Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques

Réunion du 12 mars 2015 à 10h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Nous accueillons Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, pour une audition ouverte à tous les sénateurs, à la presse et diffusée sur Public Sénat. Réforme des tribunaux de commerce et de la justice prud'homale, libéralisation des professions juridiques réglementées et règles de fixation de leurs tarifs, votre parole est attendue. Je vous propose de nous faire part de votre appréciation générale sur ce texte, qui a connu d'importantes évolutions à l'Assemblée nationale, de nous dire si vous souhaiteriez que le Sénat se l'approprie et apporte sa valeur ajoutée. Vous nous direz aussi comment vous concevez le point d'équilibre entre la sécurité des actes juridiques, l'égalité de l'accès au droit et l'inévitable modernisation des procédures et des professions.

Le Sénat est la maison qui défend les libertés, c'est dire combien nous sommes heureux de votre présence à nos côtés, encore plus en ces moments.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous remercie de cet accueil et pour vos mots de bienvenue. Je suis heureuse de m'exprimer devant vous, car je connais votre attachement particulier aux libertés individuelles et à la justice. Le texte comporte en effet des dispositions relatives à trois grands secteurs, étant entendu que le projet Justice du 21e siècle (J 21) complètera ses articles sur la justice commerciale.

L'ambition élevée de garantir à tous nos concitoyens, sur tout le territoire, l'accès à un droit protecteur inspire la politique volontariste que je conduis depuis trois ans en matière de recrutements : ceux qui saisissent les tribunaux - à la suite de litiges familiaux, de la perte de leur emploi ou des difficultés de leur entreprise - sont dans un état de vulnérabilité qui appelle la protection de l'État.

Le rôle des professions réglementées est important dans le cadre de la justice civile et nous les avons associées aux travaux de J 21. Historiquement, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa réponse à une question prioritaire de constitutionnalité le 21 novembre 2014, l'État a délégué certaines prérogatives de puissance publique attachées à sa mission régalienne. Il incombe au ministère de la justice de contrôler les conditions d'exercice de cette délégation. L'authentification notariée, la signification par huissier doivent présenter le même niveau de sécurité juridique qu'un acte étatique. Il nous faut veiller à la probité et à l'indépendance des professionnels du droit, au respect de leurs règles déontologiques et contrôler l'existence de conflits d'intérêt.

Depuis deux ans et demi, nous travaillons avec ces professions dans une relation de confiance qui s'est construite au fil des réunions. Ce travail commun a débouché sur l'adoption de plusieurs lois, d'ordonnances et de décrets. Un sujet comme les tarifs a déjà été traité notamment pour ce qui concerne les tarifs des greffiers de tribunaux de commerce.

Le texte de loi issu des travaux de l'Assemblée nationale s'inscrit dans le même esprit. S'il est important que les professions juridiques réglementées participent à la revitalisation de l'économie, la justice et le droit ne peuvent être abordés sous un angle uniquement économique. L'accès de tous au droit, la sécurité juridique doivent être préservés, la rentabilité financière immédiate dût-elle en pâtir. C'est ce qui explique notre politique tarifaire pour les professions règlementées.

Pour autant, le droit revêt aussi une dimension économique - la réforme du droit des contrats que j'ai présentée en conseil des ministres l'illustre - il doit participer à l'attractivité de notre économie par sa lisibilité et sa prévisibilité et la sécurité qu'il apporte.

Le droit est un bien particulier. Nos réformes visent à appréhender toutes ses dimensions. Le projet de loi, précédé d'une aura sulfureuse, a été très travaillé. Le ministre de l'économie a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit. Bien que les logiques économique et juridique diffèrent, nous avons collaboré dans une bonne ambiance. Dans sa version actuelle, le texte combine préservation des principes essentiels et souplesse afin de dynamiser l'activité des professions réglementées, grâce notamment au renouvellement des générations.

Des améliorations peuvent être apportées afin d'éliminer les éventuels effets pernicieux de mesures introduites sans étude d'impact préalable ; la navette entre les deux assemblées devrait y concourir.

