Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h43

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux aujourd'hui en recevant Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans le cadre de la revue exhaustive des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes à laquelle nous avons décidé de procéder. Votre audition est intéressante à plus d'un titre.

En effet, le Haut Conseil des finances publiques a été qualifié par l'article 11 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, d'« organisme indépendant, placé auprès de la Cour des comptes. Il est présidé par le premier président de la Cour des comptes ».

Dans un courrier que vous nous avez adressé le 22 juin dernier, vous nous indiquez que, selon vous, le HCFP ne relève pas de la catégorie des autorités administratives indépendantes et d'ailleurs le Secrétariat général du Gouvernement considère qu'il s'agit d'une institution « sui generis » qui ne peut être assimilée, en droit, à une autorité administrative indépendante.

Vous nous en direz plus dans votre propos liminaire ainsi que sur la composition du Haut Conseil, ses missions et ses règles de fonctionnement.

Par ailleurs, nous sommes très intéressés de vous entendre en tant que premier magistrat de la Cour des comptes pour que vous nous en disiez plus sur la manière dont la Cour des comptes appréhende les autorités administratives indépendantes et notamment si elle les contrôle effectivement et comment.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Didier Migaud, Premier président, Jérôme Filippini, secrétaire général et Mohammed Adnène Trojette, chargé de mission, prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

À votre demande, je m'exprimerai successivement au titre de mes fonctions de président du Haut Conseil des finances publiques puis de Premier président de la Cour des comptes.

Conformément aux interrogations qui m'ont été adressées, je me propose d'évoquer, dans un premier temps, le statut du HCFP, puis la présence de magistrats de la Cour des comptes au sein de collèges d'autorités administratives indépendantes, et enfin les observations que la Cour des comptes a pu soulever lors des nombreux contrôles qu'elle a menés sur ces organismes.

En ce qui concerne tout d'abord le Haut Conseil des finances publiques, il a été institué en application de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Organisme indépendant et consultatif, le Haut Conseil éclaire les choix du Gouvernement et du Parlement. Il veille à la cohérence de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Pour cela, il apprécie le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et se prononce sur la cohérence des objectifs annuels présentés dans les textes financiers avec les objectifs pluriannuels de finances publiques.

La loi organique de décembre 2012, qui l'institue, a été adoptée à la suite du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, parfois qualifié de « pacte budgétaire européen » de mars 2012. Elle a anticipé l'entrée en vigueur, en mai 2013, du « two pack », paquet législatif européen prévoyant qu'un organisme indépendant valide les prévisions macroéconomiques retenues pour la construction des budgets des États membres.

Pour l'exercice de ses missions, le Haut Conseil des finances publiques est composé d'un collège, désigné selon des dispositions législatives organiques en vigueur, et d'un secrétariat permanent très léger.

Outre le Premier président de la Cour des comptes, qui le préside de droit, son collège comprend dix membres, soit quatre magistrats de la Cour des comptes, désignés par le Premier président, à parité ; quatre membres également nommés à parité, respectivement par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, les Présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques. Ces membres sont nommés après audition publique conjointe de la commission des finances et de la commission des affaires sociales de l'assemblée concernée. Ils ne peuvent exercer de fonctions publiques électives. Enfin, le HCFP comprend un membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental en raison de ses compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques et le directeur général de l'Insee, lui aussi membre de droit.

Les déclarations publiques d'intérêts de l'ensemble de ces membres sont publiées sur le site internet du Haut Conseil.

Le secrétariat permanent du Haut Conseil est, quant à lui, constitué de deux magistrats et deux rapporteurs, qui s'appuient sur un nombre réduit d'agents de la Cour des comptes. Ces personnels n'y consacrent qu'une partie de leur temps, essentiellement lors de la préparation des avis.

Le législateur français a choisi de placer cet organisme indépendant « auprès de la Cour des comptes » qui, pour la Commission européenne, remplit les conditions requises pour un comité budgétaire indépendant. Ce statut est à distinguer de celui du Conseil des prélèvements obligatoires ou de la Cour de discipline budgétaire et financière, qui sont des « institutions associées » régies par les dispositions du livre III du code des juridictions financières.

Le Haut Conseil bénéficie de très fortes garanties d'indépendance, en raison de sa composition, et du fait qu'il est « placé auprès » d'une autorité juridictionnelle constitutionnellement située à équidistance du Parlement et du Gouvernement. Néanmoins, il ne doit pas être rangé dans la catégorie des autorités administratives indépendantes, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ce n'était pas la volonté du législateur de l'y rattacher. Lors de la première lecture du projet de loi organique à l'Assemblée nationale, un amendement parlementaire a précisément porté sur cette question. Cet amendement a été expressément été écarté par le législateur.

Par ailleurs, le Haut conseil, organisme exclusivement consultatif, ne dispose pas d'un pouvoir de réglementation ni d'un pouvoir de sanction. Il émet des avis, qu'il appartient aux pouvoirs publics de suivre ou de ne pas suivre. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le statut d'autorité administrative indépendante ne lui a pas été conféré - ce qui ne remet pas en cause l'indépendance de ce conseil.

