Commission des affaires économiques

Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • RIP
  • SFR
  • THD
  • bouygues
  • fibre
  • orange
  • technologie

La réunion

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La réunion est ouverte à 10 h 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Avec cette quatrième audition d'un opérateur, nous achevons notre cycle d'auditions sur le secteur des télécommunications et ses perspectives économiques à court et moyen terme. Mardi prochain, nous entendrons les ministre et secrétaire d'État en charge du secteur, M. Arnaud Montebourg et Mme Axelle Lemaire.

Les annonces de rapprochement envisagé entre Bouygues Telecom et Orange sont particulièrement intéressantes, car elles s'inscrivent dans un mouvement de recomposition du secteur. Comment voyez-vous l'avenir, notamment en termes de régulation et de concurrence ? Au préalable, nous aimerions vous entendre sur votre bilan d'activité, votre chiffre d'affaires, votre profitabilité, mais aussi sur les emplois. Les syndicats redoutent 1 500 à 2 000 licenciements, et un comité de groupe doit se réunir pour annoncer la refonte de votre modèle économique. La presse s'en fait l'écho. Votre priorité est-elle de réduire les coûts de fonctionnement, notamment en réformant votre système d'information ? Vous aviez de l'avance sur le déploiement de la 4G : quel en est le bilan ? Plus généralement, quelles sont vos perspectives à court et moyen terme ?

Après votre propos liminaire, je donnerai la parole aux deux coprésidents du groupe d'études « communications électroniques et poste », invité à cette audition, puis aux autres collègues qui souhaiteront vous interroger.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Le secteur des télécoms ne va pas bien, et même, reconnaissons-le, il va mal. Aujourd'hui même, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a publié son observatoire 2013 de l'investissement et de l'emploi selon lequel 4 000 emplois directs ont été perdus entre 2012 et 2013. Le revenu moyen des opérateurs a diminué en 2013 d'environ 7 %, du fait notamment de la baisse des tarifs des services mobiles (-27 % en 2013, après une première baisse de 11 % en 2012). Tout cela alors que l'usage continue de se développer fortement, ce qui suppose de lourds investissements. Or, pour investir, il faut des revenus.

Entre 2010 et 2013, le chiffre d'affaire des opérateurs a baissé de 5 milliards d'euros, passant de 43 à 38 milliards. L'EBITDA (qui correspond grossièrement au solde entre le chiffre d'affaires et les dépenses de fonctionnement est passé de 15 à 12 milliards entre 2010 et 2013. Cela fait donc trois milliards de valeur en moins donc, au passage, une perte d'un milliard d'impôt sur les sociétés (IS) pour l'État. Dans des industries très capitalistiques comme les télécom, la capacité d'investissement est le nerf de la guerre. Un niveau d'investissement insuffisant, c'est la condamnation à être moins performant à moyen terme. C'est pourquoi les données actuelles sont inquiétantes.

Pour ce qui concerne Bouygues Telecom, aujourd'hui, nos résultats nous placent au quatrième rang. Nous sommes confrontés à un problème de taille critique. Pour faire face à nos coûts fixes, c'est-à-dire à l'extension du réseau, il nous faut plus de clients, d'où notre offre de rachat de SFR, qui a échoué. Les résultats en matière de 4G n'ont pas été à la hauteur de nos espérances, l'un de nos concurrents ayant décidé en décembre dernier de galvauder la 4G en proposant un abonnement à 20 euros. Au premier trimestre, Bouygues Telecom a ainsi connu une perte opérationnelle de 19 millions d'euros : l'entreprise doit donc se réformer pour changer de modèle, car il n'est pas possible de vivre durablement avec des résultats négatifs. Nous sommes en pleine réflexion pour continuer à exister dans ce marché à quatre opérateurs. Nous avons décidé d'économiser 300 millions supplémentaires par an, après avoir réduit nos coûts de fonctionnement de 600 millions en deux ans. Notre objectif est d'économiser un milliard par an d'ici trois ans : c'est énorme, pour un chiffre d'affaires de 4 milliards. En outre, nous ne bénéficions pas de l'itinérance, ce qui nous oblige à maintenir l'investissement pour développer notre réseau. Dans ces conditions, nous devons réduire de façon drastique nos dépenses. Nous l'avons dit lors de notre comité central d'entreprise (CCE) il y a quinze jours. Un comité exceptionnel se réunira le 11 juin : nous annoncerons des réductions d'emplois, condition pour continuer à vivre dans un monde à quatre opérateurs.

