La réunion est ouverte à 16 heures.
Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle d'auditions en recevant M. Stephan Schmid, conseiller aux affaires sociales de l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne en France.
Notre commission a souhaité vous entendre, monsieur, afin que vous puissiez nous présenter les modalités d'établissement des statistiques de l'emploi et du chômage en Allemagne.
Vous pourrez également nous préciser si ces chiffres font ou non l'objet de débats, comme cela est le cas dans notre pays.
Il serait en outre utile que vous nous présentiez les politiques de l'emploi mises en oeuvre en Allemagne ainsi que, le cas échéant, les évaluations qui en ont été faites. En effet, avec un taux de chômage s'établissant à 4,6 % en 2015, l'Allemagne fait figure de modèle au sein de l'Union européenne. Il s'agit toutefois d'un modèle un peu particulier, selon le rapport du Comité d'orientation de l'emploi.
Je vous donne maintenant la parole pour un exposé liminaire d'une quinzaine de minutes, à la suite duquel le rapporteur, M. Philippe Dallier, et les autres membres de la commission d'enquête vous poseront leurs questions.
En Allemagne, la seule institution chargée de dénombrer les chômeurs est l'Agence fédérale de l'emploi, la Bundesagentur für Arbeit, ou BAA. Par ailleurs, nous distinguons entre le régime d'assurance chômage, le SGB (Arbeitslosengeld) III, et le régime d'assistance, le SGB II ; ces deux régimes correspondent à la prise en charge de différentes durées de chômage.
Nous nous différencions à plusieurs égards de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, qui fournit les données internationales en la matière. Tout d'abord, on ne tient compte que des personnes inscrites au BAA, l'équivalent de Pôle emploi.
Une autre différence réside dans le fait que, en Allemagne, on peut travailler au plus 15 heures par semaine, alors que l'OIT considère comme chômeur la personne qui n'a pas travaillé au moins une heure par semaine.
Par ailleurs, depuis les réformes Hartz de 2003, le chômeur doit accepter l'emploi qui lui est proposé s'il est approprié et, s'il veut le refuser, c'est à lui de prouver qu'il ne s'agit pas d'une offre raisonnable.
En outre, on doit accepter l'emploi très rapidement, y compris si cela implique de déménager. L'OIT considère que le chômeur doit être disponible dans les 14 jours alors que, en Allemagne, si un emploi est disponible pour le lendemain dans la même ville, le chômeur doit commencer immédiatement.
Un grand débat a cours en Allemagne sur le traitement des chômeurs en formation professionnelle ou participant à des mesures de réadaptation, par exemple, les demandeurs d'asile en cours d'intégration. Lors de la formation, ils ne sont pas considérés comme chômeurs parce qu'ils ne cherchent pas un emploi.
C'est là une caractéristique allemande ; pour être comptabilisé comme chômeur, il faut réellement chercher un emploi.
Par ailleurs, comment déterminer si une personne est ou non capable de travailler ? Cette question a conduit à une augmentation considérable du nombre de chômeurs en 2005, lors des réformes Hartz. En effet, lorsque nous avons restructuré notre système, à l'époque, beaucoup de personnes recevaient des aides sociales versées par les communes ; or celles-ci ont considéré que certaines de ces personnes pouvaient travailler. Cela a engendré une augmentation du chômage, car ces personnes n'étaient jusqu'alors pas considérées comme des chômeurs.
Cela étant dit, il existe encore des personnes que le ministère du travail considère comme incapables de travailler, en raison, par exemple, de problèmes d'alcool ou de santé. C'est toujours source de débat en Allemagne.
Enfin, si l'on est licencié, on est alors pris en charge dans le cadre du SGB III - les prestations chômage - dont les prestations financières sont plus élevées. En revanche, toutes les mesures de soutien aux chômeurs sont les mêmes dans le cadre du SGB II et du SGB III.
Au bout d'un an, l'indemnisation du chômage diminue pour atteindre ce que l'on appelle le Grundsicherung, l'équivalent allemand du RSA, et l'on est alors pris en charge dans le cadre du SGB II. Les prestations financières sont alors un peu plus faibles que dans le SGB III. En revanche, comme je le disais, les mesures de soutien aux chômeurs demeurent.
