Nous entendons aujourd'hui une communication sur des textes relatifs à l'asile. Des normes minimales avaient été définies en 2004 et 2005. Mais elles sont apparues, en pratique, insuffisantes. Il paraît donc nécessaire de les préciser. Je laisse la parole à nos deux rapporteurs.
Nous vous avions présenté ici-même l'an passé le « paquet asile » adopté par la Commission européenne en décembre 2008. Je rappelle qu'il s'agissait de trois instruments qui concernaient respectivement les normes minimales d'accueil, le système Eurodac et la modification du règlement de Dublin qui permet de désigner l'État membre responsable du traitement d'une demande d'asile. A ces trois instruments, s'est ajoutée, en février 2009, une proposition de règlement tendant à la création d'un bureau européen d'appui en matière d'asile. En outre, la Commission européenne a présenté, en octobre 2009, une communication sur la mise en place d'un programme de réinstallation.
Avant d'en venir aux nouveaux textes que nous devons examiner aujourd'hui, il est utile d'indiquer que la reprise de la demande d'asile en Europe, amorcée en 2007, s'est confirmée en 2009. On a ainsi recensé près de 261 000 demandes après 238 000 en 2008 et 223 000 en 2007. En 2009, le plus grand nombre de demandes a été enregistré en France (47 600) suivie de l'Allemagne (31 800), du Royaume Uni (30 300) et de la Suède (24 200). En comparaison de la population de chaque État membre, les taux les plus élevés ont été enregistrés à Malte (5 800 demandeurs par million d'habitants), à Chypre (3 300) et en Suède (2 600). La plupart des demandes font l'objet d'un rejet. Sur l'ensemble des décisions prises en 2009 (229 500), 73 % (166 900) sont des décisions de rejet. Seules 12 % d'entre elles ont accordé le statut de réfugié, 11 % la protection subsidiaire et 4 % une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires. En outre, plus de 23 % des cas concernent des demandes multiples. Enfin, force est de constater la persistance de fortes disparités entre les États membres dans la mise en oeuvre du régime d'asile. Ce qui constitue un problème majeur. Comme l'a souligné le HCR que nous avons auditionné, l'harmonisation est donc très positive car elle doit permettre le rattrapage des États membres qui ont les systèmes les moins développés.
Avec 47 686 demandes, la France a connu une augmentation de 12 % de la demande globale. Elle est au premier rang des pays destinataires de demandeurs d'asile en Europe et au deuxième rang mondial derrière les États-Unis (près de 49 000 demandes) mais devant le Canada (33 250 demandes). Rapporté à sa population, le nombre de demandes d'asile (740 par million d'habitants) est inférieur à celle d'autres États membres mais au-dessus de la moyenne (520) de l'Union européenne.
L'augmentation de la demande d'asile est avant tout imputable à la multiplication des premières demandes (+ 23 %). Les cinq nationalités les plus importantes en 2009 (Kosovo, Bangladesh, Sri Lanka, Haïti, Guinée) sont en forte augmentation par rapport à 2008.
Adoptées par la Commission européenne en octobre 2009, les deux nouvelles propositions que nous vous présentons aujourd'hui tendent à refondre la directive du 29 avril 2004 (dite directive « qualifications ») qui concerne les conditions d'octroi de la protection internationale et le contenu de cette protection ainsi que la directive du 1er décembre 2005 relative aux procédures d'asile. Elles s'inscrivent dans le cadre de la réalisation de la seconde phase du régime d'asile européen commun, prévue par le programme de La Haye de 2004. Elles répondent aussi aux préconisations du Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté, sur proposition de la France, par le Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008, qui prévoit qu'une procédure d'asile unique comportant des garanties communes sera instaurée d'ici 2012, et que des statuts uniformes devront être adoptés pour les réfugiés et pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Ces deux nouveaux textes s'appuient sur le constat que les normes minimales, adoptées en 2004 et 2005, sont vagues et ambigües. Dès lors, elles ne permettent pas d'assurer le respect des droits de l'homme et des normes en matière de droit des réfugiés. Elles n'ont pas atteint un degré d'harmonisation suffisant et elles ont une incidence négative sur la qualité et l'efficacité du processus décisionnel.
I. La directive « Qualifications »
Je vais vous présenter ce qui est proposé pour la révision de la directive « qualifications » qui concerne les conditions d'octroi de la protection internationale et le contenu de cette protection.
1/ Qu'est-ce qui est proposé ?
La proposition cherche à clarifier certaines notions juridiques figurant dans le texte de 2004, afin tout à la fois de renforcer la capacité des autorités à traiter les cas de demandes non fondées ou abusives et de permettre un accès plus rapide à la protection internationale.
La proposition clarifie plusieurs notions juridiques utilisées dans le cadre de l'évaluation d'une demande de protection internationale. Les « acteurs de la protection » pourront être l'État ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l'État ou une partie du territoire de celui-ci. Mais dans ce dernier cas, ces acteurs devront être disposés à « faire respecter l'État de droit et en mesure de le faire » (article 7). En outre, dans tous les cas, la protection devra « être effective et durable ». Prenant en compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt du 11 janvier 2007 Salah Sheekh c. Pays-Bas), la proposition (article 8) précise la notion de « protection à l'intérieur du pays » (qui, lorsqu'elle est assurée, peut conduire au rejet de la demande de protection). Pour faire face aux cas de persécutions non étatiques qui ne sont pas commis pour des motifs visés par la convention de Genève, la proposition (article 9) précise que le « lien de causalité » entre les actes de persécution et les motifs de persécution est rempli lorsqu'il y a un rapport entre les actes de persécution et l'absence de protection contre ces actes. Dans la mesure où les femmes peuvent constituer un groupe social particulier dans certaines sociétés et subir des discriminations, la proposition (article 10) précise que le sexe devra être dûment pris en considération lors de la définition d'un « certain groupe social » auquel l'appartenance constitue le motif de la persécution. La proposition (article 11) introduit par ailleurs les dérogations prévues par la convention de Genève qui prévoient le maintien de la protection pour « des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ».
