Nous en avons déjà pris bonne note.
La réunion est close à 12 h 20.
- Présidence de M. Jean-Claude Requier, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Notre commission d'enquête poursuit ses travaux avec l'audition du contre-amiral Patrick Augier, secrétaire général adjoint de la mer.
Le secrétariat général de la mer, institué par un décret de 1995 et placé sous l'autorité du Premier ministre, assure la coordination de la politique maritime de la France. Le secrétariat général de la mer assure la direction du centre opérationnel et interministériel de la fonction garde-côtes. Opérationnel depuis septembre 2010, ce centre est chargé d'informer le Gouvernement, d'observer et d'analyser les flux maritimes pour permettre aux autorités nationales d'adopter des priorités d'action tout en étant le point d'entrée des coopérations européennes et internationales en matière de situation maritime.
La lutte contre l'immigration illégale par voie maritime est devenue l'une des priorités de l'action de l'État en mer. Cette activité, conduite sous l'égide de Frontex, est assurée par le secrétariat général de la mer.
Quelles sont les spécificités des contrôles effectués en mer ? Selon quelles modalités sont-ils réalisés ? Comment est organisée la coopération avec la police aux frontières ? Quelles ont été les conséquences du rétablissement de certains de ces contrôles en France ? Comment se passe la coopération avec Frontex et les autres agences européennes ? La France a fait l'objet d'une récente évaluation Schengen : comment le secrétariat général de la mer y a-t-il contribué ? Quelles sont ses conclusions ?
Avec cette audition, nous poursuivons notre travail d'investigation sous un angle très opérationnel, en abordant plus spécifiquement les frontières maritimes et leur contrôle. C'est dans cet objectif que notre commission d'enquête a souhaité vous entendre. Nous vous avons adressé un questionnaire qui peut constituer le « fil conducteur » de votre intervention. Je vous propose de vous donner la parole pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes, puis j'inviterai mes collègues, en commençant par notre rapporteur, François-Noël Buffet, à vous poser des questions. Cette audition fera l'objet d'un compte rendu publié.
Enfin, je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure. ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Patrick Augier prête serment.
M. Patrick Augier, secrétaire général adjoint de la mer. - Merci de me recevoir.
Une précision liminaire : nous parlons de limites maritimes, non de frontières maritimes. En effet, dans chacun de nos espaces maritimes - mer territoriale, zone économique exclusive, zone définie dans le cadre d'une opération Frontex -, nous concédons toujours une part de notre souveraineté, en permettant un passage inoffensif non déclaré, par exemple. La notion de frontière n'a de sens qu'à terre. Cette distinction montre l'importance et la difficulté de la mutation de Frontex d'une agence de garde-frontières vers une agence de garde-côtes. Contrôler un espace maritime affecté de degrés de souveraineté variables invite de plus à travailler plus en amont sur l'origine des flux de migrants.
Les contrôles en mer prennent en premier lieu la forme d'une surveillance permanente, et d'une identification par le renseignement de tout navire suspect pouvant transporter des migrants - souvenez-vous des centaines de migrants kurdes qui ont débarqué près de Saint-Raphaël à la fin des années 1990 sur le navire « East Sea ». Notre stratégie de défense consiste à alimenter par tous types de renseignements des listes de navires suspects- souvent de vieux cargos - circulant en Méditerranée orientale susceptibles d'approcher les côtes européennes et à les suivre afin, le cas échéant, de les intercepter sur le fondement du protocole de Palerme.
Nous coopérons en second lieu avec Frontex, que nous accompagnons en tant qu'agence de garde-côtes. Le modèle français repose non sur un organe dédié, une agence, mais sur une fonction « garde-côtes », assurée par l'action conjointe de plusieurs administrations : la marine nationale, les douanes, la gendarmerie maritime, la gendarmerie nationale, la police des frontières, les affaires maritimes. Ces administrations sont coordonnées par le préfet maritime sur la façade maritime ou, dans les outre-mer, par le délégué du Gouvernement pour l'action de l'État en mer - le préfet - et, au niveau central, par le secrétariat général de la mer. Là, nous accompagnons la mutation de Frontex vers une fonction « garde-côtes » afin de juguler les flux de migrants, mais aussi de pouvoir réaliser d'autres missions en mer. Nous travaillons en outre avec les fonctions « garde-côtes » des pays du sud de la Méditerranée, afin de les aider à maîtriser les départs.
