Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse sur le projet de loi n° 1412 (AN-XIVe) de financement de la sécurité sociale pour 2014 et sur le projet de loi n° 1376 (AN-XIVe) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.
Bienvenue à MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur de la Cnav. Nous souhaitons aborder avec vous à la fois le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 et la réforme des retraites, l'équilibre général de la branche étant conditionné par les mesures prévues dans le cadre de cette réforme.
Saisi pour avis, le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis majoritairement négatif sur ces deux textes. Notre débat du 2 octobre a d'ailleurs porté davantage sur la réforme des retraites que sur le PLFSS, ce dernier texte ne comportant pas de mesure spécifique vieillesse.
En 2012, le solde négatif de la CNAV s'établit à 4,8 milliards d'euros, contre 6 milliards en 2011 ; c'est donc une amélioration de 1,2 milliard. A réglementation constante, le déficit se réduirait en 2013 pour s'établir à 3,3 milliards d'euros, et se creuserait en 2014 pour atteindre 3,7 milliards. La réduction du déficit entre 2012 et 2013 découle de l'affectation de ressources nouvelles par la loi de finances rectificative de 2012 et le PLFSS pour 2013.
On estime qu'en 2017, l'incidence démographique et les mesures de retraite anticipée pèseront sur les comptes de la branche vieillesse pour plus de 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de 18 % de la masse des pensions. Sur cette somme, 3,4 milliards d'euros seraient liés aux retraites anticipées, 11,8 milliards à l'effet papy-boom, partiellement anticipé avec la création du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), les gains d'espérance de vie ne pesant que pour 1,9 milliard d'euros, soit un tiers de point de cotisation d'assurance retraite. N'imputons pas tout à la progression de l'espérance de vie : la dégradation des comptes est essentiellement due à l'effet papy-boom.
Au-delà de l'allongement de la durée de cotisation et des modifications en matière de gouvernance, la réforme des retraites aura d'importantes conséquences sur l'exercice de leur métier par les caisses de retraite : calcul unique de la retraite acquise dans les régimes alignés, à l'article 14 ; suppression du versement forfaitaire unique, à l'article 29 ; création de l'Union des institutions et services de retraite surtout. Cette réunion des différents régimes de retraite dans un groupement d'intérêt public supposera de mener des projets informatiques, mais aussi de mettre en commun les moyens des caisses. Le régime général, qui verse une pension à 90 % des retraités et regroupe 70 % des actifs, y jouera bien entendu un rôle majeur.
Diverses mesures du projet de loi portant réforme des retraites auront des conséquences pour la Cnav en termes de gestion. Comment la caisse va-t-elle gérer le passage de 200 à 150 heures par trimestre pour valider un trimestre ? L'Union des institutions et services de retraite a pour vocation de remplacer le GIP Info-retraite. Quel poids cela représente-t-il pour vous, en termes de gestion ? Comment simplifier les choses pour les institutions, et pour la Cnav en particulier ?
Le Gouvernement a annoncé vouloir réaliser des économies de gestion - 200 millions d'euros à l'horizon 2016, selon le dossier de presse du 27 août 2013. La simplification est essentielle, qu'elle bénéficie à l'assuré, à la caisse ou aux deux. Certaines mesures, comme le calcul unique, auront ce double dividende, pour l'assuré ainsi qu'à terme, pour les régimes de retraite.
Le passage de 200 à 150 heures Smic suppose une évolution de nos systèmes informatiques qui ne devrait pas poser problème. En revanche, les dispositions relatives au reliquat des cotisations et au plafonnement seront lourdes de conséquences en termes de gestion. Il nous faudra attendre d'avoir digéré la mise en place du système de déclaration sociale nominative avant de les intégrer dans nos systèmes informatiques. Nous nous fondons aujourd'hui sur la déclaration annuelle de données sociales ; la déclaration sociale nominative représente une vraie sophistication de notre réglementation.
Il faut relativiser l'effet de l'allongement de l'espérance de vie par rapport aux effets du papy-boom, nous dit M. Rivière. Soit. Mais alors, quelle solution propose le conseil d'administration ? Réduire la pension des papy-boomers ? C'est que je suis concerné au premier chef !