Le paiement des indemnités est-il dégressif ou reste-t-il fixe pendant une année, à l'issue de laquelle on change de régime ?
On change de régime au bout d'un an et, pendant la première année, la prestation reste fixe. Elle s'élève à 60 % de l'ancien salaire net pour une personne seule et à 67 % si l'allocataire a un enfant.
Dans le cadre du SGB II, on touche 380 euros, auxquels s'ajoute la prise en charge des coûts de chauffage, d'eau et d'électricité. En outre, d'autres prestations existent lorsqu'il y a des enfants. Ainsi, un parent célibataire perçoit en moyenne 1 400 euros nets.
Par ailleurs, des personnes qui travaillent perçoivent encore des prestations du SGB II, car elles gagnent moins que la prestation totale.
Je voudrais revenir à la comptabilisation. Il n'y a qu'un seul organisme chargé de dénombrer les chômeurs, c'est l'organisme équivalent de Pôle emploi. Il n'y a donc pas de statistiques au format OIT.
En effet, les seules statistiques officielles en Allemagne émanent de la BAA.
Celles-ci sont ensuite transmises à l'OIT, qui les retraite comme elle le fait avec les statistiques mensuelles françaises de l'emploi ?
Oui, mais les données sont traitées de manière différente. Par exemple, nous avons une analyse par âge et nous procédons à un micro-recensement par classe d'âge. C'est le Bundesamt für Statistik, l'équivalent de l'Insee, qui s'en charge.
C'est donc assez comparable à ce qui se passe en France. Ces statistiques ne sont-elles pas publiées ?
Seulement dans une perspective de comparaisons internationales.
En France - cela est peut-être atypique -, le nombre de chômeurs en catégorie A s'élève à 3,5 millions, alors que le nombre de chômeurs au sens de l'OIT n'est que de 2,7 millions. Il y a donc entre ces deux données un très grand écart, qui s'est d'ailleurs accru au cours des dernières années. Observe-t-on le même phénomène en Allemagne ou les chiffres restent-ils relativement proches ?
Les chiffres de l'OIT sont inférieurs de 33 % par rapport à ceux que nous avons en Allemagne.
C'est donc comparable à ce qui se passe en France.
Les chiffres fournis par la BAA entraînent-ils un débat politique particulier ? Chez nous, vous le savez peut-être, il y a chaque mois une polémique et, quand un événement exceptionnel survient, comme cela s'est produit il y a quelques années avec le bug de SFR, des controverses importantes émergent quant à la qualité de ces chiffres. Est-ce le cas en Allemagne ?
Nous avons eu un vrai scandale en 2003, ce qui nous a amenés à changer complètement le système. Maintenant, les discussions concernent seulement les chômeurs en formation professionnelle ou en réadaptation, qui ne sont pas comptabilisés comme chômeurs.
Mais c'est le seul débat qui ait cours en Allemagne.
Cela dit, c'est peut-être plus simple en Allemagne, car nous avons moins de contrats à durée déterminée et de petits boulots, qui sont difficiles à comptabiliser.
Nous y reviendrons.
En ce qui concerne le suivi des chômeurs, les organismes chargés du SGB III et du SGB II sont-ils totalement différents ?
C'est la BAA qui est chargée du traitement du chômage au cours de la première année et les job centers à partir de la seconde année. Ce sont des organismes différents. Pour ce qui concerne le SGB II, c'est le ministre du travail, ou éventuellement les communes, qui édictent les règles et la BAA n'est chargée que de l'administration. Pour le SGB III, en revanche, c'est la BAA qui organise tout.
Nous avons repensé l'ensemble du système de chômage. Auparavant, il n'y avait qu'un organisme chargé de l'emploi, comme en France. Nous avons introduit le SGB II et les job centers.
Il existe encore une aide sociale, mais elle ne concerne que peu de bénéficiaires, alors que beaucoup de personnes en bénéficiaient auparavant. Maintenant, elles sont incluses dans le SGB II.
