Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 16 mai 2012 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • hôpital
  • maternité
  • médecin
  • t2a
  • tarification

La réunion

Source

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission procède à l'audition de M. Michel Antony, de Mme Françoise Nay et de M. Paul Cesbron, membres de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les modalités de financement des établissements santé, la T2A et les dotations correspondant aux missions d'intérêt général, ne constituent qu'une modalité de répartition de l'Ondam hospitalier. Elles ne sont pas neutres ; elles ont une incidence directe sur le fonctionnement et l'orientation des activités de ce secteur. Nous souhaitons d'autant plus entendre les représentants de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternité de proximité. Certains hôpitaux de proximité pratiquent déjà la T2A et les hôpitaux locaux devraient, en principe, passer sous ce régime l'an prochain. D'après vous, quelles sont les conséquences de ce mode de tarification, quels sont ses avantages, ses inconvénients, ses éventuels effets pervers ? Influe-t-il sur la restructuration de l'offre de soin territoriale ?

Debut de section - Permalien
Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

La Coordination nationale est une association pluraliste qui regroupe les usagers de la santé : des patients - et surtout pas des consommateurs de la santé -, des représentants de la société civile, des élus locaux et des professionnels de la santé. Dans notre positionnement, il s'agit avant tout de prendre en compte la satisfaction des besoins des personnes et des territoires et des personnes. La priorité des priorités n'est pas financière, administrative ou technique, elle porte sur les choix pour répondre aux besoins des populations, citoyens ou non, sans papiers ou avec.

Nous nous interrogeons en priorité sur les besoins de notre pays. La notion de proximité est essentielle. Par proximité, j'entends les hôpitaux locaux, mais aussi les CHU dans la mesure où ils répondent aux attentes des populations urbaines. Le financement global de la santé devrait assurer un aménagement du territoire cohérent. L'égalité exige le maintien d'hôpitaux de proximité dignes de ce nom, aptes à répondre aux besoins de la population concernée, même s'ils ne font pas tous la même chose. Cette proximité n'est pas synonyme de dépenses supplémentaires ni de déficits : elle résout l'essentiel des problèmes de santé de la population et évite les transferts inutiles, les déplacements stupides. Il est temps de mettre un terme au rassemblement des malades dans les centres de regroupement. Ainsi, les urgences des grands centres hospitaliers sont engorgées par des patients qui auraient parfaitement pu être pris en charge ailleurs.

Tout ce qui a été fait en matière de financement ces dernières années ne nous convient pas. Les hôpitaux ont été considérés comme des centres financiers, des entités privées dont les budgets devaient être équilibrés, et la loi HPST a accentué cette dérive en oubliant la satisfaction des besoins des patients par l'humanité des soins à l'hôpital. Les politiques doivent remettre en cause ces évolutions récentes, notamment la loi HPST, la convergence public-privé et l'actuelle T2A. C'est des besoins de santé que l'on déduira les besoins de financement.

Sans être des comptables ni des professionnels, nous représentons une population qui subit les effets d'une politique dommageable. De nombreux lits d'hôpitaux ont été supprimés, surtout en maternité, si bien que 20 % à 30 % des malades ne consultent plus. Il n'est pas acceptable qu'un Etat démocratique et égalitaire laisse des gens au bord de la route. Il est indispensable de revenir en arrière.

La T2A et la politique de convergence ont multiplié les restructurations au détriment de l'aménagement du territoire qui aurait dû rester une priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Votre définition de la proximité est très large puisqu'elle englobe les CHU : c'est l'ensemble des plateaux techniques que vous considérez. Vous semblez vouloir en revenir à un financement global de l'hôpital. Les communautés hospitalières de territoire crées par la loi HPST sont-elles de nature à préserver les moyens humains et techniques existants ? Que pensez-vous des groupements de coopération sanitaire qui associent public et privé ?

Debut de section - Permalien
Françoise Nay, vice-présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

La plupart des hôpitaux sont endettés, étranglés financièrement. L'Ondam est une enveloppe fermée qui les contraint, et le paiement à l'acte accentue cette contrainte.

Les communautés hospitalières de territoire ont pour objectif de rentabiliser un certain nombre de services en les regroupant sur un seul site, au détriment des besoins de la population - voyez le cas du Vaucluse. C'est d'ailleurs ce qui se passait avec les fusions, lorsqu'on supprimait une maternité sur deux. On reste dans cette logique qui a conduit à des concentrations.

On demande aux hôpitaux de faire plus avec moins de moyens humains et techniques. Si on persiste dans cette voie, on raisonnera non pas en termes de mieux mais de moins pire.

Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes sur les groupements de coopération sanitaire : ils vont fortement pénaliser les hôpitaux publics. L'hôpital sud-francilien coûtera cher au secteur public. Nous refusons ces partenariats public-privé dans le cadre actuel.

Inflationniste, la T2A conduit à l'abandon d'activités jugées non rentables ou à privilégier les plus rentables. En outre, elle est délétère pour les petits hôpitaux et implique une logique financière de l'hôpital entreprise - ne parle-t-on pas de production de soins. Voilà pourquoi nous refusons cet ensemble.