Le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis négatif sur la réforme des retraites, nous dites-vous. Voilà qui est bien lapidaire. Nous aimerions savoir quels points précis ont suscité des oppositions. Certaines mesures ont bien dû être jugées positivement, par exemple celles relatives aux femmes, aux personnes handicapées, à l'apprentissage ou encore la possibilité de racheter des années d'études... Quels sont les éléments qui justifient cet avis négatif ?
Vous évaluez l'effet du gain d'espérance de vie à 1,9 milliard d'euros. Est-ce un chiffre annuel ?
J'allais poser la même question. L'effet papy boom est aussi lié à l'augmentation de l'espérance de vie ! Il me paraît difficile de dissocier les deux : le coût prévisible vient aussi du fait que ces personnes seront longtemps à la retraite.
Sans doute ai-je été un peu rapide. Bien entendu, les membres du conseil d'administration de la Cnav n'expriment pas tous le même vote négatif : les organisations d'employeurs auraient souhaité que l'on recule l'âge légal de départ à la retraite ; les organisations de salariés dénoncent l'allongement de la durée de cotisation.
Les organisations de salariés ne se sont pas prononcées sur la question de l'âge légal, qui ne figure pas dans le projet de loi. Le conseil d'administration de la Cnav émet un vote global, et non article par article. Nombreux sont ceux qui ont souligné l'intérêt des mesures en faveur des femmes ou des jeunes, non sans regretter parfois leur manque d'ambition ou leur faible portée...
La situation de l'emploi pèse lourd sur nos comptes : 100 000 affiliés au régime général, au salaire moyen de l'industrie et du commerce, c'est 400 millions d'euros de ressources nouvelles pour la Cnav.
Je qualifierais l'effet papy-boom de structurellement provisoire : il se fera sentir jusqu'en 2040 environ. L'espérance de vie, c'est-à-dire la durée de service de la pension, ne progresse pas tant qu'on pourrait le croire. Je ne sais jusqu'à quel âge vivront les personnes qui entrent aujourd'hui dans le système. Reste que l'espérance de vie en bonne santé a reculé depuis un an, avec la crise, et qu'on ne saurait mesurer l'espérance de vie de salariés qui auront passé quatre ou cinq ans de plus au travail que les générations qui ont travaillé 37,5 années, voire ont bénéficié de pré-retraites... Bref, je ne suis pas sûr que l'espérance de vie augmente tant que cela.
L'effet majeur, c'est le papy-boom ; l'effet mineur, c'est l'allongement de l'espérance de vie. En termes financiers, on est passé brutalement de 450 000 liquidations de retraite par an au début des années 2000 à près de 800 000. Cette évolution structurelle va détériorer le ratio démographique entre cotisants et retraités, malgré la progression de la population cotisante due à notre taux de fécondité élevé : plus de personnes arrivent à l'âge de la retraite qu'il n'en rentre sur le marché du travail.
Vous avez évoqué la mise en commun des moyens des caisses de retraite. Selon quelle méthodologie ?
Nous avons une expérience sur un segment limité avec la mise en place du GIP Info-retraite depuis 2003-2004. Nous envoyons chaque année des millions de documents : à partir de trente-cinq ans, les assurés reçoivent un courrier tous les cinq ans, les relevés individuels de situation sont accessibles sur Internet, et à cinquante-cinq ans, une estimation globale de la pension est réalisée par les régimes. Avec l'Union des institutions et services de retraite, nous passons d'une structure de dix personnes à la mise en commun de techniciens des différents régimes pour fournir aux assurés un service unifié et amélioré. L'entretien info-retraite était déjà l'occasion de faire un bilan de la situation globale de l'assuré. Il faudra des règles de gouvernance : avec trente-cinq régimes de retraite, dont vingt et un régimes de base, on ne peut donner les mêmes prérogatives à tous. Si l'on veut être efficace et efficient, l'on devra donner aux grands régimes de retraite les moyens de se coordonner entre eux. Cela fait quatre ans que la Cnav travaille étroitement avec l'Agirc-Arrco, avec la demande de retraite coordonnée.