Nous aidons par exemple Frontex à se doter d'un système d'information unique qui pourrait être muni d'une intelligence artificielle permettant de détecter tout de suite les anomalies ou les comportements suspects. Les agences européennes se sont en effet dotées chacune de moyens propres et il est bien difficile de maîtriser l'information maritime sur la multitude de réseaux... Le projet européen Eucise 2020 (Common information sharing environment for maritime surveillance in Europe), adopté par la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne, vise à doter les quelque trois cents administrations européennes qui interviennent en mer d'un système commun. L'Italie préside le programme, la France en assure la vice-présidence et ce système pourrait permettre à tous de communiquer sur un même réseau.
Nous nous sommes en effet beaucoup impliqués dans l'audit Schengen, réalisé ces dernières semaines. Beaucoup de choses avaient été faites depuis le dernier audit, en 2009 : la création du centre opérationnel de la fonction de garde-côtes, le rapprochement des administrations... L'audit a donné lieu cette année à trois observations. D'abord, l'insuffisance des moyens du centre opérationnel, fondée sur le constat que les permanences ne sont assurées que par un représentant de chaque administration. Or, les effectifs du secrétariat général de la mer sont aussi composés en permanence d'un représentant de chaque administration, ce qui ne nuit pas à la continuité de nos activités, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.
La deuxième critique porte sur notre application du principe de subsidiarité. Il nous est en réalité imposé par la géographie : la diversité de nos façades maritimes explique l'autonomie donnée à chaque préfet maritime. Le centre opérationnel de la fonction de garde-côtes centralise les informations des trois préfectures maritimes hexagonales et des cinq zones maritimes outre-mer. Le cas de Mayotte, certes hors espace Schengen, nous préoccupe d'ailleurs aussi beaucoup : une intervention a lieu chaque jour dans le plus grand silence médiatique pour récupérer des migrants en difficulté...
Enfin, la question de la surveillance des navires de plaisance a de nouveau été soulevée. Les côtes françaises sont reliées par des sémaphores, et des brigades de gendarmerie littorale surveillent les navires de plaisance. Tous ne sont certes pas contrôlés - c'est matériellement impossible - mais ils sont suivis de près. De plus, tous les sémaphores sont reliés au centre opérationnel par le système « Spationav V2 », qui concentre toute l'information en matière maritime - en provenance également de la marine nationale ou des douanes - dont des extractions sont envoyées aux autorités européennes.
Comment voyez-vous l'évolution des migrations en Méditerranée, surtout au large de la Libye ? Le secrétariat général de la mer produit des informations qui sont exploitées ailleurs. L'interopérabilité de différents systèmes d'information est-elle suffisante ? Pour quels résultats ? Comment voyez-vous son évolution ?
L'effondrement de la Libye a entraîné la concentration des flux de migrants sur son territoire, où ils sont désormais exploités par les milices locales. Les flux s'adaptent en permanence : nous avions analysé ce risque dès 2014. Nous estimons à 800 000 à 1 million le réservoir de personnes prêtes à traverser la Méditerranée, plus ou moins déjà en transit depuis, essentiellement, l'Afrique de l'Ouest - Tamanrasset en Algérie, Agadez au Niger qui sont des points de passages. En 2010-2012, les migrants passaient beaucoup par les Canaries, mais l'Espagne a réussi à canaliser ce flux. Ils traversent désormais la Libye, car c'est facile et rapide : 90 % à 95 % des tentatives sont d'ailleurs couronnées de succès, quoi que nous laissent penser les terribles naufrages dont l'actualité est pleine.
Nous avons besoin d'un plan de défense et de gestion des flux. Le problème ne doit pas être appréhendé comme une frontière à franchir, mais comme un flux de personnes qui adaptent rapidement leur comportement. Il faut donc agir très en amont. Frontex l'a compris, qui envoie du personnel directement à Agadez. Nous devons limiter les flux au plus tôt sur les points de passage car, une fois sur la place libyenne, notre intervention n'est plus de l'ordre du contrôle aux frontières, mais du sauvetage de vies humaines. Lorsqu'un canot de 400 personnes s'approche de nos côtes, la première chose à faire est d'ailleurs de ne pas s'approcher, pour éviter que la panique ne précipite des migrants à l'eau, mais d'envoyer des embarcations légères pour le sécuriser et commencer à leur porter secours. La semaine dernière encore, deux cents migrants sont morts ainsi, car on ne survit guère plus d'une heure dans une eau à dix degrés. Les milices le savent, qui font appareiller de gros zodiacs chargés de migrants avant d'appeler le Maritime rescue coordination centre (MRCC) de Rome pour dépêcher les secours...