Ainsi, la maternité des Bluets est en grande difficulté financière du fait de la T2A, car le tarif de l'accouchement normal a diminué progressivement et la démarche d'accompagnement n'est pas prise en compte, ainsi pour l'allaitement. La césarienne rapporte plus à l'hôpital qu'un accouchement qui se passe bien, et l'infection urinaire plus que la césarienne. C'est totalement illogique si l'on se considère la qualité des soins.

La T2A pousse à la concentration des moyens, surtout dans les maternités, afin de réduire les coûts. De plus, les femmes qui accouchent sortent de plus en plus tôt des hôpitaux, sans que les soutiens à l'extérieur soient pris en compte. Or, pour l'hôpital de Bicêtre, il n'y a pas dans certaines villes du Val-de-Marne-Ouest de gynécologues ni de pédiatres et très peu de sages-femmes en libéral. Voilà comment on suscite des difficultés.

Debut de section - Permalien
Paul Cesbron, membre du conseil d'administration, de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Les communautés hospitalières de territoire ont pour objectif de réaliser des économies, partant de réduire l'offre de soin. Le but était de répondre aux besoins de santé. La loi HPST autorise le maintien d'une autonomie financière des hôpitaux dans le cadre des communautés. Or, pratiquement toutes les communautés hospitalières de territoire s'inscrivent aujourd'hui dans la réduction de l'offre de soins. Alors que l'objectif était une coopération entre unités hospitalières, ce qui est souhaitable, c'est tout le contraire qui se passe actuellement.

Les groupements de coopération sanitaire se font presque exclusivement entre le public et le privé, alors que la loi permettait tout à fait des groupements entre hôpitaux publics afin d'acheter, par exemple, des matériels coûteux, comme une IRM. L'expérience démontre que les groupements de coopération sanitaire public-privé se réalisent au détriment du secteur public. Ils excluent le caractère lucratif des établissements nouveaux ; l'avantage du privé résulte de l'utilisation du matériel en cause et d'une répartition du travail qui le favorise dans les faits. Cela ne correspond pas aux besoins.

Debut de section - Permalien
Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Depuis notre création en 2004, nous souhaitons la constitution de réseaux entre les hôpitaux et les autres structures de santé. Nous voulons qu'ils soient démocratiquement choisis et qu'ils respectent l'autonomie de chacun. En revanche, les réseaux actuellement constitués ne respectent pas l'autonomie des établissements : il y a toujours un établissement pivot qui l'emporte sur les autres. Ces derniers perdent des services, des lits, du personnel, tandis qu'un seul centre reçoit tous les patients, sans bénéficier pour autant d'infrastructures adaptées ni de suffisamment de personnel. C'est aberrant. Et nous constatons cette situation aussi bien dans le Vaucluse, qu'en Aveyron, en Bretagne, en Midi-Pyrénées, ou en Franche-Comté. Partout, la santé publique de proximité a disparu, avec de terribles effets sur la population ainsi mise à l'écart.

En lisant le préambule de la loi HPST, on était à deux doigts de proposer une adhésion à Mme Bachelot. Dans les faits, la loi a été détournée de son objet, au détriment de l'hôpital public avec, à la clef, la disparation de centaines de services de cardiologie, d'urgence de nuit, de chirurgie. Il ne reste que 500 maternités sur les 1 700 qu'il y avait dans les années 1970, alors que la population a augmenté et que le taux de fécondité reste élevé. Vous le voyez, nous ne sommes pas opposés à toute coopération, dès qu'elle est libre et égalitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Nous sommes allés la semaine dernière dans le Vaucluse, nous avons rencontré les différents responsables des établissements qui sont en train d'élaborer une communauté hospitalière de territoire au niveau départemental. Il ne semble pas qu'il y ait une subordination forte des petits établissements à l'égard de l'hôpital pivot d'Avignon, mais plutôt une répartition des activités en fonction des moyens.

Les groupements de coopération sanitaire pour les moyens techniques ne constituent pas une nouveauté. Ils prennent le relais des GIE qui étaient créés pour les équipements lourds, des GIP ou des syndicats inter-hospitaliers pour l'informatique ou la logistique. Les regroupements entre hôpital et clinique privée pour former un nouvel établissement ne semblent pas démarrer.

Debut de section - Permalien
Paul Cesbron, membre du conseil d'administration, de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Les groupements de coopération sanitaire ne se limitent pas à un rapprochement entre un hôpital et une clinique. Ils concernent aussi des services, comme ceux dédiés à la cardiologie interventionnelle, qui fait l'objet d'une véritable OPA du privé. Ces regroupements s'opèrent au détriment de l'hôpital public, auquel ils coûtent très cher. La Cour des comptes a signalé le déficit pour le public des partenariats public-privé, mais ce type de regroupements se fait aussi aux dépens du public.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous sommes tous favorables à la proximité. Pourtant, les patients qui veulent le meilleur sont prêts à se déplacer pour l'obtenir : les ruraux à la ville voisine, les habitants de celle-ci à la métropole régionale, puis à Paris. Comment s'adapter à ce problème de technicité et aux mouvements de population ? En outre, de nombreux territoires souffrent d'un déficit en médecins et en infirmiers.

Vous êtes opposés à l'enveloppe fermée et à la T2A. Que proposez-vous en contrepartie ?