La proposition modifie sur plusieurs aspects, les dispositions relatives au contenu de la protection, afin de faciliter l'exercice effectif des droits formellement accordés à ses bénéficiaires. La définition des membres de la famille est par ailleurs élargie (article 2). Enfin, pour tenir compte de l'expérience qui a montré que, contrairement à la prévision initiale, la protection subsidiaire n'était pas un statut de nature temporaire, la proposition supprime les restrictions aux droits des bénéficiaires de cette protection, qui ne sont plus considérés comme nécessaires et objectivement justifiées.
2/ Quelle appréciation pouvons-nous porter ?
Cette proposition qui permet de renforcer l'harmonisation des conditions d'octroi de la protection internationale est généralement bien accueillie et devrait pouvoir prospérer. On doit néanmoins relever quelques sujets qui font débat.
Pour la prise en compte de la protection assurée par des autorités non étatiques, la Commission européenne met l'accent est sur l'effectivité et la durabilité de la protection offerte, ainsi que sur la vocation à respecter l'État de droit, à tout le moins à préserver une forme de stabilité en ce sens. Ainsi encadrée, cette proposition reçoit l'assentiment du Gouvernement. Les associations font pour leur part valoir que l'inclusion des autorités non étatiques dans la protection reste problématique et qu'elle aurait donc dû être supprimée.
Les précisions apportées à la notion de groupe social rendant plus explicite la prise en compte des persécutions spécifiques aux femmes ne peut que recueillir un accueil positif et apparaît conforme à la jurisprudence française. Mais les associations comme le HCR ont souligné que les critères d'appartenance (existence d'une caractéristique innée et possession d'une identité propre) devraient être alternatifs et non pas cumulatifs comme l'envisage le texte.
La prise en compte des besoins spécifiques des réfugiés pour favoriser leur intégration est bien accueillie par les associations qui soulignent notamment les difficultés rencontrées par les réfugiés pour faire reconnaître leurs qualifications et leurs compétences. Nous avons pu le constater lors de nos rencontres sur le terrain avec des réfugiés. La France propose déjà des programmes d'intégration, équivalents à ceux proposés aux nationaux, aux bénéficiaires d'une protection internationale.
L'élargissement de la notion de membres de la famille suscite plus de controverses, comme ce fut le cas lors de la présentation des précédents textes. Les associations considèrent qu'il va dans le sens d'une meilleure prise en compte des réalités subies par les réfugiés et souhaiteraient même prendre en compte les liens familiaux qui se sont créés au cours de l'exil ou dans le pays d'accueil. En revanche, le Gouvernement s'inquiète de l'extension de la famille au-delà de la famille nucléaire. Il fait valoir que, s'agissant de la directive « qualifications », cette extension induirait des coûts financiers importants liés à l'octroi des mêmes droits que ceux reconnus aux bénéficiaires de la protection internationale (droit au séjour, accès à l'emploi, à l'éducation, à la protection sociale, à la santé, au logement).
L'alignement des droits des bénéficiaires de la protection subsidiaire sur ceux des réfugiés est déjà effectif en France mais avec une seule exception qui porte sur la durée de la carte de séjour : les réfugiés bénéficient d'une carte d'une durée de dix ans renouvelables alors que les bénéficiaires de la protection subsidiaire ont droit à une carte d'un an renouvelable. La Commission propose de prévoir un titre de séjour d'au moins trois ans pour les deux catégories. Or la protection subsidiaire concernant les risques de persécution, il serait aux yeux des autorités françaises, important de pouvoir réexaminer chaque année la situation.
L'extension de la notion de membre de la famille au-delà de la famille nucléaire peut poser un problème car elle rend difficile une délimitation claire de la famille.
II. La directive relative aux procédures d'asile
J'aborde maintenant la révision de la directive relative aux procédures d'asile.
1/ Qu'est-ce qui est proposé ?
Cette proposition prévoit une procédure unique qui prendrait en compte les deux formes de protection internationale (statut de réfugié et protection subsidiaire). Elle précise les règles applicables dans le cadre de cette procédure unique, telles que l'examen obligatoire des besoins de protection.
Des garanties sont prévues pour l'accès aux procédures d'asile. Le texte inclut les eaux territoriales dans le champ d'application de la directive et précise les obligations des gardes frontières, de la police et du personnel des centres de rétention. Il fixe des délais pour l'accomplissement des formalités d'introduction des demandes (article 6). Il assure par ailleurs la faculté de présenter une demande de protection aux points de passage frontaliers ou dans les centres de rétention, préalablement à l'éloignement (article 7).
La proposition cherche à assurer une application plus cohérente des garanties procédurales, en tentant compte de la jurisprudence. A cette fin, elle réduit les exceptions admises, en particulier la possibilité de ne pas organiser d'entretien personnel en cas de procédure accélérée (article 13). Elle prévoit des garanties supplémentaires, telles que le droit à une assistance judiciaire gratuite pour les demandeurs dans les procédures de première instance, et des garanties particulières pour les demandeurs vulnérables (article 18, 20 et 21).
Certaines notions ou mécanismes procéduraux sont précisés. Les décisions d'irrecevabilité devront être précédées de la faculté pour le demandeur de présenter son point de vue sur les motifs invoqués (article 30). La proposition prévoit une liste exhaustive des motifs permettant un examen accéléré des demandes manifestement infondées (article 27). Elle prévoit des mesures destinées à améliorer la qualité du processus décisionnel et fixe un délai général de six mois pour les procédures en première instance. La notion de liste commune minimale de pays d'origine sûrs est supprimée mais des normes objectives communes sont définies pour la désignation au niveau national de pays tiers comme pays d'origine sûrs. Pour faciliter l'accès au recours effectif pour les demandeurs d'asile, la proposition prévoit un réexamen complet des décisions de première instance par une juridiction. Elle confère également un effet suspensif automatique aux recours contre les décisions de première instance (article 41).
2/ Quelle appréciation pouvons-nous porter ?
Cette proposition suscite plus de controverses que la précédente. Les associations font valoir que la directive en vigueur sur les procédures est la plus décevante en termes d'harmonisation et de respect des droits des demandeurs d'asile. En dépit de certaines avancées, ce texte a surtout prévu des dérogations aux principes et garanties qu'il énonce. Il conduirait donc indirectement à une « renationalisation » du droit d'asile. C'est pourquoi les associations accueillent favorablement une réduction de la marge d'appréciation des États afin d'avoir une interprétation commune des dispositions sur l'asile. Cette harmonisation serait devenue indispensable en raison de l'interdépendance des systèmes nationaux d'asile. Les associations considèrent aussi que l'amélioration de la qualité des décisions en première instances réduira le nombre d'annulations en appel qui est élevé dans de nombreux pays (23,7 % en moyenne).