La libéralisation de l'installation des notaires d'abord annoncée comme totale est en réalité une libéralisation encadrée, maîtrisée, régulée et concernant uniquement les zones où les professionnels sont trop peu nombreux. La réforme préserve l'économie générale des offices et des études. L'accès des jeunes à ces métiers est facilité, ce à quoi contribuera la disparition à terme de la profession de clerc assermenté.

Les dispositions relatives à l'avocat en entreprise ont été retirées. Le sujet reviendra, mais le dispositif doit être encadré afin de ne pas mettre en péril la profession d'avocat pour répondre aux préoccupations d'un petit nombre.

Nous avons convaincu de conserver la territorialité de la postulation, élargie à la cour d'appel sauf pour quelques matières (aide juridictionnelle, saisie immobilière, licitation-partage). Les enjeux ne concernent pas seulement le bon fonctionnement de la procédure civile mais aussi le maillage territorial des barreaux et l'accès corrélatif aux avocats, notamment en matière pénale. Je ferai preuve de vigilance. Toutefois, l'immobilisme ne constitue pas une réponse aux défis nés des évolutions de la société et de la demande de droit, de l'irruption du numérique et de l'offre de services juridiques émanant de nouveaux acteurs.

Le sujet de l'ouverture du capital des sociétés d'exercice professionnel a été réglé par la loi du 8 mars 2011 de modernisation des professions juridiques et judiciaires, précisée par décret en mars 2014. Mon ministère a fait part de son inquiétude sur le projet d'ouverture de sociétés d'exercice interprofessionnel aux professionnels du chiffre ; l'expertise du Sénat et son exigence déontologique seront précieuses. Il n'y aura ni tiers ni chiffre dans le capital de ces sociétés interprofessionnelles.

Les commissaires aux comptes relèvent de la tutelle du ministère de la justice et les experts-comptables, de celle du ministère de l'économie. En pratique, 80 % des commissaires aux comptes sont des experts-comptables. La modification du périmètre du droit introduite par l'Assemblée nationale soulève des interrogations ; elle pourrait fragiliser notre système de contrôle et de certification des comptes alors qu'il est performant..., ce que j'ai défendu devant l'Union européenne.

La révision des tarifs des actes des professions réglementées est opportune. Certains tarifs étaient trop élevés, d'autres inférieurs au coût des actes. Nous avons plaidé pour une véritable politique tarifaire en lieu et place d'une libéralisation totale qui aurait pu provoquer un dumping et une baisse de la qualité des actes. Nous avons plutôt eu gain de cause. Le champ de compétence, les contributeurs et les finalités du fonds de péréquation interprofessionnel devront encore être précisés.

Ainsi, les principes essentiels sont sauvegardés et la nécessaire souplesse introduite. Au nombre des sujets sur lesquels le Sénat pourra proposer des améliorations, je citerai les dispositions sur la justice commerciale : le projet de création de huit juridictions spécialisées sur le territoire chargées de traiter les plus gros dossiers de redressement-liquidation judiciaires nous a paru risqué. Le texte actuel prévoit une juridiction par cour d'appel, compétente pour les entreprises de plus de 150 salariés dont le chiffre d'affaires dépasse 20 millions d'euros. Aller dans certains cas jusqu'à deux juridictions ne serait pas hérétique. Les seuils peuvent être débattus. Les juges prud'homaux sauront faire du référentiel indicatif en matière prud'homale un outil de progrès.

Enfin, les services de la Chancellerie ont longtemps été dépendants des professionnels en ce qui concerne les éléments statistiques et données chiffrées nécessaires, entre autres, à la maîtrise de la cartographie judiciaire. Ce constat m'a conduite à signer une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et l'INSEE. Le texte de loi confie à l'Autorité de la concurrence le soin de fournir des éléments objectifs éclairant la décision politique. Si cela n'est pas choquant, il convient d'éviter d'accorder un pouvoir normatif à cet organisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Vous avez abordé de nombreux sujets avec hauteur de vue et franchise. Vous avez déclaré que la justice et le droit ne peuvent être abordés sous le seul angle économique même si l'économie ne leur est pas étrangère... N'est- ce pas précisément tout l'enjeu de ce projet de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Les nombreuses auditions que j'ai menées me conduisent à vous rejoindre sur certains sujets. Vous avez souligné que le projet de loi pourrait être utilement amélioré par notre assemblée.