Oui, car les règles relatives aux migrants ne s'appliquent qu'à terre.
Les premiers contrôles sont sanitaires : il s'agit de détecter les personnes malades ou les femmes enceintes - il y a quelques semaines encore, une femme a accouché à bord du navire qui l'emmenait en Europe. On ne peut dans ces circonstances commencer par leur demander leurs papiers - il est d'ailleurs rare qu'ils les possèdent. À l'exclusion de l'hypothèse dans laquelle un cargo soupçonné de transporter des migrants est interpellé sur le fondement du protocole de Palerme, nos missions sont de sauvetage.
Peut-on identifier les organisations qui font embarquer ces malheureux vers l'Europe ?
Les organisations qui vivent du trafic sont connues : ce sont des milices. L'aide au passage d'un migrant leur rapporte de l'ordre de 5 000 dollars ou euros. Les passeurs ne sont désormais plus à bord des embarcations, et ce sont de toute façon des lampistes. Tant qu'il n'existera pas de garde-côtes libyens, nous n'arriverons à rien. Nous essayons bien de contribuer à leur formation, mais nous ne savons toujours pas lequel des deux pouvoirs rivaux finira par s'imposer.
Une autre solution consisterait à déplacer le hot spot italien en Libye ou en Tunisie, afin que les migrants y soient directement pris en charge. Avant l'effondrement de la Libye, les migrants partaient du Sénégal ou de Mauritanie pour gagner les Canaries. Les Espagnols ont beaucoup aidé le Sénégal, financièrement et matériellement, ont patrouillé avec leurs garde-côtes, car ils ont compris ce qu'ils pouvaient retirer d'une coopération en amont. Il y aurait donc un travail de négociation à mener avec la Libye pour que le pays comprenne l'intérêt qu'il a à maîtriser les flux de départs.
La communauté internationale reconnaît pourtant un gouvernement légitime en Libye.
Certes, mais il ne parvient pas à s'imposer et il n'est pas dit que son rival ne finira pas par l''emporter.
C'est ce que nous essayons de faire, mais la situation sur place est très confuse. La semaine prochaine, j'interviendrai à Barcelone dans le cadre de l'Union européenne, aux côtés du chef des garde-côtes libyens, dont j'ignore quel pouvoir il représente... Et les milices sont à proximité de Tripoli...
Des associations et organisations non gouvernementales ont été créées pour venir en aide aux migrants, comme SOS Méditerranée en 2015. Comment votre activité s'articule-t-elle avec la leur ?
À l'occasion du dernier comité interministériel de la mer, qui s'est tenu le 4 novembre dernier à Marseille, le Premier ministre a décidé que le sauvetage en mer serait une grande cause nationale en 2017. Il visait la société nationale de sauvetage en mer, mais aussi des organisations comme SOS Méditerranée qui bénéficiera sans doute d'une aide d'État. Cette ONG sauve en effet des milliers de personnes par an.
Le préfet maritime donne à ces organisations toutes les informations utiles et elles sont reliées au centre de sauvetage de Rome. Nous essayons également d'organiser le plus efficacement possible le positionnement de leurs bateaux et des nôtres. Mais, à nouveau, se concentrer sur le sauvetage empêche de voir la racine du problème...
Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur la collaboration avec les autres pays européens qui participent aux opérations ?
Plusieurs opérations ont lieu simultanément dans la même zone maritime.
Tout d'abord, l'opération Sophia est une opération militaire entre les marines européennes qui a pour but de lutter contre les passeurs et contre l'effet migration en essayant d'aller au plus proche de la côte libyenne. Il y a en permanence deux ou trois bateaux, dont un français. L'Espagne et l'Allemagne participent également.
Dans la même zone, l'opération Triton de Frontex est davantage tournée vers le sauvetage des migrants. L'Italie et Malte sont les premiers contributeurs ; la France est le troisième. Des bateaux, plus « neutres », qui ne sont pas forcément des bateaux militaires sont affrétés, par exemple, par la Norvège ou le Royaume-Uni. Ils reçoivent leurs informations du centre de sauvetage, le MRCC à Rome.
Par ailleurs, le secrétariat général de la mer suit la situation maritime de tous les bateaux depuis notre centre opérationnel grâce aux images satellites et aux informations que les bateaux français sur zone échangent en continu.