Une différence importante entre le SGB III et le SGB II réside dans le fait que le premier est payé par les entreprises et les actifs, alors que le second est financé par l'impôt.
C'est le même principe en France.
Il y a donc eu, lors de ces réformes, un basculement d'un nombre important de personnes de l'aide sociale vers le SGB II, avec une obligation plus forte de retrouver un emploi.
Cela a représenté presque un million de chômeurs.
Cela a donc augmenté, de manière artificielle, le nombre de chômeurs et l'on a demandé à ces personnes de chercher un travail parce qu'elles ne relevaient plus de l'aide sociale.
Les chômeurs qui relèvent du SGB II ont l'obligation d'accepter l'emploi qu'on leur propose, sauf s'ils peuvent démontrer en quoi il est inapproprié. Le conseiller qui suit le chômeur décide donc, selon qu'il est ou non convaincu de ce motif, de cesser l'indemnisation du chômeur, c'est bien cela ?
L'indemnisation peut diminuer de 30 % en cas de refus injustifié. En cas d'un second refus, elle diminue de 60 %.
Enfin, si le conseiller estime qu'il est impossible de travailler avec le chômeur, il peut supprimer totalement l'indemnisation. Cela suscite de grands débats en Allemagne, parce qu'il est un peu difficile de se loger, par exemple, lorsque l'on ne perçoit rien.
Tout à fait, mais il y a beaucoup de recours judiciaires contre ces mesures.
La décision de mettre fin à l'indemnisation est-elle prise par le conseiller qui suit la personne ?
Oui. Nous avons diminué fortement le nombre de chômeurs suivis par les conseillers de la BAA ou des job centers. Ils suivent actuellement entre 50 et 60 chômeurs chacun, contre 200 avant la réforme. Cela permet aux conseillers de vraiment connaître les chômeurs qu'ils suivent.
En France, un conseiller s'occupe de 70 chômeurs dans le cadre d'un suivi renforcé ; sinon il suit 200 personnes. Le niveau d'efficacité ne peut donc pas être le même...
Étant élue du Haut-Rhin, je connais les trois pays frontaliers, l'Allemagne, la France, la Suisse. Combien de personnes ne sont inscrites nulle part ? Ceux qui, au bout d'un an ou deux, n'ont pas réussi à retrouver un emploi, dans quelle statistique apparaissent-ils ?
Ils sont inscrits au SGB II, où ils peuvent rester 30 ou 40 ans, s'ils ne trouvent pas d'emploi. Ils sont chômeurs de longue durée.
Nous avons un million de personnes au chômage depuis plus d'un an.
Nous disposons également d'une statistique concernant les personnes au chômage depuis plus de trois ans, mais je ne l'ai pas ici. Je vous l'enverrai.
Si, elles perçoivent la prestation de SGB II.
Puisque nous en avons terminé avec les chiffres, pourriez-vous nous présenter votre politique de l'emploi ?
Nous avons déjà mentionné le changement d'organisation, mais il y a également eu un changement d'état d'esprit. Les chômeurs doivent être plus actifs.
Le système de traitement du chômage vise de moins en moins à gérer administrativement les chômeurs et de plus en plus à offrir une formation professionnelle et des mesures de réadaptation. Cela change ainsi la perception des demandeurs d'emploi : ce ne sont plus seulement des chômeurs qui touchent de l'argent mais aussi des personnes que l'on forme. De leur côté, les chômeurs sont contraints de suivre les formations, ils ne peuvent pas les refuser.
La notion d'offre raisonnable a aussi beaucoup changé ; maintenant, on doit déménager si l'on a une offre d'emploi, par exemple du Brandebourg vers le Bade-Wurtemberg, où le marché du travail est plus dynamique, ou alors démontrer que l'offre d'emploi n'est pas raisonnable. Un refus mal justifié peut constituer un motif de diminution des prestations.
Si l'on propose à quelqu'un un emploi à l'autre bout du pays, qui règle la question du logement ? Est-ce au demandeur d'emploi de se débrouiller ?
Oui, c'est à lui de régler cette question.
Quelles raisons sont-elles considérées comme valables pour refuser un emploi ? Le travail du conjoint, par exemple ?