Le temps passé au travail joue sans doute sur l'espérance de vie sans être un facteur majeur : si celle-ci augmente, c'est grâce aux progrès de l'hygiène, de l'alimentation, de la médecine. D'ailleurs, l'espérance de vie des femmes stagne, car elles sont moins raisonnables que leurs mamans ; celle des hommes progresse, car ils sont plus raisonnables que leurs papas. Le delta de progression va forcément diminuer : on ne peut être plus fort que la nature.
Je ne pense pas que le facteur travail soit déterminant, même si la pénibilité joue sur l'espérance de vie.
L'impact des conditions de travail se voit pourtant clairement dans l'écart entre l'espérance de vie à soixante ans d'un ouvrier et celle d'un cadre. On ne peut le nier, même si d'autres facteurs entrent bien sûr en jeu.
A conditions de travail inchangées, l'espérance de vie s'est accrue de quinze ans en un siècle.
Plus encore que l'activité professionnelle, c'est l'origine sociale qui détermine, encore aujourd'hui, le parcours éducatif, professionnel et même l'espérance de vie. Celle-ci n'est pas la même dans les quartiers huppés et dans les quartiers déshérités ; celle d'un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d'un cadre supérieur ou d'un enseignant du supérieur. Le recul de l'âge de départ à la retraite réduira l'espérance de vie des ouvriers par rapport à celle des cadres supérieurs - qui pèsent bien moins lourd dans les comptes de la Cnav. L'espérance de vie continuera-t-elle de progresser ? Le débat est ouvert.
Quant au PLFSS pour 2014, il ne traite pas le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). La dégradation de l'emploi plombe les comptes du FSV : ses dépenses augmentent, alors que ses recettes baissent. Son déficit s'établit autour de 3 milliards d'euros, soit autant que celui de la Cnav, à comparer à ses 20 milliards de prestations (110 milliards pour la Cnav). Le FSV n'a pas été conçu pour générer du déficit. Nous avons formulé des propositions pour en améliorer le financement, notamment sur la prise en charge des périodes relevant de la solidarité nationale : chômage, mais surtout maladie et maternité. La cotisation est à la hauteur des besoins : c'est l'expression de la solidarité nationale, due à la crise, qui plombe les comptes du FSV. Ce déficit doit être traité dans les meilleurs délais. Je regrette que nos propositions n'aient pas été entendues, qu'il s'agisse de financement ou de simplification et de réduction des coûts de gestion. Au contraire, plusieurs mesures sont venues complexifier les choses, à commencer par le report des cotisations d'une année sur l'autre et le plafonnement pour les salariés ayant une activité sur une période réduite de l'année. Difficile, dans ces conditions, d'éviter les effets d'aubaine...
Nous accueillons Jean-Luc Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et Daniel Lenoir, directeur. Ils sont accompagnés de Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiale et sociale, de Christine Chambaz, directrice des statistiques, des études et de la recherche et de Patricia Chantin, responsable des relations avec le Parlement.
L'année 2013 a été marquée pour la Cnaf par la signature d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion (Cog) et par la réforme de la politique familiale dont certains éléments sont aujourd'hui inclus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le projet de loi de finances (PLF) pour 2014. Avant de laisser la parole à la rapporteure pour la branche famille ainsi qu'aux autres commissaires, je la donne à Jean-Luc Deroussen et Daniel Lenoir pour un exposé liminaire.
Les administrateurs de la Cnaf ont, dans leur grande majorité, émis un avis défavorable sur le PLFSS pour 2014. Deux raisons fondamentales les ont guidés dans ce vote : pour certains, le PLFSS n'est pas à la hauteur des enjeux ; pour d'autres, il est au contraire synonyme d'austérité.
J'en viens plus précisément aux articles qui concernent la branche famille. La majoration du complément familial, annoncée dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, est accueillie favorablement. Nous sommes en revanche plus réservés sur les autres mesures, en particulier sur la création d'un nouveau plafond pour l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) et sur la suppression du complément de libre choix d'activité (CLCA) majoré. Le gel des allocations logement en 2014 n'a pas non plus été bien accueilli. Celles-ci sont, en effet, déjà très insuffisantes au regard des coûts que supportent les ménages pour se loger. Il aurait fallu les revaloriser, ne serait-ce qu'au niveau de l'inflation.