Debut de section - Permalien
Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Dans le Vaucluse, avez-vous rencontré les comités de Valréas, de Pertuis, de Cavaillon, ou les syndicats ? Les analyses ont souvent lieu avec les responsables administratifs, moins avec les usagers ou les personnels. Les principaux concernés sont rarement interrogés, cela fausse l'analyse. Le comité de Valréas qui défend une maternité, a gagné en appel au tribunal administratif contre Mme Bachelot pour non-respect de la continuité des soins - la maternité n'a pas été rétablie pour autant. Nos amis de Pertuis ont perdu la leur, et l'hôpital est exsangue, alors que la population, proche d'une centrale nucléaire, augmente. Quelle incohérence !

Avec la loi HPST, la centralisation autocratique a triomphé. Les choix sont arrêtés par le président de la République, le ministre de la santé, les ARS, qui nomment les directeurs d'hôpitaux condamnés à suivre une seule politique. Ces derniers doivent faire au mieux en fonction des moyens qui leur sont attribués - c'est dramatique. Ils ferment des services lorsqu'il n'y a pas assez de flux. Pour nous, ce terme est une véritable injure : il s'agit de la santé des Français, pas d'une marchandise ! En ne considérant que les moyens, les concentrations s'imposent. On ne garderait que quelques CHU. Pourquoi pas un seul hôpital en France, alors ?

Certes, les gens se déplacent, mais pourquoi ne pas fermer la chirurgie publique, puisque les patients privilégient la chirurgie privée ?

Debut de section - Permalien
Françoise Nay, vice-présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Les gens ne vont plus forcément là où ils veulent mais là où ils peuvent se faire soigner. Ils n'ont plus la possibilité de se faire opérer de choses simples près de chez eux. Une pose de prothèse de hanche ne requiert pas un grand service en orthopédie. Inversement, pour une fracture du col du fémur, les urgences peuvent vous envoyer dans une petite clinique, qui n'a pas le plateau technique d'un hôpital. Le patient va là où il y a de la place : il n'a pas le choix.

Debut de section - Permalien
Françoise Nay, vice-présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Mais si ! Allez aux urgences de Bicêtre, vous êtes transférés sur une clinique où il y a de la place. Quand il n'y a qu'un spécialiste, en urologie par exemple, les patients vont dans le privé et payent les dépassements d'honoraires. Le choix n'existe pas : tout le monde ne va pas dans le grand service avec un grand médecin.

Vous n'avez pas parlé des budgets d'investissement des hôpitaux.

Debut de section - Permalien
Paul Cesbron, membre du conseil d'administration, de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Nombreux sont ceux qui remettent en cause la T2A, y compris parmi ceux qui ont été à son origine. Ce financement est injuste, car il favorise le privé qui choisit les technologies médicales les plus rentables, comme la chirurgie ambulatoire, laissant les autres à l'hôpital public. C'est pourquoi nous demandons de revoir la tarification des actes effectués en ambulatoire. D'ailleurs, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, où l'expérience de cette tarification est ancienne, y réfléchissent.

En outre, la tarification à l'activité est inflationniste. Il est préférable de faire une césarienne plutôt que de laisser une femme accoucher normalement, ce qui n'est pas une réponse correcte. Le nombre de césariennes ne cesse d'augmenter, malgré leurs conséquences nocives sur la santé des femmes.

L'on stimule une concurrence qui n'est pas bonne tout en multipliant certains actes. Nous en déduisons qu'il conviendrait de revenir au budget global ou au prix de journée, en introduisant, le cas échéant, une part de tarification à l'activité. Nous devons tous nous pencher raisonnablement sur cette question pour aboutir à une solution plus juste et moins commerciale qu'à l'heure actuelle. Sans avoir une solution clef en main, nous souhaitons participer à la réflexion qui s'impose.

On ne pense qu'au financement du fonctionnement, qui relève de la sécurité sociale. Pour ce qui est des investissements, pour lesquels un financement d'Etat est nécessaire, dissocions-les bien des budgets de fonctionnement.

J'en reviens aux hôpitaux de proximité : la population souhaite fortement leur maintien. Vous n'avez pas en face de vous une bande d'illuminés : nous existons en raison de la volonté de la population de garder les hôpitaux de proximité. On nous rétorque que, curieusement, les gens qui y sont attachés vont ailleurs. C'est faux ! Simplement, dès qu'un établissement est menacé, on met tout en place pour qu'il en soit ainsi.

La IIIe République voulait construire un hôpital dans chaque canton... Le soin nécessite de la proximité. Bien sûr, certains doivent être délivrés dans des services spécialisés : on ne saurait pratiquer les greffes cardiaques à Brive-la-Gaillarde. Reste que la majorité des soins peuvent être assurés à proximité : 80 % des accouchements sont physiologiques, ils peuvent et doivent être pratiqués à proximité, dans de petites unités. Le privé n'est pas intéressé par l'obstétrique, même s'il y a quelques grosses maternités privées comme à Nantes ; la concentration des maternités dans le public aboutit à des phénomènes iatrogènes. Ainsi, 25 % des femmes sont déclenchées pour leur accouchement. La France a de mauvais taux de mortalité maternelle du fait des hémorragies de la délivrance. Or, l'induction du travail et le taux de césariennes sont les facteurs principaux des hémorragies de la délivrance. Les maternités de niveau 3 correspondent aux besoins de 2 % à 3 % des grossesses. Chaque région de France a besoin d'une de ces maternités, deux ou trois en région parisienne ou en PACA, mais toute l'obstétrique ne doit pas s'y concentrer.