La presse a fait état de discussions avec Orange. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, pour l'instant, elles sont très préliminaires. Nous ne voulons dépendre de personne pour restaurer notre rentabilité et pouvoir réaliser les investissements dont nous avons besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Pensez-vous que l'arrivée de Free soit responsable des difficultés des trois autres opérateurs ? Pourquoi avoir assez peu développé les réseaux filaires, notamment la fibre optique ? Pensez-vous être devenus le numéro un de la 4G en France ? Les clients hésitent-ils entre votre offre et ce que d'autres mettent en avant, la sécurité absolue de la fibre optique ? Enfin, l'option Orange est-elle la seule que vous privilégiez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

En avril 2009, nous avions eu un débat en séance publique sur l'intérêt d'autoriser un quatrième opérateur à entrer sur le marché du mobile. Au nom du groupe socialiste, j'avais estimé que cela ferait peut-être baisser les prix mais que le secteur serait profondément déstabilisé. Ce fut bien le cas, et c'est Bouygues Telecom qui a le plus souffert. Cela est-il dû à son positionnement sur le marché ou à sa stratégie ?

Vous êtes lié à SFR par un accord de mutualisation de vos réseaux mobiles et vous louez la fibre optique de Numericable pour votre offre fixe. Que vont devenir ces accords ?

Enfin, l'Arcep a ouvert une enquête administrative sur le déploiement des réseaux mobiles. Les trois premiers opérateurs s'étaient engagés à déployer avant fin 2013 un réseau commun en 3G, que Free devait ensuite également mettre en place. Or, l'Autorité indique seuls 650 sites sur plus de 4 000 ont été réalisés, ce qui pose un grave problème d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Vous dites que l'État va perdre un milliard d'IS par an ; c'est un chiffre à comparer avec le produit de la vente de la quatrième licence : celle-ci n'a rapporté qu'environ 250 millions.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Il s'agit effectivement d'un milliard cette année de perte fiscale, mais ce montant va augmenter au fil des ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L'Arcep a diligenté une enquête sur les zones blanches. Les trois opérateurs s'étaient engagés à créer un seul et même réseau 3G pour couvrir 3 500 à 3 600 communes. Pourquoi ce retard ? Les élus ruraux sont extrêmement sensibles à la fracture numérique et avant de parler de la 4G ou de la fibre, ils veulent simplement que leurs administrés puissent téléphoner. S'agissant du plan national très haut débit (THD), les grands opérateurs déploient un réseau là où existe déjà de la fibre optique, c'est-à-dire dans les zones d'appel à manifestation d'intentions d'investissement (AMII), délaissant les 70 % restants. Le plan national THD conclu il y a un an est caduc. Il doit sans doute être révisé.

Vous avez signé un accord sur le mobile avec SFR pour partager le réseau et un accord sur le fixe avec Numericable, sur le réseau câblé. Nous entendons aussi parler d'une concentration possible avec Orange, alors qu'il y a trois mois, on nous disait encore que des motifs de concurrence interdisaient tout rapprochement entre les deux ...

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Martin Bouygues l'a dit à maintes reprises, nous n'étions pas hostiles par principe à l'arrivée d'un quatrième opérateur, mais contestions les conditions financières d'attribution de la licence avec un rabais sur le prix et les conditions d'introduction du quatrième opérateur sur le marché. Nous annoncions que beaucoup d'emplois seraient détruits : nous n'en sommes aujourd'hui qu'au début. M. Arnaud Montebourg a pris la mesure de la situation : nous l'avons rencontré en juin 2012, soit six mois après l'arrivée du quatrième opérateur, pour lui rappeler les obligations des trois acteurs installés en matière de couverture nationale et les frais induits très importants, tandis que Free bénéficiait de l'itinérance, et que personne ne vérifiait réellement ses investissements de réseau. Ses prix d'abonnement très bas nous ont obligés à nous aligner, détruisant par là même nos capacités d'investissement. Il y avait une violation manifeste de la concurrence.