A l'inverse, les réactions des États membres sont plutôt négatives. Ils craignent les coûts financiers induits par les mesures proposées et leur impact sur l'efficacité des procédures accélérées.
Le Gouvernement fait valoir que le souci louable de renforcer les garanties offertes au demandeur d'asile ne devrait pas conduire à mettre sur le même plan, voire aligner, les phases administrative et juridictionnelle de la procédure. Le texte lui apparaît souvent difficilement lisible et trop détaillé en dépit du but affiché de rationalisation et de simplification. Il s'éloigne des réalités du terrain, qui impliquent notamment de pouvoir traiter sans disproportion de moyens la situation des personnes dont la quête n'est pas au premier chef celle de l'asile. L'OFPRA a par ailleurs appelé notre attention sur le risque d'un accroissement sensible du délai d'examen des demandes compte tenu des nouvelles règles procédurales qui sont proposées.
En dépit de cette profonde divergence d'appréciation sur les orientations de la proposition de directive, l'affirmation d'une procédure unique semble admise par tous. La France applique d'ailleurs une procédure unique depuis l'entrée en vigueur de la loi de décembre 2003. Le directeur de l'OFPRA a néanmoins appelé notre attention sur la capacité de l'Office à examiner une demande croissante. Il a ainsi indiqué que l'OFPRA avait rendu 46 000 décisions en 2009 pour 47 700 demandes, ce qui entraînait un stock de 1 700 demandes non traitées.
Les associations se félicitent aussi des dispositions qui faciliteront un accès effectif aux procédures d'asile, notamment l'inclusion des eaux territoriales dans le champ d'application de la directive. Mais elles nous ont fait part de leur vive inquiétude sur l'accès aux procédures dans un contexte de contrôle renforcé des frontières.
L'OFPRA nous a pour sa part fait observer que serait supprimée la possibilité pour une autre autorité (que l'OFPRA) de refuser l'entrée sur le territoire au titre de l'asile, ce qui, en France, condamnerait à terme le dispositif actuel de l'asile à la frontière.
La suppression des dispositions relatives à l'établissement d'une liste commune des pays d'origine sûrs prend acte de la difficulté d'établir une telle liste au niveau européen et de l'annulation par la Cour de justice des dispositions en vigueur qui prévoyaient une procédure qu'elle a jugée non-conforme au traité (arrêt Parlement c. Conseil, 6 mai 2008). Mais les associations regrettent que la proposition de la Commission européenne maintienne ce concept de pays sûrs qui remet en cause, selon elles, le caractère individuel du droit d'asile et qui est finalement très peu appliqué par les États membres. On rappellera qu'en France, la notion de pays d'origine sûrs a été introduite par la loi du 10 décembre 2003. C'est le Conseil d'administration de l'OFPRA qui fixe la liste des pays considérés, au niveau national, comme des pays d'origine sûrs. Les demandeurs d'asile, ressortissants des États figurant sur cette liste, ne peuvent bénéficier d'une admission au séjour au titre de l'asile. Leur demande est donc instruite par l'OFPRA dans le cadre de la procédure prioritaire et leur recours éventuel devant la Cour nationale du droit d'asile n'a pas de caractère suspensif.
La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine n'exclut pas le principe de l'examen individuel de la demande d'asile par l'OFPRA. Une demande ne peut être rejetée au seul motif que le demandeur est ressortissant d'un pays figurant sur cette liste.
La première liste française des pays d'origine sûrs a été établie en juin 2005. Depuis lors, elle a été révisée à plusieurs reprises. En réalité, cette liste n'est pas figée dans le temps et peut être amenée à évoluer soit par le retrait de certains pays en cas de détérioration de la situation dans ces pays soit par de nouvelles adjonctions. La liste actuellement en vigueur comprend quatorze États.
Les associations ont appelé notre attention sur le problème de traduction des demandes d'asile. En l'absence de prise en charge des traductions dans les centres de rétention administrative, les demandes ne sont pas toujours bien explicitées. Les associations regrettent aussi le maintien du concept de pays sûrs qui fait l'objet de révisions arbitraires à la suite des tractations diplomatiques. En outre, le caractère non-suspensif des recours dans le cadre des procédures accélérées est critiquable.
III. Quel est l'état des discussions sur ces textes ?
Sur les six textes présentés par la Commission européenne, seul celui relatif au bureau européen d'appui a pu aboutir à ce jour.
Les deux textes que nous évoquons aujourd'hui ont fait l'objet d'un premier échange de vues entre les ministres lors du Conseil « Justice et Affaires intérieures » de décembre 2009. Certains États membres, notamment l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume Uni, ont exprimé de fortes réserves qui portent sur le risque de ralentissement des procédures, de multiplication des coûts et d' « appel d'air ». Les textes proposés seraient principalement axés sur les besoins des demandeurs sans tenir compte des intérêts des États membres. Tout en soutenant l'objectif d'harmonisation et la mise en place d'un système européen d'asile, le Gouvernement souhaite que les propositions de la Commission ne se traduisent pas par un accroissement sensible des charges pesant sur les États membres et n'aient pour effet d'alourdir la procédure, ce qui serait contraire aux intérêts mêmes des bénéficiaires.
Dans une résolution du 10 mars 2009 sur l'avenir du système d'asile européen commun, le Parlement européen a, en revanche, mis en avant plusieurs priorités que les propositions de la Commission européenne prennent en compte en allant vers une harmonisation plus poussée qui aboutisse à un niveau de protection élevé.
Lors d'une réunion informelle du conseil « Justice Affaires Intérieures », en juillet dernier, la présidence belge a suggéré de concentrer les efforts sur la refonte de trois textes : la directive « qualifications », les règlements « Dublin II » et « EURODAC ». Elle y a ajouté une autre proposition qui rend possible l'octroi du statut de résidents de longue durée aux bénéficiaires de la protection internationale. En septembre, l'Allemagne et la France ont élaboré une contribution conjointe qui confirme que l'approfondissement des rapprochements législatifs est une priorité mais qui souligne aussi qu'il devait aboutir à la mise en place de « standards réalistes et pragmatiques ».