L'on y pense moins, mais les bateaux de commerce français jouent également un rôle. De nombreux bateaux, notamment de la CMA CGM, sont déroutés pour porter secours à des migrants. Ces opérations sont souvent très périlleuses car les bateaux sont imposants et les équipages restreints et non formés au sauvetage. Par ailleurs, ces bateaux ne disposent ni de médecins ni d'infirmiers à bord. Enfin, se dérouter ainsi leur fait perdre du temps sur leur route et leur programme. Bien qu'ils contribuent ainsi à sauver des vies, cela ne manque pas de créer des contraintes logistiques.
Vous indiquez clairement que la réponse est à trouver sur les côtes.
Vous venez de préciser que l'action de Frontex s'inscrit dans une démarche de sauvetage, et que les marines qui interviennent au bord du littoral, notamment libyen, s'inscrivent plutôt dans une démarche de conservation du littoral afin d'éviter que les gens ne prennent la mer.
Si cette situation se conçoit bien sur le terrain, cela est moins évident sur le plan politique et juridique. Vous avez évoqué tout à l'heure l'éventualité de mettre des hot spots dans ces pays-là. Est-ce possible sur le plan technique et politique ? Si les marines ne font pas de sauvetage et qu'elles ne peuvent pas accéder aux côtes, quelle est leur mission ? Est-ce qu'elles ne sont pas au début d'une mission dont elles attendent la poursuite ? Il semble qu'une interrogation demeure sur ce point, alors qu'une solution n'a jamais été aussi urgente.
Vous avez parfaitement raison, la solution de ce problème se trouve à terre. Nous avons jugulé la piraterie dans la corne de l'Afrique quand nous avons commencé à agir contre les Somaliens à terre, directement contre les camps et les chefs. La piraterie persiste au Nigeria parce que nous n'agissons pas encore contre les bases et ceux qui en profitent à terre.
Les marines occidentales sont engagées dans l'opération européenne Sophia. Nous essayons actuellement d'intercepter les passeurs à bord des bateaux de migrants, mais nous n'avons pas encore le droit d'agir à terre. Nous en sommes à la phase dite « 2.1 » de l'opération, il y aura une phase « 2.2 » d'action dans les eaux territoriales, et la phase 3 consistera à agir à terre, mais cela dépendra alors du pouvoir qui va s'imposer en Libye.
Pour le moment, l'impunité règne. Les images satellites, qui nous montrent les camps installés sur les plages, nous servent à prévoir les opérations de sauvetage. Lorsqu'un bateau de guerre se trouve devant un canot prêt à chavirer avec 300 personnes à bord, il sauve les migrants avant de pouvoir traiter l'interception du passeur s'il est présent. L'urgence médicale prime. Il ne faut pas oublier que les migrants sont des victimes qui payent 5 000 dollars ou 5 000 euros pour une traversée sur un canot de fortune.
Ma position personnelle est que nous devrions pouvoir mettre en place un hotspot à Tripoli. Les migrants économiques et les réfugiés politiques s'y rendront directement plutôt que de se faire parquer par des milices dans des camps, parfois sans nourriture.
Avez-vous recours au système de surveillance Eurosur ? Est-il redondant avec les informations que vous collectez grâce à nos services nationaux ?
Dans le monde d'aujourd'hui qui est complètement ouvert et doté de réseaux d'information de plus en plus connectés, l'enjeu n'est pas tant de détenir l'information que d'être capable de la traiter. Quand je transmets une information à partir d'un sémaphore français à Spationav V2, Spationav V2 la transmet à son tour à l'Agence de sécurité maritime européenne pour des raisons de sécurité de la navigation ; cette dernière transmet l'information à Frontex, et je la retrouve ainsi dans Eurosur.
Le problème n'est donc pas tant d'avoir des réseaux interconnectés que de déceler de l'information pertinente et d'en faire un traitement intelligent. Certains parlent de mettre en place un nouveau système d'information, mais je ne crois pas que ce soit la priorité.
Frontex dispose aussi des images des satellites du réseau européen Copernicus, mais il faut ensuite que l'information soit directement transmise aux États membres, aux marines, aux ONG pour intervenir tout de suite sur un départ de migrants.
Nous ne cherchons pas à multiplier les réseaux, mais à faire de l'intelligence.
Je vous remercie de vos précisions concises et utiles.
On assiste depuis quelques semaines à une reprise des flux en Méditerranée centrale. Quelle est l'origine des migrants ? J'ai le sentiment qu'il y a une évolution quant aux pays d'origine.
L'Espagne a mis en place un dispositif efficace à la fois dans la relation avec les pays d'origine et sur sa politique de retour et d'asile. Ce que l'Union européenne a mis en place avec les cinq pays bénéficiant d'un pacte - dont le Sénégal, le Niger, le Nigeria et l'Éthiopie -, vous semble-t-il comparable ? En mesurez-vous déjà les effets ?