Les gens, dans certaines spécialités, n'ont pas le choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Votre position me paraît raisonnable, puisque vous estimez à juste titre que chaque partenaire doit être respecté lors des mises en réseau. Comme moi, vous vous demandez quelles réponses de santé publique de proximité apporter aux populations. Si cela peut se faire dans le cadre de réseaux qui dégagent des économies, tant mieux.

La technicité est sans doute plus voulue par les techniciens que par nos concitoyens. Les regroupements des maternités ne donnent plus vraiment de choix aux futures mamans. Dans mon département de l'Isère, la maternité du plateau matheysin a fermé : pour accoucher, on doit se rendre à Grenoble ; or la descente de Vizille est très dangereuse, et le contournement, qu'on impose aux bus, bien plus long, si bien que certaines femmes accouchent dans le véhicule des pompiers ou dans la voiture de leur mari.

Lors d'une rencontre avec une délégation de parlementaires bavarois, Alain Milon nous disait hier que le problème était moins celui du nombre de professionnels que de leur répartition territoriale. Si nous étions plus exigeants, la question de la désertification médicale ne se poserait peut-être pas avec autant d'acuité. Là aussi, les gens aimeraient avoir un service de proximité.

Votre dernière proposition sur le financement est intéressante. Pourquoi, au lieu de tout baser sur la tarification à l'acte, ne pas la garder uniquement dans certains secteurs ? Séparons l'investissement du fonctionnement et faisons en sorte que le privé pratique tous les actes, et pas seulement ceux qui sont rentables.

Moi aussi, je suis attachée à une réponse de proximité sur l'ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous souhaitez que les investissements lourds ne pèsent pas sur les dépenses de fonctionnement - on peut penser à des dotations d'Etat ou à des contrats de plan. Seriez-vous favorables à ce que le fonctionnement soit financé par un mix de dotations et d'une tarification ? Ne pourrait-on expérimenter un financement du parcours de soin ? Quel serait le rôle des ARS dans le cadre de la répartition territoriale des enveloppes ?

Debut de section - Permalien
Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Nous défendons la valeur de subsidiarité, qui suppose de conserver toutes les structures du local au régional. C'est ce système, l'un des meilleurs au monde, qu'on est en train de détruire. Pour que le maillage territorial soit viable, des moyens sont nécessaires, d'où notre opposition aux enveloppes fermées.

On invoque souvent le manque de personnel pour justifier la fermeture des services. Dans les années 1970, on formait chaque année 9 000 médecins, alors que notre pays comptait 45 millions d'habitants encore assez jeunes. Aujourd'hui, on en est à 8 000 médecins avec une population plus âgée et plus nombreuse (60 millions). Cherchez l'erreur ! Il y a là une incohérence du pouvoir politique.

Pour mieux répartir les professionnels, il faut plus que des incitations qui se sont révélées inopérantes. On peut le lire sur le site du Conseil de l'ordre, la densité médicale n'a pas évolué depuis vingt ans. La position que nous avons prise en 2006 rejoint celle de l'Association des petites villes de France : si la formation était mieux prise en charge, et les étudiants aidés financièrement, il ne serait pas stupide que les nouveaux professionnels soient nommés pendant quelques années pour une forme de mini-service public là où le besoin s'en fait sentir.

Nous sommes plus favorables aux centres de santé qu'aux maisons de santé, car il est possible d'y imposer des notions de service public, comme le tiers payant intégral ou l'interdiction des dépassements d'honoraires. Sans protocole de santé, l'on peut faire n'importe quoi... Il est d'ailleurs indispensable de supprimer le secteur privé à l'hôpital public. Aidons un hôpital sain et faisons preuve de courage politique.

Debut de section - Permalien
Françoise Nay, vice-présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Il est préférable de réfléchir en termes de volume d'activité que de paiement à l'acte. En revanche, j'ai du mal à visualiser le financement d'un parcours de soin, surtout lorsqu'il faudra répartir les paiements entre les différents intervenants.

Certains secteurs ne sont pas encore soumis à la tarification à l'activité comme les hôpitaux locaux, la psychiatrie, les soins de suite et de réadaptation, ainsi que la gériatrie pour une part. Les prises en charge y étant multiples, la tarification à l'activité semble impossible à mettre en oeuvre en psychiatrie. Va-t-on payer davantage la chambre d'isolement ou la décompensation psychiatrique ? Songez encore que les hôpitaux locaux sont pour beaucoup des hôpitaux gériatriques.

Les hôpitaux connaissent d'extrêmes difficultés d'investissement. A Henri Mondor, il y avait 6,4 millions d'investissements pour les travaux en 2007, 4,1 millions en 2010, 2,8 millions en 2011 et 1,4 million cette année. La maintenance n'est désormais plus assurée. Continuer ainsi affaiblirait dramatiquement le parc hospitalier.

Les hôpitaux ont emprunté et certains d'entre eux se retrouvent avec des emprunts toxiques.

Debut de section - Permalien
Françoise Nay, vice-présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Alors, on n'assure plus la maintenance. L'emprunt est un piège pour l'hôpital. Enfin, certains hôpitaux n'arrivent plus à assurer la formation professionnelle continue de leur personnel. Il y a donc urgence.