Lors du COREPER du 29 septembre, la présidence belge a affirmé vouloir continuer à faire progresser les discussions sur trois textes (directives « résident de longue durée » et « qualifications », le règlement « dit de Dublin »). Le règlement « EURODAC » justifiant un nouveau texte en raison du changement de base légale résultant du traité de Lisbonne, ne serait en revanche plus une priorité, ce que l'on peut regretter. S'agissant des directives « accueil » et « procédures », la présidence entend se concentrer sur les éléments ayant un lien avec les textes identifiés comme prioritaires. Mais la présidence maintient l'objectif de faire aboutir d'ici 2012, date fixée dans le Pacte européen sur l'immigration et l'asile pour la réalisation du régime d'asile européen commun, les discussions sur tous les instruments en cours de refonte. Cette question était inscrite à l'ordre du jour du Conseil « Justice Affaires Intérieures » du 7 octobre.
Comme on le voit, les États membres ont exprimé de fortes réticences sur certaines des dispositions proposées par la Commission européenne, en particulier pour ce qui concerne les procédures. Les discussions seront donc longues et difficiles pour aboutir à un compromis. Mais on devra parvenir à une harmonisation. C'est indispensable.
C'est un problème vaste et compliqué. Je crois que la politique européenne d'immigration est étroitement liée à la politique d'asile, qui jusqu'à présent a été traitée à part. C'est un thème que notre commission devra approfondir.
Ces deux politiques sont par nature pleinement européennes. Les limites entre elles sont difficiles à définir. On ne peut en réalité les dissocier.
Il me semble en effet incontestable que ces deux politiques sont, par essence, communautaires. Il faudra parvenir à une harmonisation.
Avec l'évolution démographique et le développement économique, nos pays seront confrontés de plus en plus à l'accueil de personnes d'origine étrangère. Il me semble qu'il serait utile de promouvoir des coopérations spécialisées dans ce domaine avec pour objectif d'établir un système stable. Cela répondrait à la nécessité d'avoir une démarche pragmatique et réaliste.
L'idée est séduisante. Mais je fais observer qu'une fois arrivées en Europe, les personnes concernées peuvent circuler dans tous les États membres.
Une vision globale est nécessaire. Je relève que l'on souhaite harmoniser les procédures en matière d'asile en raison des très grandes disparités existant entre les États membres. Même si les voies d'accès sont différentes, les personnes concernées sont confrontées aux mêmes difficultés, une fois entrées dans l'espace européen. C'est pour cela que l'on cherche aussi à harmoniser les titres de séjour. Enfin, dans un espace de libre circulation, les ressortissants d'un pays tiers résidant régulièrement en Europe doivent avoir les mêmes droits quel que soit l'État membre.
Je veux souligner que la non-participation du Royaume Uni à l'espace Schengen pose en pratique de gros problèmes, notamment parce qu'elle favorise la concentration de personnes désirant se rendre au Royaume Uni dans certaines parties du territoire français. On a vu les problèmes qu'elle a suscités à Sangatte.
Je souhaiterais avoir des précisions sur cette liste des pays d'origine sûrs. N'y-a-t-il pas plus de quatorze pays sur cette liste ?
Les pays figurant sur cette liste sont actuellement le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, le Ghana, l'Inde, le Mali (pour les hommes uniquement), l'Ancienne République de Macédoine, Maurice, la Mongolie, le Sénégal, la Serbie, la Tanzanie et l'Ukraine. Mais je précise que cette liste est établie à partir du recensement des pays d'origine des demandeurs.
Il me paraît nécessaire que notre commission approfondisse la politique européenne d'immigration qui a des liens étroits avec la question de l'asile.
Je crois que la question de l'asile doit être clairement distinguée de l'immigration. Il s'agit en effet de porter secours à des personnes en danger. Même si, après la reconnaissance d'une protection internationale, l'enjeu de l'intégration peut se poser, il me paraît néanmoins nécessaire d'éviter tout amalgame.
Même si les textes sont effectivement différents, les politiques d'asile et d'immigration se rejoignent nécessairement lorsque sont en cause les questions relatives aux conditions de vie et de travail.
En toute hypothèse, ces deux politiques sont nécessairement de dimension européenne.
Conformément à la nouvelle procédure issue du traité de Lisbonne et en réponse à la demande présentée par la République française sur le fondement de l'article 355 paragraphe 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il est proposé au Conseil européen d'adopter, à l'unanimité et après consultation de la Commission, une décision tendant à transformer, à compter du 1er janvier 2012, le statut communautaire de Saint-Barthélemy, actuellement région ultrapériphérique de l'Union européenne au sens de l'article 349 de ce traité, en pays et territoire d'outre-mer (PTOM) associé, régi par la IVe partie du même traité.
Cette transformation de Saint-Barth en PTOM s'inscrit dans le cadre d'une évolution de l'île vers une autonomie et une différenciation juridique croissantes. Les raisons objectives - géographiques, historiques, culturelles, économiques - de cette évolution ne manquent pas. D'ailleurs l'assimilation théorique de Saint-Barthélemy au droit commun (celui de la Guadeloupe, département auquel a appartenu Saint-Barthélemy en qualité de commune de 1946 à 2007) s'est accompagnée de larges dérogations de facto qui furent progressivement reconnues en droit interne et communautaire.
En raison de son statut d'avant 2007 en droit interne, Saint-Barthélemy a été placée au sein de la catégorie des Régions Ultra-Périphériques (RUP) par le traité de Lisbonne qui la reconnaît comme telle à son article 349. Or, depuis 2007, Saint-Barthélemy, qui fait partie intégrante de la République française, constitue au plan administratif une collectivité d'outre-mer (COM) régie par l'article 74 de la Constitution. Aux termes de la Constitution, les compétences suivantes de l'État ne peuvent être transférées aux COM : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, les règles relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers sur le sol national, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral. La collectivité de Saint-Barthélemy dispose, pour sa part, de compétences restreintes d'attribution (impôts, droits et taxes ; urbanisme et logement ; transports routiers et maritimes à l'exception du régime du travail ; voirie ; environnement ; accès au travail des étrangers ; énergie ; tourisme ; organisation interne de la collectivité), qu'elle exerce dans le respect de la Constitution, des engagements internationaux de la France, des lois et règlements français ainsi que des principes généraux du droit.
