Nous sommes particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui au Sénat Mme Rossana Boldi que nous avons le plaisir de rencontrer régulièrement à la COSAC. D'excellentes relations se sont établies à cette occasion entre les délégations italienne et française : des convergences sont apparues que nous souhaitons développer.
Votre venue aujourd'hui, Madame la Présidente, est dictée d'abord par notre intérêt pour les méthodes du travail du Sénat italien en matière européenne et en particulier pour l'examen au fond des textes européens. Nous sommes donc impatients de vous entendre sur l'examen de la subsidiarité, mais aussi sur la gouvernance économique européenne et sur l'avenir du suivi parlementaire de la politique européenne de défense. Sur ce dernier point, nous avons plusieurs petites divergences avec la position du Sénat italien dont il nous faut aussi parler.
Je me réjouis de cette rencontre qui fait suite à la visite à Rome de votre ancien président, Hubert Haenel, venu devant la commission que j'ai l'honneur de présider, pour parler de vos propres méthodes de travail. Cette rencontre avait été très utile, car, à la veille de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, elle nous avait permis de connaître la manière dont votre commission met en oeuvre la « phase ascendante », c'est-à-dire la phase de participation des parlements nationaux à l'élaboration du droit communautaire.
Dans cette phase, toutes les commissions du Sénat italien sont concernées : en effet, le contrôle de subsidiarité a été réparti entre les différentes commissions de notre Chambre et n'est pas la prérogative exclusive de la commission que je préside. Ce changement, qui est intervenu lors de la législature précédente et qui s'est développé au cours de l'actuelle législature, est à mettre en relation avec l'évolution de l'Italie vers le fédéralisme qui va conduire le Sénat à faire le lien entre l'Europe et les diverses entités régionales de l'Italie. C'est ainsi que nous pourrons remplir notre mission qui consiste à rapprocher l'Europe des citoyens et à transformer la législation abstraite et technocratique de l'Union européenne en sorte qu'elle s'adapte à la vie de tous les jours.
Si j'en viens maintenant à notre organisation interne proprement dite, j'estime que la création d'une sous-commission pour avis dans le cadre de la « phase ascendante », sous-commission présidée par un sénateur de l'opposition, a été un choix judicieux puisqu'elle nous a permis d'examiner pratiquement tous les actes communautaires que nous a envoyés la Commission européenne aux termes du protocole n°2. En effet, grâce à une répartition judicieuse des projets législatifs entre la commission plénière et la sous-commission, nous avons gagné en efficacité et en exhaustivité. En outre, nous allons au-delà du simple examen de la subsidiarité et de la proportionnalité et notre contrôle s'est étendu au fond de chaque proposition communautaire, vérifiant chaque fois la base juridique de la mesure elle-même.
Je voudrais attirer votre attention sur deux éléments essentiels de notre procédure :
- d'une part, nous avons choisi d'examiner toutes les propositions législatives de l'Union, même si elles n'ont qu'un intérêt technique ou très sectoriel et même si elles ne présentent pas de difficulté au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité ;
- d'autre part, nous avons décidé de ne pas limiter notre contrôle à la subsidiarité et à la proportionnalité, mais d'examiner également le fond des propositions ; nous rejoignons ainsi la Commission européenne qui estime que la subsidiarité et la proportionnalité sont indissolublement liées au fond. Nous étudions donc en même temps la subsidiarité, la proportionnalité, le fond et la base juridique.
Il y a chez nous une autre particularité sur laquelle je souhaite m'arrêter quelques instants : je veux parler du rôle de substitution qui est expressément confié à notre commission par le règlement du Sénat et qui lui permet de s'exprimer en tant qu'organe sénatorial de dernier ressort dans le cas où la commission saisie au fond en première instance d'un projet d'acte législatif européen ne s'est pas prononcée ou ne veut pas le faire. 90 % des textes communautaires sont adressés au fond à une autre commission que la mienne. Si cette commission ne s'est pas prononcée au bout de huit semaines, c'est l'avis que notre commission - toujours saisie pour avis - a rendu dans le délai de quatre semaines, qui devient la position définitive du Sénat italien après que nous avons procédé à une deuxième délibération. Cet avis est alors envoyé également au gouvernement. L'expérience a prouvé que, la plupart du temps, c'est la position de notre commission qui devient la position du Sénat : il y a donc un vrai retournement en notre faveur, car c'est notre commission saisie pour avis qui tranche sur le fond.
A mes yeux, le dialogue bilatéral, comme nous le pratiquons aujourd'hui, est le meilleur moyen de construire véritablement l'Europe. Le Premier ministre m'ayant confié un rapport sur la coordination entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et plus particulièrement sur les conditions du dialogue interparlementaire, j'aimerais vous poser deux questions.