On constate un léger frémissement des flux en Méditerranée orientale, avec une moyenne qui est actuellement de 80 passages par jour. Est-ce selon vous lié aux purges qui ont été menées dans les services de sécurité turcs, qui seraient moins opérants qu'ils ne l'ont été, ou à une reprise réelle des trafics ?
Vous avez raison, la méthode espagnole est la bonne. Les accords que nous avons passés avec les cinq pays pour le retour sont en train de se mettre en place. C'est un début, et c'est sans doute moins facile que ça ne l'a été pour l'Espagne qui avait pu proposer un contrat gagnant-gagnant au Sénégal. Cela étant, comme ils ont déclenché des flux qui partaient dans l'autre sens, je ne sais pas si c'était vraiment gagnant-gagnant !
Il est difficile de déterminer l'origine des migrants car ils peuvent changer d'identité et qu'on n'est pas certains de tous les intercepter. Une fois qu'ils sont passés par le hot spot, ils sont remis en liberté avec pour consigne de rester dans les environs, mais ils partent presque tous vers le Nord. Ceux qui viennent d'Afrique de l'Ouest s'arrêtent avant Calais, chez de la famille ou des amis, à Marseille ou ailleurs. Si nous avons l'impression que les migrants sont essentiellement anglophones à Calais, c'est parce que les francophones se sont arrêtés avant d'arriver dans le Nord de la France.
Effectivement, il y a beaucoup de Soudanais. Cette filière d'Afrique de l'Est finira par se tarir quand toute la population d'Érythrée aura émigré, mais les Soudanais sont effectivement en difficulté en ce moment.
Il est toutefois très difficile de déterminer l'origine des migrants car ils changent souvent d'identité en traversant l'Algérie où il y a quantité de trafics de papiers. Certains prennent alors des identités maliennes par exemple.
Ce n'est pas encore significatif. Il a eu de forts flux de migrants syriens qui partaient parce que la situation devenait intenable pour eux. Les autres préfèrent passer par la Libye que dans une zone de guerre.
Permettez-moi, en guise de conclusion, d'attirer votre attention sur deux points.
Le premier est la sûreté maritime et dans les transports maritimes. Nous avons mis en place quantité de mesures visant à éviter un « Bataclan maritime » et à nous prémunir contre le risque terroriste à bord des transports de passagers. La commission interministérielle de sûreté maritime et portuaire, présidée par le cabinet du Premier ministre, se réunit tous les deux mois pour renforcer les mesures de sûreté maritime dans les transports de passagers.
Comme vous le savez, de nombreuses mesures ont été prises dans la loi pour une économie bleue et dans d'autres textes, notamment pour mettre en place un PNR maritime. Le SGMER est chargé de ces travaux. Ce point est très important, car si les flux aériens et maritimes sont contrôlés et que les systèmes sont interconnectés, nos capacités de surveillance seront nettement renforcées. C'est là ma conception du nouveau Schengen : des systèmes qui contrôlent les passages pour agir sur les flux plutôt qu'un drapeau indiquant qu'il ne faut pas dépasser la ligne.
Le deuxième point est la nécessité pour la police et les administrations de la mer de travailler ensemble malgré leurs cultures très différentes. Le fait que la PAF ait commencé à travailler avec nous en 2010 a déjà constitué une évolution majeure. Il faut continuer à encourager la mutation de l'agence Frontex. Un règlement européen établit désormais qu'elle est une agence à la fois de garde-frontières et de garde-côtes. Elle doit se comporter comme les administrations de la mer françaises se comportent entre elles.
Par ailleurs, je pense que le domaine maritime devrait être plus représenté au sein de Frontex. Comme vous le savez, le ministère de l'intérieur et la PAF sont dans son conseil d'administration. Le SGMer pourrait y représenter les administrations qui agissent en mer.
Frontex n'a pas de culture maritime naturelle. Ils ont des moyens pour acheter des bateaux et exploiter des systèmes satellite, mais ils ne savent pas encore comment les utiliser. Il faut les aider à entrer dans la logique d'un nouveau Schengen : les systèmes d'information, le croisement entre le maritime et le terrestre... Il faut apprendre à travailler différemment.
Je voudrais dire à mes collègues que vous avez travaillé à l'élaboration de la loi pour l'« économie bleue » et à ses décrets d'application, et que vous avez commandé le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, qui était le bateau-école de marine pour la formation des officiers. Je vous remercie de votre intervention.
La réunion est close à 14 h 50.