Les inquiétudes sont vives, voire agressives, dans les tribunaux de commerce. Si nous ne parvenons pas à négocier sur le nombre de juridictions spécialisées et sur leur seuil de compétences, je crains la disparition de certains tribunaux, par démission ou désintérêt, et le transfert corrélatif aux tribunaux de grande instance (TGI) des contentieux qu'ils traitent, ce qui serait dommageable. Conserver aux tribunaux de commerce les dossiers portant sur des entreprises dont les effectifs sont inférieurs à 250 salariés débloquerait la situation.

À l'évidence, les dispositions relatives à la justice prud'homale relevaient de votre réflexion sur la justice du XXIe siècle. Vous avez déclaré : transformer la justice et le droit en un marché serait dangereux. Comment articulez-vous cette réflexion avec le projet de loi ? Pouvez-vous nous rassurer ? Nous ne demandons pas la professionnalisation des conseillers prud'homaux mais simplement le rapprochement de leur statut avec celui de magistrat et le bénéfice d'une formation dispensée à l'École nationale de la magistrature (ENM).

Au-delà du chiffre d'affaires des cabinets, ce qui se joue avec la postulation est la disparition de petits barreaux, ce qui ne manquerait pas de poser des difficultés pour les gardes à vue, les commissions d'office et l'aide juridictionnelle. Des expérimentations de multipostulation ont été menées entre Bordeaux et Libourne, entre Nîmes et Alès, disposez-vous d'un retour ? Les informations en ma possession sont très contrastées. Le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) n'étant pas encore totalement efficace sur tout le territoire, la postulation locale contribue à faciliter le travail de gestion des tribunaux en améliorant la gestion des flux et la mise en état. Plutôt que de prendre sur ce sujet une décision qui risquerait d'avoir des conséquences irréversibles, ne peut-on envisager des expérimentations ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous connaissez ce texte dans ses moindres détails ! Je sais, par les comptes rendus des réunions organisées avec mes services, que vous avez travaillé dans un état d'esprit constructif. Ce projet de loi le mérite. Loin de moi la nostalgie d'un texte présenté par la Chancellerie ! Voir le travail mené dans le cadre de Justice 21 en partie repris dans ce projet de loi porté par le ministre de l'économie a été douloureux mais, magie d'un réflexe sublime, cette douleur s'est effacée dans la certitude que nous avons participé à la beauté et à la force de l'oeuvre commune.

Notre pays enregistre 69 000 procédures collectives par an, dont une large majorité peut être gérée par les tribunaux de commerce, 180 à 200, voire 300 dossiers appelant une technicité particulière. Le défi est de les traiter sans déséquilibrer l'ensemble du système. Le ministère de l'économie envisageait la création de 8 juridictions spécialisées sur le modèle de la carte inter-régionale des juridictions spécialisées contre la délinquance économique et financière. Nous avons estimé que ce chiffre, trop faible, créait un risque d'éloignement des juridictions par rapport aux entreprises. Nous avons bataillé afin d'obtenir une juridiction spécialisée dans le ressort de chaque cour d'appel. Aller jusqu'à deux juridictions dans certaines cours d'appel ne serait pas problématique pour moi. À mon sens, l'existence de juridictions spécialisées ne crée pas de risque de fermeture de tribunaux de commerce. Ma doctrine n'est pas faite sur le seuil optimal : 150 salariés, 250 ? Je pencherai en faveur du seuil de 150 salariés, mais il serait bon d'avoir une étude d'impact.