Il existe trois raisons qui permettent de refuser un emploi : le travail du conjoint, l'intégration des enfants dans un système scolaire ou la prise en charge des parents âgés. Au-delà, il n'y a pas de raison valable.
Par conséquent, beaucoup d'Allemands font la navette entre leur lieu de travail et leur domicile, leur famille restant sur place.
Existe-t-il un dispositif pour aider ces chômeurs à faire ces allers et retours toutes les semaines ?
Il existe des déductions d'impôts pour aider les gens qui font la navette, qu'ils sortent ou non du chômage, d'ailleurs.
le président. - La parole est à Mme Catherine Génisson
Quelle est la distance maximale pour un nouvel emploi ?
En outre, quelles sont les exonérations d'impôt pour les personnes qui travaillent loin de leur foyer ?
Un emploi peut être proposé sur tout le territoire allemand, il n'y a pas de restriction géographique. Cela peut donc concerner Munich pour un Hambourgeois, bien que cela n'arrive pas souvent, bien entendu.
Je ne sais pas mais, si c'était un sujet majeur, les associations de chômeurs, qui sont très actives en Allemagne, l'aurait déjà soulevé.
Quelle est la nature de l'emploi que l'on peut imposer au chômeur ? Doit-il être à temps plein ou peut-il être à temps partiel ? À durée indéterminée ou déterminée ?
Nous n'avons pas de contrat court comme en France mais, pour faire déménager le chômeur, il faut un CDI à temps complet.
Quand des mesures plus contraignantes ont été prises, avez-vous pu en vérifier rapidement l'effet sur le chômage ?
Qui prend les décisions de modification des règles ? Est-ce niveau du Bund ? Est-ce une décision du Parlement ? Et est-ce que cela conduit à nombreuses discussions ?
Cela passe par une loi votée par le Parlement, comme la réforme Hartz. Nous en avons vu le prix élevé payé par le chancelier Gerhard Schroeder, puisqu'il a perdu les élections suivantes.
En instituant le SGB II, nous avons également inscrit dans la loi l'obligation de conduire des évaluations régulières. L'Institut für Arbeitsmarkt und Berufsforschung, un institut très renommé, y compris au niveau international, dans le domaine du marché du travail, s'en charge.
Nous avons fait beaucoup de recherches sur ces sujets, ce qui nous a conduits à diminuer de près de la moitié le nombre de mesures proposées aux chômeurs. En effet, nous avons constaté que les dispositifs étaient trop compliqués pour être bien compris par les conseillers de la BAA et des job centers. Nous avons donc réduit radicalement le nombre de mesures de formation ou de réadaptation.
Quelles sont les obligations incombant aux demandeurs d'emploi en matière de réorientation professionnelle, de changement de secteur ? Qui décide de quoi ?
Cela se décide au cours des rencontres entre les conseillers et le chômeur. Si l'on ne trouve pas d'emploi dans sa profession, on discute d'une possible réorientation professionnelle. On signe alors un contrat stipulant les actions de formation à mettre en place, leur durée et les obligations incombant aux chômeurs.
Et que se passe-t-il si la personne refuse cette proposition de réorientation ?
On peut chercher autre chose, c'est un dialogue ouvert. Toutefois, si l'on n'observe aucune bonne volonté de la part de chômeurs on peut aussi, encore une fois, diminuer leurs indemnités.
Cela étant dit, il s'agit d'un contrat, on observe donc peu de désaccords.
Vous avez mentionné un grand plan de formation à destination des chômeurs ; pouvez-vous nous donner quelques chiffres à ce sujet ? Combien y a-t-il de personnes actuellement en formation ? Quelle est la durée moyenne d'une formation ? Quelle évolution observe-t-on pour les chômeurs à l'issue de leur formation ? Sortent-ils du chômage ?
Actuellement, 900 000 personnes sont en formation, mais cela recèle de grandes différences. Certaines formations durent trois ou quatre semaines quand une réorientation professionnelle peut prendre un an. Nous avons réduit le temps de formation parce qu'un chômeur en formation ne peut pas chercher un emploi.