J'en viens à votre deuxième interrogation, qui porte sur la présence de magistrats de la Cour des comptes, en activité, au sein du collège d'une autorité administrative indépendante. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aborderai dans le même temps la question des anciens magistrats.

Je souhaiterais commencer par quatre constats quantitatifs. Premièrement, les fonctions en question concernent à ce jour, selon le périmètre retenu, environ 25 magistrats actifs dans les cadres de la Cour des comptes - je pourrais même dire 26, en me comptant au titre de mes fonctions au sein de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale présidentielle dont vous avez auditionné, je crois, le président hier -, et deux magistrats détachés dans les fonctions de membres de collège, soit le président de l'Autorité des marchés financiers, et un vice-président de l'Autorité de la concurrence.

Deuxièmement, dans la grande majorité des cas - soit dans un peu plus de neuf cas sur dix -, les textes prévoient explicitement la présence d'un membre de la Cour des comptes au sein du collège de l'autorité administrative indépendante. Dans les autres cas, les magistrats sont désignés en tant que personnalités qualifiées.

Troisièmement, ces fonctions sont exercées, pour l'essentiel, par des magistrats ayant atteint ou dépassé le grade de conseillers maîtres. Il s'agit de magistrats expérimentés, dont l'une des missions essentielles au sein de la Cour des comptes est de délibérer, c'est-à-dire de siéger au sein de formations collégiales. Ils mettent ainsi à disposition des qualités d'expérience, de hauteur de vues et des capacités à participer à la production d'une opinion collective au terme d'un débat. Et c'est ce qui est souvent attendu d'une autorité administrative indépendante.

Quatrièmement, les responsabilités exercées dans ces organes par les magistrats et les anciens magistrats de la Cour des comptes recouvrent une réalité sensiblement variée. Les magistrats de la Cour sont en effet : le plus souvent « simple » membre, si je puis dire, titulaire ou suppléant lorsque la distinction existe dans les textes ; parfois vice-président, voire président de l'autorité ; et parfois encore titulaire d'une fonction unique, dans le cas du médiateur du livre et du médiateur du cinéma.

Pour ce qui est de la désignation au sein de l'organe d'une autorité administrative indépendante d'un magistrat ou d'un ancien magistrat de la Cour des comptes, elle procède de plusieurs modalités possibles.

Les textes peuvent prévoir que le Premier président procède à un choix parmi les magistrats en activité ou les magistrats honoraires. Dans ce cas, j'ai pour ainsi dire compétence liée, puisque je suis tenu de procéder à cette désignation. Je reviendrai plus spécifiquement dans quelques instants sur les modalités du choix, lorsqu'il me revient.

Dans d'autres cas, les textes prévoient que les magistrats de la Cour des comptes élisent, en leur sein, celle ou celui d'entre eux qui siégera au sein de l'instance. Dans ces cas-là, le rôle du Premier président est très réduit et consiste à assurer que le vote se déroule dans de parfaites conditions de régularité.

Dans d'autres cas encore, c'est une autorité extérieure à la Cour des comptes - Président de la République, Parlement ou Gouvernement - qui procède, en application de dispositions législatives ou réglementaires, à la désignation. Dans ce cas, il n'appartient pas au Premier président de la Cour des comptes de porter une appréciation sur une décision prise par les pouvoirs publics en vertu du droit en vigueur. Tout au plus suis-je amené, en tant que chef de corps, à prendre les mesures de gestion nécessaires à l'exécution de ces décisions, par exemple le détachement d'un magistrat pour exercer des fonctions de président de l'Autorité des marchés financiers.

Je voudrais m'attarder un instant sur les cas où c'est le Premier président qui procède à la désignation. Le chef de corps que je suis doit en effet remplir plusieurs obligations de niveau constitutionnel et législatif en gardant à l'esprit, d'une part, la nécessité de préserver les capacités de contrôle d'une juridiction dont l'indépendance et les missions sont consacrées constitutionnellement et en exerçant, d'autre part, sa compétence liée de désigner (ou d'autoriser la désignation) d'un magistrat chargé de siéger dans ces autorités administratives indépendantes.

À cet égard, je veux souligner la pertinence et l'importance les dispositions de l'article L. 112-9 du code des juridictions financières, qui autorisent « l'autorité chargée de la désignation [à] porter son choix sur un membre honoraire » de la juridiction. Je me réjouis de cette disposition qui m'autorise, en l'absence de texte expressément contraire, à désigner ou à proposer un magistrat honoraire. Je suis ainsi en mesure de concilier l'objectif de qualité du profil, compte tenu de l'expérience de nos collègues récemment partis en retraite, avec le souci de ne pas faire peser une trop lourde charge sur les effectifs de la juridiction. Comme vous avez pu le constater dans mon propos et dans mes réponses écrites, ce recours aux honoraires permet de pourvoir la moitié des désignations. De temps en temps, le législateur m'impose de désigner des magistrats en activité, à l'instar du Conseil supérieur de l'Agence France-Presse.