Toutes les dispositions relatives à la réforme des conseils de prud'hommes ont été écrites à la Chancellerie. Aucune n'a suscité d'observation de la part du Conseil d'Etat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous avons travaillé deux ans sur le sujet, en nous inspirant notamment du rapport Lacabarats. Les conseils de prud'hommes sont une spécificité française héritée de l'histoire. L'attachement légitime au paritarisme qui caractérise ces juridictions doit s'accompagner d'un effort de formation des conseillers prud'homaux. Nous préconisons une formation obligatoire assurée par l'ENM portant à la fois sur la déontologie et sur la rédaction des jugements. Nos réformes visent à préserver l'identité de l'institution et à améliorer son fonctionnement ; la mission première des conseils est la conciliation, qui ne représente que 6 % des dossiers en moyenne. On ne peut fétichiser l'identité de l'institution, en oubliant sa vocation. Nous voulons redonner corps et vitalité à la conciliation afin de diminuer du même coup le nombre de départages et le taux élevé d'appel. Les juges prud'homaux devront apprendre à utiliser les nouveaux référentiels de règlement des litiges.

La profession d'avocat est très composite... Tous ses membres n'ont pas les mêmes attentes. Mon souci est d'assurer la présence d'avocats sur tout le territoire. Pour ce faire, il convient d'introduire de la souplesse dans le dispositif afin de parvenir à des solutions adaptées. L'expérimentation présente un intérêt indéniable...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Elle est incontestable. J'en ai fait l'expérience.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Comme députée, j'ai pu constater l'excellence du travail sénatorial et son intérêt pour la qualité de notre droit. Je le dis sans flagornerie aucune car je m'ambitionne pas de devenir sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Le réflexe sublime en faveur de l'intérêt général que vous avez évoqué est partagé ici. Nous expérimentons tous les jours des arbitrages qui ne touchent pas au sublime.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Nous vous remercions, madame la ministre, de nous avoir rassurés sur vos intentions. Au moins provisoirement... Seront-elles suivies d'effet ? Votre intervention ressemble à un appel à l'aide pour éviter que le texte ne bascule définitivement du côté économique. Nous avons été choqués - et vous aussi - que la loi Macron destinée à favoriser l'activité économique comporte des dispositions sur la justice. Votre absence lors des débats sur les professions règlementées à l'Assemblée nationale nous a inquiétés. Traduisait-elle la victoire de l'économie sur la justice ? Nous sommes troublés par le poids que le texte accorde à l'Autorité de la concurrence dans le domaine judiciaire. Nous voulons vous aider, mais nous avons aussi besoin de vous et de votre soutien à nos amendements.

Ancien élu prud'homal, je me félicite des dispositions sur la formation des conseillers prud'homaux, mais pourquoi vous attaquer aux tribunaux de commerce ? Dans mon département, une entreprise de mille salariés a été sauvée parce que le dossier a été traité par la juridiction locale : les juges consulaires ont su appréhender et traiter le dossier de manière patiente et intelligente. Avec leur disparition, la loi Macron qui veut sauver des emplois pourrait en détruire, de sorte que les quelques effets positifs de la simplification du permis de conduire seraient annihilés par les conséquences de la réforme des tribunaux de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ça aurait pu être pire, nous n'en doutons pas. Il est malheureux qu'un texte de cette nature inclue une réforme de fond de la justice. Celle-ci méritait un projet global porté par la Chancellerie, au lieu de quoi nous avons un catalogue auquel l'Assemblée nationale a cru bon d'ajouter quelques pages.

Notre monde évolue, il faut en tenir compte ; mais le faire en bafouant tous les grands principes n'est pas une bonne chose. Le gouvernement Fillon lui-même n'aurait pas désavoué certaines dispositions sur le périmètre du chiffre. Il existe une voie médiane entre l'immobilisme et l'assimilation de toute critique à du ringardisme. Il est positif que l'entrée de sociétés capitalistiques ait été, pour l'instant, bloquée : l'arrivée des financiers au capital des laboratoires d'analyses médicales a entraîné la fermeture de nombreux petits laboratoires dans les territoires.

