidé une durant trois ans, de voir des transferts de compétences automatiques à une instance qui n'est pas élue au suffrage universel. Est-ce bien constitutionnel ?
On ajoute l'émiettement des compétences à l'émiettement des territoires. Nous sommes totalement hostiles au transfert automatique de la compétence économique à la métropole. Les politiques de filière et de cluster ne s'arrêtent pas aux frontières des agglomérations. Que je sache, nous ne voulons pas de villes-Länder ! Ce texte est l'antithèse de ce que le législateur a voulu en 1982 et qui a bien fonctionné. L'amélioration des trains et du réseau ferré s'est vérifiée aussi bien en Aquitaine qu'en Alsace.
Les 60 % du tissu industriel situés en milieu rural, les 2 millions d'euros d'investissement par an de la région dans le développement économique plaident pour le maintien de la compétence économique à la région. Sans compter que les métropoles devront s'équiper de services et de personnel : le texte accélérera la dépense publique dans des proportions explosives, au moment où l'on veut précisément la réduire.
Si nous ne sommes pas contre le fait urbain -ce serait absurde, d'ailleurs- nous ne voulons pas d'étalement des compétences. Je note que les deux principales préoccupations des Français, l'emploi et le logement, n'ont pas de responsable clair ! Etat, départements, régions, métropoles se partagent les questions de logement, et sur l'emploi les intervenants sont innombrables : 173 établissements publics en Aquitaine. Il faut un chef de file.
Votre discours est très clair. Est-il une chose dans ce texte qui ne vous déplaise pas ?
Difficile question...
Le réquisitoire me semble un peu sévère même si je partage certaines de vos inquiétudes. Tout ce qui concerne l'emploi et l'insertion est d'une rare complexité. La confirmation de l'attribution des compétences économiques et formation professionnelle à la région devrait néanmoins vous convenir.
Je crains que la gestion des fonds européens ne soit un miroir aux alouettes : l'Etat a déjà préempté 60 % des crédits du fonds social pour Pôle emploi. La délégation de cette compétence ne donnera pas forcément une marge de manoeuvre supplémentaire.
Le tourisme est très convoité, départements et métropoles réclament aussi cette compétence. Quant à l'aménagement du territoire, nous avons l'intention de le rendre aux régions. Je suis plus partagé sur le numérique : il faudra une autorité organisatrice qui mette en oeuvre cette compétence.
D'accord sur les règles pour les financements croisés. Les attacher au système des schémas est lourd, mieux vaut revenir aux conseils exécutifs. Cela dit, certaines politiques nécessitent de la transversalité car elles mobilisent beaucoup d'acteurs, dont l'Etat. Clarifions en rappelant tout de même que les financements croisés étaient très menacés il y a peu.
J'en viens aux relations entre région et métropole, autre chapitre important. La région doit conserver l'aménagement du territoire, je l'ai dit. J'appelle, en revanche, à une contractualisation des compétences de la métropole avec la région ou avec le département.
Je vous ai trouvé un peu dur. Cela étant, étant donné que les régions vont être renforcées, il est légitime qu'elles demandent une clarification sur « qui fait quoi » !
L'exercice n'est facile ni pour les parlementaires ni pour le Gouvernement. Nous sommes dans une République unitaire décentralisée, dont la Constitution, en son article 72, interdit la tutelle d'une collectivité sur une autre. Espérons que nous avancerons dans le débat. Le rétablissement de la clause générale de compétence repousse malheureusement la discussion. Disons-le : il y a des raisons politiques et l'on ne va pas proposer ce qui l'a été avant ; il y a des impératifs financiers, avec la nécessité de réduire la dépense publique. De là, la CTAP, façon pour l'Etat de dire, « il faudra guillotiner l'un ou l'autre, choisissez ensemble qui le sera ». Les régions pourront se retrouver mises en minorité, pour des raisons politiciennes, ce qui sera intenable. Beaucoup le critiquent, au reste. Les élus passeront leur vie dans des réunions de coordination où l'on parlera schémas pendant des mois alors qu'il faudrait des circuits courts, des décisions rapides. Mieux vaut des conférences d'exécutifs dont l'organisation sera adaptée à chaque région. L'unité républicaine des valeurs ne signifie pas l'uniformité des pratiques.