Plus généralement, lorsque j'exerce la fonction d'autorité de désignation, je m'appuie sur plusieurs critères, afin de déterminer, compte tenu des candidatures exprimées au sein du corps, celle qui mérite d'être retenue. Parmi ces critères, la compétence et l'expertise sont certes essentielles. Mais des considérations de déontologie et de charge de travail interviennent naturellement et sont tout aussi essentielles. À titre individuel, tous les magistrats de la Cour sont des fonctionnaires de l'État, tenus de respecter les obligations qui s'imposent à eux au regard du statut général de la fonction publique. Ils prêtent un serment qui les engage.

Depuis 2006, une charte interne de déontologie rappelle, à travers des mises en situation précises, le comportement que tout magistrat doit adopter, pour préserver l'indépendance et l'impartialité des juridictions. Cette charte sera confortée par les nouvelles dispositions législatives que les pouvoirs publics souhaiteront adopter dans les semaines qui viennent. Vous devriez être saisis d'un projet de loi sur la déontologie des magistrats, qui comportera des dispositions spécifiques pour les membres de la Cour des comptes.

Lors de la désignation du membre d'une AAI, je procède à un appel à candidatures au sein de la Cour des comptes. Une fois que les candidatures ont été centralisées, je choisis donc le profil à retenir, en m'assurant de sa compatibilité avec l'ensemble des critères que je viens d'évoquer. En cas de doute, je peux solliciter l'avis du collège de déontologie que nous avons mis en place - l'un de ses membres n'est pas un magistrat de la Cour des comptes.

Les magistrats intéressés m'adressent leur candidature sous couvert de leur président de chambre. Cela me permet de m'assurer que la charge de travail supplémentaire sera conciliable avec le programme de contrôle qui incombe au magistrat concerné. Cette préoccupation est d'autant plus constante que la réalisation, en quantité et en qualité, par un magistrat de son programme de travail compte pour l'essentiel de son évaluation annuelle. Elle influe directement sur sa rémunération à la performance. Je note d'ailleurs, à ce titre, qu'il n'est pas rare que les magistrats sollicités pour ce genre de mission extérieure soient aussi parmi les plus performants dans leurs fonctions au sein de la Cour des comptes.

Avant de répondre à vos questions, je souhaite rappeler la nature et les suites données aux contrôles de la Cour des comptes, en ce qui concerne les autorités administratives indépendantes ; ce qui est également l'une de vos préoccupations.

Au regard de leur organisation et de leur mode de financement, la Cour des comptes est compétente pour les contrôler. Elle examine notamment la régularité de leurs recettes et de leurs dépenses, ainsi que la qualité de leur gestion. Elle s'y intéresse non seulement de manière intrinsèque mais aussi par rapport aux missions qui leur sont assignées par leurs textes institutifs. Cet examen peut en conséquence porter sur leur organisation, leurs règles de fonctionnement, l'utilisation de leurs moyens humains, financiers, matériels et immobiliers, ainsi que sur les résultats qu'elles obtiennent au regard desdites missions. La Cour des comptes peut en particulier rechercher si l'AAI paraît avoir atteint les objectifs assignés par le législateur lorsque celui-ci l'a créée, si elle a constitué une doctrine et des critères de décision et si cette doctrine est accessible aux assujettis.

Elle ne porte toutefois pas d'appréciation sur les décisions administratives individuelles ou collectives prises par ces autorités dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions et par rapport aux textes qu'elles ont à appliquer. Son contrôle ne conduit pas la Cour des comptes à se placer sur le terrain de la régularité juridique des décisions prises par ces organismes.

Depuis 2005, la Cour des comptes a conduit 15 contrôles sur les autorités administratives indépendantes mentionnées dans la liste qui nous a été communiquée. Quatre contrôles sont en cours d'instruction et plusieurs AAI ont été contrôlées plusieurs fois pendant la période.

Les suites données à ces contrôles ont pris plusieurs formes différentes : le plus souvent, il s'agit d'observations définitives adressées par le président de chambre à l'AAI. Un contrôle a débouché sur une insertion au rapport sur la sécurité sociale qui concernait la Haute autorité de santé. A deux reprises, j'ai adressé des référés au Premier ministre qui concernaient notamment la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Deux contrôles ont donné lieu à des communications au Parlement : ils concernaient l'Autorité de contrôle prudentielle et de résolution et le Défenseur des droits. Par ailleurs, le Procureur général a été amené, à deux reprises, à adresser des communications sur des points de droit particuliers qui concernaient l'Autorité des marchés financiers et la Commission de régulation de l'énergie.

À l'issue de ces contrôles, la Cour des comptes a formulé des recommandations portant sur les fonctions support des AAI, ainsi que sur leurs missions. Ces recommandations sont moins souvent liées à la nature d'autorité administrative indépendante qu'à la forme que prennent ces organismes, notamment les plus petits d'entre eux. Les problématiques de qualité comptable, de gestion comptable, de politique immobilière sont souvent comparables à ce qui peut être observé pour les petites structures qui relèvent des services du Premier ministre. Dans des structures parfois chargées de la régulation de secteurs très techniques, la gestion des ressources humaines soulève des enjeux complexes, notamment en présence d'agents contractuels.