Le marché allemand du travail connaît des flux importants. En 2015, 3,5 millions de personnes sont devenues chômeurs, mais 3,8 millions de personnes ont retrouvé un emploi. Donc les gens ne restent pas au chômage, il y a une grande circulation.
En matière de formation, est-ce que les entreprises sont impliquées ? L'Allemagne est réputée pour son système efficace de formation professionnelle...
Non, il s'agit généralement d'organismes de formation indépendants.
Je ne dispose pas de cette donnée, je vous la communiquerai plus tard.
Quel est le pourcentage de réussite des chômeurs qui bénéficient de cette nouvelle formation ? Dans quelle proportion ces personnes reviennent-elles au chômage ?
Nous avons connu deux cas malheureux. On a insisté pendant une période sur l'apprentissage de la coiffure, mais nous avons finalement eu trop de coiffeurs, par conséquent, des personnes, notamment des femmes, sont revenues au chômage au bout de six mois environ. Nous avons aussi eu le même phénomène avec les fleuristes...
Cela étant dit, la politique de formation est définie très localement, donc les conseillers qui travaillent à la BAA ou dans les job centers connaissent les besoins des entreprises locales. La décision n'est pas prise à l'échelon central. C'est sur le terrain qu'on décide des formations des chômeurs, c'est plus efficace. In fine, nous observons un succès très important de ces formations, mais je ne saurais pas dire dans quelle proportion.
Non, de la commune. Mais elles sont plus vastes qu'en France.
Cela doit correspondre à l'intercommunalité. C'est donc sur le bassin de vie que l'on détermine la politique de formation, en fonction des besoins. Les centres de formation sont-ils également locaux ou bien les chômeurs sont-ils contraints d'aller se former plus loin ?
Autant que possible, les formations ont lieu sur place, mais ce n'est pas toujours possible. Cela a donné lieu à une discussion importante avec les job centers, parce que 70 communes allemandes ont décidé d'organiser elles-mêmes les job centers, en dehors de la BAA. Certes, ils connaissent bien le terrain mais, d'un autre côté, ils connaissent mal la situation à une échelle plus grande, même à l'échelle du Land.
Une critique parfois formulée, de ce côté-ci du Rhin, à l'encontre du système allemand consiste à affirmer que le chômage a certes beaucoup diminué mais grâce à de petits boulots, mal payés. Que pouvez-vous en dire ?
Nous n'avons pas de petits boulots comme ici, qui peuvent durer une semaine ou moins.
Il y a en revanche en Allemagne quelque chose qui suscite des réserves en France, les mini-jobs. Pourtant, des femmes dont l'époux travaille et qui ne participaient pas au marché du travail peuvent commencent à travailler à temps partiel, dans le cadre de mini-jobs qui peuvent être très intéressants.
Est-ce que beaucoup de personnes cumulent plusieurs emplois ? On se pose beaucoup la question des moyens de mesurer ce genre de précarité.
Aujourd'hui, 7 millions de personnes ont un mini-job et 2,5 millions d'entre elles ont deux emplois, le second pouvant être un mini-job ou un emploi normal.
Par ailleurs, 4,5 millions de personnes ne travaillent que dans le cadre de mini-jobs, mais il s'agit souvent d'étudiants et de retraités. Il est donc difficile de dire s'ils sont ou non dans la précarité, parce qu'ils peuvent toucher un autre revenu ; c'est notamment le cas des retraités.
Je l'ai dit, beaucoup de femmes travaillent à temps partiel ou dans le cadre d'un mini-job parce qu'elles sont entrées tardivement sur le marché du travail.
Il n'y a pas de limitation de la durée du travail en Allemagne, n'est-ce pas ? Combien d'heures de travail par semaine peut-on cumuler ?
Nous sommes soumis aux règlements de l'Union européenne ; nous n'avons pas les 35 heures. Par exemple, pour ce qui me concerne, en tant que fonctionnaire national, je travaille 41 heures par semaine.
En toute hypothèse, je dois respecter mon temps de repos, c'est l'obligation principale, mais c'est difficile à contrôler.