La mission procède ensuite à l'audition de M. Jean-Luc Baron et de Mme Marie-Paule Chariot, membres de la Conférence nationale des présidents de CME de l'hospitalisation privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je vous remercie, monsieur le Président, d'être venu de Montpellier participer à nos travaux sur le financement des établissements de santé. Merci également au docteur Marie-Paule Chariot, membre du conseil d'administration de votre conférence, qui vous accompagne. Nous avons reçu vos homologues des établissements publics et des établissements privés à but non lucratif. Nous souhaitions avoir l'avis des praticiens exerçant dans les cliniques.

Quelle est votre appréciation générale sur la mise en oeuvre de la T2A, quelles sont ses incidences sur le fonctionnement et l'activité des services de soins ? Comment les tarifs hospitaliers sont-ils élaborés ? Au-delà de la question de la convergence tarifaire, dans quelle mesure la T2A peut-elle affecter les modalités de prise en charge des patients ?

La pertinence des actes et la qualité des soins sont-elles influencées par les modalités de tarification ? Faut-il les prendre en compte dans les modalités de financement ou trouver d'autres moyens non financiers de les garantir ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Je vous remercie vivement de nous avoir invités, car il est relativement nouveau d'auditionner les représentants de CME du secteur privé.

La T2A est le mode de rémunération des établissements. Les médecins, le plus souvent libéraux, ayant un autre système de rémunération, l'on pourrait croire que lorsqu'ils exercent dans les établissements de santé, ils ne sont pas concernés par la T2A. C'est tout le contraire, car elle influe sur tous les volets de la prescription, qu'il s'agisse des actes, de la DMS, des dispositifs médicaux implantables (DMI) ou des médicaments.

La T2A existe depuis dix ans et, si l'on voit mal comment revenir dessus, des améliorations sont nécessaires, d'autant que les remarques du comité d'évaluation n'ont pas toujours été prises en compte.

Les améliorations fondamentales à lui apporter concernent la qualité et la sécurité du patient, qui doivent être mieux prises en compte. La loi HPST a d'ailleurs confié de nouvelles missions aux CME privées en la matière. Le péché originel de la T2A est de n'avoir jamais intégré ces données de qualité et de sécurité ainsi que les coûts qui s'y rapportent. Pour ses instigateurs que nous avons souvent interrogés au cours de nos journées nationales, qualité et sécurité figurent dans le panier de la T2A. Telle n'est pas l'expérience des médecins libéraux exerçant dans les établissements privés : lorsqu'ils font de la qualité, on ne considère pas qu'ils travaillent, ce qui revient pour eux à une baisse de leurs revenus. La qualité ne se décrète pas, elle s'organise.

Autre limite de la T2A, l'innovation. Le système, qui a à peu près fonctionné durant les deux premières années, s'est vite dégradé pour les praticiens du privé qui n'ont plus eu accès à l'innovation, en raison d'effets pervers du système. Les DMI intégrés dans la T2A étant de plus en plus chers, la tarification des GHS devient nettement sous-évaluée, ce qui empêche parfois l'utilisation de certains dispositifs. Cette situation pénalise tout le monde : établissements, médecins, patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les 2 300 GHS servent à établir les tarifs. Tout acte est rattaché à un GHS, qui entraîne un tarif payé par l'assurance maladie à l'hôpital.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Un GHS constitue un panier comprenant la logistique et les DMI, pour lesquels il n'y a pas de liste en sus, contrairement aux nouveaux médicaments. Le ligachur, par exemple, est un bistouri réduisant les hématomes. Les consommables revenant à 600 euros pour un GHS de 800 euros, on ne peut l'utiliser, alors que l'on retrouve le coût après. Et cela pénalise les médecins et leurs patients.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

A l'instar des pays nordiques, la médecine ambulatoire se développe. Or, pour certains actes (ligament du genou, chirurgie de l'épaule), le coût du matériel implanté est supérieur au tarif du GHM, (groupe homogène de malade). La seule solution pour équilibrer nos comptes, c'est terrible, est de faire rester le patient deux nuits, car le tarif qui a été calculé pour un séjour de deux nuits et de trois jours est supérieur de 500 euros, ce qui permet de couvrir le surcoût du dispositif.

Les actes des médecins influencent la durée des séjours. Dans la T2A actuelle, un acte aboutit à un GHS. Dans l'exemple du ligament du genou, le tarif est valable pour un séjour d'un jour, de deux ou trois jours. Or, entre le sportif qui pourra rentrer chez lui le soir même, et l'obèse insuffisant cardiaque, diabétique et fumeur, nous n'avons aucune possibilité de modulation, ni des tarifs, ni de la durée du séjour.

Autre sujet, le codage des actes : le médecin code son acte et le réalise selon les références de sa société savante. L'établissement groupe cet acte pour fabriquer un séjour, en prenant en charge les maladies supplémentaires (la surveillance du diabète, de la tension...) ; on aboutit à un séjour GHM, indépendant de l'acte du praticien, mais qui a un coût pour la société puisqu'il sera payé par l'assurance maladie. Malgré la partie autonome, le codage des actes pratiqué par les établissements est indissociable de l'acte pratiqué par l'opérateur. Comme l'établissement est limité financièrement, il ne peut proposer n'importe quel type de matériel. Si l'assurance maladie rembourse du matériel en sus, ce n'est pas systématique : des adaptations apparaissent nécessaires.