En ce qui concerne les fonctions supports, la Cour des comptes a ponctuellement suggéré la réduction du nombre de cadre dirigeants, des regroupements de services, la mise en place de politiques de rémunérations cohérentes, le développement de la transparence sur les ressources et l'amélioration de la gestion comptable. En ce qui concerne les missions de certaines autorités administratives indépendantes, il a entre autres été préconisé la mise en place d'indicateurs de suivi de l'activité, une prévention plus active des conflits d'intérêts - cela concernait notamment les activités de la Commission de régulation de l'énergie - le développement de la coopération avec d'autres acteurs, une amélioration des pratiques de contrôle, que ce soit en termes de délais réglementaires ou de procédures et enfin, un suivi du devenir des avis rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Merci, Monsieur le Président, de votre présence et des explications que vous venez de nous donner. Nous souhaitions en effet entendre le Président du Haut Conseil des finances publiques ainsi que le Premier président de la Cour des comptes et recueillir sa vision de ce que sont les autorités administratives indépendantes et de leur devenir, afin d'avancer dans notre propre réflexion.

S'agissant du Haut Conseil des finances publiques, vous nous dîtes que ce n'est pas une autorité administrative indépendante, conformément au souhait du législateur. Mais il existe des autorités administratives indépendantes qui n'ont pas été créées par le législateur, comme vous le savez, et ces dernières sont même nombreuses. La définition de ce qu'est une autorité administrative indépendante me paraît en revanche poser problème : outre la définition résultant de la somme des définitions des trois termes qui en composent l'expression, il serait opportun d'en avoir une définition fixée par la loi. Que le législateur ait considéré dans les débats que le Haut Conseil des finances publiques n'est pas une AAI fournit certes un critère, mais celui-ci est nullement suffisant.

De manière analogue, le fait que votre autorité ne prononce pas de sanction ni ne définisse des réglementations ne constitue pas non plus un critère suffisant. En outre, l'absence de coût réel du Haut Conseil n'est pas non plus un indice probant, puisqu'il existe des AAI qui ne coûtent pratiquement rien, même si, je vous l'accorde, elles ne sont pas nombreuses.

Vous nous dites également que le Haut Conseil n'est pas une AAI en raison du souhait du législateur d'en imbriquer fortement le fonctionnement avec celui de la Cour des comptes. Cet argument, nous pouvons tout à faire l'entendre ; mais lorsque vous ajoutez que « pour l'ensemble de ces raisons, le Haut Conseil des finances publiques ne figure pas dans la liste des quarante autorités administratives publiée sous la responsabilité du Secrétariat général du Gouvernement publiée sur le site legifrance.fr actualisée le 19 décembre 2014 », je ne suis pas personnellement convaincu que le fait que le Secrétaire général du gouvernement distingue entre ce qui est une AAI et ce qui n'en est pas fournisse un critère juridique suffisant dans notre État de droit. Vous connaissez la liste du Conseil d'État et nous avons pu apprécier les propos de l'actuel Secrétaire général du Gouvernement lors de l'une de nos premières auditions. On voit bien d'ailleurs, comme je le dis souvent, où est le pouvoir dans cette République.

Ainsi, lors de la discussion de la loi relative à l'artisanat et au commerce en date du 18 juin 2014, la qualification d'AAI pour la commission nationale d'aménagement commercial, qui avait été retenue par l'Assemblée nationale, avait été, en définitive, supprimée par le Sénat. Pourtant, cette commission reste considérée, notamment par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, comme une autorité administrative indépendante. Ce qui signifie que nous sommes tout de même dans un certain flou juridique qui n'est pas sans m'intriguer.

Je souhaiterais, Monsieur le Président, obtenir votre opinion sur cette définition des autorités administratives indépendantes. On peut aussi s'interroger sur les choix effectués par les États membres de l'Union européenne signataires du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, s'agissant du recours ou non à une structure spécifique analogue à votre Haut Conseil. Ainsi, je souhaiterais obtenir votre vision en tant que Premier président de la Cour des comptes de ce que devrait être une autorité administrative indépendante.

J'observe que nous connaissons non seulement le foisonnement d'autorités administratives indépendantes, mais aussi le fourmillement de hauts conseils divers et variés. Est-ce vraiment le bon moyen d'économiser les deniers publics et de faire fructifier l'intelligence de nos élites que de multiplier de telles instances ? Plus il y en a, moins leur utilité peut apparaître évidente aux yeux de nos concitoyens !

Sur le Haut Conseil des finances publiques, je souhaiterais obtenir plus d'informations concernant le mécanisme prévu en matière de prévention de conflits d'intérêts. Faut-il l'aligner sur le mécanisme des AAI ou doit-il, au contraire, s'en distinguer ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Chacune de vos questions recèle en fait plusieurs interrogations.