Les Allemands peuvent en effet facilement cumuler 70 heures de travail par semaine. J'ai personnellement rencontré une secrétaire de mairie qui travaillait à temps complet, mais qui, ne gagnant que 500 euros pour cet emploi, doublait son temps de travail en travaillant dans les bains thermaux. Ainsi, elle travaillait plus de 70 heures par semaine, y compris les soirs ou le week-end.
Avez-vous observé un changement sur l'emploi depuis l'instauration d'un salaire minimal ?
Nous avons observé que le nombre de mini-jobs a fortement diminué.
Par ailleurs, non seulement les personnes gagnant moins de 8,50 euros par heure ont vu leur salaire augmenter, mais en outre celles gagnant entre 8,50 et 10 euros par heure ont vu leur rémunération augmenter pour maintenir l'écart.
Vous avez indiqué que les mini-jobs ne consistent pas en des contrats de courte durée, mais qu'il s'agit de contrats portant sur peu d'heures par semaine. Quelle est la durée moyenne d'un mini-job ?
Par ailleurs, les mini-jobs sont-ils plus occupés par des femmes que par des hommes ? Du coup, question corollaire, existe-t-il en Allemagne un accompagnement familial similaire à celui qui existe en France, qu'il s'agisse des prestations familiales ou de l'accueil des jeunes enfants ?
Enfin, vous avez indiqué qu'on pouvait demander à un chômeur de faire 1 000 kilomètres pour trouver un travail. Cela signifie-t-il que, en Allemagne, l'offre de travail est très hétérogène entre les régions ?
Le mini-job se définit par un salaire inférieur ou égal à 450 euros par mois. Le mini-job n'est donc pas défini par le salaire horaire ni par le volume d'heures travaillées. Il n'existe pas, à ma connaissance, d'études concernant le temps moyen d'un mini-job. Je chercherai, mais je n'en connais pas. Globalement, ce sont des emplois payés au salaire minimal.
Il y a un peu plus de femmes que d'hommes dans les mini-jobs, mais cela dépend. En ce qui concerne les étudiants, la répartition est égalitaire. En ce qui concerne les retraités, il y a plus d'hommes. En revanche, pour les 25 à 65 ans, il y a plus de femmes.
Enfin, pour ce qui concerne l'accueil des enfants, nous avons changé le système au cours des dernières années. Dès lors que l'on travaille, on a droit à une place en crèche ou en école maternelle, ou alors à une prestation permettant de payer une assistante maternelle. Le système a vraiment changé de ce point de vue.
Néanmoins, il existe encore des cultures différentes, notamment dans le sud de l'Allemagne, où il n'est pas considéré comme normal qu'une femme travaille, à la différence des régions de l'Est.
On ne définit donc le mini-job que par le salaire, n'est-ce pas ? Il peut alors s'agir d'un emploi à temps plein.
Non, c'est impossible. Nous avons un salaire minimal fixé à 8,50 euros par heure ; il passera d'ailleurs à 8,84 euros l'année prochaine.
Néanmoins, il existe depuis longtemps des salaires minimaux de branche. Or, le salaire minimal d'une branche concerne aussi les personnes qui travaillent dans un mini-job relevant de cette branche. Cela a posé problème dans la restauration, où le salaire horaire s'élevait à 4 ou 5 euros, d'où d'ailleurs notre volonté d'instaurer un salaire minimal.
Avant 2015, il n'y avait pas de salaire minimal à l'échelle nationale, mais il pouvait y avoir des salaires minimaux fixés par un accord de branche. Le mini-job permettait-il de fixer un salaire inférieur au salaire minimal de branche ?
Non, ce n'est pas possible.
Par ailleurs, les branches n'ont pas toutes déterminé un salaire minimal.
J'en reviens à la définition du mini-job, parce que j'ai un peu de mal à me faire une idée précise de ce que cela représente.
Est-ce nécessairement un travail à temps partiel ou est-ce que cela peut aussi être un travail à temps plein ?
Il est impossible d'avoir un travail à temps plein dans le cadre d'un mini-job.
Donc un mini-job a forcément une durée hebdomadaire inférieure à la durée hebdomadaire de travail.