La qualité et la pertinence de l'acte dépendent du travail qui aura été fait en amont avec le patient : rencontre, écoute, définition de la bonne durée de séjour, organisation. Or, rien de cela n'est pris en compte dans la T2A. Oui, la mise en oeuvre de la T2A a bien des incidences sur les soins et les modalités de prise en charge, et c'est lié au codage des actes.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Vous nous interrogez ensuite sur les effets de la T2A sur la restructuration de l'offre et sur la mise en oeuvre d'un parcours de soins.

La T2A a une approche en silo : elle s'intéresse à l'acte pratiqué dans l'établissement, et peu à ce qui se passe autour, en aval ou en amont. Elle a entraîné des restructurations dans le secteur privé, mais peu dans le secteur public, ce qui n'est pas surprenant étant donné l'absence de convergence.

Le parcours de soins voit se développer des expériences de type entreprise, organisation médicale autour d'une pathologie sur un territoire donné. Certains libéraux se sont mis en réseau pour le cancer du sein : ils tentent de développer une meilleure prise en charge, un accompagnement du patient tout au long du parcours de soins. Toutefois, ces expériences novatrices ne trouvent pas d'espace de contractualisation. La loi HPST offre bien des possibilités d'expérimentation, mais pas d'interlocuteur pour ce nouveau type de modélisation.

Enfin, un mot sur la pertinence, que nous avons évoquée lors d'un récent colloque avec la FHP. Lorsque la sécurité sociale élabore son propre référentiel, les résultats ne sont pas satisfaisants. Par exemple, le Languedoc-Roussillon a été région pilote sur la pertinence de l'acte d'appendicectomie. Un médecin de l'Urcam a réuni un groupe de travail qui a défini pour critère de pertinence le résultat de l'anatomopathologie, un examen qu'on ne peut réaliser que quinze jours après l'intervention ! Or, celle-ci est souvent réalisée en urgence sur des enfants, avec des parents affolés... Pourtant décisif, l'examen d'imagerie n'a pas été évoqué. Il aurait fallu faire appel à des professionnels... Les choses évoluent, grâce à la HAS.

Enfin, il nous manque un espace de tarification pour de nouveaux modèles d'organisation médicale transversale. Lorsque des établissements prennent l'initiative, elle se solde souvent par un échec, car les directeurs d'établissement ont du mal à dialoguer avec les médecins. L'on a besoin d'évoluer sur des modèles novateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous dites que des GHS sont sous-évalués, que des tarifs sont irréalistes. Faut-il exclure de la tarification certains GHS (en réanimation, en soins intensif de cardiologie...), notamment ceux qu'on ne parviendra jamais à solvabiliser par un tarif ? Pourquoi ne pas les mettre dans une dotation spécifique, un peu comme pour les urgences ?

En ce qui concerne la pertinence des actes, certains ont une visée de couverture médico-légale. Leur volume, surprenant, représente un coût important. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, la convergence tarifaire a-t-elle atteint ses objectifs ? Doit-elle être poursuivie ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

On peut en effet imaginer mettre à part certains GHS. Ne serait-il pas plus simple d'isoler les DMI ? Les GHS sont en effet complexes : l'emploi d'un matériel particulier doit-il impacter l'ensemble du GHS ? Leur nombre est déjà élevé. Il ne faut pas en rajouter.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Les journées de réanimation, celles de soins intensifs de cardiologie, de néphrologie ou de pneumologie, celles de surveillance continue, sont tarifées à part du GHS. Il y a un prix par journée, en plus du GHS et indépendant de lui. La réanimation (détresse imminente ou avérée), la surveillance continue (passage en détresse possible), les soins intensifs (unités spécialisées par service), toutes ces structures ont un prix de journée...

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Alors vous savez que l'échelle nationale des coûts a été définie avant la T2A. En réalité, les tarifs ont été élaborés avant de connaître les coûts. Par conséquent, des ajustements sont nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Les responsables de la T2A n'en font pas un secret : les différents coûts, s'ils servent de référence, sont décrochés des tarifs. L'échantillon lui-même ne serait pas représentatif. Il serait intéressant de créer un comité scientifique pour étudier ces questions. Le ministère y travaillerait.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Il faudrait trouver un moyen que la tarification soit au plus près du coût. Il est en effet fréquent que les GHS soient sous-évalués.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Quand elle incite à multiplier les actes et que la codification place le médecin dans une logique de rendement, la tarification n'a-t-elle pas des effets pernicieux ? Les femmes qui accouchent restent très peu de temps à la maternité et le nombre de césariennes augmente. Avec une césarienne, l'accouchement va plus vite... Je pense également à la valorisation de l'IVG.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Il est vrai qu'en théorie le paiement à l'acte est inflationniste. En obstétrique, ce n'est pas le cas. Dans les établissements de qualité, le nombre de césariennes est stable et reste moins élevé que dans d'autres pays européens.