Si je me permets de dire que le Haut Conseil des finances publiques n'est pas une autorité administrative indépendante, c'est parce que le législateur en a décidé ainsi. Je ne suis pas certain que la question du statut soit ici essentielle, mais la création du HCFP est la conséquence d'un traité européen qui dispose de la création d'un comité budgétaire totalement indépendant des pouvoirs législatifs et exécutifs tout en ayant la capacité de les éclairer. Mais la question relève du législateur organique : crée-t-on une structure ad hoc ou élargit-on les compétences et les missions de la Cour des comptes ? Certes, celle-ci exerçait déjà les missions de contrôle budgétaire de manière indépendante, à travers notamment le rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, mais elle ne s'autorisait pas à exprimer un point de vue sur la question des hypothèses macroéconomiques. D'ailleurs, elle s'exprime toujours a posteriori, sauf dans le cadre des débats parlementaires d'orientation budgétaire où elle s'efforce de proposer une vision prospective.

Le législateur a, me semble-t-il, assuré un compromis en proposant la création d'une institution rattachée à la Cour des comptes, faisant en sorte qu'elle soit présidée par le Premier président et qu'elle comprenne un nombre important de magistrats, même s'ils ne sont pas majoritaires. Le législateur a également reconnu l'intérêt d'accueillir des personnalités nommées par le pouvoir politique, en raison de leurs compétences économiques et financières, afin qu'elles apportent leur contribution aux avis et analyses que nous pouvons rendre.

Ce qui doit définir une AAI est un autre sujet. Compte tenu de mon passé, je ne trouve pas du tout illégitime que le Parlement définisse ce qu'est une AAI. Il n'appartient pas à la Cour des comptes de porter une appréciation sur la qualité juridique. Nous nous contentons, s'agissant du contrôle des autorités administratives indépendantes, de rechercher si leur gestion est régulière, efficace et efficiente. Nos recommandations peuvent porter sur leur mode de fonctionnement et leurs capacités à mener à bien leurs missions.

Cela dit, sur ce travail, si vous souhaitez que la Cour des comptes apporte sa contribution sur les missions des AAI qui peuvent se recouper et si la commission des finances du Sénat, qui en a la capacité, venait à nous saisir, nous ferions ce travail très volontiers.

À titre personnel, je dirais qu'on peut en effet avoir le sentiment d'une profusion d'autorités administratives indépendantes, qui peuvent être considérées comme autant de démantèlements de l'État. Ces autorités sont néanmoins toujours placées sous le contrôle de la Cour des comptes mais aussi du Parlement, qui peut également exercer un suivi annuel de leurs activités. Vous pourriez obtenir des documents financiers et désigner un rapporteur spécial pour assurer davantage le contrôle du Parlement sur les missions de ces autorités.

C'est important de garantir leur indépendance, mais cette dernière ne doit pas en empêcher le contrôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mon interrogation porte sur l'indépendance idéologique des membres du HCFP, c'est-à-dire sur l'assentiment des membres économistes, sans parler des membres de la Cour des comptes, quant à une conception unique du développement économique garante d'une certaine forme d'orthodoxie budgétaire et d'apologie de l'économie de l'offre - dont on a pu mesurer les effets désastreux dans d'autres pays, comme en Grèce notamment ! De plus, si le Haut Conseil ne prodigue pas de conseils au Gouvernement en matière de redressement des finances publiques, alors, quel est son rôle ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Il peut contribuer effectivement à éclairer l'avis du Parlement dans les décisions que lui-même a à prendre. La composition du Haut Conseil relève d'un traité européen et d'une loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le choix des économistes n'est tout de même pas anodin !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Les magistrats de la Cour des comptes n'ont aucun a priori idéologique ! Nous ne raisonnons qu'à partir des critères que le Parlement a fixés, y compris dans le rapport remis récemment à la commission des finances du Sénat sur la masse salariale. Nous nous inscrivons ainsi dans le cadre des objectifs de stabilité qui consistent à vérifier que la dépense n'augmente pas plus que prévue. La Cour des comptes s'efforce de regarder si cet objectif peut être rempli et nous vous proposons un certain nombre de leviers vous permettant par la suite de faire des choix pour remplir ces objectifs, en dehors de toute forme d'a priori dogmatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes, sauf que le pouvoir médiatique le perçoit autrement ! Vos rapports soulignent en permanence que le Gouvernement ne fait pas assez d'économies !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Ce n'est pas la Cour qui délivre le postulat qu'il faut faire des économies : cette démarche relève des textes que vous votez. De plus, la dépense ne se réduit pas, elle augmente moins rapidement. C'est une nuance, car il est difficile de continuer à parler d'austérité lors que la dépense ne diminue pas.