Les négociations sont allées bon train sur les chefs de filât. Il a fallu donner un peu à chacun, dans la précipitation. La communauté d'agglomération aura la police du ciel, la qualité de l'air... Formidable !
Les métropoles seront de plusieurs sortes : des collectivités pour Paris, Lyon et Marseille ; des EPCI pour les autres. Les grands traités de stratégie militaire insistent sur l'importance des alliances. J'ai trouvé la charge contre les communautés urbaines un peu sévère...
La compétence transport est déjà partagée entre la région qui gère les TER, le département et l'agglomération qui gèrent les transports urbains. Rien ne me choque sur ce point.
Nous n'avons pas à nous mêler de la compétence emploi. Quant à l'économie, je n'entre pas dans le débat qui ne concerne que Paris et Lyon. D'accord pour que seules les régions accordent des aides directes pour le développement économique, à condition qu'il y ait un dialogue.
Le tourisme est une compétence partagée : la Loire à vélo va du Mont Gerbier de Jonc à Saint-Nazaire et les Châteaux de la Loire ne se trouvent pas que dans le Loiret ! Gérons les choses de manière adaptée.
En tant que rapporteurs, nous serons obligés d'être plus nuancés que vous, qui tirez à la kalachnikov ! Du reste, les présidents de région ne sont pas tous sur cette ligne défensive.
Offensive !
La décentralisation est un sujet à prendre au sérieux, disons clairement ce que pensent les uns et les autres.
Nous reviendrons plus tard sur les aspects financiers. Nous devrons arriver à développer d'autres ressources que les recettes fiscales. Une famille qui doit coup sur coup payer la taxe d'habitation, l'impôt sur le revenu, la taxe sur les ordures ménagères et la taxe foncière finit par trouver que le maximum est atteint. Or, les dotations aux collectivités territoriales vont baisser de 1,5 milliard en 2014 et à nouveau en 2015. Sans oublier que les régions ne sont pas encore entrées dans la péréquation.
Le très haut débit sera mieux traité de manière mutualisée au niveau régional. En même temps, ne faut-il pas partager cette compétence entre région, département et intercommunalité ? La région ne doit-elle pas être avant tout garante de la solidarité sur le très haut débit ?
J'en viens aux transports. Un syndicat mixte d'aire régionale qui produirait de l'information pour tous, qui s'occuperait de la billetterie et qui assurerait l'intermodalité vous conviendrait-il ? J'ignore pourquoi cette solution, qui avait l'accord des régions et du ministre Cuvillier, a été écartée.
Les Bretons ont joué un rôle important dans la rédaction de l'article sur les CTAP. Je m'étonne que M. Rousset n'ait pas parlé du préfet. Les conférences sont-elles le lieu pour déléguer ou transférer de nouvelles compétences de l'Etat, ce qui justifierait la présence du préfet ? Cette conférence sera pléthorique : au bas mot 63 membres en Rhône-Alpes sans les préfets. Un sur dix viendra pour savoir ce qu'il donnera aux autres, les neuf autres viendront chercher des sous. Drôle de conférence ! N'y a-t-il pas un risque d'enlisement ou de pourrissement après les échéances électorales ? Que proposez-vous à la place, messieurs les rapporteurs ?
Quelles sont les propositions de l'ARF sur le lien entre métropoles et régions ?
Je suis d'accord avec nos rapporteurs et avec M. Krattinger. Cette conférence doit être complètement revue, laissons l'initiative aux élus locaux. Dans chaque région, il y aurait un conseil économique et social, un conseil de développement, un conseil régional et une conférence territoriale ... Que d'heures de réunions !
M. Krattinger, s'exprimant certes de manière plus sénatoriale, dit la même chose que moi. Ce texte pose plus de questions qu'il n'en résout. Il a connu douze versions, M. Krattinger le sait bien, et aucun arbitrage clair n'a été rendu à la fin. Avec la sensibilité politique qui est la mienne, je ne peux que vouloir respecter les orientations fixées par le Président de la République : simplification, responsabilité, efficacité, proximité.
Comment redresser l'économie avec des régions ridicules par rapport aux Länder allemands ? Alors qu'il faudrait un interlocuteur unique pour les entreprises, je regrette le retour à cette défiance si française à l'égard des régions.