D'abord, comment, en Italie, situez-vous le Conseil de l'Europe ? Comment l'exécutif et le législatif se partagent-ils les relations avec le Conseil de l'Europe?
Ensuite, comment pouvons-nous bien asseoir le rôle des parlements nationaux dans l'après-Lisbonne ? Nous avons l'exemple de la COSAC où se retrouvent les vingt-sept parlements nationaux et le Parlement européen qui se considère sous-représenté parce qu'il n'est qu'un parmi vingt-huit ! Inversement, les parlementaires nationaux sont invités parfois aux réunions des commissions du Parlement européen et ils ont le sentiment d'être des observateurs plutôt que des participants. Pourtant on remarque que les parlements nationaux ont de grandes prérogatives dans le domaine de la défense, de la coordination budgétaire et du budget européen. Alors ne faudrait-il pas trouver le moyen de faire travailler ensemble les parlements nationaux, tandis que le Parlement européen travaillerait de son côté ? Puis, après cela, de provoquer des rencontres entre parlementaires nationaux et parlementaires européens, naturellement sans créer de structures nouvelles ?
Au parlement italien, tout ce qui ne concerne pas les affaires intérieures va aux affaires étrangères et ma commission n'a pas à connaître des relations avec le Conseil de l'Europe. Les affaires européennes sont encore regardées comme étrangères, mais cette mentalité devra changer.
Le rôle du Parlement européen - seul organe élu au sein des institutions de l'Union - va naturellement évoluer avec le traité de Lisbonne et il va falloir trouver une nouvelle méthode de travail entre le Parlement européen et les parlements nationaux ; jusqu'à présent, le parlement italien a toujours été d'accord avec le Parlement européen sans beaucoup d'esprit critique, mais cela pourrait changer et nous pourrions regarder la répartition des pouvoirs avec plus d'attention.
Quant à la politique de défense, je pense que, sur cette question, le Parlement européen a pris trop de poids. Mais le traité de Lisbonne n'est en application que depuis un an et nous allons trouver des accommodements pour travailler ensemble.
Quels sont les rapports entre les citoyens italiens et l'Europe ? Quel est leur point de vue ? Quelles actions sont menées pour rapprocher les citoyens et l'Europe ?
Aujourd'hui les citoyens italiens sont toujours pro-européens, mais désormais ils deviennent méfiants et ils considèrent que les règles européennes compliquent leur vie.
Cependant le gouvernement et le parlement italiens sont largement responsables de cette situation, car souvent les politiques disent que leur action est dictée par l'Europe qui les contraint à appliquer une politique que, au fond d'eux-mêmes, ils prétendent désapprouver. Il nous appartient, à nous parlementaires nationaux, de mieux parler de l'Europe sans dire pour autant que tout ce qui vient de l'Europe est bon. Lors de nos campagnes électorales, nous ne parlons que des questions de politique intérieure et même au Parlement européen, il nous arrive de transporter nos querelles domestiques. Sur ce point, nous devrions modifier notre attitude.
Quant au Conseil de l'Europe, il n'appartient pas à la liste des sujets de débat prioritaire au parlement italien : nous le voyons essentiellement comme une institution qui s'occupe des droits de l'homme, mais qui n'apporte pas de réponses vraiment convaincantes.
En Italie, vous avez des députés européens très actifs et très engagés que j'ai vu travailler et auxquels je rends hommage. Au contraire, nous n'avons pas le sentiment que nos parlementaires européens sont aussi proches de nous, parlementaires nationaux. Et nous constatons que, parfois, le Parlement européen est tenté par des positions hégémoniques. Il faut donc saisir l'occasion de rappeler que les parlements nationaux existent.
A propos de la défense européenne, le traité de Lisbonne prévoit un droit de regard pour les parlements nationaux, mais le Parlement européen s'appuie sur la prochaine disparition de l'assemblée de l'UEO pour prendre la main et pour s'affirmer à ce sujet. Comment imaginez-vous le partage des pouvoirs entre parlements nationaux et Parlement européen en ce domaine ?
Je rappelle que, au sein des réunions interparlementaires chargées de suivre la politique européenne de défense, nous estimons que les représentants du Parlement européen devraient être en nombre mesuré, à l'instar de ce qui existe au sein de la COSAC (où ils sont représentés comme un parlement national), alors que le Sénat italien semble être favorable à une participation de l'ensemble de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen avec le risque qu'une telle composition mette les représentants des parlements nationaux en situation de minorité. Nous estimons aussi que les réunions de suivi de la politique de défense doivent être présidées par un parlementaire national (le président de la commission des Affaires étrangères et de la défense du pays exerçant la présidence) alors que le Sénat italien suggère une coprésidence avec le Président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.