Outre les magistrats de la Cour des comptes, les personnalités désignées par les autorités politiques sont totalement souveraines dans le choix qu'elles expriment !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Dix experts ne manqueront pas d'exprimer dix avis différents !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Les profils sont certes différents. Le Haut Conseil apprécie la crédibilité des hypothèses macroéconomiques qui font traditionnellement débat en France. Le législateur a souhaité qu'un conseil indépendant exprime un avis quant caractère crédible ou non des hypothèses macroéconomiques ; il peut être utile aux parlementaires de disposer un point de vue extérieur exprimé par des personnes en dehors de toute complaisance politique. Il importe ainsi d'apprécier la cohérence de la suite donnée au choix de telle ou telle hypothèse économique, impliquant également le respect des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Une fois de plus, il s'agit d'un avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mais avec le temps, nous serons plus à même d'évaluer la portée des avis rendus par ce Haut Conseil qui demeure très récent.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Et d'évaluer, du même coup, la sagesse des hypothèses retenues. Enfin, il me paraît important que le profil des personnes soit connu et que celles-ci fournissent une déclaration d'intérêt rendue publique. Certes, le HCFP n'est pas une autorité administrative indépendante, mais chaque membre a l'obligation de fournir une telle déclaration qui est publiée sur son site internet. Tout citoyen peut ainsi prendre connaissance des activités principales des membres du Haut Conseil et de vérifier s'il peut y a voir conflit d'intérêt ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous avez indiqué comment vous désignez les membres des autorités indépendantes issus de la Cour des comptes. Dont acte.

Il n'est pas ici question de faire le procès ni de la Cour des comptes, ni du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Il s'agit de se demander si c'est une bonne chose qu'une part très importante des collèges des AAI soit issue de ces trois corps. Ainsi, sur 544 membres des collèges des autorités administratives indépendantes - il arrive que l'État ne remplisse d'ailleurs pas l'ensemble des collèges de certaines AAI afin de les laisser péricliter - ce sont près de 165 membres qui sont originaires de la Cour des comptes, du Conseil d'État ou de la Cour de cassation et ce, essentiellement - mais pas toujours - en application de dispositions législatives. On a pu par ailleurs constater l'aller-retour de certains membres des grands corps de l'État vers les sociétés privées. La question de la compétence et de l'honnêteté ne se pose pas car globalement, nous avons affaire ici à des personnes qui partagent le sens de l'État et sont compétentes. Loin de véhiculer une vision négative des grands corps de l'État, nous nous interrogeons cependant pour savoir s'il est bon, dans notre République, que plus du tiers des membres des collèges des AAI soit issu de ces derniers. Une telle origine présente certes des avantages, mais aussi de réels inconvénients. C'est pour nous une question de fond.

Dans le même ordre d'idée, vous parlez de profusion ; j'utiliserais plutôt le terme de prolifération. Si cette tendance venait à se poursuivre, comment pourrez-vous « remplir » les collèges de ces autorités ? Je ne suis pas de ceux qui disent qu'à partir d'un certain âge, les personnes ne sont plus compétentes et nous avons pu trouver un exemple d'un membre d'un collège qui, à près de 97 ans participe toujours aux travaux de son collège. Il y a là manifestement un vivier d'hommes et de femmes d'expérience toujours compétents, mais il ne faudrait pas que les AAI deviennent systématiquement la source d'une seconde vie pour les membres des grands corps à la retraite : ce serait excessif !

Comment, par ailleurs, arriver à être à la fois président de chambre à la Cour des comptes et d'une AAI dont les réunions sont fréquentes ? Comment peut-on concilier ces deux activités à pleins temps ? Est-il normal d'autoriser un cumul d'indemnités ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Pourquoi y-a-t-il autant de personnes issues du Conseil d'État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation dans les collèges des autorités administratives indépendantes ? Une telle présence s'explique par les critères que vous venez de préciser. En effet, il faut avoir le sens de l'État et de l'intérêt général, la compétence, l'expérience et présenter de réelles garanties d'indépendance ; qualités que les membres de ces trois corps possèdent globalement. De ce fait, ces valeurs en partage expliquent qu'on ait recours à ces personnes pour les collèges des autorités administratives indépendantes. Ces personnes ont-elle le monopole de ces critères ? Sûrement pas ! Mais qui peut réunir tous ces critères qui sont également indispensables pour gagner la confiance de l'opinion publique et des parlementaires envers le travail réalisé par ces autorités administratives indépendantes ?

Les membres de la Cour des comptes qui sont dans les AAI répondent à tous ces critères et s'efforcent de faire convenablement leur travail. L'indépendance n'est pas chose aisée. Le statut de magistrat, source d'indépendance, confère une certaine liberté aux membres de ces juridictions. Ce n'est certes pas suffisant pour garantir cette indépendance : la durée du mandat et son éventuelle reconduction sont également des sujets à part entière. L'inamovibilité ou une désignation pour une durée très longue permet de garantir l'indépendance ; au contraire de la perspective d'un renouvellement à court et moyen termes.

Vous avez évoqué ensuite la question du nombre des autorités administratives indépendantes ; j'ai moi-même évoqué, en tant que chef de corps, mon adhésion à l'idée du resserrement de leur nombre. Je suis toujours attentif, sauf lorsqu'il s'agit de fonctions à temps plein, à l'instar de celle de président de l'Autorité des marchés financiers, qui impliquent un détachement. Il faut également veiller au respect du principe absolu selon lequel les autres fonctions d'un magistrat ne doivent pas remettre en cause son programme de contrôle et de délibérés. Souvent, la présence à temps plein au sein de ces autorités administratives indépendantes n'est pas requise et le magistrat peut s'organiser pour remplir pleinement ses fonctions à la Cour des comptes dans le même temps.