Le Président de la République a mis le doigt sur la nécessité d'investir, de mener une politique de l'offre. Nous avons un parallélisme parfait entre l'organisation industrielle et l'organisation administrative : des grands groupes attirés par l'international et des PME sous-traitantes. Un Etat tout puissant et des régions faibles ... L'Etat a créé des grands groupes, les régions créeront des entreprises de taille intermédiaire et sans rien prendre à personne. Nous produisons de la coopération et de la collaboration avec les départements et les intercommunalités : qui peut en dire autant ? Quelle autre collectivité le fait ?
Quand une agglomération veut piloter un pôle de compétitivité, en prenez-vous ombrage ?
Non, si elle le finance comme la région, car qui paye commande ! Encore une fois, 60 % du tissu industriel se trouve en zone rurale et l'évolution économique et démographique se porte plus vers les villes moyennes que sur les grandes villes. Je n'ai jamais demandé à ce qu'une compétence du département ou de l'agglomération revienne à la région. Mais nos régions sont des naines ! Qui a rénové les bâtiments universitaires ? En Aquitaine, j'y ai consacré 10 % du budget, le logement étudiant aussi. En 2009, nous avons construit 30 % du logement neuf. Nous voulions faire plus pour les universités, les présidents d'université n'en ont pas voulu. Regardez le bilan des lycées, surtout professionnels !
Certains présidents d'université n'ont pas suivi car il faut de l'interrégional pour la recherche.
Ce qui manque, c'est un lieu d'intelligence économique et de prospective. Une ville, une agglomération, un département peuvent bien sûr intervenir en matière de développement économique. Mais le système d'aide directe aux entreprises, c'est autre chose. Ne créons pas des concurrences entre territoires de proximité qui s'arrachent entreprises et emplois. La délocalisation, c'est soit à 1 000 kilomètres, soit à 5...
Notre inquiétude est de voir les régions régresser si l'un émiette la compétence de développement économique. Privilégions la contractualisation et l'ouverture. Je me suis battu pour récupérer l'orientation scolaire - car le service public de l'orientation a disparu. Une orientation choisie, c'est une formation et un emploi à la clé. Dire à nos concitoyens qu'il y a désormais un responsable identifié, cela changera les choses ! La formation ? Nous aurons les détenus, l'illettrisme et les handicapés. Pourquoi pas ? J'ai anticipé sur les détenus : bilan 100 % positif, y compris sur la récidive. Mais la compétence orientation-formation-emploi est cohérente : sortons du fonctionnement en silos si français. Lisez Rifkin !
L'homme des réseaux !
Le Québec réussit à lutter contre l'échec scolaire en fonctionnant en réseau avec un pilote.
Chaque fois qu'une région a géré les fonds européens, cela s'est mieux passé qu'avec l'Etat. Cela vaut pour le Feder. Je regrette que nous ne puissions gérer le Fonds Social Européen (FSE) ; dommage, il n'y avait pas de crainte à avoir. Dans une région, 35 % du budget de formation vont à l'insertion.
Un mot sur le budget. Notre collectivité est celle qui a le moins de ressources dynamiques. La CVAE, la TIPP déclinent ! Paradoxe, la collectivité chargée du développement économique est la moins dépendante fiscalement de la réussite économique. Le bon sens voudrait que l'on ait une ressource incitative. Les nouvelles recettes proviendront des usagers. Ces derniers financent les TER à 30 % : le reste, ce sont les régions - qui font le chiffre d'affaires de la SNCF, mais passons...
Sur le numérique, les zones denses ont été affectées au privé et les zones non rentables aux régions. Il faut bien une coopération pour proposer à l'opérateur une masse critique de prises. Seule la région peut le négocier ! Le fonctionnement actuel n'est pas si mauvais que ça.
Sur les transports, mes collègues s'inquiètent des lourdeurs de gestion qu'entraînerait un syndicat mixte. L'exemple lyonnais fonctionne. Mais est-ce du domaine de la loi ? Les CTAP ? De grâce, revenez aux conseils des exécutifs !
Vous avez fait passer le message avec force. Nous en tiendrons le plus grand compte.