Les spécificités de Saint-Barthélemy - son statut institutionnel au sein de la République française, son éloignement physique de la métropole et sa situation en zone économique américaine, son économie insulaire et de petite taille uniquement orientée vers le tourisme et confrontée à des difficultés d'approvisionnement qui rendent délicate et coûteuse l'application des normes communautaires de droit commun - font du statut de PTOM un cadre plus adapté à la relation de ce territoire avec l'Union européenne : si sa transformation en PTOM n'aura aucune incidence sur la répartition statutaire des compétences entre l'État et la COM de Saint-Barthélemy, cette dernière y trouvera la souplesse nécessaire en matière de coopération juridique avec l'Union européenne. Saint-Barthélemy devenu PTOM continuera d'être régi par les dispositions des traités européens, mais dans la limite du régime d'association spécifique qui sera conclu entre Saint-Barthélemy et l'Union européenne.
Un enjeu essentiel de la transformation en PTOM de Saint-Barthélemy concerne son régime douanier. Bien avant de devenir une COM, Saint-Barthélemy, alors en qualité de commune, bénéficiait d'un statut de port franc et d'une fiscalité dérogatoire. A ce titre, un droit de quai ad valorem avait été légalement institué en 1974 en substitution de l'ensemble des taxes douanières sur toutes les marchandises importées (par voie aérienne ou maritime) sur le territoire de Saint-Barthélemy. Cette taxe est perçue et contrôlée par les agents de la collectivité, avec une collaboration ponctuelle et ciblée des agents de la douane. Mais, avec l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes communautaires - issu du règlement (CE) n° 450/2008 du 23 avril 2008 -, ce droit de quai pourrait être assimilé à un droit de douane. Le droit de quai constituant la recette principale de la collectivité, sa remise en cause équivaudrait à supprimer l'élément principal de l'autonomie budgétaire de la collectivité, fondement de son statut de COM. Or, en accédant au statut de PTOM, la COM de Saint-Barthélemy deviendrait ipso facto compétente en matière de fiscalité douanière, l'article 200 du traité de Lisbonne autorisant les PTOM. à percevoir des droits de caractère fiscal « qui ont pour but d'alimenter leur budget ».
Il est à noter que l'évolution de Saint-Barthélemy vers le statut de PTOM. ne porterait pas atteinte aux intérêts généraux de l'Union :
- un tel changement s'opérerait dans un cadre constitutionnel national qui assurerait donc le maintien dans l'île d'une grande partie du droit de l'Union européenne et les habitants de Saint-Barthélemy demeureront des citoyens de l'Union ;
- dans le domaine de la libre circulation des personnes et du droit d'établissement, le régime d'association impose à un P.T.O.M, désireux de restreindre la liberté locale d'établissement des ressortissants européens, d'appliquer le même régime aux nationaux de son État de rattachement qu'aux autres ressortissants de l'Union européenne. La collectivité de Saint-Barthélemy, ne disposant pas de la compétence constitutionnelle pour limiter de quelque manière que ce soit la liberté de circulation des personnes et d'établissement sur son sol des Français non originaires de l'île, ne pourra donc prendre aucune mesure restrictive en ce domaine envers les ressortissants de l'Union européenne ;
- la France souhaitant que l'euro continue d'être utilisé à Saint-Barthélemy, la continuité monétaire sera assurée. Comme elle l'a confirmé à la Commission européenne, particulièrement vigilante sur ce sujet, la France souscrira aux engagements nécessaires à l'application à Saint-Barthélemy des règles relatives à la lutte contre la contrefaçon monétaire, à la lutte contre la circulation illicite des capitaux et le blanchiment, et à la coopération administrative et à la transparence fiscale.
La transformation en PTOM de Saint-Barthélemy répond donc aux besoins spécifiques de cette collectivité, sans menacer les intérêts généraux de l'Union européenne.
Ce texte sera inscrit pour adoption lors du Conseil affaires générales du 25 octobre prochain. J'ai demandé à notre collègue Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, de nous expliquer de manière concrète les avantages, aux yeux des résidents de Saint-Barthélemy, de cette modification de statut.
Permettez-moi d'abord de vous remercier, Monsieur le Président, de me donner l'occasion de m'exprimer devant votre commission. Je vais vous présenter les raisons majeures qui nous poussent à soutenir cette évolution statutaire pour Saint-Barthélemy.
Quelques mots d'histoire en guise d'introduction : Saint-Barthélemy est une petite île de 24 km2 au nord de la Guadeloupe qui compte 8450 habitants. Découverte en 1493 par Christophe Colomb et rattachée à la souveraineté française en 1674, l'île de Saint-Barthélemy est cédée par Louis XVI en 1784 au roi de Suède, Gustave III, contre des droits d'accès des navires français au port suédois de Göteborg et à ses entrepôts. Près d'un siècle plus tard, en 1877, l'île est rétrocédée à la France à la suite d'un référendum marquant l'accord de la population. En 1946, Saint-Barthélemy devient une commune du département de la Guadeloupe. Après s'être considérablement appauvrie et avoir subi l'émigration de ses habitants vers les îles vierges américaines, l'île a été découverte par les Américains fortunés dans les années 1960 comme un lieu de villégiature attractif. En 1963, la France mit en place la sous-préfecture des Iles du Nord pour la gestion administrative des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
A la suite des lois de décentralisation de 1982, la population, jeune, de Saint-Barthélemy s'est prise en mains et la commune de Saint-Barthélemy, s'affranchissant de la Guadeloupe, a progressivement assumé des compétences croissantes incluant celles d'un département, d'une région voire une partie de celles de l'État. Cela a naturellement conduit l'île à demander une évolution de son statut pour l'accorder à la réalité des faits. En 2007, Saint-Barthélemy devient donc une collectivité d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution, c'est-à-dire dotée de l'autonomie. L'État y garde les compétences majeures, donc le droit français s'applique à Saint-Barthélemy sauf dans les domaines concernés par le transfert de compétences (tourisme, environnement, circulation, transports...), qui ne touchent en rien à la sûreté de l'État et aux grands principes nationaux.