Le cas d'un Président de chambre qui assume concomitamment la présidence d'une AAI est tout-à-fait exceptionnel. Cette situation unique n'empêche pas cette présidente de chambre d'assumer pleinement ses fonctions à la Cour. Ses fonctions, au sein de cette AAI, ne sont pas totalement à temps plein et dépendent des saisines. Mais il faut être attentif à ce que le magistrat exerce ses fonctions pour lesquelles il est rémunéré. Ainsi, outre leur traitement indiciaire, les magistrats bénéficient d'un régime indemnitaire basé à 80 % sur leur niveau d'activité. Un tel mécanisme, qui s'apparente à une véritable prime au rendement, prend en compte l'activité réelle des magistrats. De ce fait, une éventuelle multiplication des AAI poserait problème. Je ne saurais formuler de recommandation, mais je ne pourrais que me réjouir du resserrement du nombre des AAI. Et je regrette lorsque le Parlement m'impose de désigner des membres en activité, comme ce fût le cas pour le Conseil supérieur de l'Agence France-Presse : je n'ai pas su expliquer qu'un magistrat honoraire était en mesure de remplir les mêmes fonctions que son homologue en activité, sans que cela pèse sur le fonctionnement de la Cour des comptes. Certains parlementaires ont d'ailleurs souligné que les parlementaires honoraires n'étaient pas attributaires de fonctions nouvelles. Les choses me paraissent devoir se passer différemment selon qu'on est un élu ou membre d'une juridiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La question de l'indépendance est en effet épineuse. On constate cependant que toutes les carrières ne se font pas exclusivement à l'intérieur des grands corps et le fait de sortir est bien souvent un accélérateur de carrière et les magistrats ne sont pas des bénédictins enfermés dans leur tour d'ivoire. L'indépendance est une question de caractère plus que de statut. Que dire d'ailleurs des membres des grands corps nommés sans passer par les concours administratifs ? Cette porosité ne peut que conduire à questionner l'indépendance que vous évoquez.

Par ailleurs, je reste persuadé qu'on devrait pouvoir trouver en dehors des grands corps des personnes capables de remplir de telles fonctions ! Une plus grande diversité de recrutement permettrait ainsi de remédier au sentiment « d'entre soi » qui caractérise le fonctionnement d'un certain nombre d'autorités administratives indépendantes. L'idée selon laquelle la magistrature confère une indépendance me paraît particulièrement rapide et il faudrait sans doute y regarder d'un peu plus près !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Rien n'empêche au législateur d'élargir le recrutement des collèges. Les sorties et les carrières alternées s'avèrent utiles aux juridictions. Elles évitent, justement, ce syndrome d'enfermement dans une tour d'ivoire. Les magistrats ayant exercé des fonctions opérationnelles ont un regard différent sur le contrôle, une fois de retour dans les cadres.

Outre l'indépendance, la collégialité est la règle et innerve le fonctionnement de la Cour des comptes ; elle est la source de toute décision, un rempart contre la dimension partisane qu'on peut toujours reprocher à tel ou tel en fonction de son parcours. Les membres de la Cour des comptes ont une pratique de la collégialité, mais ils ne prétendent nullement avoir le monopole en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avoir eu dans sa carrière une expérience extérieure peut être considéré comme un élément positif. Il faut de tout !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

En effet, il faut de tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes, mais on n'est pas nécessairement indépendant parce qu'on est magistrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais un certain nombre de choses me pose problème lorsqu'on avance l'indépendance comme critère de création d'une autorité administrative indépendante. En effet, lorsque des membres de cabinet ministériel, après avoir préparé la création d'une autorité administrative indépendante, en exerce la présidence ou en gère l'administration, vous me permettrez de considérer que ce n'est pas le chemin le plus sage. Nous connaissons ces exemples et ils seront mentionnés dans notre rapport.

J'aurais une dernière question sur la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Comment choisissez-vous les membres de la Cour des comptes qui travaillent pour cette Haute autorité, car son Président, que nous avons auditionné, nous a indiqué qu'il ne choisissait pas ses collaborateurs. Ainsi, comment vous assurez-vous de la neutralité des personnes que vous désignez et dont la mission consiste à contrôler les déclarations fournies par les élus?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

L'indépendance c'est principalement être à l'abri de toute pression. C'est pourquoi, je serais plus nuancé que vous. Notre statut le garantit même s'il s'agit d'une condition qui peut certes ne pas s'avérer suffisante.

Sur la Haute autorité de la transparence de la vie publique, qui est encore récente, il importe de distinguer entre les collaborateurs, qui travaillent avec le président, et les membres ainsi que les rapporteurs. Ces derniers sont effectivement désignés par le Vice-président du Conseil d'État, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes, puisqu'ils doivent présenter des garanties d'indépendance avérées. Ces nominations nous posent également problème, car à partir du moment où nos magistrats travaillent pour la Haute autorité, ils ont moins de disponibilité pour leurs activités à la Cour des comptes.