Le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes pose le principe d'un partage égal du congé parental entre les deux parents. Cette mesure sera difficile à appliquer. Les pères risquent de ne pas prendre le congé en raison d'un taux de remplacement insuffisant. Au final, la durée maximum du congé sera donc réduite à deux ans et demi au lieu de trois ans. Certes, l'Allemagne a réussi à mettre en place un partage équitable du congé parental entre les deux parents. Mais dans ce pays, le taux de remplacement est proportionnel au salaire.
Ces mesures s'inscrivent dans le cadre de la nouvelle Cog, signée en juillet dernier. Ce document est le fruit d'une longue et difficile négociation. Concernant les rythmes scolaires, nous sommes parvenus à un compromis pour aider les collectivités territoriales à mettre en oeuvre la réforme. Mais tout n'a pas été résolu. Les Caf sont aujourd'hui confrontées à d'importantes difficultés de gestion auxquelles la première version de la Cog ne répondait pas. Certes, nous avons obtenu un renfort de 700 emplois nouveaux - 500 emplois d'avenir et 200 contrats à durée indéterminée -, mais leur durée est limitée à deux ans. Dans les trois années qui suivront, il nous faudra au contraire renoncer à 1 700 emplois. Des mesures de simplification doivent également être mises en oeuvre, qui pourraient avoir des conséquences en termes d'emplois. Pour le moment, ces renforts devraient malgré tout nous aider à mieux réguler le flot de demandes dont la gestion continue d'être difficile.
Je commencerai mon intervention par quelques mots de présentation. Après avoir dirigé l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, j'ai pris la direction de la Cnaf il y a un peu plus d'un mois. Il s'agit pour moi d'un retour dans le champ de la sécurité sociale puisque j'avais auparavant dirigé la mutualité sociale agricole (MSA), ainsi que la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) jusqu'en 2004.
L'arbre de la réforme des rythmes scolaires ne doit pas cacher la forêt des enjeux soulevés par la Cog. Il est prévu une augmentation du fonds national d'action sociale (Fnas) de 7,5 % par an pendant la durée de la Cog, ce qui représente un peu plus de 2 milliards d'euros supplémentaires par rapport à un budget initial proche de 5 milliards d'euros. L'objectif est d'affirmer des orientations politiques fortes, notamment autour de la prise en charge de la petite enfance et du rééquilibrage de l'offre d'accueil entre les départements. A une exception près, les Caf ont aujourd'hui un maillage départemental, ce qui permet de mettre en oeuvre des politiques équilibrées sur les territoires et d'assurer la concertation avec les conseils généraux et les communes.
L'accès aux droits, sujet auquel votre commission est sensible à juste raison, constitue également pour la Cnaf une priorité. La Cog prévoit notamment la réalisation de 100 000 rendez-vous des droits, qui s'inscrivent dans une logique d'« aller vers » les bénéficiaires potentiels. Parallèlement, nous avons signé une circulaire visant à renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude. L'enjeu financier de la fraude n'est sans doute pas considérable. Mais sa portée symbolique est forte car la fraude a un impact direct sur le degré de consentement aux mécanismes de solidarité.
Certaines dispositions de la Cog concernent également les questions de paiement à bon droit, sujet important également.
De façon générale, la branche famille est aujourd'hui engagée dans une dynamique d'efficience du service public de la sécurité sociale. Les 500 millions d'euros d'économies de gestion annoncées par le Gouvernement pour l'ensemble des caisses de sécurité sociale sont, pour ce qui concerne les Caf, déjà intégrées dans la Cog. Les 700 emplois supplémentaires qui vont nous être alloués devraient nous permettre de mieux faire face aux contraintes de gestion. L'enjeu est que d'ici deux ans, les mesures de simplification qui doivent être mises en oeuvre aient commencé à produire leurs effets. Pour cela, il convient d'être attentif à la complexité qui peut découler des mesures adoptées par le Parlement, à la fois pour les allocataires et pour les organismes gestionnaires. Il serait, à ce titre, utile de compléter les études d'impact annexées à chaque projet de loi afin de mesurer les conséquences de chaque mesure législative en termes de complexité. Ce suivi doit également s'appliquer aux mesures contenues dans la Cog.