Le ministre a demandé à l'Autorité de la concurrence en novembre 2012 de constater d'éventuels dysfonctionnements. Celle-ci présidée par Bruno Lasserre a publié un avis très détaillé en mars 2013 dans lequel il était expliqué que l'itinérance, si elle perdurait, déstabiliserait le marché, et qu'il fallait la faire disparaître progressivement, afin que tous les opérateurs soient obligés d'investir. L'avis décrit concrètement ce qui doit être fait en ce sens, notamment par l'Arcep.

Mais depuis, rien ne s'est passé. J'ai moi-même écrit à l'Arcep à plusieurs reprises, sans obtenir de réponse. Estimant anormal que l'autorité de régulation ne fasse pas appliquer les règles de la concurrence, j'ai fini par saisir le Conseil d'État il y a trois semaines. Curieusement, j'ai fini par recevoir une réponse il y a trois jours. Dans cette lettre, l'Arcep m'indique que l'itinérance relève d'un contrat de droit privé. Elle s'estime incompétente et elle m'encourage à saisir... l'Autorité de la concurrence ! Des milliers d'emplois sont en jeu. Si l'itinérance n'est pas remise en cause, le marché ne s'en relèvera pas. Orange, qui perçoit 700 millions d'euros versés par Free pour l'utilisation de son réseau, refuse de dénoncer le contrat qui les lie, en invoquant le risque que SFR prenne sa place.

Dans cette situation totalement ubuesque, nous estimons que le bon sens ne va pas l'emporter, et que nous ne pouvons plus guère espérer une intervention des pouvoirs publics. Nous avons donc décidé, chez Bouygues Telecom, de nous organiser par nous-mêmes pour survivre avec moins de revenus, en réduisant sensiblement la taille de l'entreprise, ce qui aura donc des conséquences sur l'emploi, hélas.

Certes, nous nous sommes engagés à réduire les zones blanches en 2009 et 2010 mais, depuis, le secteur a perdu 3 milliards de capacité d'investissement par an ! Or, pour résorber les zones blanches, il faut planter des pylônes et installer des relais, ce qui coûte cher. M. Arnaud Montebourg a récemment déclaré que 105 communes n'étaient pas encore couvertes par la 2G. Mais savez-vous que le dernier opérateur mobile ne paie pas pour les zones blanches ? Alors, pour quelles raisons un Bouygues Telecom appauvri devrait-il couvrir un tiers des dépenses pour installer la 3G sur tout le territoire alors que celui qui a déstabilisé le secteur et qui s'est enrichi n'a rien à payer ? C'est bien sûr scandaleux ! Il faut réviser la convention et s'assurer que les quatre opérateurs investissent. Nous sommes exsangues et devons faire face à une règle du jeu faussée. Nous faire ainsi rouler dans la farine nous tue !

L'Arcep a lancé hier cinq enquêtes, sur les zones blanches, sur Orange, sur la 3G de SFR, et une enfin pour vérifier que Free respecte bien ses engagements d'investissements. Pour développer un réseau, il faut négocier un bail, demander des autorisations administratives pour poser des antennes, installer un système électronique pour diffuser le signal et enfin, le mettre en service. Free explique qu'il a beaucoup de mal à déployer son réseau parce qu'il est devenu très difficile de trouver des sites. On sent bien que du côté du régulateur, on a très envie de le croire. Mais je pose la question : Orange vient d'installer 5 000 sites 4G en moins de 20 mois pour rattraper le retard qu'il avait sur Bouygues Telecom, pourquoi Free ne serait pas capable d'installer plus de 2800 sites en cinq ans ? Quand on veut, on peut !

Avec des abonnements à 20 euros, il est impossible de couvrir les dépenses d'investissement, sauf à dégrader ses comptes, ce que Free ne veut bien sûr pas faire. Elle est là, l'explication. Mais l'autorité de régulation ne faisant rien, ne réagissant pas, la situation économique des trois opérateurs continue de se dégrader.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pourquoi ne pas fusionner avec Orange, alors, et vendre votre réseau à Free ?