Que les rapporteurs soient des membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation me paraît plutôt une garantie, du fait de leur totale indépendance et de leur regard objectif qui est par ailleurs soumis à la collégialité de la Haute autorité. S'agissant des collaborateurs directs, je ne sais comment leur nomination se déroule, mais je doute qu'on puisse imposer au président de la Haute autorité une personne qu'il n'apprécierait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Nous avons bien compris, à la lueur de vos propos que le Haut Conseil des finances publiques ne devait pas être identifié à une autorité administrative indépendante, mais plutôt à une autorité consultative émettant des avis comme il en existe un grand nombre dans notre pays. Tout à l'heure, notre rapporteur évoquait les conditions de création des AAI par la loi et il nous faut demeurer vigilants quant l'évolution de leur nombre. Aussi, à l'examen du rapport d'activité du Haut Conseil des finances publiques, j'observe, sur les exercices 2013 et 2014, une très nette différence entre la prévision et l'exécutions de son budget. Est-ce le Haut Conseil qui prépare son budget ou celui-ci relève-t-il de propositions gouvernementales qui sont ultérieurement validées par le Parlement ? Il est manifeste que les prévisions budgétaires du Haut Conseil ont été surdimensionnées par rapport à ses réels besoins.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Ces sommes sont peu importantes, mais elles sont prises sur le budget de la Cour des comptes. Le Haut Conseil a été créé et rattaché à la Cour des comptes et est par conséquent financé sur l'enveloppe de l'ensemble des juridictions financières. Mais à partir du moment où un programme a été créé, il nous faut faire apparaître un budget, ce qui n'est pas sans difficulté pour la Cour des comptes. J'ai d'ailleurs proposé à l'époque aux rapporteurs de ne pas créer de programme, à partir du moment où le Haut Conseil était rattaché à la Cour des comptes qui en assurait la gestion.

Il existait également un problème d'affichage puisqu'un budget insignifiant aurait conduit à relativiser l'importance de ce Haut Conseil, récemment créé. Le fait d'avoir un programme complique les choses et n'apporte pas grand-chose ! On se livre à cet exercice de faire apparaître un projet de budget et il m'incombe de le faire exécuter avec un maximum de rigueur.

En outre, le Parlement et le Gouvernement ont souhaité que le Haut Conseil ait la capacité de commander des études à d'autres instances, d'où la nécessité de prévoir des crédits complémentaires. En fait, pour le moment, nous n'avons pas encore éprouvé ce besoin d'où ce décalage entre prévision et exécution, qui n'est nullement une perte. Nous essayons en outre de calculer au plus juste le fonctionnement du Haut Conseil. Pour assurer son indépendance, il faut reconnaître un budget en conséquence à ce Haut Conseil.

Après, la question de savoir si ce Haut Conseil est une autorité administrative indépendante ou une institution sui generis ? Honnêtement, cette qualification n'est pas un sujet pour les membres du Haut Conseil.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

C'est en effet une question compte tenu du nombre d'autorités administratives indépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En plus, votre Haut Conseil dispose d'un programme dédié, alors que toutes les autorités administratives n'en ont pas !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Ce programme n'est absolument pas une nécessité !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ces AAI se situent hors-champ du contrôle hiérarchique du Gouvernement ; pourtant leur contrôle est une nécessité. Le contrôle du Parlement se limite pratiquement à l'enregistrement d'un rapport annuel d'activités et ne me paraît ni satisfaisant ni suffisant. Concernant le programme de contrôle de la Cour des comptes, toutes les AAI n'ont pas été, à ce jour, contrôlées par vos services. L'ordonnateur est généralement le président de l'AAI et pour les autorités de taille importante, le comptable est le contrôleur budgétaire et comptable ministériel, mais je ne suis pas certaine que cette répartition des tâches vaut pour l'ensemble.

Quant au Haut Conseil, il ne s'agit pas seulement d'une division de la Cour des comptes, du fait de sa composition élargie à des personnalités extérieures et je pense que c'est une bonne chose.

J'insiste à nouveau sur cette question du contrôle, car plus les travaux de notre commission d'enquête avancent, plus nous nous rendons compte du champ énorme que les AAI représentent dans notre administration française.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Madame la Présidente, je m'arrêterais juste sur un dernier point : les autorités administratives indépendantes s'avèrent très diverses les unes des autres, tout en présentant des enjeux très distincts pour les finances publiques. Au-delà de ce constat, en tant que responsable de la programmation des contrôles, il me paraît essentiel de les avoir toutes contrôlées à un horizon de cinq ans. Je le rappellerai aux Présidents de chambres, mais le fait qu'une autorité administrative indépendante ait connaissance d'un contrôle est important. Il faut d'ailleurs que nous nous prenions en compte la durée du mandat de ses membres pour arrêter un ordre de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Les présidents des autorités administratives indépendantes en sont d'ailleurs demandeurs !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Dans le cadre de notre programmation annuelle, nous contrôlons toujours des AAI. Mais il faut veiller à les avoir toutes contrôlées dans le cas d'une programmation pluriannuelle. À moins que vous ne décidiez d'en créer beaucoup d'autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne pense pas que ce soit une préconisation formulée par notre commission d'enquête !

La réunion est levée à 16 h 08.