A l'occasion des annonces gouvernementales du mois de juin dernier, vous avez déclaré, monsieur Deroussen, que la réforme du quotient familial « va pénaliser beaucoup de familles, y compris des familles qui jusque-là pouvaient être non imposables ». Pourriez-vous préciser votre propos ?
Le PLFSS pour 2014 prévoit 500 millions d'euros d'économies de gestion pour l'ensemble des caisses de sécurité sociale. A quelle hauteur les Caf seront-elles amenées à participer à cet effort financier ? Cet objectif vous paraît-il conciliable avec les engagements pris dans le cadre de la nouvelle Cog ?
L'article 56 du PLFSS instaure une modulation du montant de l'allocation de base de la Paje selon le niveau de ressources des familles. A combien évaluez-vous le nombre de familles qui seront concernées par la réduction de moitié du montant de l'allocation de base ? Cette réforme ne risque-t-elle pas de complexifier un peu plus le travail des Caf ? Par ailleurs, ce même article prévoit le gel de la revalorisation de l'allocation de base de la Paje jusqu'à ce que le montant du complément familial soit égal ou supérieur au montant de l'allocation de base en vigueur au 1er avril 2013. A quelle échéance estimez-vous le rattrapage entre les deux prestations ?
Quelle sera, dans les grandes lignes, la répartition des crédits du Fnas sur la période 2013-2017 ?
Enfin, lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat a adopté une mesure consistant à verser le complément de mode de garde (CMG) en tiers-payant pour les familles modestes. Qui sont ces familles ? Concrètement, comment ce dispositif va-t-il être mis en oeuvre ?
J'ajouterai : et à quel coût de gestion ? C'est bien tout l'enjeu car d'un côté, on demande aux Caf de faire des économies, de l'autre, on leur attribue de nouvelles tâches.
Les propos que vous citez, madame Pasquet, ont été prononcés, au printemps dernier, à la suite des travaux du Haut Conseil de la famille sur l'architecture de la politique familiale. Ils reflètent l'inquiétude qui était la mienne à ce moment-là compte tenu des pistes de réforme qui étaient avancées concernant le quotient familial et les aides à la scolarité. Je considérais en effet que ces propositions, si elles étaient mises en oeuvre, pouvaient conduire à ce que certaines familles, aujourd'hui non imposables, le deviennent. En outre, le fait d'être imposable peut entraîner la suppression d'un certain nombre d'aides sociales comme la gratuité de la cantine ou celle de l'accès aux centres culturels et sportifs. Le choix qui a été fait par le Gouvernement d'abaisser le plafond du quotient familial de 2 000 euros à 1 500 euros n'aura heureusement pas pour conséquence de rendre imposables de nouvelles familles.
S'agissant des économies de gestion, les efforts demandés à la Cnaf ont déjà été intégrés dans la Cog. J'espère qu'on ne lui en imposera pas de nouveaux ! Nous avons besoin de stabilité dans nos engagements respectifs.
Le rattrapage entre le complément familial et l'allocation de base aura vraisemblablement lieu à l'horizon 2019.
Concernant le versement en tiers-payant du CMG, je rappelle que cette disposition figurait déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, mais qu'elle a été censurée par le Conseil constitutionnel. Elle répond à une réelle demande des familles que nous avons relayée.
Les travaux que nous avons menés à ce sujet montrent que le coût de gestion est très limité.
La notion de complexité est nécessairement relative ! Le mécanisme du tiers-payant du CMG présente deux avantages : il sécurise les assistant(e)s maternel(le)s et constitue une aide importante pour les familles modestes. Nous sommes tout à fait capables de le mettre en place, même si les délais de mise en oeuvre doivent être raisonnables. En outre, nous devrons être attentifs à ce que le dispositif soit bien compris des familles, notamment s'agissant du reste à charge dont elles devront parfois s'acquitter. Il faudra que la Caf notifie tous les mois aux parents combien elle a versé à l'assistant(e) maternel(le) et quelle somme ils leur restent à payer.
C'est en quelque sorte le même mécanisme que pour l'achat des médicaments : il y a d'abord la prise en charge par l'assurance maladie, puis le reste à charge payé par les patients. Quoiqu'il en soit, nos circuits de financement devront être réorganisés.