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Je vais vous répondre avec un peu d'ironie : les pouvoirs publics estimaient indispensable d'avoir quatre opérateurs fin 2011 et aujourd'hui il n'en faudrait plus que trois ? Quel est le sens de tout cela ? Si le but était de transférer l'argent d'un opérateur à un autre, c'est réussi, la fortune du patron de Free, Xavier Niel, est faite. Mais où est la logique ? Favoriser l'émulation entre les opérateurs, et donc l'investissement ? Sans doute pas puisque l'un des opérateurs bénéficie de conditions d'installation biaisées.

L'autorité de régulation procède à des mesures pour vérifier que les opérateurs atteignent bien un certain niveau de couverture, mais cette méthode de mesure ne tient pas compte d'un point essentiel : l'essentiel des communications des clients de Free passe en réalité sur le réseau d'Orange. Ce qui est vérifié par l'Arcep, c'est la couverture théorique par le réseau de Free, mais pas la couverture effective. Quelle est la différence ? Tout simplement le nombre d'antennes dont vous avez besoin pour couvrir effectivement et éponger tout votre trafic quand vous n'avez pas le filet de sécurité d'Orange. Je vous donne un exemple : Free ne disposait que de 1 200 sites lorsque l'Arcep a estimé qu'il couvrait bien 27 % de la population. Deux ans auparavant, l'Arcep avait refusé de considérer que Bouygues Telecom atteignait 20 % de la population couverte alors que nous disposions de 2 000 sites ! On nous dit qu'avec 5 000 sites, Free couvrira 75 % de la population en janvier prochain. Mais là encore, c'est purement théorique. Les quatre opérateurs disposant des mêmes gammes de fréquence, des mêmes équipementiers, des mêmes méthodes et les conditions d'exploitation étant identiques, la couverture effective de 75 % de la population, c'est 7 à 8000 sites. Évidemment pour cela, il faut accepter d'investir.

Quand le nombre de communications augmente sur un relais de Free, réduisant par la même la qualité, l'itinérance prend le relais. Tel n'est pas le cas pour nous, qui devons augmenter le nombre de pylônes pour maintenir la qualité de notre réseau. Ces différences de traitement ne sont pas prises en compte par l'Arcep. C'est bien dommage car cette concurrence faussée implique, vous le voyez bien, des destructions d'emplois et d'investissements alors que ce marché n'est pas soumis à la concurrence internationale, que ses emplois ne sont pas délocalisables et qu'un tiers des investissements réalisés se traduit par des créations directes d'emplois.

Le régulateur doit normalement s'assurer des conditions de la compétition en France. Or l'Arcep n'a rien fait depuis l'avis de l'Autorité de concurrence en mars 2013. Est-ce normal ? Nous verrons bien ce qu'en dira le Conseil d'État.

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général et porte-parole de Bouygues Telecom

Hélas nous n'aurons pas de réponse avant 2015.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Certes, nous louons le réseau de Numericable pour faire du fixe en THD, mais nous avons surtout signé un contrat avec SFR pour développer la fibre optique dans les zones très denses : à ce jour nous avons déployé un peu plus de 1,5 million de prises et 3 millions sont prévues. Nous avons signé aussi une convention avec France Telecom pour cofinancer la fibre dans les zones moyennement denses. Nous estimons en effet que le câble est seulement une solution intermédiaire. On a coutume de dire que le câble est l'équivalent de la fibre : mais si le sens descendant - la desserte du client - ne pose pas de problème, en revanche dans le sens ascendant, le câble est beaucoup moins efficace. Pourquoi le gouvernement, dans le plan national THD, a-t-il poussé le FTTH (ou Fiber to the home) et non le câble ? Parce que le FTTH, acheminant l'information dans les deux sens de façon également efficace, correspond aux usages de demain par des internautes qui seront des acteurs à part entière, qui feront remonter leurs informations dans le cloud. Orange a fait le choix du futur avec le FTTH.