L'Assemblée nationale a introduit des dispositions sur les avocats aux conseils sous la pression de quelques grands cabinets parisiens. Quelle est votre position sur le sujet ? Cette importante question mérite une réponse. De l'avis général, le système actuel fonctionne bien : les syndicats de salariés sont contents des conditions d'instauration de l'obligation de représentation devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Confier le contrôle du fonctionnement d'une telle profession à l'Autorité de la concurrence, quelle idée singulière ! Examinez donc la composition de cet organisme à l'aune de la problématique des conflits d'intérêts. Je ne pourrai jamais y souscrire. Le Gouvernement a reculé sur les notaires parce qu'ils sont puissants et solidaires ; les avocats aux conseils ne le sont pas et pèsent moins... Tant pis pour eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Penser que l'on se mettra d'accord au niveau du bureau de conciliation pour saisir le juge départiteur est bien optimiste. Les conflits prud'homaux étaient jusqu'à présent exclus de la négociation participative - à laquelle j'étais hostile quand le gouvernement Fillon l'avait créée. Cette exclusion est supprimée, ce dont le Medef peut se féliciter ; êtes-vous à l'origine de cette mesure et qu'en pensez-vous ?

Sur la justice commerciale, vous êtes favorable au dessaisissement au seuil de 150 salariés. Je connais pourtant des dossiers qui n'ont été réglés que grâce à une bonne connaissance du terrain. Détruire les justices de proximité affectera le traitement de certaines affaires.

La question de la territorialité de la postulation n'est pas celle des états de frais : la plupart des avocats ne savent plus les calculer. La multipostulation détournera la clientèle institutionnelle, appauvrira les professionnels locaux du droit et se traduira in fine par une baisse de qualité. En privant ainsi les départements de leur matière grise, vous créerez une désertification juridique. Je déposerai un amendement afin de mettre en place une postulation départementale...Cela améliorera les choses en Corrèze où vous créez un second TGI.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

À Saint-Gaudens aussi...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette affaire est traitée dans une approche parisienne et bureaucratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Quelle sera la place des experts-comptables dans les sociétés juridiques interprofessionnelles ? Le décret de mars 2014 avait créé des interprofessionnalités, et une ordonnance particulière à ouvert celles des experts-comptables aux capitaux. Autoriser ceux-ci à rejoindre les professions du droit est un cheval de Troie pour les interprofessionnalités. Compte-tenu des préoccupations actuelles de sécurité juridique, de respect de la déontologie et de protection contre les conflits d'intérêts, placer les professions réglementées dans un environnement concurrentiel est-il opportun et moderne ? N'avons-nous pas une guerre de retard ? Notre système de droit latin nous offre un avantage compétitif, notamment en matière immobilière grâce au triptyque notaire-géomètre-hypothèque, et les étrangers le copient. Pourquoi l'abandonner en mélangeant les métiers du chiffre et les professions règlementées ?

La suppression de la postulation par TGI augmentera la charge de travail des greffes. Il faudra y créer des postes...

Je partage les observations de mes collègues sur l'avantage que constitue une juridiction commerciale de proximité. Je l'ai expérimenté dans mon département du Lot-et-Garonne à l'occasion du sauvetage de Pet Foods. Les magistrats locaux sont souvent très qualifiés et sont plus indépendants que ne pourront l'être les collaborateurs de grandes sociétés de banque et d'assurance qui siègeraient dans les juridictions spécialisées si elles étaient mises en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Merci, madame la ministre, pour la clarté de vos propos. Je m'associe aux observations de Jacques Mézard sur la postulation. Derrière la question des services existants dans les territoires, il y a celle du vivre ensemble. Vider un territoire de ses compétences revient à le déstructurer.

Les objectifs en matière de couverture numérique ne sont pas atteints dans 20 % des territoires. Dès lors il est impossible d'avancer partout au même rythme. Je souhaiterais également être rassuré sur l'accès aux données personnelles dans l'entreprise. N'allons-nous pas au-delà des directives européennes ?