La T2A peut, il est vrai, inciter à multiplier les actes : lorsque deux actes sont nécessaires sur le même patient, il n'y a quasiment qu'un GHS, ce qui peut inciter à tronçonner les séjours pour être payé au juste prix. Le premier acte est payé à 100 %, le second à 50 %. Cela pose des problèmes de sécurité : parfois, on effectue deux anesthésies générales pour ne pas avoir à travailler gratuitement pour le deuxième acte. Ne tombons pas pour autant dans les préjugés sur la multiplication des actes. S'il y a des déviances, elles sont minimes. Les patients ne veulent pas qu'on multiplie les actes : une césarienne n'est pas sans risques !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Quelle est votre position au sujet des dépassements d'honoraires ? N'y a-t-il pas un challenge à relever pour surmonter la contradiction entre l'insuffisance de financement de certains actes et les dépassements d'honoraires ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Les dépassements d'honoraires ont subi une certaine inflation du fait de l'augmentation des charges et de la non-revalorisation tarifaire des actes, laquelle avait pourtant été programmée chaque année par la CCAM. Dans la plupart des cas, ils sont justifiés : nous avons des employés ; une aide opératoire, deux secrétaires, c'est une petite entreprise à faire vivre. Bien sûr, des seuils sont nécessaires. Les dépassements d'honoraires concernent surtout les grandes métropoles (Paris, Lyon, Marseille). Au moment de l'autorisation des Sros, un rapport avait dénoncé le scandale que représentaient en Languedoc-Roussillon des dépassements d'honoraires de l'ordre de 30 % en cancérologie. J'appelle cela du secteur optionnel : globalement on est entre 50 % et 100 % du tarif sécurité sociale. Les abus sont exceptionnels. Dans la plupart des cas, les dépassements sont nécessités par la non-réévaluation des tarifs. Quand les actes sont bien rémunérés, comme en chirurgie cardiaque, ils sont moins fréquents.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Les actes ne sont pas suffisamment rémunérés, soit. Comment expliquez-vous alors qu'autant de praticiens ne travaillent plus qu'à temps partiel ? C'est contradictoire...

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

et qui suppose que les rémunérations sont suffisamment importantes pour permettre de bien vivre sans travailler à temps plein.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

La tarification doit prendre en compte la qualité et la performance, ce qui n'est pas le cas actuellement. La qualité doit être rémunérée.

Quant au temps partiel, la population médicale est une population vieillissante et qui se féminise beaucoup. Les femmes prennent du temps libre.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Absolument pas ! Les hommes aussi, mais beaucoup de femmes ne travaillent pas le mercredi, c'est culturel. Quand je m'occupe de la présidence de la CME, je le fais bénévolement : ce n'est pas valorisé, et je suis à temps partiel.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je dresse un simple constat, il y a une réduction globale du temps de travail : les salariés ont les 35 heures, et dans les professions libérales, on ne trouve plus un dentiste qui travaille cinq jours par semaine. Là où on avait trois spécialistes, il en faut désormais cinq. Parallèlement, on se plaint d'être mal rémunéré : ce n'est pas très logique !

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Le temps plein est calculé sur le temps de mise à disposition de la clientèle. Je consacre pour ma part une journée par semaine à la Société française d'anesthésie, et quatre jours à la clinique. J'ai beau travailler 50 heures par semaine.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Des études sur le temps de travail des médecins en Languedoc-Roussillon montrent qu'ils travaillent entre 50 heures à 60 heures par semaine, plutôt qu'à 30 heures.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Bien que nous ne comptions pas nos heures, elles ne sont pas toutes à la disposition des patients. Nous participons à des conférences, à des revues d'expert : c'est du temps de travail, même si cela n'apparaît pas comme tel.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je ne le conteste pas. Il n'empêche qu'on effectuait naguère ces activités en plus du travail de tous les jours. Les choses ont évolué, et il faut tenir compte de tous les paramètres car on manque de médecins.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

S'agissant de la pertinence des actes, rassurez-vous. Les médecins pratiquent des actes en fonction de références publiées par leurs sociétés savantes. Nous n'effectuerons pas une césarienne sans raison. Tout acte est adossé à des références. Cela n'est pas intégré dans la tarification, mais si nous ne les appliquions pas et qu'un accident se produisait, nous aurions à en assumer les conséquences. L'augmentation du nombre d'actes est corrélée au vieillissement de la population. Un anesthésiste n'endort pas pour rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les jeunes accouchées ne restent que trois jours à la maternité. Même sans raison médicale profonde, les cinq jours qu'on leur octroyait autrefois n'étaient pas du luxe. Cela fait partie de la qualité que vous évoquiez en introduction, et la sécurité est également en jeu. En caricaturant, on se demande si la T2A n'a pas favorisé des départs précipités, pour permettre davantage d'accouchements.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Elle y a sûrement fortement contribué. Cependant, le retour précoce au domicile est bien vécu quand il a été bien préparé. Les équipes obstétriques y sont favorables, à condition que la transversalité soit respectée. Des programmes comme le PRADO (plan de retour à domicile précoce des accouchées) comportent un accompagnement à domicile par le personnel de la caisse d'assurance maladie. Mettre tout le monde dehors au bout de trois jours serait absurde et coûteux.

Il y a une réflexion à mener avec les professionnels et la HAS. Les recommandations de celle-ci ont une durée de vie de cinq ans ; comme il en fallait autant pour les préparer, elles étaient pour partie obsolètes dès leur publication. On a besoin de vrais référentiels établis avec les professionnels de terrain, et pas seulement avec ceux qui pratiquent un métier d'expertise. On l'a vu avec le décret chirurgie quand on exigeait un anesthésiste par salle. Leur président de l'époque, qui ne fréquentait guère le bloc opératoire, ne s'était pas aperçu que c'était intenable. Beaucoup de caisses d'assurance maladie établissent leurs propres référentiels, comme si elles détenaient la vérité : il est nécessaire d'évoluer pour arriver à travailler ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La DMS a diminué avant la T2A. Ma collègue soulève un problème social, car la jeune accouchée peut trouver à son domicile ses trois autres enfants ! Elle revient parfois à l'hôpital pour une autre pathologie...