Par ailleurs, on m'a confirmé que de nouvelles économies de gestion, en dehors de celles prévues par le Cog, ne seront pas demandées à la Cnaf. J'insiste sur le fait que les économies sur lesquelles nous nous sommes engagés portent sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement, pas sur les emplois. Dès 2014, nous participerons aux efforts de gestion de l'ensemble des caisses de sécurité sociale.
Le montant du Fnas s'élève à près de 5 milliards d'euros en 2013. Il se décompose comme suit : 2,6 milliards pour l'accueil de la petite enfance, 900 millions pour l'action sociale des Caf, 500 millions pour la jeunesse, 50 millions pour l'aide à la parentalité et 10 millions pour le périscolaire. Le budget consacré à ce dernier poste va connaître une très forte augmentation sur la période 2013-2017 en raison de la montée en charge de la réforme des rythmes scolaires ; il atteindra 250 millions d'euros en 2017.
La réforme des rythmes scolaires est un sujet majeur. Nous avons lancé une enquête auprès des Caf pour avoir des remontées de terrain. Les résultats seront présentés au conseil d'administration de la Cnaf début novembre. Le sujet sera ensuite abordé lors du congrès de l'Association des maires de France (AMF), laquelle a décidé de mener sa propre étude. Notre but est de dresser des constats objectifs afin d'identifier les points de blocage et avancer dans la mise en oeuvre de cette réforme, qui ne concerne actuellement que 20 % des enfants scolarisés.
Je souhaiterais avoir une précision concernant la progression des crédits du Fnas : à quoi correspond le chiffre de 7,5 % que vous avez cité ?
Il s'agit du taux de progression annuel en moyenne sur la période 2013-2017, ce qui équivaut à 2 milliards d'euros supplémentaires.
En 2013, la moindre progression du Fnas s'explique par un effet retard dans la signature de la Cog, qui a entraîné le report de certaines décisions d'investissement. Mais pour 2014 et 2015, nous prévoyons une progression plus dynamique.
Vos remarques sur la réforme des rythmes scolaires me conviennent parfaitement. Je suis impatient de connaître les résultats de votre enquête.
Je voudrais, par ailleurs, soulever le sujet des caisses maritimes d'allocations familiales, qui comptent 22 000 ressortissants, parmi lesquels certains vivent dans mon département. Il a été annoncé leur rattachement aux caisses d'allocations familiales départementales au motif qu'une telle opération permettrait des économies de gestion. Or, je crois savoir que l'économie pour le réseau des Caf ne serait que de 0,05 %, ce qui est très marginal ! Je crains que ce rapprochement marque un coup d'arrêt à l'action sociale aujourd'hui mise en oeuvre par les caisses maritimes, dont les agents connaissent bien la situation particulière des marins pêcheurs et de leurs familles.
Le plan d'accueil de la petite enfance prévoit la création de 275 000 places, dont 100 000 pour l'accueil collectif et 100 000 pour l'accueil individuel. S'agissant de l'accueil collectif, de nouveaux agréments devront être délivrés aux assistant(e)s maternel(le)s pour permettre l'ouverture des places prévues. Comment comptez-vous travailler avec les communes et les départements sur cette question ? La Cog aborde-t-elle ce sujet ?
Je voudrais connaître la position de la Cnaf sur les maisons d'assistant(e)s maternel(le)s (Mam) car on observe, selon les Caf, de fortes disparités dans l'attribution tant des crédits de fonctionnement que des crédits d'investissement.
J'estime, pour ma part, que ces structures apportent une réelle plus-value en termes de qualité d'accueil des jeunes enfants, notamment en milieu rural. En outre, en offrant de nouvelles possibilités d'accueil, elles permettent à des mères de reprendre le chemin du travail.
Vous avez évoqué le sujet de la fraude ; j'aimerais avoir quelques précisions supplémentaires. A quel montant s'élève-t-elle exactement ? Combien coûtent les dispositifs anti-fraude que vous avez mis en place ?
Sur les caisses maritimes d'allocations familiales, notre volonté est d'apporter le meilleur service aux allocataires.