Nous avons décidé la mutualisation de réseau avec SFR en 2013, car pour des raisons économiques, les opérateurs n'avaient plus le cash flow suffisant pour construire chacun leur réseau. Les zones où nous intervenons ensemble sont celles où la rentabilité de Bouygues n'est pas avérée et où celle de SFR a beaucoup baissé. Comment avons-nous choisi notre partenaire ? L'idée de partage suppose que chacun ait quelque chose à donner - à moins d'accepter un partage inéquitable. Nous avons fait une première étude de partage de réseau, en novembre 2012, avec Orange. La qualité des professionnels qui y travaillent nous séduisait, mais la structure de coûts restait trop importante, même une fois mutualisée. Le partage était peu efficace d'un point du vue économique. Dans la mesure où ce contrat de mutualisation a pour nous un intérêt économique réel, nous avons la volonté de le poursuivre.

Pour ce qui concerne notre partenariat sur la fibre optique, il a démarré courant 2009. Nous avons déjà irrigué les routes, reste à équiper les bâtiments pour passer à la phase d'adduction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

SFR montre-t-il autant d'empressement que vous pour réaliser ces travaux ?

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Nous ne nous contenterons pas de promesses. Il faudra un contrat écrit, car depuis le rachat par Numericable, les interlocuteurs et les circonstances changent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J'ai écouté avec attention votre plaidoyer plein de conviction. Vous avez dit que l'itinérance était le « cancer » de votre secteur. Pourtant, ne serait-elle pas une solution pour couvrir une partie des zones blanches, sans intérêt commercial ? Je plaide pour le développement de la 4G, qui leur donnerait accès au réseau de téléphonie mobile et pallierait l'absence du haut, voire du très haut débit. Vous êtes contre la technologie utilisée par Numericable. Mais en physique, si l'on a 100 Mbps en descente, on doit en avoir entre 30 et 40 en montée. Pour un usage particulier, une technologie qui combine la fibre et le câble - un câble du XXIème siècle, bien sûr, efficace en termes d'impédance - pourrait être une solution transitoire. D'autant que, si j'ai bien compris, la fibre est déjà présente au pied des immeubles.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Le câble est en situation de monopole et tout porte à croire que nous resterons dans le statu quo de ce système déséquilibré en termes de concurrence.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Le câble est une antenne rayonnante posée dans les bâtiments. Opticaliser le câble, c'est agréger les différentes fréquences grâce à un boîtier, qui les convertit en débit. Le câble déjà posé dans les bâtiments peut être réutilisé, il suffit de changer le boîtier placé au pied des bâtiments. Le boîtier CMTS est une technologie américaine, développée par Cisco, qui agrège des blocs de fréquence. L'opération est infiniment plus coûteuse dans le sens montant que dans le sens descendant. Le câble est une technologie dissymétrique. Les ratios ne sont pas ceux que vous avez donnés : quand on est à 100 Mbps en descente, on est à moins de 30 en montée - nos clients s'en plaignent.

Dans son avis d'avril 2013, l'Autorité de la concurrence indique que l'itinérance est une forme de partage du réseau, souhaitable en dehors des zones très denses. Les zones où l'itinérance est possible sont donc étendues. L'itinérance est un « cancer » dans les zones très denses, car nous y avons des investissements coûteux ; ce n'est pas le cas dans les zones peu denses. Notre demande sur les zones blanches est simple : faire payer les opérateurs qui utilisent nos pylônes.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Ce n'est pas ce dont je vous parle. Quand l'Arcep a autorisé Free à être présent dans les zones blanches, en 2009, nous avions demandé à ce que la convention l'intègre dans la discussion pour que nous nous répartissions les coûts. On a reporté cela à plus tard. Nous sommes tout à fait disposés à accueillir Free, à condition que les coûts soient partagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Au Sénat, nous nous préoccupons beaucoup d'aménagement du territoire.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