Que pensez-vous du financement des activités qui ne relèvent pas de la T2A, notamment des Migac ? Jugez-vous l'évaluation objective ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Si l'on s'en tient aux chiffres, les Migac sont réparties à 95 % dans le public et 5 % dans le privé. Même si ces chiffres évoluent avec la prise en charge de missions de service public par le secteur privé, notamment la permanence des soins en établissement de santé, ils ne reflètent pas la réalité des choses. Le privé est spolié de l'innovation thérapeutique, au motif que c'est du domaine de l'université et du public. Pourtant, la coelioscopie est née dans le secteur privé, à Lyon. N'avons-nous pas tous été formés à l'hôpital, et perdrions-nous en traversant la rue notre capacité à innover ? Il y a là matière à évoluer.

Les cartes sont déjà jouées dans la permanence des soins. On relève des différences importantes d'une région à l'autre : en Languedoc-Roussillon, le partage (deux tiers pour le public, un tiers pour le privé) reflète à peu près la réalité ; en Midi-Pyrénées, le privé n'a que cinq ou six lignes de garde. Il y a des progrès à réaliser pour corriger ces incohérences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quelles sont vos relations avec le contrôle médical par rapport au codage ? Y-a-t-il beaucoup de contestation ?

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Elles sont difficiles, car les référentiels de l'assurance maladie ne sont pas cohérents avec ceux des sociétés savantes. Un médecin pratique un acte, l'établissement facture un séjour selon les références professionnelles du praticien ; le guide méthodologique de facturation établi par l'assurance maladie ne reprenant pas ces références, l'établissement est sanctionné et l'indu peut atteindre cent fois la sanction - jusqu'à des millions d'euros. Par exemple, selon l'assurance maladie, le psychologue associé à des soins palliatifs doit apparaître dans le dossier. Or, n'étant pas diplômé des facultés de sciences, il n'est pas soignant, ce qui, selon l'ordre des médecins, lui interdit tout accès au dossier de soins. Or l'assurance maladie ne valide le séjour que s'il a pu écrire dans le dossier.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

En pratique, l'observation du psychologue ne figure pas dans le dossier, le séjour n'est pas reconnu comme soin palliatif, l'établissement est sanctionné, ce qui implique un remboursement, et, au-delà d'un certain nombre de sanctions, il y a des indus et des pénalités pour excès de GHM mal exécutés : on est dans l'impasse.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cela se règlera avec le dossier médical personnel.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

L'accès sera hiérarchisé.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

La situation est absurde. Le psychologue qui fournit une vraie aide en fin de vie n'a pas accès au dossier. Voilà un exemple de difficulté au quotidien qui provoque des indus, puis des sanctions, parfois explosives. Dans mon établissement, elles atteignent 400 000 euros, parce qu'on n'a pas retrouvé dans un dossier des traces qui n'avaient pas à y figurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

L'assurance maladie et les sociétés savantes ne peuvent-elles trouver un consensus sur les référentiels ?

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

L'assurance maladie établit son guide méthodologique de facturation avec ses praticiens, sans faire appel aux sociétés savantes.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Pour toutes les spécialités.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Avec un cadre méthodologique...

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

fourni par la HAS, conformément à ses missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Pourriez-vous préciser dans quel cas le deuxième acte est payé à 50 % ? Est-ce lorsqu'il est effectué au cours de la même intervention chirurgicale?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Quand le même praticien réalise deux actes lors de la même intervention, le second est tarifé à 50 %.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Il m'arrive d'enlever trois ou quatre petits cancers de la peau sous la même anesthésie. Le premier est payé, le deuxième à moitié, le troisième pas du tout. Je pourrais pratiquer des dépassements d'honoraires...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Seriez-vous rémunéré si le patient était hospitalisé à nouveau pour des cancers qu'on aurait détectés lors de la première intervention ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Des déviances existent sûrement, mais ce n'est pas la règle.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Baron, président de la conférence des présidents de Conférences médicales d'établissement de l'hospitalisation privée

Oui. Deux spécialités peuvent aussi intervenir ensemble : il n'y a qu'un seul GHS ; la logistique comprend pourtant deux actes.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C'est tout à fait anormal. Si le médecin demande des examens complémentaires dans le cadre d'un bilan sémiologique, le même spécialiste peut réaliser l'échographie, la radio du poumon et éventuellement le scanner en un seul rendez-vous. J'ai pourtant eu des patients qui en avaient trois, avec déplacement en ambulance ou en VSL. Et la sécurité sociale rembourse.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Téléphonez, et, comme par hasard, on obtient les trois rendez-vous en même temps. Ce sont des choses à régler, les possibilités de débordement sont trop grandes.

Debut de section - Permalien
Marie-Paule Chariot

Pour le patient opéré d'une péritonite, qui se casse la jambe en tombant du lit, on ne compte qu'un séjour. On aura un GHM de péritonite, mais deux actes. Le fémur cassé ? C'est cadeau !