S'agissant de la création de places en accueil collectif, les objectifs restent les mêmes que lors de la précédente Cog : anticiper le vieillissement des assistant(e)s maternel(le)s en aidant les plus jeunes à s'installer, travailler de concert avec les communes et les départements.
Pour ce qui est des Mam, nous avons toujours veillé à ce que leur création se fasse dans de bonnes conditions. Nous sommes dans le même état d'esprit aujourd'hui.
Ayant dans le passé dirigé la mutualité sociale agricole (MSA), je suis très sensible à l'argument de la proximité géographique mis en avant par M. Kerdraon. Je souhaite néanmoins le rassurer en précisant que l'enjeu d'intégration des caisses maritimes aux caisses départementales ne porte pas sur l'action sociale, mais sur les fonctions de gestion. L'action sociale doit rester une mission spécifique des caisses maritimes car il s'agit de répondre aux besoins d'une population donnée, en l'occurrence les marins pêcheurs. Certes, le gain sera peut-être marginal, mais les petits ruisseaux font de grandes rivières... En tout état de cause, cette opération, sur laquelle nous travaillons, n'aura pas d'incidence sur les allocataires.
Elle repose toutefois sur un trépied - les caisses maritimes, l'Etablissement national des invalides de la mer (Enim) et les prestations sociales - qui risque, à terme, de s'effondrer...
Nous ne nous orientons pas vers un tel scénario. Laissons le temps au temps !
Je partage l'inquiétude de mon collègue. Pour les travailleurs concernés, il est important d'avoir des caisses spécifiques qui gèrent leurs prestations. A partir du moment où les coûts de gestion de ces caisses ne sont pas supérieurs à ceux des Caf, je ne vois pas ce qui justifie une telle intégration ! La spécificité des réponses apportées aux allocataires et la proximité géographique doivent être des priorités.
Ne confondons pas la proximité, qui est liée à l'action sociale, et l'accessibilité, qui se rapporte plutôt aux prestations. Dans la mesure où la gestion des prestations est aujourd'hui largement automatisée, l'intégration de cette fonction me semble être une bonne chose. En revanche, je suis d'accord avec vous pour dire que l'action sociale doit être mise en oeuvre au plus près des allocataires. Je m'y suis d'ailleurs engagé auprès du ministre des transports, Frédéric Cuvillier, avec qui j'ai abordé cette question. Je tiens, dans tous les cas, à vous rassurer en vous certifiant que nous prendrons le temps nécessaire pour mener à bien cette réflexion.
S'agissant de la lutte contre la fraude, on m'a parfois reproché, dans des fonctions antérieures, de ne pas suffisamment m'y investir car j'estimais que la photo d'identité sur la carte vitale n'était pas un outil efficace ! Ce sujet est à la fois une « boîte à fantasmes », alimentant toutes sortes de spéculation sur les chiffres, et un « cancer pour la solidarité », remettant en cause le consentement à la solidarité nationale. D'un point de vue financier, nous estimons la fraude à 120 millions d'euros sur un total de 80 milliards de prestations versées. Nous sommes face à un enjeu d'efficacité, qui consiste à mieux identifier les fraudeurs. La procédure de data-mining, c'est-à-dire le recoupage de données sur les allocataires, donne déjà des résultats : depuis sa mise en oeuvre, le taux de détection des fraudes a augmenté de 17 %. A mon sens, le droit aux prestations, le consentement à la solidarité et la lutte contre la fraude sont intrinsèquement liés.
Sur l'accueil de la petite enfance, des schémas départementaux vont être élaborés dans un cadre contractuel, réunissant les Caf, les communes et les conseils généraux. Il s'agit d'un instrument de planification indicative, dont l'objectif est de réduire les disparités entre départements mais aussi infra-départementales. Ces schémas vont être expérimentés dans une douzaine de départements d'ici les élections municipales du printemps prochain. Une fois celles-ci passées, nous espérons les généraliser à l'ensemble du territoire.