Cette évolution statutaire a eu deux conséquences à l'échelon européen.
D'une part, appartenant aux régions ultrapériphériques (RUP) du fait de son intégration à la Guadeloupe, Saint-Barthélemy devenue collectivité d'outre-mer fut d'office rangée parmi les RUP dans le traité de Lisbonne.
D'autre part, alors qu'elle bénéficiait d'un statut de territoire extra-douanier européen en grande partie grâce à l'action de Louis Le Pensec, l'île a perdu ce statut dérogatoire lorsqu'elle est devenue collectivité d'outre-mer. Ce n'est qu'en accédant au statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) qu'elle pourrait récupérer cette compétence douanière.
Nous abordons ainsi les raisons qui plaident pour une transformation du statut européen de Saint-Barthélemy : pourquoi le statut de PTOM serait-il mieux adapté ?
D'abord, pour des raisons de cohérence. Quand l'État français transpose des directives communautaires en droit national, ce droit s'applique à toutes les RUP relevant de la République française, y compris, concernant Saint-Barthélemy, dans des domaines où la collectivité s'est vue transférer des compétences.
Ensuite, pour des raisons de difficultés d'application des normes européennes. Trois exemples concrets illustreront ce point : en matière de santé, un appareil destiné à la radiologie, offert par des Américains, est resté inutilisé car il n'avait pu obtenir d'homologation aux normes européennes ; concernant l'essence, la norme européenne applicable (1 % de benzène maximum) empêche désormais Saint-Barthélemy de s'approvisionner en Amérique du Sud, comme le fait Saint-Martin. Le pétrole arrive donc de Mer du Nord, par un bateau habitué à livrer la Guadeloupe et la Martinique et obligé désormais de faire un détour vers Saint-Barthélemy, ce qui accroît le coût d'approvisionnement. Ceci a porté le prix de l'essence à la pompe de 0,86 euro à 1,42 euro le litre en six mois, alors que la partie hollandaise de Saint-Martin, qui est PTOM, continue à proposer aux pêcheurs et plaisanciers de s'alimenter à 86 centimes le litre. Enfin, théoriquement, l'île de Saint-Barthélemy ne devrait plus se fournir en viande au Texas et au Canada depuis la crise de la vache folle. Sans refuser d'appliquer les normes européennes, Saint-Barthélemy se trouve ainsi confrontée à des normes disproportionnées, alors qu'elle n'a pas à rougir en matière de respect de l'environnement ou de normes d'hygiène. Elle souhaite simplement obtenir la possibilité d'adapter ces normes à sa situation particulière.
Enfin, je reviens sur la compétence douanière qui est sans doute la motivation majeure de notre demande d'accès au statut de PTOM. Depuis 1974, Saint-Barthélemy, qui ne connaît ni la taxe sur la valeur ajoutée ni l'octroi de mer, bénéficie d'une taxe, le droit de quai, qui frappe toute marchandise entrant sur son territoire à son prix d'arrivée (incluant les frais de transport). Le droit de quai, par son caractère dérogatoire au droit européen, risque d'être remis en cause alors qu'il constitue l'essentiel des recettes de la collectivité. En outre, l'île souhaiterait immatriculer les bateaux et créer un quartier des affaires maritimes : elle a obtenu le droit d'immatriculer les bateaux, mais s'est vue refuser toute compétence en matière de francisation des navires et de droit de navigation des navires, qui sont des compétences douanières et, à ce titre, relèvent de l'État. Si bien que Saint-Barthélemy continue de faire immatriculer ses bateaux au quartier des affaires maritimes de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, dont le directeur des affaires maritimes, à l'heure de la suppression du dernier poste de fonctionnaire à Saint-Martin, se désintéresse progressivement de cette tâche. Seul le statut de PTOM permettrait à Saint-Barthélemy d'exercer cette compétence. D'ailleurs, l'île a déjà de très bonnes relations avec la douane, puisqu'elle a signé avec elle une convention permettant de faire intervenir les douaniers pour faire respecter le droit de quai.
Quelques mots sur le bénéfice des fonds structurels, considéré comme un avantage associé au statut de RUP. Saint-Barthélemy a bénéficié de ces fonds en qualité de commune de la Guadeloupe, de façon néanmoins marginale (à hauteur de 3 à 3,5 millions d'euros sur la période 2007-2013). Désormais, détachée de la Guadeloupe et traitée à part comme RUP depuis le traité de Lisbonne, Saint-Barthélemy n'est plus éligible aux fonds structurels du fait que son PIB par habitant, proche de celui des Yvelines, dépasse la limite de 75 % de la moyenne européenne.
J'en profite pour souligner que nous avons toujours essayé de ne pas trop dépendre des fonds extérieurs : la participation de l'État, sous forme de dotation, n'a jamais dépassé 8 % du budget de la collectivité. Elle est même nulle aujourd'hui. Quand a été effectué un bilan fiscal des relations entre notre collectivité et l'État, il est apparu que l'apport fiscal de Saint-Barthélemy au budget de la Guadeloupe et de l'État (5,6 millions d'euros) dépassait le coût réel des dépenses de l'État à Saint-Barthélemy (5,2 millions d'euros).
Cela ne signifie pas, bien au contraire, que Saint-Barthélemy ne veut pas respecter les valeurs fondamentales de l'Europe. Saint-Barthélemy est d'abord français et gardera l'usage de l'euro. Elle a signé une convention avec le Ministère de l'économie en matière d'échanges de renseignements pour lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent : l'île n'est pas un paradis fiscal, même si elle pâtit de l'amalgame effectué par les médias entre ses résidents et sa clientèle touristique haut de gamme ! Si Saint-Barthélemy a sa fiscalité, l'État a conservé ses compétences en droit financier, droit bancaire, droit du travail... Les banques à Saint-Barthélemy sont donc celles de la place de Paris. Enfin, pour la circulation des personnes, le droit d'accès et de séjour des étrangers reste une compétence étatique, Saint-Barthélemy ne délivrant que les autorisations de travail et souhaitant à ce titre continuer d'accueillir sans discrimination tous les citoyens européens.