La fibre existera un peu dans les zones très denses, mixée au câble. Elle se développera également dans les zones moyennement denses. En revanche, dans les zones de montagne, la 4G sur la bande des 800 Mhz est une excellente solution. Certes, elle ne permet pas d'avoir la télévision par internet, mais elle donne accès à la vidéo à la demande ou à la télévision de rattrapage. Nous l'avons testée dans neuf petites communes, les retours ont été positifs. La box est facile à installer - il suffit de la brancher - et donne un accès confortable à internet, avec des débits allant jusqu'à 40 ou 45 mégabits. La 4G est un moyen complémentaire pour apporter le THD dans les zones les moins urbanisées.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Cette solution n'est pas adaptée à la télévision, c'est certain. Nous étudions les usages réels et donc les besoins des consommateurs, qui sont finalement inférieurs à ce que nous pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Alors il faut le dire clairement. Les collectivités sont en train de faire des réseaux d'initiative publique (RIP) qui coûtent des fortunes. Si la 4G, demain, la 5G, répondent à nos questions, arrêtons ces RIP !

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

La seule chose que la 4G ne peut pas faire, c'est porter la télévision.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

La 4G peut être une solution pour l'accès à l'internet dans les territoires ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Les collectivités locales pourraient économiser des milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je viens d'apprendre que la 4G donne un accès illimité à internet. Cela change tout. Du vrai illimité !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En dehors des heures de pointe où se poseront des problèmes de saturation.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

D'où l'expérimentation, pour cerner les usages. Lorsque vous avez conçu les textes des licences, vous avez autorisé les opérateurs à agréger leurs fréquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

C'est le Sénat qui a porté cette exigence. Nous l'avons fait inscrire dans les licences.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Un opérateur ne dispose pas à lui seul d'un spectre suffisant pour servir ses clients dans de bonnes conditions. Cela devient possible lorsque les opérateurs agrègent leurs fréquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En élargissant les canalisations en milieu rural, on améliorera les capacités de débit.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Oui. Lorsque la proportion d'utilisateurs est supérieure à 82 % de la population, la licence prévoit que deux opérateurs ont la capacité d'agréger leurs fréquences. Pour garantir des capacités de débit suffisantes dans les zones blanches, il faudrait que les opérateurs puissent agréger tous les blocs de fréquence. C'est une mesure simple, qui irait dans l'intérêt des citoyens et qui n'est pas anticoncurrentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L'opérateur qui aura acheté le plus cher ses fréquences sera désavantagé.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Les blocs ont été achetés au même prix.

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

L'agrégation ne pose pas de problème concurrentiel entre opérateurs. En revanche, elle est dans l'intérêt des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous pourrons en parler, la semaine prochaine avec les ministres Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Pour disposer de box fixes, faut-il fibrer les pylônes ?

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Pas tout à fait. Les technologies de faisceaux hertziens ont évolué, leur portée pouvant aller jusqu'à un Gbit. Cela diminue les coûts. Ce qui coûte cher, ce n'est pas le lien de transmission mais l'alimentation électrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Le faisceau hertzien, c'est une technologie qui vous est propre ou en êtes-vous seulement utilisateur ?

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Bouygues l'utilise le plus, SFR l'utilise un peu, Orange un peu moins et Free commence à l'utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Quand allez-vous généraliser l'usage de cette box 4G ? C'est une vraie question !

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Nous nous sommes donné plusieurs mois pour étudier l'usage réel des consommateurs. Nous sélectionnerons ensuite les zones où élargir l'expérimentation. Des couplages seront possibles. Dans une zone rurale, la meilleure solution est d'arriver à une convention pour mettre en place la 4G. On pourra imaginer la mise en place de box à un tarif forfaitaire, 30 euros par exemple.

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom

Mais pour étendre le dispositif, il nous faut avoir le droit de poser les antennes. Les évolutions législatives qui se dessinent sur ce point préoccupent beaucoup les opérateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je connais bien l'itinérance, j'ai contribué dès l'origine à la développer. Dans mon département, nous sommes dans une grappe Bouygues, et les pylônes, qui sont la propriété du conseil général, sont toujours en 2G. Qu'attendez-vous pour passer à la 3G ?