J'ai moi-même assisté récemment à l'inauguration de deux structures d'accueil dans mon département de l'Isère, l'une située dans un village de montagne, qui va accueillir une vingtaine d'enfants, l'autre dans une commune de la vallée. Ces deux initiatives locales sont très positives car elles vont permettre aux parents de bénéficier d'une nouvelle solution d'accueil. C'est bien la preuve que la collaboration entre l'intercommunalité, la Caf et le conseil général fonctionne !
Je suis confronté, dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, au problème du rapprochement entre la Caf de Pau et celle de Bayonne. L'objectif de cette opération est, me dit-on, de maîtriser les coûts de gestion et de mettre en place une gouvernance commune. J'aimerais cependant y voir plus clair sur les conséquences concrètes de ce rapprochement. Pourriez-vous, monsieur le directeur, m'adresser des éléments d'explication car je me suis engagé à être médiateur sur ce dossier ?
Il s'agit bien de faire des économies de gestion. Mais cette opération est aussi liée à la question des compétences territoriales. A partir du moment où les départements sont en charge de l'action sociale, il est logique que le réseau des Caf s'aligne sur ce niveau de compétences, d'où notre volonté d'avoir des caisses départementales. Bien sûr, tout rapprochement entre deux caisses doit prendre en compte les spécificités locales. Lorsque j'étais en poste à la MSA, la fusion du réseau s'est faite avec une certaine souplesse puisque nous avons décidé de créer, dans certains territoires, des antennes spécialisées en plus de la caisse départementale. Je vous ferai parvenir une note.
Je suis très satisfait des propos que vous avez tenus sur la fraude. Le système de protection sociale compte deux ennemis : les profiteurs et les dénigreurs.
Sur les Mam, nous n'en sommes actuellement qu'au stade expérimental. Il faut maintenant accélérer le processus. Ces structures sont le seul moyen de régler le problème de l'accueil de la petite enfance dans les départements à faible densité de population. Il faut vaincre les réticences de certaines Caf et de certains services de protection maternelle et infantile (PMI) !
Le problème soulevé par Georges Labazée m'interpelle car je rappelle que la départementalisation du réseau des Caf, qui faisait l'objet de la précédente Cog, s'est faite dans la douleur, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais. J'incite à être extrêmement vigilant sur ce sujet. Mon rapport de l'année dernière insistait beaucoup sur ce sujet. En tant que rapporteure pour la branche famille, je me soucie de la dégradation, depuis plusieurs années déjà, des conditions de travail des salariés des Caf. Je souhaiterais également être destinataire de votre note.
Sur les Mam, il n'y a, si j'ai bien compris, aucune réticence de votre part ?
Nous soutenons en effet les initiatives locales.
Peut-être le problème vient-il des craintes quant à la sécurité des enfants accueillis dans ces structures ?
Assurément, il s'agit d'un point crucial, auquel nous sommes très attentifs. Toutes les garanties en termes de sécurité et de qualité de l'accueil doivent être apportées.
Sécurité pour les enfants, bien sûr, mais aussi pour les assistant(e)s maternel(le)s. Le cadre juridique repose sur le principe du gré à gré, ce qui explique sans doute les inquiétudes suscitées.
Il n'est évidemment pas question de mettre en place des structures d'accueil qui ne garantissent pas la sécurité des enfants et des personnels ! Souvent, l'obstacle à l'installation d'une Mam vient du conseil général.
Il faut considérer les Mam comme une solution d'accueil à part entière, pas comme un substitut !
Là encore, je crois que la bonne méthode consiste d'abord à évaluer la situation actuelle, puis à régler les problèmes de mise en oeuvre.
Sur la départementalisation, je ne partage pas l'avis de la rapporteure. Le bon échelon pour les Caf, c'est le département. Faire une réorganisation suppose toujours, dans un premier temps, de procéder à une désorganisation, ce qui n'est jamais facile. Dans la Caf du Nord, l'opération s'est bien déroulée, le personnel n'a pas souffert. Le bilan de cette réforme, qui s'est faite dans le dialogue, est extrêmement positif.
Tous les syndicats disent pourtant unanimement que le processus de départementalisation a exacerbé les tensions sociales dans les Caf. Je vous renvoie à mon rapport de l'année dernière !
Marc Laménie est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 669 visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.
Anne Emery-Dumas est nommée rapporteure de la proposition de loi n° 7, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l'économie réelle.