Oui, c'est cela.
Pour instaurer le mini-job, je suppose que l'on est passé par la loi. Quelles possibilités nouvelles ont-elles été introduites ?
Les mini-jobs existaient déjà depuis 1994, mais ils ont été renforcés par les réformes Hartz pour résoudre un problème juridique : on pouvait cumuler les indemnités chômage et travailler dans le cadre d'un mini-job. Ainsi, beaucoup de personnes ont reçu des prestations du SGB II tout en travaillant au titre d'un mini-job.
On n'a pas observé cela. On a en revanche constaté que moins de personnes travaillent au noir. Beaucoup de femmes de ménage, par exemple, travaillaient au noir et sont passées au mini-job.
Le rapport du comité d'orientation pour l'emploi, qui fait la comparaison des différentes politiques de l'emploi en Europe, mentionne la création des mini-jobs, midi-jobs et jobs à un euro.
Les midi-jobs sont limités à une rémunération de 850 euros. Les mini-jobs donnent lieu à un forfait de cotisations.
Lorsqu'on passe aux midi-jobs, les charges sociales atteignent peu à peu leur niveau normal, le forfait étant dégressif et les charges sociales augmentant progressivement.
Les jobs à un euro étaient, quant à eux, destinés aux chômeurs de très longue durée et visaient à leur donner la possibilité de revenir à l'emploi, de se réinsérer.
Cela a donné lieu à de grandes discussions, certaines associations critiquant ce dispositif mais, en réalité, les jobs à un euro n'étaient offerts que par des communes ou des associations. Dans le cadre d'un job à un euro, on perçoit encore les prestations du SGB II auxquelles s'ajoute la rémunération d'un euro par heure. En outre, il y a eu plus de candidats au job à un euro que de places. En effet, le travail ne sert pas seulement à gagner de l'argent mais aussi à acquérir un statut social. Nous n'avons donc pas eu, à l'époque, assez de jobs à un euro.
Encore une fois, le problème n'était pas tant d'obliger les gens à accepter ces contrats que de pouvoir en fournir à tous les candidats.
Les chômeurs en formation ont-ils une indemnisation de chômeur ou une rémunération de salarié ?
Par ailleurs, sait-on le nombre d'offres d'emplois non satisfaites ? On considère qu'il y en a entre 350 000 et 400 000 en France.
Au cours de la formation, on perçoit les prestations de chômage car, n'étant pas dans une entreprise, on ne peut pas percevoir de salaire.
Par ailleurs, je ne connais pas le nombre d'emplois non pourvus. La BAA a des statistiques à ce sujet. Je vous les enverrai. Cela dit, je sais que ce nombre est peu élevé.
Vous n'avez pas répondu, monsieur Schmid, à la question de Mme Génisson portant sur les écarts entre Länder en matière de marché du travail.
Il y a de grandes différences, en effet. Par exemple, le taux de chômage en Brême atteint 10,4 %, alors qu'il s'élève à 3,4 % en Bavière. Ce sont les extrêmes.
En moyenne, les Länder de l'Est connaissent un taux de chômage moyen de 8,4 %, alors que ce taux atteint 5,5 % dans les Länder de l'Ouest, où la Brême et Hambourg augmentent la moyenne.
Nous avons entendu des ministères français, qui nous ont parlé des réformes Hartz. En 2030, vous connaîtrez, comme nous, un papy-boom et 3 millions d'emplois ne seront pas pourvus en raison de votre taux très faible de natalité. Cela signifie donc qu'il n'y aura presque plus de chômage. Quelles sont vos anticipations à ce sujet ?
Naturellement, la démographie a travaillé pour nous, pour ce qui concerne le chômage. Cela dit, on a ouvert le marché de l'emploi aux réfugiés arrivés l'année dernière. Ces derniers peuvent travailler après un séjour de trois mois. S'ils ne trouvent pas d'emploi, ils entrent dans le cadre du SGB II. Cela contribue donc à augmenter le taux de chômage.
Je vous remercie beaucoup, monsieur, de votre participation aux travaux de cette commission d'enquête.
La réunion est levée à 17 h 10.