Debut de section - Permalien
Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom

Pour débloquer la situation, il nous faut obtenir que l'Arcep garantisse une égalité de traitement entre les quatre opérateurs. Nous attendons cette équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Dans les zones blanches, les présidents du conseil général sont prêts à mettre la main à la poche pour déployer la 4G.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Quelles sont les attentes de Bouygues Telecom par rapport aux RIP ? Le plan national THD doit être rediscuté, c'est une certitude. Avant de le faire évoluer, il serait intéressant d'avoir l'avis de la fédération des RIP et d'entendre également les recommandations de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Je ne suis pas persuadé qu'il soit dans l'intérêt des zones rurales de se contenter à terme du seul réseau hertzien. En Vendée, nous avons le THD. Peut-on se passer de la fibre dans une zone rurale peu dense ? Ce risque est contenu dans la solution que vous préconisez. Il faudra peser le pour et le contre...

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom

L'Avicca a tenu son assemblée générale récemment. Nous y avons fait part de nos préoccupations quant à l'avenir du FTTH, versus le FTTLA, ou Fiber to the last amplifier. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de retravailler sur l'éventail technologique. La première version du plan national THD, la version « chimiquement pure », se concentrait sur le FTTH. Il n'est pas dans notre rôle de réclamer une révision du plan, mais lors des discussions sur le rachat de SFR, nous avions bien sûr noté que l'équilibre du plan était menacé en cas de rachat par Numéricable. C'est un fait, Numéricable - et donc demain SFR - n'est pas tourné vers le FTTH. Mais combiner le FTTH avec d'autres technologies n'aurait aucun sens. Bouygues Telecom préconise ainsi de venir sur les RIP en « bitstream » FTTH. Nous sommes les seuls à défendre cette position. Orange s'y oppose activement auprès de vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous auditionnons les ministres Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire la semaine prochaine. Il serait utile de préparer un courrier en amont pour préciser nos interrogations sur le plan national THD.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Un tel courrier, avant l'audition, me semble nécessaire. Le Club parlementaire du numérique (CPN) recevait dernièrement Antoine Darodes, le patron de la mission THD. Nous lui avons posé des questions : il était très gêné pour y répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Bien sûr ! Il a une feuille de route dont il ne peut sortir et qui n'est plus la bonne. Par exemple, il n'a pas répondu sur le maintien ou non du monopole sur le câble.

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom

Quelle est la technologie prioritaire ? C'est la question qui se pose si l'on veut mettre à jour le plan national THD.

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom

Oui mais il y a fibre et fibre. Chez Bouygues Telecom, nous parlons de la fibre qui va jusqu'à l'abonné - c'est-à-dire le FTTH, dont les caractéristiques techniques sont préférables à celles du FTTLA, on l'a vu tout à l'heure. Il faut penser loin, car nous créons une infrastructure pour trente ans au moins. Par ailleurs, il y a un opérateur en France très professionnel en matière de FTTH, c'est Orange. Choisir une technologie pivot autre que le FTTH, c'est hypothéquer l'avenir d'Orange. Cette dimension-là est très importante me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Soyez raisonnable. On ne peut pas exclure le câble. Nous vivons dans un grand et beau pays qui a des difficultés. La fibre reste le pivot pour apporter le THD, dans le cadre d'un mix et peut-être en phasant le programme. On ne peut éliminer aucune technologie. La fibre ne fera pas tout !

Debut de section - Permalien
Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Télécom

Soit, mais le FTTLA et le FTTH sont sur une empreinte territoriale largement identique. Si vous indiquez que la future technologie pivot n'est plus le FTTH sur une même empreinte territoriale, vous aurez une éviction entre les deux technologies, l'une étant déjà déployée (le câble), l'autre pas tout à fait encore (le FTTH). Cela posera problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Le courrier au ministre Arnaud Montebourg est une bonne idée. Envisagez-vous un rapport de synthèse à la suite de nos auditions ? Ou bien nous contenterons-nous des comptes rendus des auditions ? Et un courrier est-il suffisant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il servira seulement à préparer l'audition du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Que fera-t-on à l'issue des auditions ? Il y a matière à élaborer un document de synthèse. Je suis un fervent défenseur des RIP. J'en ai monté un grand. Depuis longtemps, des approches différentes coexistent au Sénat, sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je ne suis pas sûr que nous soyons en situation d'élaborer ce document. Nous nous inscrivons dans un cycle d'auditions. MM. Oliver Roussat et Didier Casas, je vous remercie de votre venue.

La réunion est levée à 11 h 45.