Je conclurai en insistant sur le fait que la modification statutaire ne peut pas porter atteinte aux intérêts de l'Europe et qu'en devenant un PTOM, Saint-Barthélemy rejoindra toutes les îles qui l'entourent, mise à part la partie française de Saint-Martin.
Merci pour cette présentation et sa dimension historique : nous avons bien compris que la transformation de RUP en PTOM de Saint-Barthélemy ne remettrait pas en cause son appartenance à l'Union européenne, mais permettrait à la collectivité de sécuriser le droit de quai et d'assurer la francisation des navires.
Existe-t-il des représentants de l'Union européenne à Saint-Barthélemy ou alentour ?
Non. Dans le prolongement du travail des députés Hervé Gaymard et Annick Girardin, auteurs d'un rapport sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et les PTOM, j'ai eu l'occasion de rencontrer à Bruxelles des représentants des îles voisines (Saint-Eustache, Montserrat...). Pour 2013, se dégage la perspective d'une meilleure distinction entre PTOM et pays ACP et d'un rapprochement entre les statuts de RUP et de PTOM, tout en conservant la différence entre l'identité législative et la spécialité législative : en vertu du principe de spécialité législative, Saint-Barthélemy pourra déroger aux normes européennes si elle décide d'adopter des règles distinctes relevant d'un champ de compétence qui lui est propre et qui relevait auparavant de l'Union Européenne au titre de son statut de RUP.
Je n'ai pas de question mais juste une remarque : Saint-Barthélemy a déjà démontré ses qualités de gestionnaire, notamment par le sérieux avec lequel elle avait préparé son passage au statut de collectivité d'outre-mer dans la Constitution. Il nous faut maintenant appuyer sa démarche européenne, le statut de PTOM devant permettre à Saint-Barthélemy de gérer au mieux ses affaires.
Plusieurs assemblées ont considéré que la proposition de directive sur les travailleurs saisonniers venant de pays tiers méritait un examen sous l'angle de la subsidiarité. D'ores et déjà, cinq assemblées ont jugé ce texte contraire au principe de subsidiarité : les deux chambres du Parlement néerlandais, le Sénat tchèque, le Conseil national autrichien (première chambre), le Sénat polonais. D'autres parlements se sont prononcés en sens opposé : les deux chambres du Parlement irlandais, le Parlement grec, le Parlement lituanien.
A - Présentation de la proposition de directive
La proposition de directive E 5515 vise à préciser les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, résidant en dehors de l'Union, et qui demandent à venir occuper un emploi saisonnier. Elle prévoit une procédure accélérée (30 jours) pour l'examen d'une demande. Celle-ci doit être justifiée par la présentation d'un contrat de travail ou d'une offre d'emploi ferme, précisant le niveau de rémunération et le nombre d'heures de travail par semaine ou par mois. La demande doit également comporter la preuve que le travailleur saisonnier sera hébergé de façon décente.
Les États membres peuvent rejeter la demande pour le motif que l'emploi pourrait être occupé par un ressortissant de l'Union ou un ressortissant de pays tiers en séjour régulier et autorisé à travailler, ou en invoquant des raisons liées au nombre de ressortissants de pays tiers admis sur leur territoire. Ils peuvent également refuser la demande si l'employeur a été sanctionné pour travail non déclaré ou illégal. Toute décision de rejet d'une demande est notifiée par écrit au demandeur et peut faire l'objet d'un recours dans l'État membre concerné, conformément au droit national. La notification indique les motifs de la décision, les voies de recours éventuelles dont dispose l'intéressé, ainsi que le délai dans lequel il peut agir.
La durée maximale du séjour est de six mois par année civile. Dans la limite de cette durée totale, le travailleur saisonnier peut changer d'employeur. Les États membres ont la faculté de délivrer des permis pluri-saisonniers (pour trois saisons au plus) ou d'instituer des formalités simplifiées pour le renouvellement de l'autorisation.
Par ailleurs, la proposition tend à garantir aux travailleurs saisonniers le bénéfice des droits sociaux fondamentaux accordés aux travailleurs nationaux, y compris en matière de sécurité sociale (pour les prestations couvertes par le règlement communautaire de 2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale).
Enfin, la proposition tend à faciliter le dépôt de plaintes en obligeant les États membres à permettre que des tiers ayant un intérêt légitime puissent engager une procédure au nom ou en soutien d'un travailleur saisonnier.
B - Les critiques de certaines assemblées
1) Le Sénat tchèque considère que ce texte est contraire au principe de subsidiarité.
Il estime en effet que « les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi saisonnier peuvent être réglées de façon suffisante au niveau national, la réglementation au niveau de l'UE n'est dès lors pas nécessaire et n'apporte pas, en termes de champ d'application et d'impact, une valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle ».
Il considère que les structures du marché du travail varient d'un État à l'autre, et que les besoins ne peuvent pas être définis de la même manière selon les secteurs économiques (agriculture, tourisme, bâtiment ...) ce qui rend « problématique » la pertinence d'une directive unique.
Il souligne également que l'impact financier du texte pour les États membres n'est pas précisé, alors que celui-ci entraînerait manifestement des coûts administratifs supplémentaires.
Le Sénat tchèque ajoute deux réserves portant sur le fond. Il estime tout d'abord que la proposition ne contient pas de mesures efficaces pour « empêcher les ressortissants des pays tiers de demander, une fois la validité du permis de travailleur saisonnier expiré, le permis dans un autre État membre pour s'assurer de la sorte, sur le territoire de l'Union européenne, un séjour plus long que celui fixé dans la directive à un maximum de six mois ans par an ».
Il estime ensuite que la proposition pourrait paradoxalement se traduire « dans le domaine de la sécurité sociale, par un degré de protection plus élevé offert aux travailleurs saisonniers venant de pays tiers par rapport aux ressortissants des nouveaux États membres qui se voient appliquer des périodes de transition ».
2) Le Conseil national autrichien (première Chambre) estime également le texte contraire au principe de subsidiarité.