Je partage l'opinion de Michel Raison sur les tribunaux de commerce. Nous avons tous des exemples d'entreprises sauvées grâce aux juridictions consulaires de proximité. Nous ne pouvons nous offrir le luxe de perdre des emplois dans le contexte actuel.

Je suis réservé sur l'attribution de compétences nouvelles à l'Autorité de la concurrence, qui n'exerce pas ses compétences sur les activités et produits venant de l'étranger, d'où une distorsion de concurrence.

Mme Royal a salué le travail magnifique du Sénat lors du vote de la loi sur la transition énergétique. Je forme le voeu que notre travail sur la loi Macron ne passe pas à la trappe si la commission mixte paritaire ne débouche pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Le succès d'une commission mixte paritaire suppose deux volontés. Et l'absence d'interférence d'une troisième.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Vous avez exprimé votre respect pour le travail du Sénat et votre espoir de voir le texte de loi amélioré par notre assemblée. L'article 17 bis, issu d'un amendement parlementaire, invite l'Autorité de la concurrence à rédiger un rapport sur la nécessité de créer de nouveaux offices d'avocats aux conseils. Le Gouvernement s'est contenté de donner un avis de sagesse sur cet amendement.... La Chancellerie a-t-elle besoin de l'Autorité de la concurrence pour se faire une opinion ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J'ai entendu plus d'interventions que de questions sur ce texte qui est divers et complexe. N'attendez pas de moi que je le critique. Si nous avons, c'est vrai, vécu un peu difficilement qu'il intègre des dispositions que nous préparions avec les professions, j'ai refusé toute querelle publique et rappelé des principes. Je suis loyale vis-à-vis du Gouvernement qui est fondé à considérer qu'un texte peut traiter de questions relevant du périmètre de plusieurs ministères - il y a des précédents. L'important est que des champs de compétence spécifiques ne soient pas traités en dehors de la tutelle ministérielle dont ils relèvent. Ma préoccupation en matière d'accès au droit n'est pas celle d'un ministre de l'économie, certes, mais je n'appelle pas au secours, parce que je ne suis pas en état de naufrage. Je n'ai pas besoin d'espérer. Le texte sera amélioré, c'est le sort de tous les textes, car nous veillons à respecter le travail des parlementaires, du législateur.

Je crois que les autorités administratives indépendantes (AAI) sont indispensables au fonctionnement de la démocratie. L'Autorité de la concurrence a pour mission de s'assurer du respect des règles du marché dans les conditions fixées par la loi. L'extension de ses compétences a donné lieu à des discussions entre nous comme avec le président de cet organisme sur les missions et sur la symbolique. Il nous faut maintenir le lustre du droit dans notre culture et dans notre architecture institutionnelle. Il n'est pas dit que la Chancellerie sera liée par les avis de l'Autorité. Une AAI doit objectiver le sujet dont elle a la charge, fournir à l'administration des éléments d'aide à la décision. Il importe de ne pas lui donner un rôle normatif.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Votre pointillisme budgétaire vous conduira à vous intéresser aux conséquences financières de l'extension des missions de l'Autorité de la concurrence...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J'aurais été ravie de porter le texte sur la réforme des conseils de prud'hommes mais la seule chose qui importe, parce qu'il s'agit d'un contentieux de détresse, est l'amélioration du fonctionnement de la justice prud'homale qui découlera de son application.

Le projet est insuffisant, il a des défauts ? Sans doute. Mais l'économie frémit : il nous faut encourager cette reprise et nous moderniser. La procédure participative facilitera les choses dans un esprit de conciliation. S'agissant des professionnels du chiffre, nous devons éviter de casser par mégarde un secteur qui fonctionne. J'entends les inquiétudes. Je suppose qu'elles se traduiront sous forme d'amendements. Mon cabinet et l'administration demeurent à votre disposition.

Je vous remercie pour la qualité de cette séance, elle laisse augurer que le texte, amélioré sans dogmatisme, aura des effets bénéfiques pour tous les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Nous vous remercions d'avoir traité ces sujets avec hauteur de vue et précision.

La réunion est levée à 11 h 30