Voilà un point qui me met dans l'embarras : les deux chambres du parlement italien ont adopté ces positions et j'appartiens pour ces questions à la minorité qui s'y est opposée ! Je vous renvoie à mon intervention où je désapprouve à la fois la répartition entre parlementaires nationaux et européens qui est proposée et la coprésidence. Je préfère le modèle de la COSAC.
Quant à nos partis politiques, la gauche est a priori toujours favorable au Parlement européen, la droite gouvernementale l'est beaucoup moins, et la Ligue du Nord, sans être anti-européenne, demande que le parlement national soit correctement représenté dans ce type d'instances.
J'aimerais vous entendre développer votre point de vue sur les prisons car vous aviez abordé ce sujet lors d'une COSAC. La France ayant été condamnée à ce propos, il y aurait peut-être matière, pour faire avancer les choses, à développer ensemble une coopération européenne dans ce domaine.
J'aimerais recueillir aussi votre sentiment sur le futur cadre financier 2014-2020 et sur la politique de cohésion territoriale.
Nos prisons sont également surpeuplées et Bruxelles nous l'a fait remarquer aussi. Alors j'ai suggéré qu'un fonds puisse être créé pour aider les pays en difficulté dans ce domaine. Je n'ai pas été suivie et la question ne semble plus à l'ordre du jour, malgré l'appui du gouvernement italien.
Quant aux fonds structurels, il faut naturellement les maintenir. Pour l'Italie, le problème n'est pas de quantité mais de qualité : si l'idée de la nouvelle politique des fonds structurels est d'accorder les fonds indépendamment de la richesse du pays récipiendaire, alors il faudra présenter des projets de qualité.
Tout d'abord je souhaite vous remercier d'avoir eu la gentillesse de vous adresser à nous en français. Ma question portera sur la politique culturelle européenne afin de recueillir l'avis que vous avez sur ce domaine de l'action européenne.
Je dois vous avouer que ma commission n'a pas eu à connaître des questions culturelles jusqu'à présent. C'est un sujet essentiel, mais il n'a pas encore fait l'objet de développements importants.
J'ai bien compris que vous partagez l'idée qu'il faut renforcer le rôle des parlements nationaux et ce n'est pas du tout ma position. Je crois que les parlements nationaux, à l'image de Pénélope, défont chez eux, ce qu'ils ont laissé faire à Bruxelles afin de ne pas être accusés d'avoir mal défendu les intérêts nationaux. Ne pensez-vous pas que nous sommes hypocrites ?
Ne pensez-vous pas que cette attitude nuit à une vision démocratique et transparente de la construction européenne ? N'est-il pas plus sage de s'en remettre au Parlement européen - dont nous n'arrêtons pas de renforcer les pouvoirs chaque fois que nous signons un nouveau traité -, et de ne réserver aux parlements nationaux que le contrôle de la subsidiarité ?
Je pense qu'on ne peut pas laisser aux parlements nationaux le seul contrôle de la subsidiarité, mais on peut mettre en place un système qui permette de faire travailler ensemble le Parlement européen et les parlements nationaux. Sans les parlements nationaux, comment pourrions-nous mesurer l'impact d'une décision européenne sur le pays ? Or c'est bien aux parlements nationaux qu'incombe la tâche de transposer la législation européenne.
Quant aux parlementaires européens, il convient qu'ils se souviennent des intérêts du pays qu'ils représentent : ils sont élus pour cela !
Avec la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, nous avons d'ailleurs instauré la pratique très utile de réunions entre parlementaires français nationaux et parlementaires français européens.
A Bruxelles, nous avons des réunions qui réunissent des parlementaires nationaux et des parlementaires européens et des représentants de la Commission : c'est une façon de travailler ensemble très satisfaisante qui pourrait se généraliser.
Les parlements nationaux prennent conscience progressivement de la nécessité de s'impliquer davantage au niveau européen tandis que le Parlement européen entend bien naturellement utiliser tous les pouvoirs qu'on lui a attribués et qui ont été renforcés par le traité de Lisbonne. Comme on dit à Bruxelles, nous trouverons un équilibre.
Vous avez parlé de la réforme constitutionnelle de l'Italie qui s'oriente vers le fédéralisme et je souhaitais savoir ce que vous attendez de cette réforme. J'aimerais aussi vous interroger sur votre position concernant la réforme de la politique agricole commune.
Nous avons une réforme très importante qui doit conduire au fédéralisme fiscal dans l'espoir de mieux responsabiliser les régions et les communes. Ainsi nous allons transférer les biens domaniaux de l'État aux régions. Nous souhaitons aussi harmoniser le coût de la santé qui varie beaucoup d'une région à l'autre. Nous avons déjà des régions à statut spécial et c'est un modèle que beaucoup de régions veulent adopter, car il permet de disposer d'un plus grand produit fiscal.
Sur la politique agricole commune, nous n'avons pas encore eu de débat.