Il considère que la Commission européenne n'établit pas que l'objectif visé (éviter l'exploitation des travailleurs saisonniers, le travail illégal et le dumping social) ne peut être atteint par les États membres et nécessite une intervention de l'Union. À cet effet, il souligne notamment :
que, d'après l'article 79 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les États membres ont la responsabilité de déterminer le volume de l'admission des travailleurs ressortissants de pays tiers ;
que les États membres sont parfaitement en mesure d'accorder aux travailleurs saisonniers de pays tiers les mêmes droits qu'à leurs ressortissants ;
que la proposition de directive n'apporte en réalité à ces travailleurs que des garanties minimales et ne protège donc pas du dumping social.
Par ailleurs, le Conseil national autrichien se déclare opposé à la notion de « migration circulaire » (allers-retours entre le pays d'origine et le pays d'accueil) que le texte entend promouvoir.
Comme le Sénat tchèque, il relève enfin que la proposition n'est pas accompagnée d'une analyse d'impact sur les États membres, alors qu'elle va entraîner des coûts administratifs supplémentaires qui n'ont pas été évalués.
3) Le Sénat polonais a une argumentation proche de celle du Sénat tchèque. Il y ajoute que le texte, en alourdissant les formalités, risque en pratique de développer le travail clandestin, notamment pour les emplois saisonniers de courte durée.
4) Les deux assemblées néerlandaises ont jugé le texte contraire au principe de subsidiarité, mais n'ont pas encore diffusé leur argumentation.
C - Les arguments de la Commission européenne
La Commission justifie sa proposition par les arguments suivants :
« La plupart des États membres ont régulièrement besoin de travailleurs saisonniers. De plus, même si les travailleurs ressortissants de pays tiers pénètrent sur le territoire d'un État membre spécifique dans l'Union européenne, les décisions d'un État membre sur les droits des ressortissants de pays tiers sont susceptibles d'avoir des répercussions sur d'autres États membres et d'entraîner éventuellement des distorsions des flux migratoires.
« L'absence de frontières intérieures dans l'espace Schengen exige une discipline commune (règles communes minimales) pour réduire le risque de dépassement de la durée autorisée et le risque d'entrée illégale qui pourraient être causés par/résulter de règles laxistes et hétérogènes en matière d'admission des travailleurs saisonniers.
« Il convient de mettre un terme à l'exploitation et aux conditions de travail non conformes aux normes des travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers, en octroyant certains droits socio-économiques dans le cadre d'un instrument contraignant et donc exécutoire, adopté au niveau de l'UE. Ceci va dans le sens de la demande du Conseil européen de Tampere de 1999 d'octroyer aux ressortissants de pays tiers un traitement équitable et un statut juridique sûr.
« En ce qui concerne les aspects externes de la politique d'immigration, un instrument de l'UE relatif aux travailleurs saisonniers est essentiel à une coopération efficace avec les pays tiers et à l'approfondissement ultérieur de l'approche globale, pour les deux raisons suivantes : d'une part, un tel instrument permettrait à l'UE de supprimer les obstacles à l'immigration légale des travailleurs peu ou non qualifiés, d'autre part, il peut motiver davantage les pays tiers à lutter contre l'immigration illégale.
« En outre, conformément à l'article 79, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la proposition n'affecte pas le droit des États membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur leur territoire. Il revient donc à chaque État membre de déterminer s'il a ou non un besoin économique d'admettre des travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers ».
Enfin, la Commission souligne que « l'instrument choisi est une directive qui laisse aux États membres une grande souplesse dans sa mise en application. »
D - Éléments d'appréciation
Il faut reconnaître que la proposition de directive n'est pas suffisamment motivée au regard du principe de subsidiarité. En particulier, la Commission n'établit pas de manière indiscutable la nécessité d'une intervention européenne, en montrant par des exemples concrets l'existence d'un dumping social par le recours à des travailleurs saisonniers de pays tiers. L'absence d'analyse d'impact sur les États membres, contrairement à ce que prévoit le traité de Lisbonne, est également critiquée à juste titre par nos homologues autrichiens et tchèques.
Néanmoins, il semble bien que le recours à des travailleurs saisonniers de pays tiers - au-delà des abus régulièrement observés pour les conditions d'hébergement - soit utilisé dans certains cas (notamment l'agriculture) pour améliorer la compétitivité-prix, en particulier dans les pays où n'existe pas de salaire minimum.
Or, on voit mal comment remédier à ces distorsions de concurrence sans une intervention de l'Union. On peut donc estimer que le texte n'est pas contraire, dans son objet, au principe de subsidiarité.
Le problème est que, en réalité, la proposition de directive apporte peu de garanties face au risque de dumping social. Elle prévoit certes que les travailleurs saisonniers venant de pays tiers ont droit aux conditions de travail, y compris en matière de salaire, applicables au travail saisonnier dans le pays d'accueil, telles qu'elles ressortent de la législation ou des conventions collectives d'application universelle. Mais lorsqu'il n'existe pas une législation ou des conventions collectives d'application universelle, les États membres ont simplement la faculté d'introduire des règles en s'inspirant de conventions collectives existantes : il n'y a pas d'obligation. Par ailleurs, la directive ne fixe aucune règle générale concernant l'existence d'une rémunération minimale.
On voit que le texte ne protège guère contre le dumping social un pays comme le nôtre, où le travail saisonnier s'exerce dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, avec une rémunération au moins égale au SMIC. Ainsi, on peut juger que la plus-value apportée par le texte demeure limitée. Ces quelques remarques me conduiraient, pour ma part, à estimer :
qu'il n'y a pas d'éléments suffisants pour adopter un « avis motivé » sur la subsidiarité ;
que nous pourrions, en revanche, adresser une observation à la Commission européenne dans le cadre du dialogue direct avec celle-ci (l'« initiative Barroso ») afin notamment de regretter que la proposition de directive n'assure pas une protection plus étendue contre le risque de dumping social.
A la suite de cette communication, la commission a adopté l'observation suivante :
Observation
estime que la proposition de directive n'est pas suffisamment motivée au regard du principe de subsidiarité, notamment parce que l'exposé des motifs ne montre pas clairement les inconvénients résultant de l'absence d'une législation européenne,
souligne que la proposition de directive n'apporte pas de protection suffisante contre le risque d'exploitation des travailleurs saisonniers de pays tiers et contre le dumping social qui peut en résulter, alors que cette protection est présentée comme une des justifications de cette proposition,